Parce qu'il faut bien un jour rentrer chez soi, on finit, sac chargéfermé, par devoir se rendre à l'aéroport. On a son billet en poche, vite, vite on est un poil à la bourre, on a ses papiers, pas comme l'autre fois là, où on est parti au Canada sans son passeport, on a son appareil photo plein des images attrapées pendant le séjour comme des cailloux de Poucet glissées dans sa poche, pour ne pas se perdre ou plutôt pour aider à se souvenir, on a presque tout... De toutes façons, ce n'est pas grave, ce n'est pas perdu, si c'est chez toi... On quitte la ville batave qui jusque là n'était qu'un traité, on roule les kilomètres nous séparant de la maudite aérogare puisqu'elle va devenir, d'une certaine manière, la complice de notre éloignement. On ne se dit trop rien pendant ce trajet là, parce qu'il est arrivé bien vite ce départ là. On est jeulan matin, un vingt sept du mois de Novtobre... On se gare déjà à la dépose minute de l'aéroport. On s'embrasse, on se dit qu'on se manque déjà, on se souhaite à bien vite, on pense si loin, on se défait et on se sépare. L'autre n'attend pas, monte dans sa voiture et démarre, ici, dans ce pays, je veux dire, on ne traîne pas à certains emplacements si on n'en a pas le droit, ici, on n'est pas dans un pays latin, on est dans une contrée du nord, ce qui est interdit ne se fait pas...
Je m'engouffre dans la gare comme un courant d'air dans un couloir glacé. Et je m'approche du comptoir. Ma destination clignote encore, tout va bien, je n'ai pas manqué l'heure de l'enregistrement. Devant moi, dans la queue où on enregistre également pour une autre destination, trois ou quatre groupes de gens patientent. Je ne vais pas faire mon latin, je vais prendre ma place dans la queue gentiment et attendre mon tour en ne manifestant aucun agacement, aucune nervosité. Nous ne sommes pas si bien vus que ça dans ce pays, ne nous faisons pas remarquer. Du reste, ici, comme un peu partout désormais en Europe, ils voient d'un oeil étrange tout ce qui justement est un poil étranger. Je me souviens de m'être fait engueuler comme du pourri dans un poissonnerie parce que je ne parlais pas la langue et que je n'avais pas de dictionnaire sur moi... Ne donnons pas du grain à moudre, la balance est suffisamment sensible... Après un bon quart d'heure vient enfin mon tour de m'approcher du guichet... Je tends mes papiers nécessaires à l'enregistrement. La fille, une gigantesque blonde aux yeux bleus me regarde d'un air soupçonneux. Elle m'envoie, direct en anglais... Remarque, vu ma tête et l'heure à laquelle je me présente, je ne PEUX pas être hollandais (Il doit y avoir aussi d'autres critères mais franchement, je n'ai pas plus envie que ça de les connaître), donc, avec un sourire le plus professionnel possible, glaçant, elle m'envoie: Sorry sir the check in is over. Du moins, à sa grimace compassionnelle, c'est ce que je comprends. Ou, autrement dit: L'enregistrement est terminé, le vol est clos, dégage, tu gènes il y en a qui attendent derrière, français. Elle m'a rappelé quelqu'un l'aryenne: c'est la procédure, je le fais sans haine, c'est pour ça qu'on me paie, ce sont les ordres, si je ne le fais pas quelqu'un d'autre le fera, on connaissait la chanson... J'ai eu envie de pleurer et de lui dire : S'il te plait, sois pas vache c'est déjà suffisamment difficile de venir attraper un zinc pour partir d'un endroit d'où on n'a pas envie de partir, steuplait, madame la grandasse aux cheveux d'or n'ajoute pas à ma peine un emmerdement..
