Il venait de tourner à angle droit à la sortie du hameau et s'apprêtait à prendre la route qui, à travers les champs, menait à l'autoroute.
Alors seulement, il rangea la voiture dans le gras de l'herbe sur le bas-coté, coupa le moteur, se prit le visage entre les mains et posa son front sur le volant. Il était comme agité de l'intérieur par des hoquets incontrôlables. Des spasmes. Cependant, il avait beau les guetter, les attendre et peut-être les désirer, aucune larme ne vint. Il se dit qu'il était si triste qu'il n'arrivait même pas à pleurer.
Alors seulement, il rangea la voiture dans le gras de l'herbe sur le bas-coté, coupa le moteur, se prit le visage entre les mains et posa son front sur le volant. Il était comme agité de l'intérieur par des hoquets incontrôlables. Des spasmes. Cependant, il avait beau les guetter, les attendre et peut-être les désirer, aucune larme ne vint. Il se dit qu'il était si triste qu'il n'arrivait même pas à pleurer.
Jusque là, pourtant, il avait fait preuve d'une maîtrise implacable. Tout au long de la matinée, tout le long de cette implacable descente, il avait réussi à se contrôler. Comme s'il ne voulait pas être atteint par les évènements et leur précipitation. Comme s'il voulait rester en dehors des coups. Mais quand ça partait dans tous les sens n'importe qui traversant l'endroit était susceptible de s'en prendre un.
Ca avait commencé dès le réveil. Voilà plusieurs années déjà qu'ils ne faisaient plus lit commun. Ce n'est qu'au début, qu'au tout début qu'ils passaient toutes les nuits dans le même lit. Puis, ils se sont mis à la commencer ensemble et au beau milieu l'un, réveillé par l'autre, vaincu, s'en allait. Ensuite ce fut à lui qu'on demanda de partir ronfler ailleurs et les derniers mois, ils se la souhaitaient bonne sur les paliers ou bien au sortir de la salle de bains où ils prenaient soin de se suivre, plus question de l'occuper en même temps...
Ils étaient allés ensemble lentement vers une telle destination...
Ensuite ce furent les matins ensemble qu'ils évitaient.
C'était devenu comique. Les premiers mois, il lui montait le thé au lit sur un plateau, ces derniers jours, comme il y avait deux escaliers qui descendaient de l'étage, il prenait le premier et vite habillé fichait le camp dehors en essayant de faire le moins de bruit possible. Il allait au village voisin, buvait un café au bar des Sports, lisait le journal achetait du pain frais et vers dix heures revenait. Pendant ce temps, elle avait fait ses exercices de yoga, s'était douchée et installée au soleil, elle lisait quand il arrivait.
S'il avait le malheur de lui demander si elle avait bien dormi, elle l'envoyait bouler gentiment en pointant du doigt la banalité d'une telle question. Mais si au matin on ne se demande pas si on a bien dormi que reste-t-il?
Alors, ils reprenaient ensemble, lui une tasse de café, elle, un bol de thé. Dans un silence à faire peur.
Combien de fois avait-il été tenté de remplir son sac et de filer en douce dans le noir d'une jolie nuit?
Il faisait malheureusement partie de la bande de ceux qui pensent que ça s'arrange, que tout s'arrange, qu'il y a des mauvais moments mais qu'ils finissent par passer, qu'il suffit d'être patient, d'attendre un peu, que le temps, s'il s'en mêle, saura dénouer ce qu'eux ne savent plus faire... Tu parles. Une fois que la dégringolade est amorcée plus rien ne peut se mettre en son travers. Il aurait dû le savoir. Disons aussi, qu'il faisait aussi partie de l'immense cohorte des hommes qui manquent de courage devant l'adversité, de ceux bien trop nombreux qui ne veulent pas voir la réalité en face et qui sont incapables de préparer leur sac en plein jour. Ah, avec tous ceux là, les fourmis peuvent dormir tranquille, elles ne seront jamais chamboulées. Ce que la plupart des femmes savent faire, elles.
