30 juin 2017

Merci chers amis.

 Mes amis, les gens comme dirait l’autre, il faut que je vous remercie.
Je me dois de vous le dire. Après ce que vous venez de faire pour moi, je ne peux pas moins. Vous m’avez tiré d’un mauvais pas sans rechigner, sans poser de question, sans émettre la moindre réserve.  J’ai juste appelé, vous avez dit banco. Cet accord, aide, cette assistance vous honorent. Vraiment.
La fin de semaine dernière, je suis allé dans un village de montagne pour fêter le Saint du coin et pour boire quelques verres (lire Rallumer les feux). C’est à environ deux cent kilomètres de la maison mais ça traverse des paysages à tomber. Dont le plateau fameux de Valensole où l’on peut  trouver des kilomètres de pieds de lavandes en fleurs à cette époque ainsi que des grappes de chinois photographiant les boules mauves. Ma bagnole, celle avec laquelle je roule depuis une bonne quinzaine d’années, celle qui m’a donc accompagnée partout, celle dont je peux moi apprécier les premiers signes de vieillissement, celle dont je me dis : Pourvu qu’elle me dure encore un peu, celle que j’étais allé acheter en Allemagne, sur un ancien drive-in dans la banlieue de Cologne afin de la revendre en France et de faire une affaire, celle que j’ai gardée, finalement… Les affaires et moi faisons deux. Celle que je n’ai, maintenant, pas les moyens de remplacer pour une plus jeune venait de passer brillamment un énième contrôle technique et donc c’est rassuré que j’ai pris la route  pour Colmars Les Alpes. Elle ne m’a pas fait faux bond, elle m’a gentiment monté là-haut. À bonne allure, malgré la chaleur, malgré les premiers camping cars, les premières caravanes qui commencent à pomper l’air des routes  et faire suer à rouler à quarante au beau milieu du ruban fondant, genre moi je suis en vacances, je regarde le paysage, je roule doucement et je vous...
Il y avait bien ces fichus voyants là qui restaient un peu trop allumés mais comme je ne sais pas ce qu’ils signifient, je ne m’en suis pas plus préoccupé.
Je suis arrivé à bonne destination et le lendemain nous sommes montés au col des Champs à plus de deux mille mètres d’altitude, à quatre dedans. Pas d’ennui. Elle a bien escaladé. C’est en entamant la redescente qu’elle a commencé à fléchir… Sur le parking du col, elle n’a plus rien voulu savoir. Elle n’a pas démarré. Batterie à plat. On l’a un peu poussée, ça lui a redonné une vigueur relative. Le moteur a toussé et puis c’est reparti mais la direction, elle n’était plus assistée. J’ai redescendu les douze kilomètres en lacet du col avec un tracteur. Je l’ai garé sur un parking en pente et le lendemain encore une fois plus rien. Rien pas même une petite quinte. C’était fait, elle était immobilisée. Ah il était loin le feu verte du contrôle technique. Je me retrouvai loin de chez moi, l’engin en rade.
Et c’est là que vous déboulez mes camarades !
J’ai appelé mon assurance… Dans la demi-heure, j’avais un dépanneur qui venait me la chercher, dans l’heure j’avais, pour le lendemain un taxi… Je dis bien un taxi qui allait m’emmener de Colmars jusqu’à mon domicile… Deux cent kilomètres en taxi, quatre cent avec son retour puisqu’il était du coin. Et pourquoi pas un hélicoptère ? Comme je souscris à une mutuelle, je tenais donc à vous remercier, vous tous, ceux qui souscrivent à la même que moi et qui ont un peu payé ce trajet en taxi. Je ne parlerais pas, pour ne pas trop vous faire tiquer, du trajet retour que ma mutuelle chérie (elle et moi sommes cul et chemise, désormais…) devra organiser pour que je revienne chercher ma voiture quand on aura remplacé l’alternateur calanché.
Un taxi pour m’emmener au loueur de voiture le plus proche, un véhicule de loc pour rejoindre la grande ville la plus proche du garage, un autre taxi pour aller jusqu’au garage. Sans que je débourse UN seul centime.
Puisque c’est vous aussi qui payez, rubis sur l’ongle. Alors pour tous ces trajets : Merci, merci.

