20 décembre 2022

Une mâchoire.

 J’ai une dent contre toi. Une dent? Une seule dent ? 

Une paire de mâchoires, oui.

Qu’est ce qui te prend à nous enlever les plus droits, les plus intègres, les  plus attentionnés, les amis sûrs, ceux dont on se dit celui-là c’est un bon homme, c’est un exemple à suivre. Celui-là, j’aimerais lui ressembler ? Celui-là, sa vie m’importe. 

Pourquoi nous l’enlèves tu ? Qu’est ce qui te prends à ne pas vouloir le laisser  parmi nous? Tu  nous punis de quoi ? Tu le punis de quoi ? D’être trop bon, bienveillant, attentif aux autres, à nous, à ceux qu’il aime ?

Que t’ont fait ceux que tu nous les enlèves ? Est ce que ça t’aurait arraché quelque chose si tu  les avais laissés, encore un peu, quelques années que nous puissions profiter de leurs qualités, de leur douceur, de leurs attentions, qu’ils nous grandissent encore. Pour que nous puissions rire ensemble, parler, boire des canons, nous regarder avec bienveillance, tendresse et admiration. Surtout notre regard vers vous. Nous les enlever alors qu’ils nous tiraient vers le haut, alors qu’ils nous rendaient meilleurs, par leur simple présence, leurs seule existence, sans en faire des kilotonnes, juste en étant eux mêmes avec leurs sourires lumineux, leurs mots doux et leurs âmes claires.

Tu n’as pas suffisamment de salopards à t’occuper ? Il semble quand même qu’ils soient légions, qu’il en reste un paquet. Je peux te faire une liste si tu veux et crois moi elle sera bien longue, tu auras l'embarras du choix. Mais eux, ceux que tu nous prends ?

Ceux que tu nous as pris, ceux que tu as choisis, que tu as désignés, que tu as condamnés. Eux, pourquoi eux ?

Il y a quelques années déjà tu nous avais fait ce sale coup et là, tu recommences. Qu’est ce que c’est que cet acharnement? D’où te vient-il ? Implacablement stupide. Ce besoin de faire tout ce mal, de faire naître tout ce chagrin

Du reste : Qu’est ce que c’est que ce besoin de meurtrir, de blesser, de peiner,  de plonger  ceux qui restent dans une peine si douloureuse ?

Aujourd’hui j’ai une dent contre toi. Une dent ? Une grosse paire de vilaines mâchoires, plutôt.

Mes premières pensées vont vers les plus proches de ceux que tu as enlevés. Je ne peux pas, je n'y arrive pas, je n’ose même pas imaginer leur douleur, leur si grande douleur de les avoir perdus. La première, la seule et la dernière peine  qu’ils leur auront faite de toutes leurs vies.

Il en faudra du temps pour admettre qu’on ne vous verra plus, il en faudra des années pour penser que les absents vont désormais exister sous d’autres formes que celles sous laquelle nous  les avons  connus et qui seront, entre autres, les souvenirs émus que nous aurons d’eux. Ils vont continuer de vivre en nous à travers nous. Ce que nous ferons, nous le ferons en leurs noms, pour eux en pensant à eux. Alors ils seront encore là, parmis nous.

Je leur souhaite que ce temps vienne vite et que leur immense peine soit un peu adoucie par la mémoire radieuse de qui ILS étaient. Je les embrasse pour, si possible, que leurs cœurs soient un peu moins fracassés par le chagrin et que vienne vite le temps du souvenir ému de leurs sourires si doux.

Ce matin après avoir appris la nouvelle je ne savais qu’une chose avec certitude c’est qu’on en était encore très loin…

18 novembre 2022

Pas de lancier, pas de Bengale

 C’est très peu de temps après  être descendu du TER qui venait de L’isle sur la Sorgue et qui filait vers Marseille que je me suis dit que quelque chose  ne clochait pas.

Dans ma tête, je descendais à cet arrêt pour attraper une navette vers l’aéroport de Marignane puis, de là, un avion pour Paris d’où un peu plus tard j’en prendrais un autre direction YUL, Montréal, Québec, Canada. Autant dire qu’une petite trotte se préparait mine de rien. La veille puis le  matin, j’avais vérifié une demi douzaine de fois si j’avais bien pris mon passeport, oui parce qu’une fois j’étais parti, encore pour Montréal sans lui. Pour moi, on y parlait français, c’était donc comme la France, alors la carte d’identité suffirait. Pas du tout. Il fallait absolument un passeport. Les notions de frontière, de douane, de visa m’étaient passées tout au dessus de la tête. J’avais donc reporté mon voyage après avoir perdu le prix du billet de l’avion que je n’avais pas pris. Pour tenter de me consoler je m’étais dit qu’un type ou une fille avait, lors du vol, dû  bien dormir grâce à mon absence sur le siège d'à côté. Ça ne m’avait pas vraiment consolé. Pour le voyage que je m’apprêtais à faire, ils avaient ajouté un certificat qu’ils appelaient Arriv can que si tu ne l’avais pas tu restais dans l’avion et faisait comme en télésiège le retour sans même descendre… Là encore c’était bordé, j’avais les certificats nécessaires, j’étais vacciné, j’avais tout. Il ne me restait plus qu’à atteindre l’aéroport ce que je pensais faire en sortant de cette gare.

J’ai vite déchanté. Une fois franchies les grilles du fameux Pas des lanciers je me suis dit que ça ressemblait à tout sauf à un arrêt pour navette vers un terminal aussi important que celui de Marignane. Il n’y avait qu’un malheureux bar un peu plus loin et sinon un bout de trottoir désert.

J’en étais là. 

Devant un malheureux arrêt de bus banal face à un bar à peine ouvert dans un coin perdu. Je suis allé au bar où personne ne savait : On ne prend pas l’avion, nous ! M'ont ils envoyé bouler en insistant bien sur le nous…

J’ai demandé dans la rue à deux trois personnes dont une savait. J’avais dépassé l’arrêt, il me fallait reprendre un TER mais en sens inverse pour une station seulement et là je trouverais la navette. J’en avais pour une bonne demi heure durant laquelle j’ai vu passer au dessus de ma tête frôlant les tuiles des toits dans un vacarme étourdissant les avions venant atterrir à l’aéroport où j’eus aimé me rendre. J’ai payé un billet à la caisse automatique, il n’y avait plus d’humain depuis belle lurette dans toutes ces petites gares, j’ai laissé passer quelques Airbus et je suis monté dans le TER enfin arrivé. J’ai ensuite attrapé une navette bondée pour Marignane Terminal Un qui nous a bien sûr débarqués au Terminal 2. A moi les contrôles, le passage en douane, les free shops, les plateaux repas, les films en altitude, les coudes coincés, les wc pour anorexiques, les trous d'air, les courbatures, le jet lag...

