26 novembre 2015

Ouinter in Paris.

Pour honorer une commande de Véronique...


L’hiver à Paris c’est une odeur de marrons grillés ailleurs que dans les seuls jardins des Tuileries,  c’est l’haleine glaciale des bouches de métro, 
c’est une lumière tranchante sur les tours de Notre Dame,
l’or du petit génie perdu dans le gris des brumes, 
ce sont des vents glaciaires dans les longs intestins de la station Châtelet, c’est la pointe finale de la Tour Eiffel, les derniers étages de Montparnasse, la flèche de la Sainte Chapelle, le couvercle de la bonbonnière du Sacré Cœur et quelques autres, tous avalés par l’épaisseur dense d’un brouillard qu'on voudrait éphémère, 
ce sont les jets de vapeurs des joggeurs emmitouflés du Jardin des Plantes, 
ce sont les piétinements gelés des fumeurs chassés des bars sur le gris des trottoirs, 
ce sont les nuages de vapeurs chaudes exhalées des bouches d’égouts, 
ce sont les silhouettes écharpées qui s’engouffrent poussées par le gel dans les halls illuminés des théâtres surchauffés, 
ce sont des embouteillages bouillonnants,
ce sont les gens qui courent les bras chargés de paquets cadeaux, 
c’est cette musique sirupeuse insupportable à l’accent corse toujours et encore diffusée sur les trottoirs des Grandes Galeries, 
ce sont les crissements des pas d’après première neige dans les jardins du Palais Royal et l’hébétude des pigeons, 
c’est le silence régnant dans les parcs d’ordinaires bruissant, 
ce sont ces misères allongées sur les grilles chauffées du métro souterrain, 
c’est un petit chien joyeux qui cavalcade dans le froid des massifs des feuilles mortes, 
c’est une absence de ciel, 
ce sont ces étalages de fruits de mer devant les brasseries au coin des grandes avenues et les nez rougis de leurs écaillers, 
ce sont des trottoirs qui brillent, ce sont les gifles de vent reçues aux premières marches des sorties de métro, ce sont des rues entières déguisées, 
ce sont les lumières et les regards émerveillés des enfants devant les vitrines des grands magasins, 
c’est un immense sapin de Noël enguirlandé au cœur du Bon Marché, c’est une joie intense à venir, 
ce sont des cris joyeux d’enfants excités, 
ce sont des faux pères Noël aux barbes blanches approximatives qui pullulent aux coins des rues, c’est une fête qui se prépare, s’organise et se pointe, ce sont des sourires impatients qui embrasent la ville… 

Cette fois.


23 novembre 2015

De l'hiver.

Ecrit à deux mains avec avec Lou Collines.

Lui, c'est:
L'odeur des châtaignes grillées au coin d'une rue balayée par un vent glacial.
Le crissement des pieds dans les feuilles des bords de la Sorgue, au tout petit matin. Et les millions de gouttes, étincelantes, dans la haie de bambous.
Les grandes ballades, l'après midi, juste pour le plaisir de rentrer à l'abri du mistral, pour les mains sur le bol de chocolat bouillant, regarder le jour finir par la fenêtre... Et les pulls en cachemire trop grands.
La première allumette craquée sous le feu préparé... La première chaleur, les premières odeurs des racines très sèches de cade qui flambent.
Les longues soirées, le temps voulu pour la parole échangée, le piano ouvert sur l'odeur de mandarine, la pile de livres attendus, pendant que la pluie coule sur les vitres.
Les deux chanteclerc au four gorgées de sirop d'érable qu'on va voir de temps en temps, comme on prend des nouvelles d’un ami et qui commencent à diffuser, leur parfum suave, dans toute la maison, le bourguignon qui balbutie dans la cocotte en fonte rouge, qui nous vient d’avant. La bouteille de rouge qui prend la température sur le rebord de la cheminée...
                  Et le froid vif aux joues, les vitrines illuminées de couleurs vives dans la nuit, le grand soleil d'hiver qui recouvre tout de ses rayons rasants dans cette lumière dorée, le retour du rouge gorge sur la grille, le temps pour écrire...
         Les jambes recroquevillés sous les fesses, sur le canapé mais sous le plaid en mohair marron celui-là même qu'on a failli jeter cet été, la vapeur qui sort de la salle de bains où la baignoire se remplit d'eau brûlante, le ronronnement du chat sur les plumes du profond coussin rouge et l'odeur entêtante de la clémentine qu'on vient à peine d'ouvrir en deux qui nous saute aux narines.....
Et Yves Jamait en sourdine qui chante Dimanche, tout doucement, se dire que depuis Thouzon bientôt la blancheur des amandiers, puis je passais par hasard, plus fort, beaucoup plus fort, se dire que plus jamais, décider de faire des crêpes pour la maisonnée, les pommes attendront demain, penser qu'on a bien fait de ne pas jeter ce grand truc marron, écouter enfin le grand silence givré de la nuit.
En attendant les fleurs, levez vous, sortez de dessous les couvertures et venez voir aux fenêtres. Toi aussi, les chats, sortez des chaleurs où vous êtes plongés... Regardez dehors faites vous un chemin dans le noir... Dehors, dans le froid, il s'était mis à tomber des flocons larges comme des flaques de plumes. Le monde, demain matin serait blanc comme vierge...
Dans le blanc, aller courir, regarder la campagne qui blanchit de ses feux, qui ralentit son souffle, tendre les mains sous la neige, et manger les cristaux, courir, l'écho sourd des pas dans le tapis de blanc entremêlé aux battements plus sourds du coeur, courir. Dans le temps qui racle et le vent qui râle.

