Mine de
rien cette histoire m’a bousillée la semaine.
Toutes les
nuits ou presque, Gisèle, ses poils, sa bouche pincée, son corps noueux sont
venus déranger un sommeil jusque là sans escale.
Dans la
journée, je me suis surpris à arpenter en long, en large et en travers les
rayons : remise en forme, bien-être, spiritualité de la fnac. Je descendais
deux trois bouquins des étagères, je m’installais dans un recoin hors du
passage et je dévorais à ne pas regarder l’heure. Deux fois, j’ai fait la
fermeture en nocturne. Heureusement que chez moi, personne ne m’attendait pour
bouffer. Je n’allais pas non plus me ruiner pour acheter des ouvrages hors de
prix ni les bibliothèques pour les entasser. Un géant suédois venait de
s’installer pas loin de la maison mais vu sa façon tonitruante de saloper le
paysage avec la taille de ses boutiques et son goût prononcé pour le bleu et jaune, pas question de lui faire gagner le moindre rond. Maintenant, je suis un peu
plus armé. Je sais à peu près tout du yoga de ses origines, de son histoire, de ses variantes, des
écoles, des gourous, des postures. Mais ce n’est qu’un savoir théorique qui ne
passe pas par le vécu. Si je pouvais disserter savamment sur le Tantra Kundalini Yoga, les asanas, les
mudras, les pranayamas et autres karmas, il me manquait bien entendu la
pratique. D’après mes lectures, d’ici une soixantaine d’années je pourrais peut-être prétendre à commencer d'entrevoir le début d’une possible éventuelle compréhension… C'était encourageant.
Entre nous et en souriant dans ma barbe, j'ai aussi pensé offrir à Gisèle un de ces
rasoirs six lames à doubles flexules rotatives intégrées pour aller couper le
poil sous le poil. Depuis que l’homme a cessé d’aller sur la lune on a
l’impression que les boites de rasoirs ont recruté tous les ingénieurs de la
nasa mis au chômage. On était passé en quelques années du rasoir banal à une
lame à des trucs d’une technologie stratosphérique. Le prix des engins avait
suivi. J’ai renoncé, un rasage me coutait environ une séance. Et puis, dans un
élan de lucidité, je me suis dit que ce ne serait sans doute pas la meilleure
manière de m’attirer les bonnes grâces
de ma Gisèle jolie. Déjà qu’à la fin de la première j’avais bien senti que
je n’étais pas en odeur de sainteté. Il valait mieux pour un temps que je fasse
profil bas, que je ne la ramène pas trop et que je la joue bon petit garçon
obéissant. Qu‘en quelque sorte, dans ce domaine aussi je m’assouplisse. Si fait
la semaine avait passé à une vitesse folle et nous étions déjà au pied de la deuxième
séance. J’avais pris mon après-midi pour y arriver reposé mais avant, j’avais
prévu de passer dans cette boutique d’article de sport pour me payer un de ces
justaucorps que mettaient les types du garage. Enfin quand je dis les types,
j’avais repéré qu’avec l’autre nous étions deux dans le cours de dix huit
heures. Les neuf autres étaient des femmes et ce n’est pas cette seule raison
qui me faisait continuer. L’autre était entré aux forceps dans un truc en lycra
jaune, le haut en forme de marcel et le bas en feu de plancher. Je le trouvais à hurler de rire mais en même temps j’admirais
sa liberté et son absence totale d’ego. Il était sans doute sur la bonne Voie.
Je suis un obèse poussin, je m'habille comme je veux et si ça ne vous plait pas c’est
pareil, semblait il crier à la face du monde. Vous auriez dû le voir enfiler un
manteau sur cet accoutrement pour sortir dans la rue à la fin de la séance. Un
contrôle de police et il avait droit à vingt quatre heures de garde à vue pour
outrage. Non, moi je partirai plutôt sur du noir ou du gris et du large pour ne
pas être trop saucissonné. Ne pas
ajouter de l’indécence au ridicule et encore mieux, passer inaperçu. Ce qui
n’était pas gagné. J’avais finalement opté pour un ensemble domyios, un premier
prix qui durera ce que ça durera. Comme je ne savais pas encore si j’allais
continuer après les neuf séances. J’avais mis un temps fou à pouvoir accéder à
une caisse. Comme j’avais gardé sur moi la tenue en sortant de la cabine
d’essayage j’ai dû négocier ferme avec la caissière pour pouvoir partir avec.
Avec ça j’avais perdu un temps précieux, surtout pour ma paix intérieure, il y a des gens avec qui il vaut mieux ne pas risquer le conflit, Gisèle en était. Ma température était montée. La rogne m'avait gagné, je ne voulais surtout pas débouler en retard d’autant que Gisèle nous
avait bien prévenu qu'une fois les présents assis sur leurs coussins,
elle ferme la porte à clé. Les absents, eux s’assoient sur la séance. Elle est
due et empochée et ce n'est pas négociable. Gisèle faisait comme chez l’analyste. Dans un sens elle
n’avait pas tort. Elle voulait aussi éviter les allées et venues qui pouvaient déranger la concentration. C’était déjà le bazar dans nos têtes si en plus
ça l’était dans le garage... Et puis c’était bien connu, les adultes sont inconséquents bien pires que les enfants qui eux sont raisonnables: Si on leur
donne le petit doigt, ils avalent la main. J’ai garé ma bagnole en crissant des pneus et c’est en courant que je
me suis approché du garage de Gisèle. Il y avait mieux comme escalier pour grimper
vers le calme et la sérénité. Mais c’était bon, elle était encore devant sa
porte, elle faisait rentrer ses disciples un à un. Je suis arrivé bon dernier
et bien que je sois à l’heure, j’ai eu droit à son regard. Noir.
C’est donc
un type en colère, rougeaud, essoufflé, dégoulinant de sueur au cœur battant la
chamade MAIS habillé comme un sou neuf qui allait attaquer sa deuxième séance…
8 commentaires:
mon dieu, mais quel suspens Christian ! vous nous tenez en haleine ... c'est terrible
@ Véronique Ne vous moquez pas! :-)
si on peut plus rigoler Christian :o)
Tu vas voir ta gueule à la prochaine séance.
Gisèle.
@ Et voilà c'est parti! Je savais qu'tétait pas cool, Gisèle.
Attention à la Gisèle la prochaine fois elle te fusille du regard !!!
Vivement la prochaine séance ...Ah ah ah !
On peut venir faire des photos ? ;)
@ Brigitte Vous me tuez!
@ Pastelle Manquerait plus que ça! Des photos, maintenant! :-)
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