Je suis persuadé qu’il y aurait, quand même, moyen de faire un peu moins cher… Maintenant vous savez aussi pourquoi vos cotisations sont si élevées...
Ah autre chose, en revanche, pour la réparation de la panne, je ne vous remercie pas. Ça, c’est pour ma pomme...
Quant à la voiture, nous sommes un peu en froid, elle et moi. C'était bien la peine de frimer avec ton contrôle technique réussi si c'était pour tomber en panne deux jours après. Vieille carne.


26 juin 2017

Rallumer les feux.

Trois jours de fête, déjà vécus et racontés en Juin 2014 mais là, comme je reviens de l'édition 2017, je propose à nouveau le récit. Si, entre temps, d'autres sont venus, certains sont malheureusement partis. Beaucoup trop loin.

Quand c’était la bonne période, les bons jours, ils s'arrangeaient pour y venir. 
Mieux, tous attendaient ces moments avec impatience.
Alors, les jours venus, ils déboulaient de là où ils étaient partis vivre. Ils venaient de Brisbane de Singapour ou de La Haye, de Rognonas ou de Gap, ils descendaient du Nord ou montaient du Sud, d’Allos ou de Beauvezer, ils venaient de là où la vie les avait envoyés. De partout, mais ils s’arrangeaient pour venir, ces jours là. Passé un certain âge, on ne refuse pas grand chose à son enfance.
Ça durait trois jours. Pendant trois jours de leurs vies d’adultes, ils allaient s’en retourner au temps où ils courraient en sandales dans le village et les alentours. Ils revenaient à Colmars les Alpes pour fêter la Saint Jean. Jean le Baptiste. C’était la raison invoquée et, bien entendu, c’était un prétexte. Un prétexte à se retrouver, à se donner des nouvelles, à en prendre, à se souvenir et à se compter...
Le village s’était préparé à les accueillir, il s’était fait une beauté, il s'était sorti de la vague torpeur dûe aux premières chaleurs, il avait fleuri ses balcons, tondu son pré, renouvelé ses vitrines. Il ouvrait large ses bras pour recevoir tout son grand monde. Encaissé, posé dans un rétrécissement de montagne, cerné par deux torrents vifs, fermé au Nord et au Sud par deux forts, encerclé par ses hauts remparts comme des avants bras de lutteur turc, on avait habillé ses fortins d’une armée de drapeaux neufs qui claquaient au vent en faisant signe que ça allait se passer là, dessous. Un peu partout, on avait nettoyé les vitres, fleuri les bacs et balayé les ruelles. Eux, les humains n’étaient pas de reste, ils se faisaient beaux et s’habillaient en dimanche, en cantinières ou en pompiers, même en plein milieu de semaine.
Il était question de cérémonies, de rites et de traditions mais il s’agissait en vrai de se reconnaître faisant partie de la même tribu et, au fond, de se serrer un peu les coudes et les coeurs face aux hivers et aux rudesses des temps, face aux forces dévastatrices des torrents quand ils entraient en colère, face aux froids, aux neiges, face aux friches des terres, aux éboulis des resta quels, aux départs des jeunes, à la mort des anciens, aux déserts des villages, à la perte des repères. Il s’agissait de tout cela : Lutter contre ce qui désunit, isole, éteint, vide, sépare, défait. S’unir quelques jours contre la froideur des absences et les vides des laissé par les absents, contre la solitude et le temps qui passe.
Alors oui, pendant ces trois jours, pour s’embrasser, on s’embrassait. Pour se toucher, on se touchait. On se serrait, on vérifiait que l’autre était encore chaud, aussi vivant que soi, on se sentait, on appartenait au même groupe, à la même bande, à la même équipe, au même groupe, à la même tribu, au même village, à la même histoire quel que soit le conteur. Et, miracle, il suffisait d’être ami avec un d’ici pour en être également.
Alors, oui tout cela se faisait aussi en levant le coude et en vidant des verres. Le plus souvent de l’amitié. À ce qui nous lie. Sans doute parce que l’alcool libère un peu plus, les gestes, l’âme et la parole et que ça  facilite les effusions. Ici, l’amitié on ne se contentait pas de l’arroser, on l’inondait.
Les fêtes duraient trois jours. Elles étaient un savant mélange de république et de paradis. Pour tout dire, on y faisait sonner le clairon au beau milieu de l'église.
Le premier soir, de la Saint Jean Baptiste, qui n'est pas très loin du solstice d'été, après les retrouvailles en famille, à la nuit tombée on se rend en cortège dans un pré à la sortie du village et le feu est mis à un pin dressé sous la musique joyeuse d'une fanfare approximative. Alors, dans le noir revenu, les pompiers rendent hommage aux leurs et brûlent aussi le bouquet de fleurs séchées de l'an passé. Ensuite, il te faut aller boire un verre ou deux à cause de la fraîcheur tombée sur les épaules et peut-être, pour préparer le lendemain. Disons que cette soirée du feu te sert... d'échauffement. Ce pin qui flambe a dans l'idée de nettoyer l'année passée et de rallumer la flambée de vie. 