Je m’en foutais un peu j’avais de la marge en temps. J’étais même large, j’allais en avoir besoin…

Arrivé au guichet des départs on m’a gentiment expliqué sur le ton d'un médecin qui explique de mauvaises analyses, que mon premier avion, celui pour Paris, c'est de Nice qu'il décollait…





08 octobre 2022

Quel problème

Tous ceux qui étaient dans le wagon, ils n’étaient pas demeurés,  avaient compris qu’il y avait un problème. Les voisins avaient commencé à se regarder d’un air entendu qui disait on est dans la merde. Mais ce qu’ils ne savaient pas c’était le temps que ça allait durer. Ils étaient arrêtés depuis un bon quart d’heure maintenant à Lyon  alors que c’était un train sans arrêt jusqu’à Aix. Et puis une voix a fait : Mesdames Messieurs désolés pour cette arrêt qui n’était pas prévu, panne électrique qui affecte les aiguillages vers Marseille, gna gna gna, ils essaient de réparer (sans blague !) on ne sait pas quand le trafic pourra reprendre mais dès qu’on en sait davantage on revient vers vous pour le dire (vous êtes trop bon !). 

On est resté bloqué une heure trente. C'était bien ma veine! Un karma de frelon asiatique: Tout le monde lui tombe dessus.

C'était la fin d’après midi. Donc on aurait une heure trente dans le nez à Avignon… Bien entendu, j’allais manquer le dernier TER pour Fontaine où j’avais laissé ma voiture…  Il n’y avait pas non plus de service de bus et le taxi coûtait un bras et demi. Heureusement qu’avant de partir, j’avais fabriqué un petit carton sur lequel j’avais écrit: L’Isle sur la Sorgue, la gare où j’avais laissé ma voiture quelques jours auparavant. Je m’étais donné jusqu’au dernier TER pour tenter de faire du stop et puis, si personne ne m’avait embarqué,  je me serais rabattu sur le train de 18h30… Celui que  je venais de manquer…Ce retour de la capitale où j’avais passé quelques jours avait désormais un parfum d’embrouille et de galère. Et ça ne sentait pas si bon que ça.

À cette période de l’année  tu as encore une heure de jour pour montrer ton carton. Après ce serait plus difficile. La nuit les gens deviennent méfiants alors que si on regarde bien les statistiques, il y a autant de crime le jour que la nuit. Il fallait y croire. Hardi le pouce ! Montre le fièrement ton carton !

Ce que j’ai fait. Après un petit quart d’heure d’inquiétude, un gars s’est arrêté. Une jolie bagnole allemande confortable. Il m’a dit qu’il n’allait pas là où j'allais mais que là où il en était il pouvait bien faire un détour. Intérieurement je hurlais de joie mais extérieurement je n’ai presque rien laissé voir comme si c’était normal qu’il me prenne dans son engin et qu’il me dépose au bon endroit. Mes chakras étaient ouverts en grand et l’air circulait comme à l'intérieur comme dans une pompe géante. On a passé le trajet à se raconter nos vies enfin surtout la sienne parce que moi je ne suis pas trop du genre à me répandre. Pas la première heure.  Il venait de manquer son train pour paris à cause d’un problème électrique sur les voies (un compagnon de galère), lui y habitait et il revenait dans la maison de campagne qu’il avait dans un joli village du coin. Juste pour y passer la nuit puisqu’il reprendrait le train de sept heures le lendemain. Il fallait bien qu’il rentre, il était attendu. Sa maison était dans un village que je connaissais bien. On a donc papoté agréablement lui et moi. J’ai posé quelques couches de remerciements sur le fait de m’avoir évité une sacrée tannée, j’étais content de le connaître, il était agréable. Pas ramenard, simple et il aimait une belle région, comme moi.

Quand il m’a déposé à une centaine de mètres de la gare, je n’ai  pas voulu lui faire faire un détour supplémentaire, il faisait nuit. Je l’ai salué et remercié encore une fois. Je suis descendu et j’ai regardé les feux de sa bagnole s’éloigner. J’ai épaulé mon sac et me suis dirigé vers ma voiture. Une fois assis, j’ai voulu remettre mon portable à charger… J’ai  nettement ressenti le frisson glacial me parcourir l’échine 

… Non pas ça… Hé ben si il m’est arrivé ça. J’avais laissé mon portable dans la bagnole de mon sauveur… Un karma de moule de bouchot...

Je vais me presser je devrais bien arriver à le rattraper… Je mets le contact… Ah oui mince, évidemment j'avais oublié, le réservoir est vide et le témoin allumé… Je dois donc  absolument remettre du carburant sous peine de tomber en rade. Il ne faut pas ajouter de la poisse à la poisse, ça ne se fait pas. Je me suis vu en panne dans la nuit dans la campagne sans portable pour prévenir. J’ai filé à la première pompe venue. Pendant ce temps là mon portable fonçait, lui, se perdre dans la nuit...

Une fois le réservoir plein, j’ai quand même pris la route pour tenter de le rattraper. Bien sur malgré la petite cinquantaine de kilomètres parcourue au hasard dans la nuit d’Octobre je n’ai jamais remis les yeux sur lui ni sur sa bagnole et encore moins sur mon portable..

Aussi, j’ai fait demi tour. Il fallait que je prévienne les miens maintenant sinon ils finiraient par s'inquiéter. Ils en étaient restés à l'arrêt panne.  Avant il y avait des cabines téléphoniques dans tous les coins mais elles avaient toutes été transformées en cubes de métal. Et je n’avais plus de fixe chez moi depuis belle lurette…

Je suis allé dans un restaurant où j’avais mes habitudes pour téléphoner et... manger un morceau. Si ces bêtises m'avaient  fermé les chakras, elles m'avaient ouvert l'appétit.

J’ai pu appeler et dire où on pouvait me joindre pendant une heure et raconter mes aventures.

Là où j’en étais, je n'avais plus qu'à juste récupérer mon portable qui pour tout arranger était en silencieux, je n'aime pas qu'il sonne dans le TGV et donc si on m'appelait mon nouvel ami ne pourrait pas l'entendre... 

Je ne savais qu’un truc de mon chauffeur. Il prenait un train le lendemain matin à sept heures pour Paris... J'ai envoyé valdinguer l'image qui m'est venue du karma d'un taureau de combat...

J’avais une nuit devant moi pour trouver son horaire, me reposer et tenter de savoir, si c'était possible, comment régler ce problème… 


Un problème? Quel problème?




26 septembre 2022

Le voilà

Le matin, dans l’encore noir, le café coule avant que les volets soient poussés, du reste on a hésité longtemps avant d'ouvrir la fenêtre.

Ce soir on ressortira la couette du placard à couettes.

Avec la pluie de cette nuit, la brume va tout engloutir, comme hier on ne va pas voir l’horizon.

Le beurre n’a pas été rentré cette nuit il sera même un peu dur.

Puisque c’est comme ça, on va rester à l'intérieur.

Les cigales n’ont plus le temps de chanter, elles posent du papier peint dans les chambres des petits. 

Après les pluies de la semaine passée, l'eau de la rivière est remontée au dessus de nos genoux.

Si le vent a fait place nette, le linge n’a pas séché tout à fait.

Dans tout ce bleu, vers le Sud, passent des vols en v cadencés.

Les feuilles les plus hautes du cerisier ont commencé de rougir. Alors, vaguement jalouse, la vigne vierge s'y est mise, aussi.

Le chat n’a pas dormi dehors cette nuit.

On se contente de mettre le nez sur une des dernières roses, on choisit de ne pas la couper.

