30 juin 2010

Six mois si moisis...

Deux fois trois… que j’attends ce jour. J'en dansautillerai bien quelques pas allègres.  Quick quick slow... Un peu comme un droit commun attendrait celui de la libération. Il est là  devant moi ce jour espéré, et, bien entendu, je ne ressens pas ce soulagement auquel je pensais avoir droit. Il est là,  cet attendu, nous y sommes, c’est le bon jour et puis quoi? Aucune affection. Ou presque. Quick quick slow...
Alors quoi? Tout ça pour rien? Toute cette longue longue et lancinante attente pour un si piètre et misérable contentement? C’est assez mal payé je trouve. Je pouvais espérer davantage, je pouvais légitimement penser que mon endurante patience serait gratifiée à la mesure de ce qu’elle a supporté. Queue dalle. Balle peau la balayette. Nada. Juste le constat  froid, simple, plat, neutre que c’est aujourd’hui le jour si tant souhaité. La barque à touché la rive, le vélo a atteint le trottoir d'en face. Il me faut en descendre. Et m'efforcer d'oublier le trajet. Ce ne sera pas le plus difficile. Quick quick slow...
Que me restera-t-il de ces six derniers mois? Pas grand chose, le sentiment pesant de leur durée, très peu de sourires, très peu d’instants, pas ou presque pas de visage.
En somme une longue traversée de brumes. De quoi relever le col et baisser les yeux pour ne pas, en plus, trébucher.
Et voilà, six mois d’une vie évaporés. Ainsi soient-ils…
Comme le gueulait Maurice Pialat au public de Cannes: "Vous ne m’avez pas aimé? Hé bien, je ne vous ai pas aimé non plus".
Du tout. Quick quick slow... Ce que vous ne pouviez pas savoir c'est que pour la vie en milieu hostile, j'ai un entraînement de GI, les ptits gars! On ne me la fait plus! Je suis capable de tout bien endurer! Et longtemps. Une peau de croco, un cœur d'acier!
Finalement, le plus douloureux est peut-être là. En six mois, deux fois trois, ne rien, ou presque, avoir eu, de vous  ou à aimer sous la dent.
Slow slow quick…


Carry mer 1

Depuis tout ce temps, Hervé Guesquières et Stéphane Taponier, eux, attendent juste d’être libérés. Quick quick…

24 juin 2010

Dites donc…

Mrs Hees et Val vous ne voudriez pas que je me mette à écouter RTL ou Europe 1 par hasard? Et pourquoi pas Sky Rock tant que vous y êtes?
Seriez vous dingos devenus?
Je vous le dis tout net ce sera non! Ne comptez pas sur moi!
Si on m’avait dit un jour: “Tu verras, un jour, Jean Luc Hees, le Jean Luc Hees de la radio, virera quelqu’un d’une radio qu'il dirigera, tu verras”… et, crois moi, Val, le Val de Font et Val, pour le faire taire, exclura, virera, videra, licenciera, un type dont le boulot est de caricaturer"… J'aurais souri, incrédule, amusé, mais je n’y aurais jamais cru.
Hé bien, voilà, nous y sommes. Depuis 2007,  TOUT est décidément possible dans ce pays… Même l’impensable.
Val et Hees se pensaient directeurs, les voilà fans de ménage...
Pour ça et quelques autres projets qui vont tomber sur les têtes de nos enfants et surtout de nos filles, serait-il temps d’aller crier dans la rue qu’il marche pas mal sur la trompe, ce pays?
Elephant trompe 3

19 juin 2010

J’aime et puis moins…

J’aime assez quand tu t’en viens et que je t’ai là
Pourtant je sais qu’un peu plus tard tu s'en iras.
J’aime quand tu arrives des sourires dans la valise
Mais moins quand tu repars avec eux, ma Lise.
J’aime quand tu ouvres la porte de ta seule voix
Mais  pas quand tu laisses le silence, là, sur le pas.
J’aime quand tu débarques avec ton joli ptit cœur,
Mais j’aime pas trop me remettre à regarder l'heure.
J’aime assez quand tu t’approches les bras ouverts
J’aime un peu moins quand tu me laisses à découvert.
J’aime beaucoup quand du fond de loin je t’aperçois
J’aime moins quand je ne vois plus que des tuiles de toi.
J’aime quand je viens face au devant de ta rencontre
Pas de savoir que je ne vais plus m’appuyer contre.
J’aime vraiment quand tu t’amènes en dansautant
Un peu moins quand tu t'effaces en t'en allant.
J’aime vraiment beaucoup tes arrivées triomphantes
Et alors pas du tout tes levées de camp enseulantes.
J’aime bien ton premier serrage, celui d’avant-hier,
J’aime moins ta main, là, qui s’agite dans la portière…
Mais dans le fond, je sais aussi que quand tu s’en vas,
Si ça ne fait pas rire, il n'y a qu’ainsi qu'on se rembrassera.

