Pour les impromptus littéraires de la rentrée. Il fallait traiter du changement...
Dans la chaleur résolument
moite d’une nuit d’été. Ils sont deux, attablés. Au-dessus de leurs têtes
brumeuses, un ciel étoilé et de temps à autre, quelques filantes que, personne
dans ce coin ne regarde. Pas loin, sans doute dans une piscine, quelqu’un
chantonne en barbotant malgré le sombre. Entre eux deux accoudés, sur la table,
parmi les restes d’un repas d’une dizaine de couverts, une escouade de bouteilles
de vin, vides pour la plupart. Dans leurs mains épuisées, chacun un verre. Du blanc pour l’un, du rouge pour l’autre. Un des deux à l'articulation hésitante, comme encombrée:
___ Moi, je garde tout, c’est
trop tard, je ne bougerai plus, l’est pas né celui ou celle qui me fera
devenir un autre. Du reste, je pense qu’on ne change jamais, que tout est en
place très tôt et que cela ne se déplace pas beaucoup. Je crois fermement qu’on
reste le même, celui qu’on était déjà petit enfant et même bébé. Les impatients
le seront toujours, comme les heureux de vivre, les colériques aussi, les mécontents pareils, les
pleurnichards ou les taiseux, itou. Et ainsi de suite et cela ne varie guère. Comme dit le proverbe: Le léopard se trimballe toujours avec ses taches… Mais toi, tu changerais quoi,
si tu pouvais ?
___ Oh moi, si je pouvais,
j’aimerais…
Il s’interrompt. Une étoile
en profite pour laisser une longue et lumineuse trace dans le noir.
___ Tu l’as vue celle-là ? Quelle merveille! Aucune réponse. Non? Dommage pour toi. Si elles savaient...
___ Quoi?
___ Que parfois, personne ne les voit...
Puis il reprend :
___ Tu l’as vue celle-là ? Quelle merveille! Aucune réponse. Non? Dommage pour toi. Si elles savaient...
___ Quoi?
___ Que parfois, personne ne les voit...
Puis il reprend :
___ Le chantier serait si
lourd. Tu vois, souvent, j’aimerais être un peu plus tolérant, davantage bienveillant,
moins énervé, moins sanguin, plus réfléchi, plus ouvert, plus serein, je me
souhaiterais un peu plus compréhensif, je voudrais aussi pouvoir réfléchir
davantage avant d’agir, essayer si possible de faire le tour de tous les
tenants, de ne pas foncer tête baissée comme je fais si bien, j’aimerais être
capable de mieux écouter l’autre, mais surtout, surtout savoir entendre ce
qu’il me raconte, de ne pas me dire, avant qu’il ouvre la bouche qu’il va forcément
se tromper. Et puis, si possible, je voudrais aussi penser un peu moins à moi, d’abord. Je souhaiterais être plus attentif aux autres, bref, pouvoir tenir plus compte d'eux, tu vois, ne pas vivre comme si j’étais seul au monde, comme si, seules, mes histoires étaient intéressantes…
L’autre vaguement
vacillant, profitant d’un silence, accompagné par la trace et le chuintement d’une
nouvelle étoile filante s’engouffre dans la brèche :
Mais tu te trompes, ce
n’est pas un chantier si énorme que tu me décris là, mon Paul, au
contraire ! Tout ce que tu viens de me dire me semble assez facilement réalisable ! Et, dans l'éclat d'un mauvais rire, semblant lever à deux bras une
hache au-dessus de la tête, il fait mine de l’abattre sur la table en un seul
geste factice qui, pourtant la brise en deux en éparpillant sur le vert de la pelouse les
restes du repas comme des débris répandus d'une aérienne catastrophe :
Au fond, ce que tu voudrais, Paul chéri, et c'est là que ça se corse, tu voudrais être moins con !
15 commentaires:
Il est beau Paul.
Lou
Pour moi, tiendrait des coulisses de l'exploit d'être "davantage bienveillante, moins énervée" et oh ! que oui " j’aimerais être capable de mieux écouter l’autre... "tous les jours, il fait son examen de conscience, il tord sa journée entière et au matin il recommence"
Malheureusement, Paul a beaucoup de frères et sœurs sur terre. Et le pire, c'est que leur mère n'est pas morte ! il n'y a qu'à suivre les actualités pour s'en convaincre.
Cela dit, telle qu'elle est exposée dans ce récit, la liste des désirs d'améliorations de Paul prouve qu'il n'est pas aussi con que la réponse de sa Virginie veut le lui faire croire !
@ Lou Il s'est aperçu de quelque chose!
@ Elise Bienvenue ici. Peut être commencer par... essayer...
@ Tilia Vous le secourez!
C'est peut être à cause de la moiteur, mais s'ils avaient été au rhum, s'en seraient ils arrangés ?
PS : Il a bien raison Paul (Valery) , même si l'autre phrase n'est pas fausse, loin de là !
@ M Bien, M (Ceci écrit avec admiration!)
@ M Mais aussi c'est Céline et j'aime tout ce qui est noir, bien noir!
Tadam ...la fin tombe comme un couperet!!!
Bon au pays des cons ,il n'est pas tout seul,c'est déjà ça .
Quand à changer profondément ,je n'y crois pas trop mais je pense et j'espère que l'on peut toujours s'améliorer ...
Bonne fin de semaine
@ Brigitte N'est-ce-pas! Je voulais qu'elle... tranche.
On change mais à la marge pas au fond, enfin, je crois. Bonne fin de semaine à vous aussi, Brigitte.
Beaucoup de cons autour de nous alors ! Et je me demande si parfois je ne le suis pas un peu aussi !..
@ Véronique, vous avez bien sûr lu, que Paul c'est moi!
bien sûr, bien sûr !
@ Véronique Ouf vous me soulagez!
Pour moi c'est clair, le plus con des deux n'est pas forcément celui qu'on croit. Yo!
@ Nathalie Yo? Yo!
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