Le deuxième jour, à l’aube, on monte la statue du Saint protecteur, le Baptiste (les hommes mêlent souvent la foi à leurs petites affaires…) vers une chapelle dans les bois, posée près d’une source vive, la soif de Dieu est salutaire, à dos d’hommes ou de femmes, enfin, à dos de vaillants puisque, le tout, se monte  à pied. Depuis le village, il y en a bien pour une belle heure, pour les plus jeunes. Le reste peut  y aller en voiture jusqu’à un parking à quelques pas de la chapelle. Ce sera pour les feignants  et les anciens. Comme ici on pense à tous, ceux qui ne peuvent plus marcher y sont montés en jeep crapahutante et chahuteuse ce qui amuse beaucoup. Là-haut, vers la fin de matinée, il y aura une première messe. En plein air, sous les arbres de la forêt, accompagnée des vols des insectes, des chants des oiseaux et des cris d’enfants. Les premiers arrivés pourront s’asseoir sur des bancs de bois, les autres resteront debout dans la clairière. Ensuite tout ce petit monde revigoré par la parole divine ira se rafraîchir à la source. Un verre de pastis dilué dans de l’eau de montagne. Enfin, UN  verre… Ce sera  davantage, c’est simple, on en partage un à chaque fois qu’on croise une tête connue. C’est dire si on en descend... Tout le village et les rattachés sont là. Alors du monde, on en rencontre... Ensuite on partage le repas à même le sol. C’est pendant ce repas que les souvenirs s’échangent, que les enfances se retrouvent et se souviennent. C’est là qu’on se rappelle, c’est là qu’on s’embellit les moches et qu’on s’enjolive les belles. C'est là qu'on peut voir des gamins d'environ la soixantaine s'éclabousser de rires et de niches et de galéjades. Comme avant. C'est là qu'on peut entendre un officier du culte gentiment saoûl raconter la blague de savoir quel est le plus petit paradis du monde? Et dans un éclat de rire répondre: Hé bé le soutien gorge et tu sais pourquoi? Dans un éclat de rire: Parce qu'il n'a que deux saints, pardine!
Enfin, rassasiés de souvenirs et de paroles, un peu soûls, on redescend la lourde statue du Saint, à pied, toujours à dos de solides, pour le ranger dans sa niche de l'église jusqu’à l’année prochaine. Soi, on se redescend... comme on peut. Certains tanguent plus que d’autres... Certains feront des pauses effondrés dans le vert doux de prés bienveillants... D'autres mettront du temps avant d'arriver, la pause sera longue. Le soir, il y aura bien les vêpres au village pour les plus fervents des croyants.
Le lendemain, c’est LA grande journée. On l'appelle le jour des «Aubades ». Tout un cortège d'enthousiastes, va parcourir le village en long et en large  et à la fin de travers pour certains: les pompiers armés de fusils, les cantinières en costumes, une fanfare et les citoyens du village qui le veulent vont rendre visite à ce qui compte d’institutions. On commence par le curé qui fait un discours, bénit la foule et on boit un verre ou deux en se souvenant. Ensuite, on se rend, en musique, à la mairie où le Maire fait un discours et on boit un verre ou deux en souriant d’avant. 
L’étape d’après ce sera la gendarmerie à l’autre bout, à l'entrée du village. Le chef gendarme accueille, discourt. Là, il y aura moins de monde, et pour cause, chez les gendarmes, on n'y boit pas. Le cortège vaguement épuisé remonte alors vers le Bar du France. Là, c'est le comité des fêtes qui verse à boire un verre. Ou deux, pendant qu’on se raconte. Et enfin, la caserne des pompiers qui s’est mise sur son trente deux recevra la fanfare et la foule pour qu’on y parle d'avant et qu'on y boive un verre, ou deux ou trois… Pendant tous les trajets, les pompiers armés s’amuseront à tirer en l’air des coups de fusils pour faire tomber des branches entières d’arbres. Un élagage rapide, efficace et bruyant. Epuisés, titubants, les volontaires mangeront dans le hangar des pompiers accueillants, jusqu’à l’heure des vêpres où se rendront les vrais croyants. Les autres iront au comptoir du France vider un verre ou deux, certains sortiront les boules histoire de s'en dire encore quelques bonnes en se racontant  ou s'inventant d'autres bêtises faites quand ils étaient gamins.  Du reste, pendant ces trois jours, les mères  qui laisseront traîner les oreilles finiront par  en apprendre de belles… 