On sent parfois au cœur des après-midis des odeurs de fumées de feux de feuilles.

On pense au numéro de téléphone du ramoneur.

Quelques articulations rappellent leurs existences.

On hésite à enfourcher la bicyclette.

On se demande : Où est mon écharpe grise?

Plus trop de doute possible si l’un s’en va, l’automne s’en vient. 





08 septembre 2022

Partire

 Ce qu’il n’aimait pas, se disait-il en gavant son sac de voyage, c’est partir. 

Arriver ça, l’idée lui semblait depuis toujours davantage séduisante, elle le mettait sous une tension agréable, comme si ses sens s’éveillaient. Comme s’il s’ouvrait au monde. Alors il était prêt à sentir de nouvelles odeurs, de nouveaux parfums, il avait hâte de parcourir de nouvelles rues, d’admirer de nouveaux horizons, de lever les yeux sur des cieux inconnus, prêt à scruter de nouveaux visages, à entendre d’autres musiques mais partir… Partir c’était toujours, pour lui, s’arracher de quelque chose, perdre, s’amputer d’un membre,  se diminuer. 

Surtout ne lui faites pas, même gentiment, remarquer que pour arriver il faut partir, il risquerait de le prendre assez mal et comme il est d’une mauvaise foi redoutable vous n’obtiendriez pas gain de cause, il se pourrait même qu’il vous envoie bouler assez violemment, s’il ne se fâchait pas, pour la vie, entière. Ce serait quand même ballot de perdre définitivement un ami pour une petite précision de rien, du plus élémentaire bon sens.

Il s’était souvent interrogé, il avait retourné le problème dans tous les sens possibles et imaginables, il était remonté le plus loin qu’il a pu dans ses souvenirs, il avait travaillé  la question de fond en comble et après cette longue longue recherche il était arrivé à la conclusion que quel que soit l’endroit où il allait, quels que soient les gens que le départ allait l’amener à voir ou retrouver, quel que soit ce qui qui l’attendait au-delà du voyage, la plus merveilleuse des îles, la plus fantastique des villes, le plus merveilleux des paysages, partir, il n’aimait pas ça. Et même pire, le bonheur d'arriver quelque part pouvait être salement gâché si, à peine arrivé, lui venait l'idée qu'il faudrait, un jour, s'en aller. Il avait tellement de mal avec les départs qu'il était absolument incapable de prendre des billets à l'avance comme il fallait le faire. Des billets sur son bureau un mois avant le jour c'était, pour lui, l'assurance d'un mois de contrariété. Aussi il ne lançait la machine qu'à la dernière minute de l'avant dernier jour.

Il ferait sans doute une exception pour le Montana où il rêvait d’aller et encore. Dès qu’il se voyait faire des valises même pour le Montana, l’envie d’y aller lui semblait moins impérieuse. Les « à quoi bon » déboulaient très vite, les il y a les films, les livres, tout ce trajet pour ça est ce que vraiment ça vaut le coup, puisque tu sais ce que tu vas y voir, tu sais la grandeur et la beauté des paysages, tu les connais, tu les as déjà vues des centaines de fois… Est-ce-que ça va changer quelque chose que tu vois toutes ces merveilles de tes propres yeux ? Est ce que seuls tes yeux peuvent te montrer la beauté du monde ? Ceux des autres, de ceux qui voyagent, ceux qui quittent, qui partent, qui lévent les camps, qui embarquent ne peuvent pas te suffire ? Alors la tentation était grande de tirer sur la fermeture éclair du sac et de remettre ces quelques tee-shirts, la trousse de toilettes et le reste dans l’armoire avec le sac à dos et le soulagement d’un coup l’envahissait et s’écoulait en lui comme une huile chaude. Son cœur retrouvait un rythme normal, il respirait mieux, c’était joué, il allait rester là, ce soir, il n’allait pas partir.

Partir pour lui c’était mourir un peu. D’ailleurs c’est ce qu’on disait d’un mort.

Nous y étions. Au fond, c’était bien contre cette idée là qu’il était.

 

PS  Il sait bien qu’il n’y a pas de e à la fin de partir mais il trouve que ça l'équilibre… 

Partire... Une part de soi qui se tire?

Pour faire bonne mesure, il n'aimait pas non plus que les autres partent...




07 août 2022

L'étoile fuyante

Depuis que, par souci d’économie et une volonté de diminuer la pollution lumineuse, la mairie avait eu la bonne idée d'éteindre tous les lampadaires du village entre minuit et cinq heures du matin c'était comme si le ciel nous avait été rendu. 

Dans le chemin qui dessert mon jardin, j’en avais deux espacés de trente mètres qui éclairaient comme un Zénith de campagne. Avant, pour avoir accès aux étoiles, aux passages des satellites, aux filantes, il fallait soit monter dans la colline, soit s’installer dans un coin du jardin et viser un camembert de ciel riquiqui. Maintenant à minuit cinq on voyait ce qu’on allait voir. La voute, au-dessus de nous, n’était dérangée que par le vol agité des chauves souris et leurs frrrrr frrr irréguliers. À l’instant où les lumières orangées des lampadaires s’éteignaient, le ciel s’allumait. À nous l'univers et ses constellations, à nous les Alchor, les Mizar, les Bételgeuses, à nous la lune, Saturne et ses anneaux, à nous Vénus,  à nous Arcturus, la Grande Ourse et la petite casserole, à nous Cassiopée, à nous le vertige et le cœur serré d'émotions.

Dès que les lampes cessaient d’éclairer les ruelles, on prenait un matelas, un oreiller et on allait s’allonger au beau milieu de la pelouse,  couvert d’une serviette de bain pour éviter les attaques de moustiques, la tête bien calée. Alors, on plongeait dans l ‘infini des immensités immenses. Quelques minutes après que l’œil se soit un peu habitué au presque noir, le spectacle commençait. Ici la trace claire d’un satellite fendant le ciel à allure lente et régulière, au loin l’intermittence des feux d’un avion puis nous arrivait le son de ses moteurs à plus de dix kilomètres de notre tête. Là cette étoile plus brillante que les autres, la première à étinceler dans l’encore lumière du jour déclinant, la première à éclaire la nuit comme chante l’autre. Et puis les filantes. Alors elles ! Elles sont imprévisibles et peuvent provenir de partout. Quand elles apparaissent elles tracent dans le noir comme une ligne droite avec une sorte de sifflement, elles peuvent être de plus ou moins longue durée selon leurs tailles, je suppose et puis le noir revient et puis d’autres encore illuminent. Leur vision est nette mais fugace, extrêmement brêve dans le temps et pourtant leurs courses peuvent laisser des traces marquées de leurs passages. Elles nous servent aussi de compteur, de limite. Une fois installés nous nous disons allez trois filantes et je rentre et tant que nous n’avons pas vu les trois, nous restons la tête dans les étoiles. Certains soir c’était plus rapide qu’à d’autres.

