La semaine a passé comme un TGV dans une plaine. J’ai fait très
attention pour éviter la moindre blessure, la moindre élongation, la plus petite
contraction musculaire, j’ai soigneusement épargné mes ligaments, mes tendons,
mes capsules, mes ménisques, mes aponévroses, mais je ne me suis pas ménagé,
heureusement tout s’est bien passé. J’en suis arrivé à une vingtaine de
postures à peu près réalisées dans les règles de l’art. Je pouvais les prendre
et les tenir en maitrisant ma respiration. J’étais devenu un zoo à moi tout
seul. De celle du chien à celle du chameau en passant par celle de l’aigle ou bien de la mangouste et même de la
sauterelle. Je me baladais. Un expert Noé. La prochaine séance, je pourrais
sans réserve m’installer juste sous le nez de Gisèle et donc tout à côté de
Vimala. Je me suis rendu compte que tout ce travail que j’avais fait je ne
l’avais accompli que pour ça. La motivation peut déplacer des collines.
J’avais, toute cette semaine également soigné mon alimentation et je ne m’étais
nourri que de trucs bons, mais mauvais. J’étais repu de soja complet, de
biscuits gluten free, de légumes bios épluchés au laser et d’eau du robinet
bouillie. Et donc forcément, tu manges moins. Il est plutôt rare qu’on se
resserve en galettes de riz soufflé ou qu’on se gave de lentilles à l’eau. En
vrai, j’avais abandonné, je m’étais détaché de tout ce qui était bon. Vins, bières, alcools, viennoiseries,
chocolats, pains croustillants, pâtes à tartiner, confitures, limonades,
pizzas, viande rouge, blanche, crue, cuite, charcuteries, bref tout ce qui fait
que la vie vaut d’être un peu vécue. Au moins quand on est assis à une table. Je
ne m’en portais pas plus mal remarquez, en tous les cas, je me sentais plus
léger. Et je l’étais, objectivement. Avec ça nous étions à une heure de la
prochaine séance. Je faisais le pied de grue derrière la porte du garage, je
voulais arriver un peu en avance pour installer mon coussin près de celui de
Vimala sans avoir à jouer des coudes avec Poussin ou une autre. Quand ils ont
débarqué, ils sont tous venus m’embrasser chaleureusement comme s’ils avaient
été choqués par mon exfiltration de la salle après mon blocage. Ils semblaient
contents de me voir et j’ai presque donné une conférence de presse sur mon
séjour à l’hôpital, mon attente, mon passage chez l’ostéo hypnotiseur et mon retour à la maison. D’une
certaine manière j’étais un peu la vedette de la soirée. Ils étaient ravis
de ma forme revenue et de l’absence de séquelles concernant ma colonne. J’étais
d’aplomb et ça les faisait sourire.
Vimala est arrivée. Elle était habillée en civil, elle m’a juste
murmuré dans l’oreille qu’elle ne ferait pas la séance, elle avait encore, elle, de douleurs dans le bas de l’aine. Elle s'économisait, donc, et venait simplement pour en informer
Gisèle. En s’éloignant de moi, elle m’a glissé dans la poche du blouson un morceau de papier plié en quatre. Alors, Gisèle a ouvert la porte. Ah vous êtes là ? M’a-t-elle
servi.
Sur un ton…
Sur un ton…
J’ai bien compris que ça ne lui faisait pas plus plaisir que ça.
Vimala s'est avancée
vers elle, je suis entré et je les ai laissées en tête à tête. Puis la porte s’est refermée mais Vim n’est pas entrée. Aussi, je ne me suis pas installé devant. Je suis resté au fond. Et, coup de bol, la séance a commencé.
vers elle, je suis entré et je les ai laissées en tête à tête. Puis la porte s’est refermée mais Vim n’est pas entrée. Aussi, je ne me suis pas installé devant. Je suis resté au fond. Et, coup de bol, la séance a commencé.