À la fin, tout orage éventré et neiges disparues, brillera la promesse, blanche et neuve, d’un monde à réensemencer… 







21 novembre 2015

Jamais seule.

Comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule... Le petit noir qui avait décidé de vivre dans cette maison, qui l'avait choisie et était venu s'y installer malgré l'avis d'abord réticent  du proprio, puis finalement consentant à cette cohabitation forcée, pour enfin s'en trouver ravi... Le petit noir chasseur, têtu, espiègle et voleur s'en est allé en poussière de cendres à cause d'une saleté de détresse respiratoire sans doute provoquée par une infection chopée on ne sait où...

Et c'est bien attristant. 
En ce moment, on ne pensait pas qu'il était possible de l'être davantage, attristé.
Hé bien on avait tort.





Sa dernière image...


20 novembre 2015

Par les villages. Peter Handke.




Joue le jeu. Menace le travail encore plus. Ne sois pas le personnage principal. Cherche la confrontation. Mais n’aie pas d’intention. Évite les arrière-pensées. Ne tais rien. Sois doux et fort. Sois malin, interviens et méprise la victoire. N’observe pas, n’examine pas, mais reste prêt pour les signes, vigilant. Sois ébranlable. Montre tes yeux, entraîne les autres dans ce qui est profond, prends soin de l’espace et considère chacun dans son image. Ne décide qu’enthousiasmé. Échoue avec tranquillité. Surtout aie du temps et fait des détours. Laisse-toi distraire. Mets toi pour ainsi dire en congé. Ne néglige la voix d’aucun arbre, d’aucune eau. Entre où tu as envie et accorde-toi le soleil. Oublie ta famille, donne des forces aux inconnus, penche-toi sur les détails, pars où il n’y a personne, fous-toi du drame du destin, dédaigne le malheur, apaise le conflit de ton rire. Mets-toi dans tes couleurs, sois dans ton droit, et que le bruit des feuilles deviennent doux. 
Passe par les villages, je te suis.





16 novembre 2015

Ils.

Ce jour là, ils se sont réveillés, ils se sont habillés puis ils sont montés dans des voitures, ils ont sans doute traversé la ville ou bien le pays, ils sont venus à pas feutrés, en silence, en cati-mini. Le soir venu, ils se sont rendus dans des quartiers plein de vie, de jeunesses joyeuses, d’insouciance légère. Alors, ils sont sortis de leurs voitures et puis ils ont armé leur engins de mort et le sang gelé, ils ont tiré des balles dans le dos de nos enfants désarmés qui écoutaient de la musique, mangeaient en terrasse, riaient, échangeaient, buvaient un verre avec leurs amis… Ils ont tiré sur nos enfants. Ils les ont transpercés de balles, déchiquetés, coupés, troués, achevés, les uns après les autres, en prenant leur temps, en y revenant, en recommençant, en rechargeant leurs armes, en ne s’occupant nullement de savoir sur qui ils tiraient. Ils ne blessaient et tuaient ni des juifs, ni des musulmans, ni des catholiques, ni des gens de droite, ni des gens de gauche, ils blessaient et tuaient des enfants, nos enfants, qui vivaient, un vendredi soir dans Paris…
Ils l’ont fait froidement, implacablement, longtemps très longtemps.
Puis, leur folie furieuse exprimée, leurs crimes, leurs carnages, leurs entreprises de destruction terrifiantes accomplis, à bouts de munitions, à bouts de leurs arguments, à bouts de puissance, ils se sont fait exploser.
Et vous savez quoi ? Ils étaient eux aussi des enfants. Perdus, terrifiants, épouvantablement effroyables, assassins, meurtriers, tueurs, mais des enfants. Du même âge que ceux qu'ils ont  tués.
Et nous voilà maintenant, les autres, les épargnés, les encore vivants avec notre infinie tristesse, avec nos larmes pour un oui, pour un nom, avec notre rage, avec nos questions, avec nos peurs… C’est qu’il nous reste des enfants…
Quel autre assassin va venir nous tirer dessus ? Où ? Quand ? Dans quel quartier ? Dans quelle ville ?
Ce terrifiant sentiment d’impuissance parce que  nous n’avons pas su les protéger nos enfants, ni  d’eux même ceux là qui ont tué.
Et nous sentons bien que ce n’est ni la force, ni la violence, ni une surenchère à la haine qui pourra régler ça définitivement…

Parce que c’est bien ce que nous désirons le plus au monde: La paix. Que de la folie dure on revienne à la raison douce.
Définitivement.





14 novembre 2015

ANKARA. BEYROUTH. PARIS...









... Douce France,
Oui je t'aime,
Et je te donne ce poème
Oui je t'aime,
Dans la joie ou la douleur,
Dans la joie ou la douleur...

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