Ce soir là, nous nous en étions donné quatre. C’est à la deuxième que tout est arrivé. Ça s’est passé pile dans l’Ouest. Le matelas au sol était orienté dans l’axe Est Ouest. La tête à l’est. La première j’ai failli  la manquer. Elle est venue du Nord, là bas à droite juste au dessus des grands pins voisins. Une trajectoire très courte d’une luminosité faible, une petite filante d’échauffement j’ai pensé. À peu près dix minutes d’attente et je n’ai pas été déçu. Elle est venue de l’Ouest face à moi à environ dix degrés d’écart. Une longue trajectoire sifflante une lumière d’un longue durée et de suite comme un choc dans le jardin à quelques mètres du matelas puis et une légère fumée. Je me suis levé d’un bond, j’ai pris mon téléphone et je suis allé voir à l’endroit de la fumerole. L’herbe était brûlée sur un bon mètre carré. J’ai pu voir un trou assez peu profond dans la pelouse le sol était si sec et au fond de ce trou d’une dizaine de centimètre comme une petite masse, de la taille d’une boule de pétanque. Au début j’ai pris ça pour une boule informe. Je me suis dit que j’avais une chance incroyable, je la prenais sur la tête ou même sur le corps j’avais de fortes chances de ne pas voir le jour se lever. Excité comme une armée de puces, je suis allé remplir une bouteille d’eau que j’ai versée sur la boule pour la refroidir. Je suis alors allé dans le garage ou j’ai attrapé une paire de gants de jardins, elle je l’ai enfilée. Je me suis dit que ce n’était pas le moment de me cramer les mains en la saisissant. J’ai sorti la boule encore fumante du trou. Je l’ai éclairée avec la lampe de mon portable. C’est là que j’ai vu que ce n’était pas une boule informe. 

C’était comme une tête réduite de jivaro mais là, la surprise m’a laissé sur le cul. Cette boule, vous n'allez sans doute pas me croire,  était l'image du Z, vous vous rappelez, le Z, le gars qui nous avait pollué l’atmosphère tout le printemps pendant la campagne présidentielle celui qui avait disparu des médias, celui dont on n’entendait plus parler depuis, maintenant de long mois. Il était reconnaissable entre mille, on avait tellement vu sa tête. Après avoir salué l'exploit d'avoir réussi à réduire une telle grosse tête, je l’ai balancée dans le puits du compost, au moins, s'il se décomposait qu'il soit utile à quelque chose, en me disant : Merde! Même là-haut sur Algol dans la constellation de Persée ils n’en ont pas voulu, ils nous le renvoient direct! 

Ils ont dû s'en débarrasser, eux aussi.




01 août 2022

Devant soi

Comme j’avais une heure devant moi et qu’il faisait une chaleur à habiter dans un congélateur, j’ai décidé d’aller m’offrir un petit pot citron vert, melon chez les Freto.  La maison Freto, c’était trois jeunes garçons, trois amis, qui avaient fait équipe pour ouvrir un glacier bien qu’il y en ait déjà pas mal sur L’Isle. Seulement, chez eux, les glaces étaient bonnes, leurs sourires et leurs énergies engageants tout comme la musique diffusée sur la grande terrasse à l’ombre des platanes juste en bord de Sorgue. Tout pour séduire, du reste, bien qu’ils aient ouvert il n’y a pas si longtemps, ça ne désemplissait pas.

Une fois chez eux, j’avais discuté un peu le bout de gras avec l’un des « frères » et puis j’étais allé m’installer un peu plus loin sur les quais avec mon petit pot pêche caramel (on peut changer d’avis, oui ?) et ma cuillère. Je m’étais assis sur la plus haute des marches. C’est là que je l’ai vu qui était assis lui sur la terrasse  la plus près de l’eau, les pieds trempant jusques aux mollets. Il était torse nu, un jean en bermuda et ce qui m’a surpris c’est qu’il n’avait pas pris le temps d’enlever ni chaussette, ni chaussure et à partir des mollets donc,  tout trempait dans la flotte qui galopait à cet endroit ressérré.

J’entendais d’où j’étais qu’il marmonnait en faisant  de grands gestes et il n’avait personne à son côté. Il devait même y aller assez fort parce que ses mots n’étaient pas tous couverts par le bruit du courant. Cependant comme je suis curieux j’ai un peu tendu l’oreille et s’il me fallait quelqu’un pour bien me saper le moral, j’avais trouvé mon champion. Visiblement le gars d’une soixantaine bien entamée n’était pas seul dans sa tête aux cheveux hirsutes et pourtant clairsemés. Il parlait à un autre, absent mais qui paraissait là assis tout contre lui. Dans la main qu’il agitait une canette géante de 7,2. Il en mettait un peu partout.

La retraite, la retraite beuglait-il en s’interrompant, le retirement comme disent les anglais (monsieur avait des langues) est typiquement une chose, un état auquel on ne pense que quand on est en activité. Tu vois, on peut  la désirer, l’espérer, l’appeler de ses vœux certains jours plus que d’autres, certains mois plus que d’autres et puis, un jour on y est. Et là, c’est le bordel, tout change, on bascule dans un autre monde. Celui des payés à rien foutre. T’imagine la gueule que font les autres, t’imagine comment ils te regardent, t’imagine comme ils t’en veulent  tous ceux qui continuent de trimer ?

Mais là, mon gars, ça peut vriller. Tu vois, c’est comme la richesse, on en rêve quand on n’a pas un rond. Ben oui, les riches ne rêvent plus à le devenir puisqu’ils y sont ! On ne pense pas à Venise quand on est à Venise, on y pense quand on est à Sarcelles ou à Bobigny.

C’était un peu décousu mais ça tenant à peu près la route, on voyait où ils voulaient en venir tous les deux…

Il a pris un temps puis il a froncé les sourcils comme s’il cherchait un truc et il a repris son fil :

Avoir du temps devant soi est la chose la plus désirée quand on n’a pas une minute, mais quand on a toutes ces heures à remplir devant nous à pas savoir quoi foutre puisqu’on a le temps de tout faire largement, rien ne presse et si on ne finit pas ce soir on fera demain… On n'a le désir de faire que si on n’a pas le temps de faire.

C’est comme tous ceux qui ont du fric : Une fois que tu as douze montres à cent mille comment avoir envie d’une treizième ? Si tu peux te payer toutes les bagnoles de la terre est-ce qu’une seule peut te faire vraiment envie? T'imagines le bazar dans la tête de ces jeunes gens de vingt ans qui touchent à tout cet oseille? Comment veux-tu qu'ils ne virent pas zinzins! Il y a trois manières de flinguer les gens avec l'oseille: Ils en ont trop ça leur tue le désir, pas assez, ça leur pourrit la vie et juste assez ils ont peur de perdre et n'osent pas espérer davantage.

Il s’est interrompu net et il a sauté d’un coq à un autre âne :

Ils commencent à me faire chier tous ces cons de riches à racheter des hectares de vignes pour faire du mauvais rosé comme s’il n’y en avait pas assez de vin pas bon en rouge. Ou en blanc. Oui ou en blanc, aussi. Ah je donnerais cher pour les voir à genoux dans la terre en train de sarcler un pied d'olivier, tiens. Le retour aux racines, mon cul.

Cette fois j’étais rincé. 

D’un coup j’en ai eu marre de l’entendre débiter sa si désespérante logorhée, je me suis levé et je l'ai laissé à ses délires en m'éloignant.