Voilà, si vous aviez survécu à tous ces verres, vous étiez chanceux de la vie et montés de partout à Colmars les Alpes pour fêter comme il le mérite la Saint Jean Baptiste. Vous aviez également rallumé votre feu intérieur.
Ainsi fait, ceux d'ici ils avaient passé trois jours avec  leurs enfances. Et nous avec eux.  Il leur fallait maintenant redevenir adultes tout le temps d'une année entière. 


À elle seule, cette perspective, si peu réjouissante, méritera bien un... dernier verre…







22 juin 2017

Entre nous soit tu.

Je ne savais pas d’où c’était venu mais depuis quelques semaines, je sentais que je l’agaçais. Elle essayait encore de me le cacher ou de s’en défendre mais quand elle je l’appelais le plus gentiment du monde elle ne pouvait s’en empêcher. Ainsi quand je lui susurrais mon petit chat… J’entendais répondre dans sa barbe : mon pauvre vieux. Et aussitôt je lui en voulais.
De me mentir et de penser que je ne me rendais compte de rien. C’est dire si nos rapports se tendaient.
Nous n’étions d’accord sur à peu près rien. Sauf peut-être un endroit : Nous nous rejoignions sur nos désaccords mais sans encore rien nous en dire. Nous étions dans l’agacement, cette période étrange et injuste ou rien absolument rien de ce que fait, pense, décide l’autre ne provoque en nous un sentiment bienveillant.
Ce que j’avais remarqué bien nettement c’est, qu’auprès d’elle, tous mes points forts étaient petit à petit devenus des faiblesses. De gentil, j’étais passé à trop gentil. De drôle, voire léger, j’étais devenu superficiel, peu profond, de prévenant, j’étais passé à volontiers collant, pégueux… J’avais beau trouver ça d’une injustice terrible, c’était ainsi. Ça ne faisait pas mes affaires ni ne les arrangeait mais la bascule avait eu lieu. Tout ou presque de ce qui l’avait séduite au début, tout ce qui, en moi lui avait plu devenait peu à peu une tare lourde à porter, une source de reproches infinie, une infamie dont j’avais de plus en plus de mal à me défaire et tous mes efforts étaient pathétiques puisqu’ils ne contribuaient qu’à m’enfoncer. Plus je tentais d’opposer la bienveillance à ses ressentiments plus elle me trouvait insupportable et n’hésitait plus maintenant à montrer son agacement d’une manière évidente. C’est comme ça qu’elle ne supportait plus aucune de mes caresses et, à l’éloignement commençait à ajouter le regard noir ou même le geste furtivement agressif. 
Quand je lui donnais ses croquettes, elle ne se frottait plus à mes jambes mais semblait trouver mon geste juste normal. Il n’y avait plus, de sa part,  ces remerciements effusifs autrefois frottement démontrés. Elle s’y penchait dessus, les boulottait et son affaire faite, s’en allait sans un regard, ni pour moi ni pour sa coupelle désormais vide.
Il me fallait m’y résoudre, notre lien, autrefois si puissant, si fusionnel battait bien de l'aile et n’était plus devenu que du simple commerce:
Finis les câlins, les ronrons. Entre nous c'était le minimum. Je la nourrissais, elle me débarrassait des mulots du garage. 


Et encore! 
J'avais remarqué, là aussi, qu'elle y mettait un poil moins de coeur qu'il y a seulement quelques mois...


15 juin 2017

Bon, ben...