Aphylante de Montpellier 1

17 juin 2010

Un appétit passager.

C'est par une tiède après midi d'été, au détour d'une sieste propre, vaguement troublée par le chant courroucé de cigales excitées, alors que rien ne le laissait prévoir, alors qu'aucun signe avant-coureur ne s'était manifesté, qu'on tombe nez à nez, sur le guano de sa vie comme on débusque  un troupeau de moutons poussiéreux  parqué sous les franges d'un tapis épuisé. On pensait bien ne jamais, ou le moins souvent possible, devoir remettre l'œil dessus. Mais il faut se rendre à l'évidence, la garde baissée, les poings bas, vouloir oublier c'est encore se souvenir. Alors, le corps amidonné, l'esprit brumeux, les réflexes amollis, on est là, pantois, face à ce tas exhumé, confronté à ce qui dérange, à ce qui empêche, à ses compromissions, à ses mensonges et, aux pires, à ceux que l'on se fait à soi-même en se disant qu'on est sacrément fortiche pour ceux là. Dans la légèreté de cette après-midi, on s'entend dire, un grand sourire tordu:
___Bien sûr que je suis heureux, pourquoi cette question? Et puis, être heureux... être heureux, comment est-ce? Peux-tu répondre à ça, toi? Dis, l'es-tu, toi?
Ou bien, des cernes creusés:
___Mais non, tout va bien, je t'assure, enfin moi, ça va, un escadron d'anges bienveillants me tourne autour, ces temps-ci...  C'est peut-être toi qui n'irait pas très bien, non? Tu n'as rien à me dire? Et encore, le cœur en sang:
___Mais non, tu ne m'as pas blessé, même pas mal, qu'est-ce-que tu crois? Excuse-moi, mais il m'en faudrait sans doute davantage! Tu me parles, là?
On va se passer de l'eau sur le visage on se croise dans la glace de la salle de bains et l'on VOIT qu'on a vieilli, on voit que le corps est un peu plus froissé, on sait  qu'il a besoin de davantage de précautions, de repos, on devine qu'il n'est pas inutile de prendre une taille de pantalon en plus, on s'aperçoit qu'on doit surveiller ces vilains poils qui se mettent à pousser sur les oreilles, on se déclare qu'il faut absolument réduire un peu sur certains plats, qu'on ne peut plus reprendre trois fois des pâtes, on se promet qu'on commencera  à respecter les deux seuls verres de rouge, et de lever le pied sur les cacahuètes salées, on se jure qu'on va enfiler un survêtement moche...
On entend les mots, un jour prononcés, on réécoute la sincérité absolue avec laquelle on les a servis:" Je t'aime et je t'aimerai toujours... Tu es la femme de ma vie, c'est auprès de toi que je veux vieillir... Sans toi, ma vie n'a pas de sens..."
Et tous ceux qu’on a entendu…
Soudain, on a envie de prendre son téléphone et de composer un numéro, juste pour parler, pour entendre, pour s'en dire un peu, comme ça, dans la légèreté douce de cette après-midi tranquille... mais dans le carnet de l'adresse, si on n'a pas effacé  le numéro, on pense juste après, avec raison, qu'il n'y aura personne en bout de ligne. On renonce. On se défile avec aplomb:
___ Ça tombe bien, je n'avais pas grand chose à lui dire.
Alors, on regarde la réalité, on l'affronte, la nuque douloureuse, le cœur battu, des gouttes de sueur perlant du front vaguement plissé par les soucis, les doutes, et les questions. On pense à une plage à marée basse. On se ment, encore une petite dernière fois en se disant:
___ Je verrais volontiers la mer, moi, ça me ferait du bien de changer un peu d'air...
Et puis, on se persuade qu'on arrive à vivre sans, pire qu'à vivre, à exister, sans tous ces manques et qu'il y a, qu'il y aura, contre eux, malgré eux, des matins merveilleux, des aubes étincelantes, des après-midi futiles et des soirées désireuses. On se dit aussi, au fur et à mesure du réveil, qu'on arrive encore, quand même à  sourire, à vouloir, à s'émerveiller, à plonger dans l'eau froide du partage, à s'émouvoir, à s'enthousiasmer, à regarder, à se retourner dans la rue sur l'élégance d'une silhouette, à entendre, à ressentir, à toucher et l'être, à s'emporter, à s'attendrir, à oser, à échanger quelques balles de tennis, à s'extasier,  à s'esclaffer, à tendre une main, en serrer une, à espérer, à se régaler, à s'activer, à embrasser une nuque, à jouer, se complicer et à rire  encore de bêtises comme des enfants... mais plus comme avant, plus comme avant. Évidemment...
Alors, on appelle un restaurant, lui au moins répondra, à lui on saura quoi dire, on réserve pour tout à l'heure, pour fêter ça. Le soir venu, on s'y empiffrera d'une choucroute provençale en vidant une jolie bouteille toute entière, il en manquera même un peu vers la fin... Puis, on ira, après les fromages, jusqu'à reprendre du  fondant au chocolat. Et, pour faire bonne mesure,  on ponctuera le repas d'un  noir double finement broyé...
Enfin, rasséréné, on renoncera, pour ce soir, à aller courir.
Avec la culpabilité, on s'arrangera... Evidemment...