Je suis retourné chez les Freto. Pour me soigner.  J’ai demandé un truc à DEUX boules. Comme ils ne proposaient pas encore lexomil, xanax,  j’ai pris verveine, pêche.





18 juillet 2022

L'esprit du canal

Et puis, un beau jour tu décides d’y monter, d'y aller voir,  d’en faire un but de balade et, une fois à ses côtés, de le longer, un peu, pour voir... 

Tu y arrives par une route étroite qui se prolonge par un pont qui l’enjambe. Forcément un pont. Enfin un pont, une paume serait plus juste. Elle est posée là pour qu’il ne soit pas un obstacle pour qu’on puisse continuer la route et filer dans la colline. En tout, sur la longueur entière de son trajet, il y en a cent cinquante. Ils ont des noms aussi dépaysant que ceux de la ligne verte du métro de Montréal qui va d’Honoré Beaugrand à Angrignon et passe par Radisson, Cadillac, Viau, Joliette, Beaudry. Ici les ponts se nomment Endoussias, Falèche, Vimaise,  Cambuisson, Pichichin, La Parisienne. Le même exotisme, la même surprise de ces endroits qu’on ne  saurait dire mais ils s’appellent et chacun des noms est une histoire à connaître.

Tu verras c’est facile : Si tu y vas, soit tu passes la paume et tu le remontes, alors tu le côtoies à main droite soit tu restes de ce côté ci et tu le fréquentes à main gauche. Il est accompagné d’un chemin de terre interdit à tout les véhicule à moteur excepté ceux des pompiers. C’est que la colline et ses bois touffus l’enveloppent tout au long de son trajet. C’est ce qui fait son ombre apaisante et donc la raison pour laquelle les mois d’été il est si agréable de l’emprunter, même si tu le prends à rebrousse pente, elle est si douce que seule l’eau la sent. 

C’est comme une voûte d’arbres, un long chœur de cathédrale laïque de temps à autre bordée d’immenses et vieux platanes qui laissent leur bras trainer si bas qu’il arrive que certaines branches finissent quelques poignées de feuilles dans le droit fil de l’eau qui font comme une main qui s’y abandonnerait, faisant naitre une vague en v de vaguelettes.

Le courant que tu longes sous cette ombre bienveillante est une perfusion de Durance. Il vient droit des montagnes du Haut Verdon. Son parcours est sinueux puisqu’il suit au mètre près une courbe de niveau. Tu ne sens pas que ça monte mais ça monte puisque l’eau avance poussée par elle même. Tu ne vois pas que ça descend et pourtant ça descend, le courant te le murmure. Ici c’est Newton qui fait tout. Les hommes qui l’ont pensé se sont contentés de creuser, de monter les bords et d’aplanir autour. Oh ils n’ont pas creusé bien profond. Un homme a pied en son milieu et sa largeur n’est que de quatre ou cinq  pas mais c’est bien assez pour en faire un courant qui file depuis le dessous de Mérindol pour se jeter dans l’à peu près Rhône, soixante dix kilomètres plus loin. Et c’est toute la région traversée qui s’en régale. Au dessus de lui et en dessous tout ce qui pousse, grandit, se cultive est arrosé, irrigué, vivifié,  abreuvé… Tout son long les fruitiers, maraichers et même les jardins privés lui rendent grâce. Il apporte la vie paisiblement, sans qu’on sente l’effort, sans qu’on se rende compte du travail.

Dès que tu te balades à son côté tu ressens tout ça. Il est appelé de Carpentras parce qu’il y passe mais il pourrait aussi être de L’Isle ou de Velleron ou d’un autre village qu’il traverse. Les chiens, les vélos, les chevaux, les coureurs à pied, les poussettes le connaissent comme on connaît un ami.

Tu vois il n’y a pas besoin d’aller loin pour être ailleurs, l’aventure, parfois, peut commencer au fond du jardin…




21 juin 2022

Un karma de gagnant de l'auto

Cette gare était comme celles de sa génération, construite à l’écart du coeur de ville, en appui d'une autre plus ancienne, elle au centre,  pour que les trains qui ne s’y arrêtaient pas puissent foncer à pleine vitesse et pour que ceux qui y font une halte n’aient pas trop de banlieue à franchir afin de ne pas perdre de temps  en roulant au ralenti. Elle était toute en longueur et ressemblait  à un gigantesque poisson mort posé en pleine cambrousse avec des rangs de rails le long de l’arête principale. On entrait par la bouche et on sortait par l’arrière ou le contraire en fonction d’où on venait. Une fois rendu là, une fois descendu de votre train, si personne ne venait vous chercher en voiture, si vous renonciez aux taxis à cause de leurs prix exorbitants, ça doublait le tarif du voyage, si le dernier bus venait de passer, on pouvait attraper un TER version campagnarde de l’omnibus qui vous emmène vers là où vous finissiez votre voyage. Mais, de ces métros de campagne, il n’y en avait pas pléthore, et encore moins le samedi. Ceux là, ils étaient plutôt programmés en semaine quand les administrations, les lycées et les facs fonctionnaient bref quand les gens travaillaient.

Nous étions samedi, j’arrivais de la capitale en fin d’après midi et je m’étais préparé mentalement à une galère pour accoster chez moi à quinze kilomètres de là. Le dernier TER qui pouvait me transporter à l’endroit où j’avais garé ma voiture ne partait pas avant trois bonnes heures. À peu près un tiers du chemin si je l’avais fait à pied. Je n’avais pas envie de dépenser un  bras pour un taxi et les bus étaient aux abonnés absents ni même un autre bras pour boire un verre en attendant. J’avais un bon bouquin mais je venais de lire pendant trois heures et je voulais rentrer. Il avait fait une chaleur lourde pesante même sous la climatisation du train. Je me sentais moite, en nage et crevé. J’aurais pu appeler quelqu’un mais je n’avais pas envie d’emmerder et puis être capable de se débrouiller presque seul procure un vrai plaisir de fond.

Comme j’avais prévu le coup avant de partir, je m’étais fait un petit carton pliant sur lequel, avec un gros feutre noir j’avais écrit le nom de la ville où était garée ma bagnole et donc où j’aimerais bien que quelqu’un, maintenant,

 m’emmène.

Descendu du train, je suis sorti de la gare et en dépliant mon carton pour le présenter aux conducteurs qui n’allaient pas manquer de quitter l’endroit, j’ai commencé à marcher le long de la dépose minute, mon idée était d’aller me poster dans le tunnel qui passait sous les voies afin d’être à l’ombre en attendant qu’une voiture s’arrête et me propose éventuellement de monter pour me rapprocher. Ce que j’espérais au fond, tout en craignant d’avoir à y rester planté un long moment.

Je ne suis pas arrivé jusqu’au tunnel. La troisième voiture qui a lu le carton, une jolie petite anglaise toute neuve, toutes options, conduite par une maman venant chercher sa fille a mis le clignotant à gauche et s’est rangée le long du trottoir.

J’ai avancé vers elle et j’ai demandé bêtement: C’est pour moi que vous vous arrêtez ?

Ben oui, pour qui d’autre ?

