Préface de H.T. Volcanologue.
Depuis que le monde était monde, dans ce coin perdu d'une île perdue, tous ceux d’ici se racontaient l’histoire de Cendres et tous les soirs ou presque cette histoire évoluait. De nouveaux personnages apparaissaient, d’autres, au contraire étaient effacés du récit et donc des mémoires.
Comme, tout bébé il avait échappé de
peu à la fureur rouge et dévastatrice de la montagne en colère, comme, peu
après qu’il soit sorti du ventre de sa mère, on l’avait extrait en courant du
nuage de poussières noires et sales dévalant du volcan en furie qui avait
envahi tout le village, comme, il était gris au lieu d’être rose, on l’avait,
dès ses toutes premières minutes, surnommé Cendres. Et, Cendres, ainsi que ses
ancêtres avant lui, de même que les pères de ses pères, une fois le monstre assagi,
une fois les plaies pansées, une fois le vert partout revenu, une fois les
mangues aux manguiers, Cendres avait grandi là, d’abord dans les bras accueillants
et protecteurs de toutes les femmes en âge de le porter, puis sur les flancs de
celui qui avait failli l’engloutir alors qu’il venait à peine de débarquer sur
cette terre.
Malgré le cataclysme des
débuts, malgré les dévastations de l’origine, la suite de la vie de Cendres,
son enfance avait été plus souriante. Quand le monstre se reposait, qu'il se
terrait au repos dans ses entrailles, qu'il se faisait silencieux, les
flancs escarpés de cette montagne étaient un paradis sur terre. Et ce paradis,
c’est à peu près tout ce que la famille de Cendres possédait. Une nature
luxuriante et généreuse, un climat doux, traversé d’alizés bienveillants, une
terre riche et surtout des besoins raisonnables. Mais Cendres était bien un
enfant du cratère, il en avait l’énergie vorace. Il avait su courir bien avant
de marcher, il avait su rire bien avant de parler, il avait su danser bien
avant de compter. Il fallait le voir dès le début des jours aller et venir et ne
jamais se reposer. Il fallait le voir monter et... descendre puis remonter, saluer
les uns, serrer les autres, des sourires à ceux d’en bas, rire avec ceux d’en haut, distribuer à chacun des torrents de bienveillance joyeuse.
Après les semaines terribles de l’éruption, il avait grandement contribué à
faire revenir l'espoir et la vie dans tout le village. Si Cendres était l'enfant du chaos il est aussi celui de la vie.
Où la joie est, Cendres y est disait-on à qui voulait l’entendre.
Où la joie est, Cendres y est disait-on à qui voulait l’entendre.
C’était simple, tout le
monde ou presque dans ce coin s’accordait à dire que s’il n’était pas venu au
monde il aurait fallu l’inventer et, du reste, c’est bien ce qui avait été fait…
***
Depuis plusieurs semaines déjà, la terre s'était
mise à vibrer et, lui, depuis le dessus de nos têtes, jusque sous les empreintes de
nos pieds, ne cessait plus guère, de sourdement gronder...
9 commentaires:
Le monde a bien besoin de Cendres.
Merci de l'avoir inventé. :)
@ Pastelle Merci, mais vous êtes indulgente!
et si un Cendres en nous sommeillait !
je suis estourbie par votre imagination Christian ! chai pas comment vous faites ...
un Cendres en chacun de nous ! c'est mieux ...
@ Véronique Estourbie? Il serait mieux que non! On l'a le Cendres...
estourbie ! c'est parce que je l'aime bien ce mot là, il m'amuse ... il me parle ! très "imagé" même si le sens qu'il m'évoque n'est pas forcément le bon ! je suis estourbie ! on va dire ça :o)
@ Véronique Va pour estourbir, je le sens plutôt positif... Pour le bâton. :-)
Le prénom de Cendres, me rappelle une bien belle histoire d'amitié, vécue en Normandie. Je cherchais des comédiens pour mon film LA MÉMOIRE AMNÉSIQUE, et l'on m'avait parlé d'une Cendres D. qui conviendrait parfaitement au second rôle du film. Je fis donc sa connaissance et lui demandais à la fin de l'entretien, pourquoi elle avait choisi un pseudonyme comme prénom. Elle m'expliqua que c'était un cadeau de ses parents et qu'elle comptait bien le garder jusqu'à la fin de ses jours. J'appris très vites qu'elle n'était pas " cendres mortes " mais bien " Cendres ardentes" et son jeu fût à la hauteur de sa réputation.
Je n'avais jamais croisé d'autres Cendres avant de le faire aujourd'hui dans ta nouvelle, et ma Cendres à moi, amie, m'est revenue en mémoire. Non, ce n'est jamais inutile de se mettre à sa table d'écriture et nos écrits nous dépassent tout le temps.
Amitiés.
Roger
@ Roger Je souscris entièrement à ta dernière phrase!
Amitié.
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