30 août 2019

Rentrons

Bien sûr, il y eut ces douces soirées s’éternisant, aidées par les blancheurs gouleyeuses de vins frais…
Bien sûr, il y eut ces instants de partage sous le silence infini des étoiles tremblantes…
Evidemment, nous nous sommes étonnés de ces chaleurs étouffantes et nos pas plombés nous ont portés, le soir,, vers des eaux espiègles, galopantes et fraîches…
Oui, nous y avons passé de jolies soirées dans les salles de spectacles de cette ville en fête dont certaines sous un ciel de pépites... je pense à tous les mirages de ce cirque…
Oui, avec les amis de passage, il y a eu quelques débuts de nuit peu sages, seul, le vide éparpillé des bouteilles permet encore de s’en souvenir…
Bien sûr, je t'ai aperçue deux ou trois fois de dos dans le magma d'une foule assise à une terrasse ou dans le reflet opaque d'une vitrine mais ... ce n'était pas toi...
Oui, oui, il nous est arrivé de nous endormir dans le creux accueillant d’un hamac multicolore et surtout doux et parfois même en dehors des heures légales de sieste…
Oui, nous avons bu des apéritifs au sortir des petits déjeuners, juste en secouant les nappes et poussant les bols…
Bien sûr, il y eut ces bains interminables dans des piscines nouvelles endimanchées par les ferveurs des capucines...
Bien sûr, nous avons mangé des poissons grillés … plus que de raison … entre boire et mal cuire nous avions choisi…
Oui, nous sommes allés nous asseoir aux couchants, face au paysage pyromane en train de se foutre en feu, alors, c’est aussi dans nos yeux et nos âmes qu’il était l’incendie à éteindre…
Oui, nous avons parlé fort autour de certaines donnes de cartes devant l’insolente chance des uns et la terrible déveine des autres, la roublardise maudite des uns, la maladresse insigne des autres…
Oui, oui, nous avons parfois pleuré devant des animaux aplatis le long des routes empruntées…
Oui, nous nous sommes repus de salades estivales dans des bouges de travers à des heures impossibles…
Bien sûr, nous avons croisé le sillage de beaux humains et navigué dans les eaux de belles humaines ce qui nous a même fait dire qu'il suffirait de pas grand chose pour qu'on s'en sorte, enfin...
Oui, nous avons dormi la nuque en vrac sur des plages bondées, cuisant à l'implacable chalumeau d’un soleil d’enfer…
Bien sûr, nous nous sommes trempés les pieds, les chevilles et les jambes dans des fraîcheurs entrevues à l’ombre noire des sous-bois de rencontre…
Evidemment, nous avons pesté contre tous ces autres, qui avaient la bêtise d'être là , au même endroit que nous, au moment où nous y venions….
Evidemment, j’ai souvent pensé à ce que tu pouvais faire à l’instant même où je faisais quelque chose que d’ordinaire il nous arrivait de faire ensemble…
Oui, nous avons perdu du temps à l’ombre de grands arbres sur des places animées à parler de tout, surtout de rien, enfin juste à parler… Il arrive qu’en ne se disant rien de très profond, on s’en dise un peu quand même… Et que la légèreté, en fin de compte, pèse son poids…
Oui, nous avons eu des envies de valises pour des bouts de monde de préférence inconnus mais finalement pourquoi partir ailleurs alors qu’on peut être aussi mal en restant ici ?
Evidemment, durant ces jours, nous avons prononcé davantage de bêtises que de phrases impérissables...
Bien sûr, nous nous sommes dit qu’on ne nous y prendrait plus et que les prochaines seraient différentes, qu’il fallait nous croire sur parole… Sur parole de vent...
Et, puisque désormais nous n'avons plus à rentrer, sortons.