Une demi-heure plus tard, plus rapidement qu'en taxi, après un trajet plus qu’agréable, souriant, léger, bienveillant, aux petits soins, je montai cette fois dans ma voiture. J’avais été, comme un prince, déposé juste à ses pneus. 

J’ai remercié comme il se devait mes sauveteuses et j'ai passé un coup de brosse sur mon karma de gagnant de l'auto...








08 juin 2022

Si tu devais

 Mon avenir, mon presqu'amour, 

Avant tout, je veux te dire que ce que tu vas lire ne m’est inspiré par rien. Enfin, rien de ce qui se passe entre nous, rien de ce que nous vivons en ce moment, si tu préfères. Si cela doit te rassurer, je tiens à te dire que je n’ai aucune espèce d'arrière pensée en te parlant de ça. Simplement, il m’arrive, parfois, de réfléchir, en ce qui nous concerne, à toutes les possibilités et celle que je vais évoquer, en est une,  parmi d’autres. Donc, surtout, ne sois pas inquiète outre mesure, ce qui suit ne  va rien annoncer... Rien de mauvais, rien de désagréable, rien d'irréversible et surtout lis moi :

 

Si jamais tu devais me quitter, si tes sentiments s’étaient épuisés, vidés comme un réservoir de bagnole, comme l’énergie chez un dépressif, comme un glacier de montagne en été, si tu ne pouvais plus continuer à mes côtés, si je te lassais, si tu rencontrais quelqu’un d’autre de plus fringant, de plus enthousiasmant, de mieux aimant, j’aimerais que cela se passe vite, que tu me l’apprennes sans falbala, ni détour, ni ménagement. Ne te crois pas obligée de me le dire lors d’une soirée particulière, surtout pas en m’emmenant là où nous nous sommes rencontrés ou bien dans le premier restaurant où nous avons mangé, ni sur la première plage où nous nous sommes enlacés, enfin tu vois bien tout ce genre de trucs un peu lourdingues et signifiant pour quelqu’un à fleur de pot comme moi. La nouvelle sera si délicate à avaler autant que la bouchée soit légère… 

S’il te plait, épargne-moi la longue lettre accompagnée d'un cadeau qui m’explique que je suis quelqu’un de formidable, de magnifique, d'unique mais que tu ne te sens plus digne de moi, que tu es responsable de tout, que je n’ai rien à voir là-dedans que c’est toi et toi seule qui prend cette si douloureuse, crois moi, décision. Comme si je vivais cette histoire sans rien en sentir. C’est plutôt humiliant, non ?

Je te remercie de m’épargner aussi les pleurs et les mauvaises réactions que je pourrais avoir, les mots que je pourrais prononcer, ceux que tu pourrais entendre et qui inévitablement dépasseraient mes pensées. Sois gentille, évite moi les phrases assassines, les mots durs, voire les insultes portées par l’incompréhension, le chagrin et la douleur. Épargne moi de mal me comporter, de n’être pas brillant, brillant et ainsi, en plus, de m’en vouloir après…

Qui sait, évite moi ainsi, la honte de l'envie de la gifle qui pourrait, animée par la douleur, avoir la velléité de sortir de ma main,  je ne suis pas tellement au-dessus des autres.

Et puis, si tu en es là, si tu en es à me dire tout ça c’est que tu as bien réfléchi, que ta décision est prise et que tu ne changeras pas d’avis, même si tu sais que tu peux te tromper. Tu es allé trop loin, tu as franchi la rivière, passé le pont. Il me sera, alors inutile d’espérer quoi que ce soit. En tous les cas pas de te faire revenir en arrière. 

L’espoir est une saleté qui entretient la douleur.

Aussi, pour toutes ces raisons, vois-tu, je ne suis pas contre mais alors là pas du tout, ne souris pas, je ne suis absolument pas opposé à un petit SMS  en milieu de journée, pour éviter les réveils difficiles et permettre d'anticiper la soirée. Un SMS du genre lapidaire et respectueux qui mette les choses bien au clair. Quelques mots simples sans pathos : "Nous deux, c’est fini",par exemple. Ou bien: "Restons-en là de nous". Si tu n'ajoutes pas « veux-tu », cela suffira. C'est concis, précis et extrêmement limpide. Pour le domestique et l’intendance, les vêtements, les meubles, les bibelots,  les plantes, le bail, les chats, tout le bazar et même les souvenirs, nous verrons cela plus tard. Ne réglons pas tout le même jour. Si tu le peux, nous attendrons que je me sois un peu remis, que je me sois refait une santé, que je sois redevenu présentable bref que j'ai encaissé le coup, avalé la couleuvre et que je l'ai bien digérée, que les hématomes se soient résorbés et les plaies refermées. Je dois te prévenir, je te dois d'être honnête, je suis du genre à cicatriser bien mal. Il me faut du temps, beaucoup de temps, un sacré paquet de foutu temps, même. Mon coeur tremble encore au rappel de médiévales ruptures.

Mais si jamais tu devais me quitter, oui, j’aimerais que ça se passe comme ça.

Au moins, maintenant, là où nous en sommes, tu sais quel sera mon souhait. 

Pour pouvoir vivre au mieux cet instant, il ne reste plus qu'à nous... rencontrer. 

Tu vois,  tu ne risques pas grand chose puisqu'avant de te connaître, je suis déjà préparé  à l’idée de te perdre.

12 mai 2022

Les stents de glace.

Il est arrivé bien en avance sur l’horaire prévu. L'endroit se réveillait à peine. Les premiers rayons d'un soleil brûlant à venir inondaient le porche en béton de l'entrée des urgences. 

Il avait, comme un bon petit gars, fait tout ce qu’on lui avait demandé de faire avant de venir. La douche avec cette saleté de lotion moussante rose bonbon ? Prise. Il s'en était même badigeonné, la veille au soir, qui lui avait, toute la nuit,  laissé sur la peau une odeur au-delà du désagréable. Les deux poignets, jusqu'aux coudes? Rasés de près. Il aurait dû s’enlever aussi tous les poils de l’aine au cas où… Ça il n’avait pas obéi. Pire, il avait renoncé à trouver une esthéticienne qui lui ferait le travail. Toutes les pilules prescrites? Avalées. Le test de covid négatif ? En poche. Les examens sanguins? Effectués. Le taxi ambulance  pour être à l’hôpital le matin à jeun à sept heures? Commandé. Prêt, il était fin prêt. L'est-on jamais entièrement?

Si on cherchait bien, il lui manquait peut-être l’envie réelle d’y aller faire un tour mais ça c’était une autre histoire. On lui avait promis que si tout se passait comme prévu il n’y resterait pas là bas et serait de retour chez lui le soir même.

Comme on lui avait demandé, il avait, à reculons, préparé une trousse de toilette au cas où. Quel cas où s’était-il demandé ? Au pire il y restait, définitivement, au mieux il donnait des croquettes à son chat le soir venu.

