08 juillet 2011

Un joli raccourci.

Nous avions décidé de nous y offrir une soirée et une nuit mémorables. De celles qu'on reverrait vite fait, en accéléré au moment du grand passage mais avec des arrêts sur image.
Nous avions choisi une crique en U, comme elles l'étaient presque toutes par ici. Bien abritée, protégée des vents dominants, comme dessinée au crayon par un paysagiste de génie, bref, un rêve de crique...
Elle n'était accessible qu'en bateau ou bien par un sentier tortueux qui descendait de la route et qui traversait le maquis en contorsions alambiquées. Comme nous n'avions pas de bateau, il ne nous restait que peu de solutions, mais n'en avoir qu'une évite le choix. Et, ça peut aider dans une décision à prendre. Nous nous étions chargés de tout le nécessaire pour que ce soit le moins inconfortable possible.
Nous n'avions pas regardé la météo, nous nous en foutions un peu. Et si jamais, il venait à pleuvoir, ici, en cette saison, ce serait un miracle tant tout était sec dans le coin. Même les pierres avaient soif. A la vue du ciel, tout s'annonçait pour le mieux. L'ambiance était à la robinsonnade enfantine. Nous allions dormir dehors, sur une plage, comme seule cette île et quelques milliers d'autres peuvent en proposer. Une eau limpide, transparente... un cauchemar de narcisse. Un sable doux, fin... le rêve absolu des dos malmenés. Au menu du soir ce serait grillades et blanc frais et fruits, enfin de quoi voir la nuit venir un peu apaisé et étoiles filantes. Il nous a fallu une belle heure de marche, en descente douce, plongés dans les parfums des cistes, de la myrte, des lentisques et des arbousiers, griffés aux mollets par les ronces, mais des griffures qui valaient le coup, pour une fois. Arrivés en bas, nous avons installé le campement comme des princes définitifs.
La nuit était déjà là. Nous allions nous offrir des souvenirs inachetables.
Avant d'allumer le feu, nous nous sommes trempés dans le vert de l'eau, puis nous avons mangé et bu. La nuit, maintenant était noire comme une encre de poulpe. L'un de nous a proposé encore un bain. Il n'était que dix heures du soir, nous avions deux heures d'avance mais nous nous en foutions. Nous nous sommes déshabillés et nous avons plongé et éclaboussé la plage de nos rires.
Le ciel s'était illuminé d'étoiles. En revenant du bain, sur la plage silencieuse, nous avons levé les têtes vers la coupole de diamants qui nous tombaient dessus en pluie fine. C'est Paul, les pieds souillés, qui nous a fait remarquer que, sur la toute merveilleuse langue de sable phosphorescent, des vaches, aussi, venaient se vautrer et s'oublier… Le rosé l'avait rendu grandiloquent. Il déclama comme un shakespearien déjanté:
___ Alors, nous voilà, nus, humbles, humides, dans l'obscure clarté, la tête dans les étoiles et... les pieds dans la merde...
Un assez joli raccourci de la vie, au fond.
___ La vache, j’en ai partout entre les phalanges! C'est dégueulasse!
Nous autres, en chœur:
___ Paul chéri, tu te fais du mal! Viens donc finir ton verre...


10 commentaires:

Tilia a dit…

Quelle buse ce Paul ! qu'aurait-il déclamé
s'il avait dans une bouse de chien marché ?!

chri a dit…

@Tilia: Merde, aussi, sans doute!

gynedi a dit…

Mêêêêêrde, alors ! Beuark !
C'était le pied gauche, au moins ? celui qui porte bonheur (!)...
Il arrive, dans un cas pareil, que, au grand dam de la victime, un grand rire hystérique secoue les spectateurs...
Si, dans l'ambiance "verts pâturages", le parfum de la bouse fraîche agrémente le tableau (on dit même : "ça sent bon la bouse")... sur le sable doux, à la sortie du bain de minuit, la tête dans les étoiles, c'est plus inattendu, ça dépoétise un peu et casse le charme... Malgré les parfums encore présents de myrtes et de cistes mélangés, pas facile de terminer son verre avec le même plaisir...
Heureusement, la grillade était prise... On imagine qu'un troisième bain - hygiénique celui-là - a suivi, et qu'un dernier verre de blanc frais a été levé sous les rires tintinnabulants des étoiles, le tout contribuant à faire de ce mauvais pas un souvenir "inachetable" :-))