Graminées Gaye

11 juin 2010

Citius Altius Niaisius.

 Lu sur le net:

Michelito: à 11 ans, l'apprenti torero a tué six fois la même soirée.
(AFP) – 27 janv. 2009
MERIDA (Mexique)(AFP)
— A 11 ans, le petit torero franco-mexicain Michelito fait mentir son idole, José Antonio Morante de la Puebla, un grand nom des arènes de Séville, qui a affirmé: "les grandes choses de la vie ont été faites lentement". Michelito vient d'obtenir un triomphe dans sa ville natale de Merida, au Mexique, en tuant six jeunes taureaux dans le même après-midi. Et il a déjà 160 corridas à son actif en cinq ans. Sa précocité lui vaut une renommée internationale, qui va se doubler aujourd'hui d'une inscription au Guinness Book des Records: jamais encore un garçon de son âge n'avait combattu six bêtes dans la même corrida.
"Mon rêve, c'était d'abord cette +encerrona+ (corrida d'un seul torero) à Merida parce que c'est chez moi. On m'avait proposé de la faire dans différentes arènes du Mexique ou à l'étranger, mais je suis très content, parce que j'ai établi un record dans le Guinness, et sur ma terre", a-t-il déclaré à l'AFP. Devant des animaux six à sept fois plus lourds que lui, des "erales" (jeunes taureaux de 1 à 2 ans, et de 200 kg maximum), il a toréé d'une main sereine, déjà avertie. "Avant d'entrer dans l'arène, je suis sur les nerfs, mais je n'ai jamais peur. Je me sens en sécurité. Et quand je torée, je ne pense à rien, je suis concentré, j'écoute seulement mon père", a-t-il expliqué.
"Michelito torée depuis l'âge de 6 ans, et n'a jamais eu d'accident sérieux, il suit les cours de l'Ecole taurine, il est entouré très soigneusement et vit sa passion, qui est aussi celle de sa famille", plaide son père. Sa grand-mère maternelle, à Merida, raconte l'avoir "testé", quand il avait 4 ans, en lui montrant des vidéos où les toreros étaient blessés par les taureaux. Un gamin courageux, mais un gamin tout de même, du haut de son 1,35 mètre, obligé de crier de sa voix d'enfant, samedi, pour attirer l'attention des taureaux quand ils tardaient à attaquer. C'est ce contraste entre sa petite silhouette et la force du taureau, qui avait poussé la Commission des droits de l'Homme à demander l'interdiction de la corrida de samedi à Merida, a expliqué à l'AFP son président régional, Jorge Alfonso Victoria Maldonado. La veille de la corrida, le Parquet local a finalement donné son feu vert, après avoir vérifié que tous les documents administratifs étaient en ordre.
Les cornes des "erales" étaient amputées de 5 centimètres de chaque côté: ils perdent ainsi le sens exact de la distance, et touchent moins facilement leur jeune cible. "Je ne suis pas hypocrite, je ne me cache pas, je sais très bien que le danger existe, mais il est mesuré. Comme dans les courses de moto-cross", a commenté Michel, son père. "Je veux recevoir l'alternative, qui donne le titre de matador de toros, à 14 ans", se donne pour objectif le petit prodige franco-argentin.

