NL. Un peu comme un Non Lieu.
Il n'y a plus rien à tenter, je n'arrive pas bien à m'y faire et puis c'est tout.
Quels que soient les efforts qu'il fait, ce pays n'est pas un pays normal. Alors, désormais qu'on ne me parle plus de la Hollande et de ses autochtones. Pourtant, j'étais ravi d'y aller comme à chaque fois que je vais quelque part, une fois que l'idée de sortir de chez moi est acceptée, le plus délicat est passé, le plus dur est accompli, je suis prêt au voyage. Et pourtant, je n'ai pas d'affinités particulières avec les zollandais en général, enfin avec la plupart de ceux que j'ai pu croiser. Certains sont même aussi inhospitaliers que des carpentrassiens en période électorale. C'est dire... Je me souviens de ce grand-père au marché qui m'avait fait la morale parce que je ne comprenais pas ce que la poissonnière voulait me dire. Quand je vais à l'étranger j'emmène un dictionnaire, il m'avait envoyé dans les dents! J'avais répondu en anglais que dans mon cas un dico n'aurait servi à rien car comme tous les français, je ne sais pas lire... On en était resté là, de notre relation amicale naissante.
À chaque fois que j'y allais, je bénissais quand même le Ciel de ne pas m'y avoir fait naître. Là-haut, je n'aurais, le temps venu, jamais pu vivre aucune histoire d'amour puisque j'arrivais au nombril de la plupart des filles. Cela écrit, je ne les connaissais pas toutes, ni tous et je ne voudrais pas lancer l'opprobre sur l'ensemble à cause de quelques brebis galeuses. Ce serait tentant mais injuste. Quoiqu'il en soit, je ne les aime pas trop quand ils sont chez nous chez eux, quand ils circulent sur nos autoroutes, avec leurs encombrantes et indoublables caravanes bondées. Pas plus dans nos bars ou aux terrasses de nos restaurants, qu'ils y parlent forts sans doute une habitude prise à cause du vent constant qui les oblige à hurler pour se faire entendre. Pas plus dans nos magasins où, ils semblent si pingres qu'harpagon à côté passerait pour un Prince généreux. Pas non plus dans leurs canoés, dans toutes nos mares, lacs, torrents, rivières... Toute cette viande blanche rougie, solidement musclée, plongée dans nos eaux limpides... Et puis, cette blondeur indécente voire aryenne... Merci bien! Qu'un sang impur nettoie tous nos sillons. Leur pire trait de caractère serait, me semble-t-il, d'être absolument dépourvus d'idées noires. Ils sont heureux de vivre presque tout le temps, et le font savoir! La pluie les fait sourire et dès qu'un rayon de soleil darde, ils rient, fort, se dépoilent pas mal et s'offrent à lui! Mince, on a quand même bien le droit d'être un peu triste s'il fait grand soleil! On peut, si on le désire, faire un peu la tête! On devrait pouvoir juste être sombre si l'envie nous en vient, on n'est pas obligé de tout le temps se taper dans le dos en hurlant et en descendant une bière, non?
Ah et puis, je n'aimais pas leur manière de rouler les "r" comme des pelles, ni les "achedoublift" qu'ils collaient à toutes les sauces... Fussent elles hollandaises.
Donc, j'y allais. Cette fois là, ce fut le pompon. J'avais à peine posé le pied sur leur sol tout plat depuis un grand quart d'heure, qu'un indélicat m'avait barbé mon larfeuille à la railway station du coin où j'avais atterri. (Non, je ne sais pas dire gare en flamand). Le disparu était un vieux morlingue (j'aime ce mot là) en peau de vache auquel je tenais beaucoup par fidélité, que j'avais déjà égaré deux fois dont une dans les Halles de Paris pour ceux qui connaissent et donc retrouvé deux. Ça peut donner une idée de la mesure de l'exploit et de l'attachement qui me colle à lui... Je tenais surtout à ce qu'il y avait à l'intérieur et pas seulement aux euros en billets. Deux cartes de crédit, les papiers, des photos de mes deux amours, enfants dont j'ai perdu les négatifs, un carnet de ticket du cinéma Utopia d'Avignon, la recette des oeufs brouillés à la truffe des cartes de restaurants et quelques autres trucs inutiles mais indispensables.