Et puis le séjour étant arrivé à son terme, leurs vacances étant finies, il fallait que chacun rentre chez soi. Ils n'attendraient pas la fin de la semaine, ils anticiperaient, ils n'étaient pas à deux jours près, non? Alors, il l'avait rempli son foutu sac. Mais officiellement. Et puis ils s'étaient dit au revoir sans fixer de date pour se revoir. Ils savaient sans doute qu'ils ne se reverraient pas.
Il y avait aussi du soulagement dans ce départ. Une fin était posée à cette mascarade d'être ensemble. Deux étranges étrangers sous le même toit, ça ne fait pas un ensemble. Mais il y avait aussi une profonde tristesse, de celles qui naissent lors d'un ratage, de celles qui sont si profondes qu'elles empêchent de pleurer...
C'est exactement ce qu'il s'est dit avant d'appuyer sur
Ca avait commencé dès le réveil. Voilà plusieurs années déjà qu'ils ne faisaient plus lit commun. Ce n'est qu'au début, qu'au tout début qu'ils passaient toutes les nuits dans le même lit. Puis, ils se sont mis à la commencer ensemble et au beau milieu l'un, réveillé par l'autre, vaincu, s'en allait. Ensuite ce fut à lui qu'on demanda de partir ronfler ailleurs et les derniers mois, ils se la souhaitaient bonne sur les paliers ou bien au sortir de la salle de bains où ils prenaient soin de se suivre, plus question de l'occuper en même temps...
Ils étaient allés ensemble lentement vers une telle destination...
Ensuite ce furent les matins ensemble qu'ils évitaient.
C'était devenu comique. Les premiers mois, il lui montait le thé au lit sur un plateau, ces derniers jours, comme il y avait deux escaliers qui descendaient de l'étage, il prenait le premier et vite habillé fichait le camp dehors en essayant de faire le moins de bruit possible. Il allait au village voisin, buvait un café au bar des Sports, lisait le journal achetait du pain frais et vers dix heures revenait. Pendant ce temps, elle avait fait ses exercices de yoga, s'était douchée et installée au soleil, elle lisait quand il arrivait.
S'il avait le malheur de lui demander si elle avait bien dormi, elle l'envoyait bouler gentiment en pointant du doigt la banalité d'une telle question. Mais si au matin on ne se demande pas si on a bien dormi que reste-t-il?
Alors, ils reprenaient ensemble, lui une tasse de café, elle, un bol de thé. Dans un silence à faire peur.
Combien de fois avait-il été tenté de remplir son sac et de filer en douce dans le noir d'une jolie nuit?
Il faisait malheureusement partie de la bande de ceux qui pensent que ça s'arrange, que tout s'arrange, qu'il y a des mauvais moments mais qu'ils finissent par passer, qu'il suffit d'être patient, d'attendre un peu, que le temps, s'il s'en mêle, saura dénouer ce qu'eux ne savent plus faire... Tu parles. Une fois que la dégringolade est amorcée plus rien ne peut se mettre en son travers. Il aurait dû le savoir. Disons aussi, qu'il faisait aussi partie de l'immense cohorte des hommes qui manquent de courage devant l'adversité, de ceux bien trop nombreux qui ne veulent pas voir la réalité en face et qui sont incapables de préparer leur sac en plein jour. Ah, avec tous ceux là, les fourmis peuvent dormir tranquille, elles ne seront jamais chamboulées. Ce que la plupart des femmes savent faire, elles.
Et puis le séjour étant arrivé à son terme, leurs vacances étant finies, il fallait que chacun rentre chez soi. Ils n'attendraient pas la fin de la semaine, ils anticiperaient, ils n'étaient pas à deux jours près, non? Alors, il l'avait rempli son foutu sac. Mais officiellement. Et puis ils s'étaient dit au revoir sans fixer de date pour se revoir. Ils savaient sans doute qu'ils ne se reverraient pas.
Il y avait aussi du soulagement dans ce départ. Une fin était posée à cette mascarade d'être ensemble. Deux étranges étrangers sous le même toit, ça ne fait pas un ensemble. Mais il y avait aussi une profonde tristesse, de celles qui naissent lors d'un ratage, de celles qui sont si profondes qu'elles empêchent de pleurer...
C'est exactement ce qu'il s'est dit avant d'appuyer sur