Pour Les impromptus littéraires de la semaine: Le bricolage.
Cette fois c’est décidé, ce
week-end je m’y colle. J’ai regardé la météo, ils annoncent grand beau sans
vent. Un temps idéal pour s'activer.
Il faut que j’étrenne mon
diplôme tout neuf. Je viens d'obtenir un CAP suédois en montage de Gündropp. Les trois même
étagères. La dernière j’ai mis deux heures de moins que les deux premières.
J’étais fier. Mention bien, messieurs dames. Ça pose un bonhomme.
Le vendredi soir, je prends
les mesures et je fais ma liste, le samedi matin, je fonce à l’ouverture chez Leroy
Brico, je remplis la bagnole et en rentrant j’attaque. Dimanche matin, je m’y
remets de bonne heure et si tout va bien le soir on peut marcher sur la
nouvelle terrasse en bois. Des mois que j’y pense, des mois que je
calcule, une fortune dépensée en
magazines de décoration où la simplicité minimaliste le dispute à la rigueur
minimale, à douze mille euros le mètre… Celle que j’envisage devrait me coûter un
avant bras mais si je me débrouille bien,
le résultat le vaudra. Comme c’est le palier d’entrée devant la maison,
cela mérite d’être un peu soigné tout de même. J’ai choisi une terrasse en acacia
pour éviter le teck, la déforestation et le saccage de la planète. Elle sera un
peu plus chère qu’une autre mais tant pis. Une dizaine de mètres carrés à
couvrir et tout ce coin là qui était plutôt vilain habillé de neuf.
Je m’en régale à l’avance.
Je m’en régale à l’avance.
À l'aube, je fais le pied de grue
devant l’hyper marché du bricolage, nous sommes plusieurs dans ce cas. Je me
suis collé un crayon mine sur l’oreille pour faire genre. J’ai un jean troué et
un sweat shirt qui a dû appartenir à Charles Quint. Je ne suis pas rasé, à
peine lavé et j’ai une trace de café noir aux coins des lèvres et des miettes de croissant dans les cheveux. Je fais
bricoleur du samedi, non? La grille monte nous
entrons. Je suis obligé de prendre deux caddies à cause de la longueur des planches.
Je sais où je dois aller, c’est là-bas à l’extérieur au fond du rayon jardinage.
Je m’approche avec mes deux caddies de compétition, je repère les planches, je
les mesure avec mon Stanley trois mètres à molette tactile, flambant neuf et je commence à
charger. Il fait une belle chaleur. En dix minutes, je suis en nage. Un
quart d’heure, un caddie. Je pousse le premier plein dans l’allée et je commence à charger le deuxième. Le dos me brûle, les bras commencent à flageoler, j’ai du
mal à respirer, je ne suis pas confort confort. Une vingtaine de minutes après le
deuxième était plein comme un truck canadien du Grand Nord. Cette fois j’avais
tout. Avant les planches, j’avais acheté visseuse, vis, marteau, niveau à
bulle, enfin, le petit nécessaire quincailler… Je me suis essuyé le front, j’ai
descendu une bouteille de gazeuse minérale que j’avais emportée et je me suis
saisi du premier caddie pour l’approcher des caisses. J’en avais bien pour six
ou sept cent euros de bois… Un avant bras et la main en plus.
Là, un vague malaise et une
vision. Je me suis vu passer la caisse et devoir charger tout ce bois dans la voiture. Je me suis vu arriver à la maison devoir enlever tout ce bois DE
la bagnole. Plus le montage, vissage de la terrasse. C’était au-delà de mes forces. J’ai
été d’un coup anéanti par les tâches à venir. Terrassé. Alors, j’ai entendu un cri, comme un
ordre : Mais fiche donc le camp d’ici, malheureux ! Tire-toi, vite.
J’ai planté là mes deux
caddies pleins comme des gueules d’ogre et je suis sorti.
En passant devant le rayon
détente, j’ai attrapé une chaise longue en pur teck de Malaisie. Je pouvais
bien m’offrir ça et, désormais, j’avais tout le week-end pour en
profiter… J'allais pouvoir me plonger avec délice et gourmandise dans deux trois bouquins de De Luca que je venais juste de recevoir...