27 août 2019

Ça va jazzer

La chaleur torride du jour s'affaisse, le soir s'amène avec ses bras de berceuse, les arbres, les plantes et les murs des maisons en soupirent d'un peu d'aise attendue. Tu prends ta douzième douche froide de la journée, à même le jardin, tu en profites pour souffler avec le reste. Tu te dis qu'il est un peu tôt, mais tu te sers un verre de rosé d'une bouteille qui traînait dans le frigo et tu la laisses dehors pour les quelques autres qui vont suivre. Puis, tu te rases et t'habilles. Tu essaies de te faire beau, comme un pour un dimanche de communion.
Ce ne sera pas le plus facile mais, ce soir tu as rendez-vous.
Vers vingt et une heure dans un domaine viticole, pas loin de là où tu habites. Tu y seras vite, en moto. Tu y es allé la veille pour le trajet, pour ne pas te perdre, pour être certain d'y... être. La température t'autorise à ne pas te couvrir comme en hiver. Le soleil, lui s'est déjà couché derrière les grands peupliers qui bordent la route. Il fait une douceur plus supportable. Tu fermes la maison et tu prends route. Tu es en avance, alors tu roulottes gentiment, tu traverses des paysages mais surtout des odeurs, des odeurs renvoyées par la terre et le chaud qui en monte encore, des odeurs de lavande, de figuiers, de soir naissant, des odeurs d'été, des odeurs de Sud. Tu te sens un peu étrange et tu mets cette sensation sur les épaules du vin que tu as bu, tu aurais dû manger un peu en descendant les verres, mais tu n'en n'as rien fait. Tu enroules les virages avec une euphorie pas commune, tu te dis, en fait que tu es bien, que tu pourrais rouler des heures comme ça. Et puis tu arrives au Domaine. Quelques voitures sont déjà là sur le parking. Tu ranges ton engin près d'une, tu te défaits du casque, tu le poses dans le coffre, tu jettes un oeil sur le rétroviseur pour voir la tête que le vent t'a faite. Tu ne te trouves pas si mal... L'alcool? Encore? Tu entres dans une salle où quelques personnes sont déjà assises. Elles sont pour la plupart, bronzées, gracieuses, vêtues comme toi légèrement. Tu ne regardes pas leurs hommes. Tout annonce une belle soirée ou alors tu n'y connais plus rien.
Elle, elle et déjà là et t'attends. Elle te sourit, le coeur et les bras grands ouverts. Tu vas vers elle. Elle sent le parfum que tu lui as offert. Elle est belle d'être amoureuse alors que toi ça ne te transfigure pas.
Dans le fond de la salle, un piano droit, une batterie, une contre-basse posée sur le côté comme une femme qui dort. La salle au plafond à la provençale est éclairée par des bougies dont la flamme vacille un peu sous les courants d'air et un plafonnier à la blancheur crue. Puis le noir se fait, il ne reste que les lueurs des bougies. Alors, elle arrive, couverte d'une robe longue de soie bordeaux et elle se met à chanter...
Tu ne le sais pas encore mais tu va assister à un concert de jazz mémorable.
Elle arrive. Une silhouette de Navarone d'apparat, d'une beauté à faire retourner toutes les vestes de tous les fieffés imbéciles ennemis du métissage, elle a une voix de pierre de lave aussi renversante que l'énergie qu'elle dégage, un tempérament de mère fusion. Ah, le swing, elle l'a, elle l'a et sa connivence avec ses complices est partageuse. Deux heures de plaisir, ça commence à compter. 
Entre les sets, il y aura un entracte où tu pourras goûter à volonté, pour une fois tu en auras, du rouge du Domaine... à quatorze degré cinq tu auras à nouveau vite chaud. Mais malgré le retour à faire, tu ne freineras guère.
Rentrés, il fera nuit noire, tu auras mal aux bras à force de battre la mesure, à moins que ce ne soit d'avoir levé les coudes et méfiance, tu ne verras plus très bien les virages... 
Mais tu t'en ficheras un peu.

D'autres étoiles t'attendent…





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