Le type a plongé la main dans mon sac et le tout a changé de propriétaire en moins de temps qu'il n'en faut pour dire portefeuille. Je sais, il ne faut pas généraliser mais sur le coup, j'ai, je le confesse volontiers, produit un raccourci agressif, vengeur et insultant en trois syllabes...
Alors voilà, je me retrouvais dans un train entre deux villes aux noms imprononçables, sans papiers, sans argent, sans souvenirs et dans une colère noire. Et la Hollande entière qui s'en foutait. Je les haïssais. TOUS. Les polders avec.
Arrivé, j'ai fait ce qu'il y avait à faire et deux jours après on m'annonçait qu'IL était retrouvé. Bien sûr, sans l'argent... Dites ce ne sont que des êtres humains eux aussi! Les cartes bancaires y étaient, un peu comme Morano, j'avais fait opposition pour rien. A tel point que j'en suis arrivé à me demander si je ne l'avais pas fait tomber de mon sac, le lazingue. Et puis, je me suis un peu fait confiance. On me l'avait barboté et puis c'est tout.
J'ai donc passé les restes du séjour plus décontracté et j'en ai bien profité. De tout. De lui. D'elle et du beau temps qu'il a fait.
Puis, est, trop vite venu le temps du retour.
Elle m'a déposé trois heures avant l'heure à l'aéroport. On s'était mis d'accord pour éviter de refaire le coup de la dernière fois où on était arrivé en retard pour le vol. Tellement en retard que je n'avais pu repartir qu'en allant en train à la capitale. Je voulais, cette fois, décoller d'Eindhoven et ne pas être obligé de courir jusqu'à Amsterdam pour reprendre un billet d'avion surtout que cette fois, ma carte bancaire était invalide... Il fallait jouer serré.
Puis, l'avion a été délayé, un peu, beaucoup. On a embarqué vers vingt et une heure quinze au lieu des dix huit heures cinquante prévues. On est resté une bonne heure dans la carlingue surchauffée. Ils essayaient visiblement de réparer un truc dans le circuit informatique. Réparez bien, bien, j'ai pensé.
Et puis, ils ont renoncé. Ils nous ont commandé un joli bus pour faire les cent quarante kilomètres entre les deux avions, celui qui était cassé et le nouveau.
On a traversé l'aéroport vide en plein milieu de la nuit notre valise derrière nous, dans le sillage de nos fatigues. On tanguait tous comme des Titanics en fin de vie. J'ai vu, de mes yeux vu, une immense jolie blonde grimpée sur escarpins télescopiques surveiller en se retournant sans arrêt, la valisette en peau de zèbre qu'elle trainait à bout de bras pour vérifier qu'elle suive bien... On est monté dans l'avion pétant la forme (l'avion pétant, pas nous) et une heure après on voyait sur la gauche de l'appareil un orangé lever de lune à pleurer de beauté. Ils nous ont offert un vieux sandwich qui aurait dû être en réparation lui aussi et une bouteille d'un liquide amer et sombre qu'ils nommaient red wine et, au tout petit matin naissant dans la baie des Anges, nous avons atterri.
C'est quand j'ai voulu appeler pour dire que j'étais enfin arrivé que je me suis aperçu que les batteries de mon portable étaient aussi vides que le regard de qui vous n'aimez pas... Le lever du soleil, lui était pas mal.
La chance n'a pas encore tout à fait tourné, mais ça tient à un rien, je me suis dis... Si on s'entête dans cette voie, que j'aurais tendance à sentir sans issue, ma lune de miel avec la Hollande va, et là, je l'écris comme je le pense (un copéisme), définitivement prendre fin...