Le premier quart d’heure s’est déroulé magnifiquement. Pas une ratée.
Je voyais bien que du coin de son œil noir Gisèle regardait souvent ce que
j’étais en train de faire. Elle s’essayait à la discrétion mais ça ne marchait
pas. Comme elle n’avait rien à se mettre sous la dent, c’est Poussin qui a tout
pris. Quand je dis Poussin, je devrais dire Cerise parce que son justaucorps
aujourd’hui était burlat. Le pauvre il n’avait rien de bon, dès qu’il bougeait
une oreille il y avait droit. À tel point qu’après une énième réflexion, j’ai nettement vu une larme couler sur sa
joue. Gisèle l’a vue aussi et c’est là qu’elle a changé de proie. C’est venu
sur moi. On en était à la posture du chat ou Marjariasana, idéale pour le mal de dos et elle a
commencé à me dénigrer : Votre main ceci, votre bras cela, votre dos ceci,
votre jambe cela et la tête et la tête, et la main… Elle a continué ce petit
jeu pendant les trois postures suivantes. Et d’un coup, d’un seul, j’en ai eu
assez. Comme si elle avait atteint une zone rouge, un palier, un seuil.
Je
me suis levé. Je me suis tourné vers le groupe et je leur ai dit :
J’ai
été ravi de faire votre connaissance, je vais être bref pour ne pas vous voler
trop de temps mais vous avez vu comme moi ce qui se passe depuis un quart
d’heure. D’abord c’est lui qui a reçu et maintenant c’est moi. J’ai besoin d’un
minimum de bienveillance et ici, ce n’est plus le cas, aussi Gisèle, je me tire
et je vous laisse à votre agressivité, à vos postures et votre rancœur de je ne sais quoi. Je m’en
vais.
Pour être tout à fait honnête, dans l'après-midi, j’avais pensé ma sortie. Je m’étais dit si elle
m’enquiquine je lui fais ce coup là. Ça ne tenait qu’à elle.
J’étais tombé sur un article dans un journal à propos du tir à l’arc japonais et ça m’avait plu. Les costumes, les rituels le fait qu’on soit à l’extérieur, et surtout cette phrase en tête de l’article :
J’étais tombé sur un article dans un journal à propos du tir à l’arc japonais et ça m’avait plu. Les costumes, les rituels le fait qu’on soit à l’extérieur, et surtout cette phrase en tête de l’article :
"Quand la flèche frappe le coeur de la cible, c’est la cible qui est
bien placée".
Ça m'avait parlé.
Aussi, j’avais décidé : Si Gisèle me cherche, fini le yoga, j'arrête, j'abandonne, je laisse tomber, je lâche l'éponge, je sais quoi faire, j'ai de la ressource, je ne suis pas démuni, la semaine prochaine, je m’inscris au Kyudo et je vais devenir un Kyudojin de première bourre.
En sortant sans avoir claqué la porte, il ne fallait jamais claquer
deux choses en même temps (ou Gisèle ou la porte) j’ai plongé dans ma poche et j’en
ai sorti le petit bout de papier. C’était bien un numéro de portable.
Dans la rue, l’air était si incroyablement doux pour un milieu de
Septembre qu'il faisait sur les joues comme des caresses soyeuses de tissus légers et le ciel, au-dessus si bleu, comme moi, si calme…
5 commentaires:
je le crois pas, tout ça pour un plan drague !
Marie.
@ Marie : Coeur de granit!
ben voilà, il a enfin réussi à lâcher son énergie négative ... ça fait du bien hein !
l'histoire est fine ?
nous n'aurons pas droit à la prochaine rencontre ? quel dommage Christian ...
Alors, laissons, laissons notre imagination divaguer !
l'histoire est fine bien sûr mais est elle finie ?
@ Véronique oui, je vous laisse écrire la suite. En allant vers Vimala... Ou Le Kyudo pour les nuls...
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