C’est dire s’il était confiant et serein. L’alternative était celle-ci. Ou je reviens ou pas. Sa confiance en la médecine, surtout celle de province en était à ce degré. Vivent les grands hôpitaux universitaires de banlieue, là où la médecine se pense, s’élabore, se confronte,  s’expérimente, se jauge, se transmet, se confronte… Celle des petites villes de province n’était-elle pas une médecine de retombées, de miettes, d'essais-erreurs pensait-il au fond. J’aurais dû rester là-haut, près de la capitale là où vivent et travaillent les professeurs, les pointures, les cadors, les expérimentés, les gars qui touchent leurs billes, quoi au lieu de venir tomber malade dans ce trou. Là où vivent les autres, ceux qui ne sont plus là-haut, ceux qui sont descendus de l’escalier, ceux qui ont quitté les nuages de l’excellence, les surfeurs en somme…

Tout avait commencé l’été d’avant. Il avait garé sa voiture dans le parking souterrain de cette ville où il allait souvent. Celle où il avait passé toutes les vacances de son enfance  mais qui ne ressemblait plus à rien de ce qu’il avait connu. Elle avait juste gardé son nom et son vieux coeur, sinon pour le reste on avait remplacé les serres de roses par des immeubles, les champs de strelizias par des Carrefour et les chemins de terre par des quatre voies, autant dire que tout le monde y avait largement perdu au change. Et lui le premier. Il venait de monter les escaliers qui donnaient sur la place de la poste et il avait enquillé la rue de la république qui montait jusqu’à la place De Gaulle. Vers le haut, il avait été obligé de s’arrêter un  moment saisi par une forte douleur dans la poitrine et un essoufflement de forge. Puis « ça » avait passé. Il avait mis « ça » sur le compte de l’été, de la chaleur de sa méforme, de la rue qui monte. Quelques mois après il irait souffrir en montagne lors d’une belle balade vers le Lac d’Allos. Cette fois, bien qu'il se soit agi d'une rando de sept heures avec de la neige jusqu'aux chevilles, il s'est dit:  il y a quelque chose. Cardiologue, test à l’effort, angor, corono scanner et rendez vous à l’hosto pour une coronographie. Il était prêt. On allait voir ce qu’on allait voir mais pas lui. Il avait soigneusement oublié ses lunettes dans le taxi ambulance qui l’emmenait à l’hôpital. Il ne pourrait ni lire ses messages, ni ses mails, ni le livre prévu pour l’attente éventuelle, il pourrait à peine voir l’écran sur lequel on voyait un tuyau qui ne lui appartenait pas  remonter À L’INTERIEUR, punaise, d’une de ses artères cardiaques. Une de celles qui étaient endommagées par le tabac qu’il avait consommé un trop grand nombre d’années. Les coronaires pincées lui avait-on dit. Pour ne pas dire bouchées. Pose de stents. C’est banal avait ajouté le cardiologue. Banal, banal j’aimerais t’y voir. Il ne pouvait pas il n’avait pas ses lunettes. Acte manqué bien réussi.

Ils avaient plié ça en une heure et trois stents. Ils avaient l’air contents d’eux et, déjà s’apprêtaient à traiter le suivant. À lui,  il lui avaient demandé de revenir dans une dizaine de jours parce qu’ils étaient comme les coiffeurs il fallait qu’ils égalisent. Après avoir traité le côté gauche du cœur ils devraient s’occuper du côté droit.

Cette fois il s’était juré qu’il ne laisserait pas ses lunettes n’importe où.

C’est avec un cœur à moitié neuf qu’il a passé la journée à s’emmerder dans une chambre d’hosto beaucoup trop vide pour lui. Il s'est promis de ne pas raconter la nuit avec les entrées volcaniques de l'infirmière, les allumages plein feu de TOUTES  les lumières et bousculage manu-militari pour prendre les constantes vers une heure,  puis cinq heures du matin histoire de bien te saboter le sommeil et te laisser en plan, hagard avec cette injonction stupide : Rendormez vous bien maintenant… Tu parles.

Dans le matin blafard, dans la solitude de la chambre, sur la table à roulettes, l'inutile bouquin qu'il avait emmené. Au cas où... 

Il est resté fermé. Pas comme ses artères.




18 avril 2022

Cogne

 Bats, bats taudis de cœur malmené,

Tape, tape vilain cœur tabassé,

Cogne, cogne  sale cœur égratigné,

Frappe encore vieux cœur cabossé.

 

Force, cogne davantage dans les côtes

Pousse, pousse les pistons dans le circuit

Tant que tu cognes sans fin, sans faute

Rien n’est perdu, rien n’est vraiment cuit.

 

Bouge, gigote, vit, danse, tambourine

Mourir maintenant?  Je n’suis pas pour

Vibre, rougne, ronfle dans ma poitrine

Partir maintenant? Rien prévu pour

 

Allez quoi, et une et deux et une et deux

Bats comme un vrai cœur d’amoureux,

Envoie du rouge dans les artères,

Que ça bouge, des nuages aux parterres.

 

Jusqu’à demain! Sinon laisse au moins

Le temps de dire au revoir, laisse le moi,

Dou doum, dou doum, mille fois ou... deux.

Bats toi, s’il te plait, allez, encore… un peu…






16 mars 2022

La dernière fois

Ils y sont arrivés en fin de matinée, ils ont garé la voiture dans la pente de l’étroit chemin, ils ont vérifié qu’elle ne gênait pas le passage, ils ont fermé les portes et ils sont descendus vers la rivière. Ils n’avaient pris avec eux qu’une grande serviette de bain un petit sac à dos avec leurs papiers et portefeuilles et le peu qu’ils avaient acheté pour un repas vite fait. Deux pommes, un paquet de biscuits et une bouteille d’eau chacun.

Il faut dire qu’ils n’arrivaient presque plus à manger depuis un ou deux jours. Depuis qu’ils savaient tous les deux que chaque minute les rapprochaient du terrible moment de leur séparation. De leur arrachement, plutôt.

Il faisait une chaleur de juillet, dans le sud. L’air était de plomb, les cigales s’en donnaient à cœur joie, le chemin était pour l’instant désert mais il ne tarderait pas à être envahi, le coin était prisé paraît-il. Le chemin caillouteux descendait vers une rivière pas très  large, trois ou quatre pas d’homme pressé, mais d’un vert amande et d’une transparence étonnante. Elle était aussi fraîche qu’une rivière peut l’être même au cœur d’un été de feu. Elle courait vivement guidée par des rives accueillantes et ombragées. On venait ici pour se tremper, pour s’ensiester gentiment sur ses berges de mousse douce, pour s’alléger du poids de la chaleur accablante qui faisait vibrer le ciel. On venait ici pour oublier les ennuis du moment, comme pour faire peau neuve. On venait ici pour se détendre, pour se laisser prendre par le paisible et le soyeux. On y venait aussi pour se rafraîchir la vie.

