Nous nous languissions tous d'en finir avec cet hiver terriblement éprouvant.
Nous avions laissé en route
beaucoup trop de monde, amis, connus ou
inconnus. Nous avions pleuré toutes les larmes de nos pauvres et, désormais tristes cœurs. Nous
étions lessivés, rincés, défaits, hébétés, abattus, épuisés. Heureusement, il nous
était arrivé plusieurs fois de nous retrouver et de nous serrer collés comme une bande
de manchots face au blizzard mais, quand même, peu de choses nous avaient été
épargnées. Dans ce premier mois de l’année, normalement celui qui est dédié aux
vœux, aux désirs souhaités pour les autres et pour soi, à la bienveillance
générale, à la générosité universelle, nous étions allés de peines en peines, de pleurs en pleurs, de deuils
en deuils avec une régularité implacable. Pas un jour, pas une semaine sans
qu’on apprenne qu’untel ou une telle était tombée au champ d’honneur.
Cependant, contents ou pas,
nous faisions maintenant partie de ceux qui restent et nous devions faire avec... Ou plutôt sans comme chantait l'autre. La vie devait absolument reprendre le dessus sinon, c’était tout simple, nous passerions direct en tête de liste sans espoir de retour. Et puis, nous leur devions bien ça. Ma main à couper que si on leur avait laissé le choix, ils auraient voulu rester encore un peu.
Alors, comme des
convalescents à peine débarqués de la salle d’opération, nous recommencions doucement
à, certaines fois, sourire, à nous remettre, oh bien sûr sans trop d’entrain, aux choses habituelles, parfois
en réprimant les quelques sanglots qui nous surprenaient encore comme des hoquets de peine. Nous essayions désormais de profiter de chaque instant tranquille de chaque
minute de paix en nous figurant que c’était peut être la dernière et que dieux du ciel, le téléphone n’allait pas tarder à sonner pour nous en apprendre une bien douloureuse. Nous nous surprenions à lever le regard, à ne plus marcher la tête
dans nos lacets, à parfois sourire à ceux que nous croisions, voire à leur dire
deux trois banalités bien banales mais presque souriantes.
Après le froid glacial des
derniers jours, après le vent, baraqué comme un costaud de foire foraine, qui avait roulé des épaules sur tout le
pays en se foutant pas mal de nos faiblesses de jambes, après le blanc cristallin du
petit matin sur le vert des près était venue une période de relative douceur.
La température était un peu montée et les après-midis étaient même devenus
supportables sans les lourdes vestes de laine ou les manteaux de toile épaisse.
On avait remisé les gants, les écharpes et les bonnets. Les oiseaux s’étaient remis à chanter, les jours avaient fait mine de s’étirer davantage surtout le soir, quelques bourgeons pâles étaient apparus au bout des branches grises des figuiers. Sur le dessus vert des sorgues, les canards nageaient à deux, dans les arbres encore debout, les merles s’appelaient à becs déployés et, un peu partout, les chevaux réapparaissaient dans les enclos. De plus, tous ceux qui étaient un peu attentifs à tous ces signes l'avaient bien remarqué, il faisait à nouveau jour vers les dix huit heures ce qui n'était plus arrivé depuis trois mois... Jusqu'aux tables aux chaises qui refaisaient surface aux terrasses des cafés. On allait pouvoir à nouveau s’y poser et y perdre, avec félicité, un peu de notre temps précieux à admirer passer les filles, leurs jambes dansantes et nues sous leurs robes légères du printemps venant.
On avait remisé les gants, les écharpes et les bonnets. Les oiseaux s’étaient remis à chanter, les jours avaient fait mine de s’étirer davantage surtout le soir, quelques bourgeons pâles étaient apparus au bout des branches grises des figuiers. Sur le dessus vert des sorgues, les canards nageaient à deux, dans les arbres encore debout, les merles s’appelaient à becs déployés et, un peu partout, les chevaux réapparaissaient dans les enclos. De plus, tous ceux qui étaient un peu attentifs à tous ces signes l'avaient bien remarqué, il faisait à nouveau jour vers les dix huit heures ce qui n'était plus arrivé depuis trois mois... Jusqu'aux tables aux chaises qui refaisaient surface aux terrasses des cafés. On allait pouvoir à nouveau s’y poser et y perdre, avec félicité, un peu de notre temps précieux à admirer passer les filles, leurs jambes dansantes et nues sous leurs robes légères du printemps venant.