J'essaie de lui baragouiner dans mon anglais scolaire ancien (Peut mieux faire, n'exploite pas toutes ses possibilités...) que je suis là depuis un quart d'heure à ne pas me comporter, justement, en français de base, à attendre patiemment que les gens pour Alicante s'enregistrent et qu'elle aurait pu, au moins, demander s'il y avait quelqu'un qui attendait pour l'autre vol... Mais rien à faire. Dans ces contrées là, avant l'heure c'est fichu, après l'heure c'est... foutu. J'ai abandonné quand j'ai eu le sentiment d'être en train de lui demander que l'avion fasse demi-tour alors qu'il s'agissait juste de m'embarquer une demi-heure avant l'heure prévue du vol... J'ai abandonné quand j'ai perçu le petit plaisir que lui procurait son refus... Ah que n'étions nous en Italie, voire à Marignane où on se serait sans doute un peu démené pour que tu puisses cavaler à corps perdu, tes bagages à bouts de bras, vers l'échelle de coupée une gazelle brune fendant l'air au devant de ta course. Ici, c'est non. Trop tard. Point barre, barre.
Elle m'envoie au guichet où l'on parle français, j'essaie encore une fois de m'expliquer sur mon arrivée, la queue que j'ai faite gentiment sans passer devant tout le monde, en respectant les coutumes d'ici... J'entends juste: Monsieur, ce n'est plus la peine de parler de tout ça, puisque vous ne prendrez pas cet avion... (Elle, je vais la mordre!) Mais elle a raison, la revêche, je ne prendrais pas ce vol. Quand même, j'étais dans la file, devant le guichet, bien avant la clôture de l'enregistrement. Un rappel, comme une piqure: Monsieur, voyons qu'est-ce que nous peut faire pour vous, maintenant...
Un bus, un train, un autre aéroport, un autre billet pour un vol du soir. Une arrivée à destination huit heures plus tard, deux billets achetés pour le même trajet... Le tout pour une petite rigueur rigoureuse, implacablement rigoureuse...
Certains jours, on peut préférer la vie bazardine, la sente buissonnière, l'aléatoire incertain, l'imprécis vague, le bien trop, le trop peu, le désordre, l'à peu près, l'abandon, le robinet qui goutte, la palabre, l'approximation, le probablement, l'on verra bien, le petit arrangement, la peinture qui s'écaille, le poêle qui fume, le laisser aller, le volet qui claque, l'arrondi de l'angle, la tache sur la vitre, le compromis, le quand tu veux si tu peux, le trou dans la gouttière, le retard à l'allumage, la poussière dans l'oeil, l'un peu de traviole, le cheveu sur la langue, la rayure sur le parquet, le vous me les donnerez la prochaine fois, l'eau dans le gaz, la fêlure, le chemin de traverse, le pas de côté, le juste après la marge, le caillou dans la chaussure, le petit chemin, le marchandage, le piston qui couine, l'hésitation, le mouton sous le tapis, le pif, la louche, l'à vue de nez, le ça ira vous en faites donc pas on n'est pas à dix grammes près, la porte entre ouverte, la poussière sur les meubles, la rue Michel, la friture sur la ligne, la courbe légère...
Je m'engouffre dans la gare comme un courant d'air dans un couloir glacé. Et je m'approche du comptoir. Ma destination clignote encore, tout va bien, je n'ai pas manqué l'heure de l'enregistrement. Devant moi, dans la queue où on enregistre également pour une autre destination, trois ou quatre groupes de gens patientent. Je ne vais pas faire mon latin, je vais prendre ma place dans la queue gentiment et attendre mon tour en ne manifestant aucun agacement, aucune nervosité. Nous ne sommes pas si bien vus que ça dans ce pays, ne nous faisons pas remarquer. Du reste, ici, comme un peu partout désormais en Europe, ils voient d'un oeil étrange tout ce qui justement est un poil étranger. Je me souviens de m'être fait engueuler comme du pourri dans un poissonnerie parce que je ne parlais pas la langue et que je n'avais pas de dictionnaire sur moi... Ne donnons pas du grain à moudre, la balance est suffisamment sensible... Après un bon quart d'heure vient enfin mon tour de m'approcher du guichet... Je tends mes papiers nécessaires à l'enregistrement. La fille, une gigantesque blonde aux yeux bleus me regarde d'un air soupçonneux. Elle m'envoie, direct en anglais... Remarque, vu ma tête et l'heure à laquelle je me présente, je ne PEUX pas être hollandais (Il doit y avoir aussi d'autres critères mais franchement, je n'ai pas plus envie que ça de les connaître), donc, avec un sourire le plus professionnel possible, glaçant, elle m'envoie: Sorry sir the check in is over. Du moins, à sa grimace compassionnelle, c'est ce que je comprends. Ou, autrement dit: L'enregistrement est terminé, le vol est clos, dégage, tu gènes il y en a qui attendent derrière, français. Elle m'a rappelé quelqu'un l'aryenne: c'est la procédure, je le fais sans haine, c'est pour ça qu'on me paie, ce sont les ordres, si je ne le fais pas quelqu'un d'autre le fera, on connaissait la chanson... J'ai eu envie de pleurer et de lui dire : S'il te plait, sois pas vache c'est déjà suffisamment difficile de venir attraper un zinc pour partir d'un endroit d'où on n'a pas envie de partir, steuplait, madame la grandasse aux cheveux d'or n'ajoute pas à ma peine un emmerdement..