Anonyme a dit…

Raison pour laquelle les vaches ne vont à la plage que de jour. Et ce petit air moqueur qu'elles arborent le lendemain en croisant le poête sur le sentier.

Slev

odile b. a dit…

Mince, alors : je vois, au-dessus, que j'ai dû taper "gynedi" (le mot vérificateur) au lieu de mon nom...
J'en rajoute une couche, avec ce souvenir "inachetable", lui aussi, celui d'un campement improvisé, lors de nos vacances de jeunes routards.
Nous avions roulé toute la journée sous le cagnard. Le ciel s'était brusquement assombri, la pluie s'était abattue en trombes et les essuie-glace de la 2CV n'étaient pas suffisants pour la balayer.
Dans l'impossibilité de poursuivre la route, nous avions décidé, plutôt que de dormir dans la dodoche, d'installer au mieux et sans plus attendre la petite tente canadienne un peu à l'écart de la route.
On n'y voyait plus grand chose à la lueur de la lampe de poche, mais l'endroit était abrité : un petit bois de noisetiers avec un ruisseau en contrebas.
Planter deux ou trois piquets à la va-vite avait quand même suffi à nous tremper jusqu'aux os, mais nous étions moins exposés que sur la route, et la fatigue du voyage avait fini par nous emporter dans un profond sommeil jusqu'au lever du jour.
Au petit matin, la pluie avait cessé, notre réveil s'était fait au chant des oiseaux et nous avions hâte d'aller nous dégourdir les gambettes et nous rafraîchir au ruisseau qui glougloutait dans sa course.
Aaah !... coquin de sort : au parfum de l'herbe mouillée s'en mêlait un autre, plus rustique et nettement moins frais... Nous avons vite compris que les bosses du terrain n'étaient pas des taupinières... la pluie les avait un peu nivelées... Puuunaise !!!... : nous avions improvisé notre campement sur un lieu abrité, mais, de ce fait, visiblement fréquenté par les promeneurs et nous nous retrouvions encerclés de vilaines cartes de visite détrempées...
Nous étions littéralement "dans-le-caca"... "dans la M...."
A jeun depuis la veille, il nous fallut beaucoup de bravoure, de précautions et force de pincements de nez pour plier bagages... Le tapis de sol, roulé sur l'envers, fut placé dans un sac poubelle et déposé dans la première décharge. Arrivés au village, nous avons réservé une chambre.
Du deux étoiles, avec douche : c'était le grand luxe ! Nous étions sauvés !

Pour sordide qu'ait été cet épisode, il est resté bien présent dans nos mémoires.
Le diable en rit encore...
Amis routards : attention au camping sauvage sous les noisetiers...

PS- Pardon d'en avoir tartiné autant sur votre page.
Bon dimanche à vous !

PPS - Mot vérificateur du moment : "abberc"...

chri a dit…

@Odile: Merci d'avoir partagé cette... tartine de... souvenir!!!

véronique a dit…

et moi, je ne retiendrai que le début de votre belle escapade... et le côté comique de votre description finale !
un bon bain de pied, le nez dans les étoiles ont du vous faire oublier tout çà !

je connaissais la baie des cochons, vous nous faites découvrir la plage aux vaches !

chri a dit…

@Cherchez: Girolata...

véronique a dit…

en plus vous allez rire Chriscot ... mais j'y suis allée sur cette plage de Girolata ... il y a longtemps ! c'était là ? je reconnais pas, mais à côté de çà une plage c'est une plage ... quoique !

chri a dit…

@Véronique Ah non pas la photo, mais l'histoire, c'était là....

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