Les deux qui venaient de garer la petite voiture rouge, ceux qui, maintenant, marchaient au plein milieu du chemin étaient silencieux. À dire vrai, ils étaient partagés entre le bonheur et la tristesse ce qui n’est pas si facile à vivre. Il y a comme ça des mélanges impossible. Le bonheur d’être encore ensemble, pour quelques heures, la tristesse de savoir qu’ils allaient se séparer à la fin du jour. Malgré tout, ils voulaient encore profiter, si possible, de leur après-midi. Pleinement, entièrement, absolument mais quelque chose au profond d’eux mêmes leur disait qu’ils n’y arriveraient sans doute pas. Ils n’avaient pas tort, malgré la fraîcheur de l’eau, malgré les caresses du courant, malgré la beauté de l’endroit, ils étaient ici mais déjà dans l’après. Dans le l’un sans l’autre. Et ça leur était insupportable. En vrai, ils savaient que cette séparation qui s’était annoncée n’était pas envisagée pour quelques jours, ni même quelques mois. Ils avaient compris qu’elle serait définitive et que leur fragile union ne survivrait pas au retour à la « vraie » vie. Ils se donnaient encore la main mais comme des naufragés s’accrochent à des bouées qu’ils savaient crevées. Plus le temps avançait plus la douleur montait comme un goutte à goutte s’instille dans un organisme et répand  son liquide. Ils s’emplissaient peu à peu de souffrance. Alors ils ne se disaient pas grand chose eux qui avaient commencé leur ensemble par des mots échangés.

Et puis, l’heure tournant, le soir venant, l’ombre des saules s’épaississant, il a fallu plier serviettes et remonter le chemin. Il n’avait pas paru si pentu à l’aller…

Ils sont arrivés en nage près du rouge de la voiture.

Quand ils en ont fait le tour, ils se sont aperçu qu’une vitre arrière avait été brisée, que leurs sacs de voyage qui étaient restés sur les sièges avaient disparu. 

Ainsi, ils étaient au bout de leur route. Nus. 

Leurs deux vies étaient comme la vitre arrière de la voiture : brisée, éparpillée en dix mille éclats.

Alors de peur, de colère de tristesse et de lassitude, elle s’est laissée envahir par de longs sanglots mais en refusant l’enveloppe de ses bras.

Une fois apaisée, une fois ses larmes séchées, elle s’est installée au volant puis elle a roulé sans un mot jusqu’à la ville la plus proche et, avant d’aller à la gendarmerie pour leur parler du vol et porter plainte, elle l’a déposé sur le devant de la gare. « Tu trouveras bien un train » elle a dit.

Puis sans descendre, sans même le regarder elle lui a demandé de sortir de la voiture : « Sors, maintenant » Comme si elle lui demandait de sortir aussi de sa vie.

Il est sorti. Elle a démarré.

Ils ne se sont plus jamais revus. 

14 mars 2022

En un éclair

Alors, leurs regards se sont croisés et, en un éclair étincelant, tout ce qui était vivant dans le coin a été emporté à des années lumières.

Jusqu’à présent, ils s’étaient aperçus  plusieurs fois sans qu’il ne se passe rien. Le calme plat. Oh ils s’étaient bien regardés un peu mais comme on le fait quand on entre dans un bus ou dans une rame de métro et qu’on cherche une place libre. Ce ne sont pas vraiment les gens assis qui vous intéressent. On jette un œil vite fait sur les éventuelles places libres, les endroits possibles où se poser, on jauge le voisinage pour savoir lequel nous sera le moins désagréable, on mise sur le confort voire sur  l’odeur éventuelle et puis on choisit, on se détermine, on tranche, on s’assoit. On ne pose pas vraiment le regard sur les personnes autour de la place conquise. Avec eux deux ça c’était joué comme ça au départ. Ils s’étaient croisés dans les couloirs, ils s’étaient aperçus dans les assemblées, ils s’étaient salués certains matins quand ils étaient arrivés ensemble à la grille, ils s’étaient souris une fois ou deux à la cantine mais rien de plus, rien d’autre. Très peu de mots échangés, très peu de phrases. Un bonjour, bonsoir, le tout venant le poli, le civil, le minimum. Il faut dire qu’ils étaient chacun engagés et se pensaient heureux de ce côté là.  Ils n’avaient rien derrière la tête, aucun projet, aucun désir autre que celui en cours. En tous les cas, ils n’avaient surtout pas l’idée d’aventure qui pouvait leur venir au cerveau. Du moins se croyaient ils à l’abri de ça. Evidemment, il avait remarqué son joli carré court blond frisé, ses yeux noisettes brillantes, son sourire en coin, malgré sa rareté, et la grâce de ses mains. Il avait aussi, vite fait, aperçu sa silhouette fine et son élégance simple et sa démarche altière, son port de tête sans doute de danseuse, mais rien de plus que déjà pas mal.

Et pour dire vrai si jamais l’idée se pointait, ça pouvait arriver, on ne vit pas non plus dans un couloir d’hôpital psychiatrique, comme une tentation, un interdit à braver, comme une barrière à franchir, un mur à escalader, ça leur paraissait représenter un tel bazar, un tel dérangement, une telle montagne à gravir ou a déplacer qu’aussitôt ils  la viraient de leurs têtes. Pas de ça. Pourquoi faire ? N’as-tu pas déjà tout ce qu’une personne sensée peut désirer ? N’es-tu pas déjà de ce côté là béni des dieux, de ses apôtres, des fées bienveillantes et de quelques anges amicaux et bienveillants ? De quels frissons aurais tu besoin ? Pourquoi voudrais-tu te sentir davantage vivant que tu ne l’es ? Parce que tu l’es bel et bien, vivant. Tu as tout ou presque ce qu’on peut envier. Alors, d’où te vient cette pensée qui t’a traversé l’espace qu’une seconde. Oublie ça de suite. Dans ta situation, c’est de l’ordre de l’impensable. L’injonction était puissante. C’était oublié, chassé, évacué et tout redevenait normal. Les choses se rangeaient immédiatement.

Ils ont passé six mois de cette façon, travaillant dans le même lieu, mais sans se croiser vraiment, en s’apercevant de temps à autre et de loin. Intérieurement ils étaient même sans le savoir contents que ÇA n’aille pas plus loin, que rien ne se passe autre que ces « bonjour, bonsoir »tirés à quatre épingles, légers comme des plumes nouvelles, ne disant rien d’autre chose que bonjour, bonsoir. Ravis de ne pas s’être engagés sur le difficile et menaçant chemin de l’attirance, voire de l’attraction. Ils avaient chacun leur vie de leur côté, il se trouve simplement qu’ils travaillaient dans le même espace et qu’ils se croisaient parfois. Mais ils ne se devaient rien, ils n’échangeaient rien, rien de plus que tu vas bien ? Merci moi aussi.

Et puis il y eut ce repas de fin d’année auquel participait qui voulait venir. Lui ne voulait pas y aller. Pas question que je passe une soirée de libre avec des collègues de travail auxquels je n’ai pas grand chose à dire en dehors du travail. On avait insisté, on lui avait demandé comme un service de participer. Il s’était laissé faire, il avait dit oui bon je viens mais c’est bien pour te faire plaisir.  Ils s’étaient tous retrouvés un soir sur le trottoir devant la porte d’Aux bonheurs de Chine. Certains s’étaient demandé pour la contrepèterie, ça les avait fait rire… Ils étaient entrés. Il s’était retrouvé assis à côté d’elle. Elle lui avait souri en coin et un moment, avec son index droit, elle avait relevé une mèche échappée du carré pour la replacer derrière son oreille et elle s’était tournée vers lui.

 

Alors, leurs regards s’étaient croisés et, en un éclair foudroyant, tout ce qui était un peu vivant dans le coin avait été emporté à des années lumière.

 

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