Ah oui… vous aussi ça vous fait cet effet là? Nous sommes d’accord…

Coq seul LB 4

08 juin 2010

Le mensonge.

Le thème de la semaine pour les impromptus est Le mensonge. J’ai proposé ça:
Tu ne me croiras jamais ! Je l’ai vu à la boulangerie ! Je suis prêt à te le jurer ! Mais tu  ne me croiras pas ! Il était là, dans la queue qui attendait comme toi et moi, comme pour ainsi dire Monsieur N'importe qui attendant d’être servi… C’est moi qui ait été servi ce matin ! Quel choc!
D’ailleurs qui pourrait croire une chose pareille ? Qui va penser que je ne suis pas en train de raconter un bobard grand comme moi ? Qui va pouvoir penser qu’une  telle présence  est possible ? Dans notre village ? Perdu ?
Je me suis levé comme d’habitude le mardi vers neuf heures. Oui, ce jour là, je ne travaille que l’après midi. J’ai donc un peu de temps devant moi. J’en profite pour sommeiller davantage que les autres jours, trainer un peu sous la couette, ne pas me lever de suite, faire durer. Pendant que le café se prépare, je prends une douche et je file chercher les journaux du jour et un…
Ben oui du jour, non je n’achète pas ceux du lendemain… Ne m’interromps pas s’il te plait,  sinon je vais perdre le fil...
Et un croissant ou deux. J’aime ces instants où le village s’ébroue, quand les chats  dégrisés descendent des gouttières, quand les cloches pimponnantes de l’église sonnent de tardives mâtines, quand le soleil s’en vient éclairer, de ses tout fringants rayons, les fonds perdus des sombres ruelles et les ventres noirs des arrière-cours abandonnées…
Dis donc,  ça te rend tout étrange de te lever plus tard…
J’aime ça, vraiment. Il y a encore un peu de sommeil aux regards de ceux que tu croises, ils sont encore un peu dans l'abandon et la connivence, enfin, bref, j'aime cette ambiance. Et là, figure-toi que j’arrive devant la boulangerie. J’entre. De suite, je l’ai vu. Je l'ai reconnu de dos. C'est dire si c'était lui. Il était là dans la petite queue qui attendait...
Je te le jure. Comme deux et deux font quatre. Je me suis dit : impossible. Le voir là, lui ? Imagine, c’est comme voir Zidane à une finale de basket, Estrosi à une assemblée de Nobels ou BHL à un congrès de modestes ! C’était bien lui et pas un de ces sosies bizarres. Lui, en personne. En chair et en os. Dans un de ses costumes qu’on lui connait. Rasé de près, sans cravate, très comme nous, finalement. Tu ne me crois pas ? Dis et à quoi me servirait-il mon mensonge? Quelle utilité aurait-il?  Parce qu'il faut bien que ça serve à quelque chose, non? Que ça protège, défende, masque, transforme, adoucisse, embellisse un mensonge non? Et, dans ce cas là, quoi? Tu penses que ce que je suis en train de t'embrouiller, hein c’est ça ? Je m’en doutais un peu…

Ventoux dentelles vus des vignes

Aïe coups.


Vieille peau
Jeune loup
Haïku... gare.

Crottes en boules
Terrier dans la pelouse
Haïku du lapin.

Truite ondoyante
Pêcheur serein...
Haïku du soir...

Roucoulements niais
Palombes amoureuses
Haïku courou coucou paloma...

Sombres héros
Mariachis englués
Haïku carracha.

Bulles bullées
gorges enmiellées
Haïkus pète.

Colline ennemie
Attaque surprise
Haïku rage.