J'essaie de lui baragouiner dans mon anglais scolaire ancien (Peut mieux faire, n'exploite pas toutes ses possibilités...) que je suis là depuis un quart d'heure à ne pas me comporter, justement, en français de base, à attendre patiemment que les gens pour Alicante s'enregistrent et qu'elle aurait pu, au moins, demander s'il y avait quelqu'un qui attendait pour l'autre vol... Mais rien à faire. Dans ces contrées là, avant l'heure c'est fichu, après l'heure c'est... foutu. J'ai abandonné quand j'ai eu le sentiment d'être en train de lui demander que l'avion fasse demi-tour alors qu'il s'agissait juste de m'embarquer une demi-heure avant l'heure prévue du vol... J'ai abandonné quand j'ai perçu le petit plaisir que lui procurait son refus... Ah que n'étions nous en Italie, voire à Marignane où on se serait sans doute un peu démené pour que tu puisses cavaler à corps perdu, tes bagages à bouts de bras, vers l'échelle de coupée une gazelle brune fendant l'air au devant de ta course. Ici, c'est non. Trop tard. Point barre, barre.
Elle m'envoie au guichet où l'on parle français, j'essaie encore une fois de m'expliquer sur mon arrivée, la queue que j'ai faite gentiment sans passer devant tout le monde, en respectant les coutumes d'ici... J'entends juste: Monsieur, ce n'est plus la peine de parler de tout ça, puisque vous ne prendrez pas cet avion... (Elle, je vais la mordre!) Mais elle a raison, la revêche, je ne prendrais pas ce vol. Quand même, j'étais dans la file, devant le guichet, bien avant la clôture de l'enregistrement. Un rappel, comme une piqure: Monsieur, voyons qu'est-ce que nous peut faire pour vous, maintenant...
Un bus, un train, un autre aéroport, un autre billet pour un vol du soir. Une arrivée à destination huit heures plus tard, deux billets achetés pour le même trajet... Le tout pour une petite rigueur rigoureuse, implacablement rigoureuse...
Certains jours, on peut préférer la vie bazardine, la sente buissonnière, l'aléatoire incertain, l'imprécis vague, le bien trop, le trop peu, le désordre, l'à peu près, l'abandon, le robinet qui goutte, la palabre, l'approximation, le probablement, l'on verra bien, le petit arrangement, la peinture qui s'écaille, le poêle qui fume, le laisser aller, le volet qui claque, l'arrondi de l'angle, la tache sur la vitre, le compromis, le quand tu veux si tu peux, le trou dans la gouttière, le retard à l'allumage, la poussière dans l'oeil, l'un peu de traviole, le cheveu sur la langue, la rayure sur le parquet, le vous me les donnerez la prochaine fois, l'eau dans le gaz, la fêlure, le chemin de traverse, le pas de côté, le juste après la marge, le caillou dans la chaussure, le petit chemin, le marchandage, le piston qui couine, l'hésitation, le mouton sous le tapis, le pif, la louche, l'à vue de nez, le ça ira vous en faites donc pas on n'est pas à dix grammes près, la porte entre ouverte, la poussière sur les meubles, la rue Michel, la friture sur la ligne, la courbe légère...