J'y suis entré comme on  s'attaque à une face Nord en plein milieu de Janvier.
J’ai posé le premier pied sur la première grosse pierre, le deuxième sur le fond de sable, mes jambes ont, de suite, été poussées par le courant plutôt costaud à cet endroit et la fraîcheur des gros bouillons… Le froid qui m’a mordu les deux mollets d’un coup puis les cuisses au fur et à mesure que j’avançais en descendant. Je connais bien le coin, c’est un joli trou d’eau d'un vert pale, c’est là que je viens pour me tremper lorsque la chaleur dégringole du bleu et des toits et nous tombe sur les épaules comme des sacs de ciment jetés d'un camion. Ces derniers soirs, j’y venais tous les jours. Une vague de plomb fondu avait déferlé sur le coin et ramollissait les corps les plus agiles et les esprits les plus vifs. On entendait tout le monde souffler à gros bouillons contre cette chaleur, mon dieu quelle chaleur… Ils n’en pouvaient plus, tous.
Je me suis arrêté les pieds sur le sable, déjà les mâchoires accrochées à mes  jambes avaient relâché leurs étreintes, je ne sentais plus toutes les dents mais encore quelques canines, j’étais debout sur le lit de la rivière, de l’eau jusqu’au bassin. J’allais devoir me baisser pour que le ventre aussi soit dans le froid. Le passage serait délicat, j’avais beau le savoir, ça me le faisait à chaque fois, ça ne changeait pas grand chose. Pendant que je pensais à ça, je me suis baissé d’un coup comme pour me surprendre. C’était fait j’étais enfoncé dans le muscle  clair et transparent de la rivière jusqu’au cou. Le cœur a fait des bonds dans la poitrine comme s’il voulait remonter à la surface, j’ai suffoqué, manqué d’air et puis ça c’est très vite apaisé. J’étais accroupi,  de l’eau au niveau de la nuque comme un cache col de glace et c’était bon. Toute la fatigue accumulée pendant l’heure de course était en train de quitter chacun des muscles de mes jambes, de mes cuisses. Les chevilles, les genoux et les hanches retrouvaient leur légèreté, je sentais chacun de mes os, chacun de mes tendons, chacun de mes ligaments, je devenais un autre homme. J’étais entré dans l’eau comme un vieillard essoufflé, désormais, j’étais  miraculeusement rien moins qu'un jeune homme refroidi. 
Du moins je le ressentais comme tel, c’était bien là le principal.
À quelques mètres de là, plus haut, une jeune mère canard apprenait à une ribambelle de petits comment traverser le courant sans se faire emporter en longeant une pile du pont. Au dessus, un couple de geais se relayait au nid qu'ils avaient investi dans un creux du vieux saule, partout, les rayons du soleil tentaient de percer le touffus du feuillage et faisaient sur le fil du courant des magies de lumière, devant sur le vert des herbes, un couple de libellules d'un bleu électrique dansait une nuptiale effrénée, je ne perdais rien du spectacle et je n’avais plus froid, j’étais simplement bien. Un Buddha rafraîchi. Tout le pays se mettait, paraît-il, en marche et parfois à tue-tête, au propre, il fallait entendre les déclarations de certains candidats, et moi, alors que je ne bougeais pas d’un pouce, au creux des draps limpides du lit de cette si magnifique rivière, je souriais comme peut sourire un imbécile. Mais je restais concentré, sur une réserve... Je n'en avais pas terminé.


Si je gardais un peu de forces  c’est que je savais que pour que la fête soit complète, j’allais devoir, maintenant, y plonger la tête…


12 juin 2017

À la fin du bal...

Nous connaissons tous les expressions : C’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens ou c’est après la foire qu’on compte les bouses… Comme j’avais du temps devant moi, je me suis amusé à en trouver d’autres qui pourraient dire la même chose, c’est à dire, au fond, ne nous empressons pas de juger attendons un peu...

C’est à la fin du concert qu’on plie les partitions,
C’est au retour de cueillette qu’on poêle les champignons,
C’est après la grêle qu’on balaie le verre cassé,
C’est à la fin des vendanges qu’on sait le bel l’été,
C’est après l’élection qu’on l'appelle Mr le Président,
C’est après l’incendie qu’on recompte les résidents,
C’est après l’arrivée qu’on offre le bouquet,
C’est après l’avoir percé qu’on plume le poulet,
C’est au retour de l’étang qu’on pèse les carpes,
C’est quand on a posé les pommes qu’on enfourne la tarte,
C’est après la messe qu’on recommande des hosties,
C’est après être entré qu’on s’inquiète de la sortie,
C’est quand le beau temps est revenu qu’on damme les pistes,
C’est aux fûts vides qu’on sait combien sont les trappistes,
C’est à la fin du livre qu’on connaît l’assassin,
C’est quand on a le rendez vous qu’on pose le lapin,
C’est après la bataille qu’on ramasse les morts,

C’est en fonction du vent qu’on tire les bords…

À vous, maintenant...


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