Vaisselle tombée 
Rien de cassé
Haïku de bol

Rond qui pue
Croûte blanche
Haïku lommiers.

Rongeur âgé
Calvitie un poil grise...
Chauve souris.

Réchauffement du climat
Fonte de la banquise
Baleine fraîche.

Feulements dans la nuit
Bassine d’eau froide
Chat échaudé.

Maison vide
Miettes sur le carrelage
Tasse de cafard noir.

Attentat à Karachi
Parti financé
Couleuvres avalées.

Épagneul fou
Freinage brutal
Chien écrasé.

Odeur désagréable
Bourdonnement crispant
Mouche à ... rabieh?

Carottes dévastées
Voleur attrapé...
Lapin en gelée.

Rivière asséchée
Manque d'eau,
Libellule assoiffée.

Vol débutant
Arbre en obstacle...
Merle moqué.

Cocoricos à l'aube
Réveil brutal...
Coq au vin.


Elsie 2

03 juin 2010

Le dernier baiser…

Le thème de la semaine des Impromptus Littéraires était: La première fois. J’ai envoyé ça:
Tenir l'orage secret jusqu'à l'éclair. P. Léotard.
Depuis le matin, le Ciel qui les avait accompagnés était un de ceux qu'on ne voudrait jamais voir. Il était autant inoubliable qu'à oublier. Quelques rares touches de bleu, incomplètement résignées tentaient d'exister malgré tout le gris.
C'était un ciel dense de colère rentrée, un ciel de larmes à venir. Parfois, comme pour rappeler à son ordre, il virait brusquement au noir et obligeait à allumer les phares. D'autres fois, pour laisser croire, il s'ouvrait comme un portefeuille de généreux et s'illuminait d'un bleu métallique, très vite éteint par d'énormes masses tourmentées. Voilà c'était un ciel de tourments. Mais jamais, jamais durant toute la journée il ne s'est abandonné, comme s'il avait voulu attendre, comme s'il préférait rester menaçant. C'était un ciel de menaces, un ciel de volonté, vivant, maître de ses choix, de lui-même et du monde en dessous de lui. Et si l'air avait souvent vibré de grondements sourds, d'une puissance effrayante, ils n'avaient jamais eu à balayer le pare-brise. Ils avaient roulés sous son épaule depuis l'aube et, pour une fois, la bagnole avait été raisonnable. C'est à dire qu'elle avait fait ce qu'on lui demande de faire: rouler.
Un moment il avait cru entendre un bruit bizarre mais non, rien. Il avait fait quelques kilomètres en alerte mais rien ne s’était passé. Quand on est persuadé d’une chose, il vaut mieux qu’elle soit vraie...Ils avaient quitté la ville alors que le noir de la nuit baignait encore les sommets perdus des tours de banlieues. Les premières lueurs de l’Ouest étaient montées très lentement, le ciel s’allumait avec un variateur, quand ils avaient fendu les premiers champs surveillés par les rondes noires de corbeaux noctambules. Au loin, des brumes allongées montaient des lits des rivières, des villages encore endormis sortaient de terre en s’étirant, malgré le ciel étouffoir, la vie ne renonçait pas. Les deux dans la voiture ne s’étaient pratiquement rien dit depuis le tout début du jour. Quoi dire après un spectacle d’une telle splendeur. Pourtant, avant de se mettre en route, ils avaient parlé de tout se connaissant depuis trop peu de temps pour prendre des précautions et maintenant, ils savaient tout ou presque de l’autre. Ils savaient aussi qu’ils auraient tout à réapprendre.
Ils s’étaient rencontrés quelques heures auparavant dans un restaurant, assis à deux tables côtes à côtes. Elle attendait quelqu’un qui n’était pas venu, lui n’espérait plus quelqu’une qui ne viendrait pas.
C’est lui qui avait envoyé la première phrase. Elle, elle n’avait pu retenir une larme qu’un coup de fil avait fait naître.
___Je peux vous demander du feu? (En montrant une cigarette).
___Vous pouvez, mais offrez m’en une, s’il vous plait.
Quelques minutes de silence après, elle s’était assise en face de lui. Tout à leur rencontre, ils avaient mangé sans appétit des plats sans goût.
Puis ils étaient sortis juste pour n’être plus enfermés. Alors, leurs corps s’étaient mis à marcher. Bien sur, il avait proposé de la raccompagner mais elle avait dit qu’elle ne souhaitait pas rentrer, pas encore, pas de suite. Ils avaient continué en traversant la ville de part en part, de long en large en s’arrêtant parfois pour boire un verre dans des bars souvent louches, traversant le fleuve, passant et repassant sur ses ponts, se laissant éblouir aux projecteurs des bateaux mouches, s’amusant de leurs ombres immenses projetées sur les murs des quais, s’éloignant, malgré le fait de tourner en rond, de leurs histoires communes. Un moment, il lui avait tenu le coude pour traverser une avenue mais il l’avait très vite relâché pour ne pas la heurter... Ils ne s’étaient pas rendus compte que le ciel se couvrait, mais dans les villes, la nuit, le ciel n’existe pas. Dans les villes, la nuit, il n’y a que la ville qui existe. Les voitures s’étaient faites plus rares, les rumeurs avaient fait place aux bruits, les silhouettes aux personnes et le noir aux lumières. L’agitation s’était dissoute et le calme imposé. Il prenait garde à garder ses distances d’elle, excluant le moindre frôlement, la plus petite équivoque. Mais à ne pas vouloir passer pour, on finit par ne plus être.
Dans le doux cocon d’un square désert, sur une île à cheval sur le lit du fleuve il lui avait raconté sans chercher à la convaincre de son besoin de sud, de ses espérances d’harmonie, de ses désirs d’odeurs de terre après les averses, de virées en forêts avec à ses côtés la truffe énervée d’un chien, plongée dans les senteurs d’humus, de sérénité retrouvée. Il lui avait décrit le souhait d’avoir les pieds sur terre, son regard posé sur des toits de vraies tuiles, des murs de vraies pierres, de son corps traversé par le chaud, l’humide ou le froid, de saisons enfin ressenties, d’heures vécues mais pas abandonnées. Il avait évoqué les brumes lentes des matins d’Octobre, les feux flambants foutus aux feuilles des forêts d’automne, les flaques de ciel sur les sentiers détrempés, les apparitions des premières hirondelles aux printemps venants, les garrigues et les buissons de thym sauvage, les traces majestueuses et dessinées des vols des migrateurs, le grouillement brouillon des insectes d’été, le chant lancinant des cigales, les hameaux silencieux aux heures du repos...
Et, s’il s’était contenté, pour cette fois de lui dépeindre des chromos de Sud, il s’était senti capable d’en dire autant sur la montagne et peut-être encore davantage sur l’océan. Il ne lui avait offert qu’un peu de l’épinal qu’on s’invente quand on en a soupé de la ville et de ses ingrédients.
Elle avait écouté et il l’avait sentie séduite. Elle, elle ne lui avait transmis que son besoin de paix après les années qu’elle venait de vivre. Puis ils s’étaient tus, longtemps. Et au ventre du silence, elle avait dit : «  J’ai envie de voir la terre. » Il avait souri. Ils avaient roulé. Maintenant, il stoppait le moteur au plus haut d’une butte ronde comme une épaule de femme dominée par les ruines d’une Abbaye en abandon. Au loin, en bas, les coqs débauchaient. Plus haut, le jour encore plein d’orage, se levait. Sous la menace pesante, elle était sortie et s’était avancée vers la plaine en éveil. Il l’a suivie de près. Il s’est défait de son manteau et lui en a délicatement enveloppé les épaules en laissant un bref instant les mains sur elles. Elle ne s’est pas retournée, elle a seulement dit : « C’est un bel endroit pour se laisser embrasser. »
___ « J’en ai très envie... » Il a dit.
Alors, bravant la colère du ciel qui grondait, défiant les éclairs qui menaçaient, provoquant enfin la chute de toute la pluie, ils se sont donnés fiévreusement leur premier baiser. Celui là n’était pas difficile à recevoir. Ils savaient, déjà trempés par les premières gouttes que le plus difficile serait de s’arranger pour que tous ceux qui viendraient lui ressemblent.
Mais aujourd’hui, ici, ces deux là, s’il y avait une chose dont ils refusaient d’entendre parler c’était bien... d’impossible.

La chaume dorée

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