Pour les Impromptus littéraires. Il fallait répondre à la question Comment ne penser à rien?
Comme j’en ai eu ma claque
de me gaver de paracétamol mille, à cause de douleurs provoquées par une saleté d'arthrose cervicale, j’ai
décidé de m’inscrire à un atelier de méditation.
La douleur ne passera pas
mais au moins, je m’en ficherais, je me suis dit.
Comme j’habite un coin où
tu ne peux pas faire un pas sans marcher sur un ostéopathe, un druide, un
naturopathe, un somatothérapeute, un acupuncteur, un rebooth, un chamane, un
conseiller en énergie vitale, un rééquilibrateur sensoriel, un homéopathe, j’en
passe et des meilleurs. Par ici, si tu es encore malade c’est que, vraiment, tu le veux bien,
c’est que c’est ton destin, ton karma, c’est que tu t’y prends comme un manche.
Il ne se passe pas une fin de semaine sans que dans le moindre petit village ne
soit organisé un salon Nature et Soins,
Âme et confort, Santé et jus de fraise. Par ici, les rebouteux, les
coupefeux et autres sorciers courent dans les ruelles, font la queue dans les
boulangeries bios, ont table ouverte dans les restos et tiennent un stand à la
poste. Dans ce coin, les allopathes sont obligés de faire graver « cool »
à côté du mot médecin.
Aussi, il m’a suffit de juste
secouer un peu le net et j’ai dégotté ce qu’il me fallait. Des cours de
méditation pour débutant, dans un mas en pleine campagne tous les soirs de la
semaine de 18h à 21h. La voix au téléphone m’a précisé que, bien entendu, je
pouvais ne venir qu’une fois par semaine, que je n’étais pas tenu aux trois
heures mais que c’était le même tarif. Cinquante la demi-heure, j’ai demandé
très poliment si le premier mois, par exemple pouvait être gratis, elle n’a
même pas répondu. Tant de largesse m’a laissé pantois. Je me suis dit que ce
serait, malgré tout, trop bête de passer à côté et j’ai dit à la voix comme on
prend rendez vous : À demain soir, alors.
C’est vous qui décidez pour
vous et elle a raccroché.
Après coup, mais ça j’étais
un habitué, j’avais ce qu’on appelle l’esprit d’escalier, sauf que le mien
était plutôt en colimaçon… Après coup j’ai pensé que j’avais oublié de lui
demander en quelle tenue il était bon de venir, si le verre d’eau était fourni,
si on devait apporter son coussin enfin tous ces détails qui ne sont pas grand
chose mais qui peuvent séparer une soirée réussie d’un cauchemar.
J’irai comme je suis :
décontracté.
Le lendemain, je l’ai passé
essentiellement à jeter un œil sur l’horloge de la mairie, celle de mon
portable, celle de la voiture, bref à trouver que le temps s’écoulait comme un
miel liquide épais : très lentement.
Et puis, le soir est venu.
Alors, j’y suis allé.
J’avais évidemment choisi
la séance de dix huit heures. Il m’aurait été pas loin d’impossible d’attendre
les dix neuf. J’ai garé ma voiture sur le côté du mas, dans le gravier, il y
avait là deux ou trois autres véhicules plutôt des allemandes aux capots longs
comme des anglaises.
Je me suis approché d’une
porte éclairée comme en plein jour, nous étions en Novembre et les jours
dégringelaient de plus en plus tôt.
Une chaîne avec au bout une
cloche et ce n’était pas celui qui tirait.
Elle est arrivée silhouette
gracieuse, vêtue d’un justaucorps noir, un sourire de madone sous Effexor accroché
à son visage. J’ai espéré qu’elle pouvait encore ne plus sourire, si elle le voulait.
Elle m’accueilli gentiment, m’a demandé mon prénom rapidement et a encaissé mon
billet prestement. Avec le liquide l’énergie circule mieux paraît-il… Mes
chakras n’avaient qu’à bien se tenir. Ils allaient voir ce qu’ils allaient
voir.
Je suis entré dans une
salle voutée, une ancienne cave, bien chauffée mais avec au sol une moquette
épaisse comme la joie de vivre d’un anorexique sur laquelle étaient disséminés
ici et là, une ribambelle de petits coussins aux couleurs joyeuses, sans doute
crochetés à la main, de forme circulaire et de la largeur d’une paire de fesses
moyenne. Nous étions six, cinq avec elle. Elle a allumé un bâton d’encens, sans
doute odeur Nuoc Nam, elle a mis un cd de musique balinaise et la séance a
commencé. Au début, je me suis laissé porter. J’étais bien.
C’est quand elle nous a
demandé avec insistance de ne vraiment plus penser à rien que je me suis mis à
mouliner sévère…
Oui, comment, comment ne
plus penser à rien ?
Si on ne pense à rien, on
pense, déjà, au moins, à un truc…
Par le fait.
15 commentaires:
C'est drôle !
Une Méditation que Descartes n'a pas écrite ! "Je ne pense à rien, donc je pense" Il fallait y penser !
Papi René
@ Papi Venant de toi Papi ça me fait plèse. :-)
Ne pas penser ... Ahhhhhh que ce serait bon parfois !
@ Brigitte Je suis d'accord!
S'offrir de temps à autre quelques plages de silence au gré de la respiration, ou du spectacle de la danse de la mer, ou de la musique d'un point de vue ( sans image du monde)... Pas cher mais sans prix :-)
Penser à rien ça oblige à penser qu'on ne doit penser à rien. Bonjour l'angoisse. Penser à rien c'est n'être rien pour moi.
C'est amusant j'ai reçu récemment un courrier concernant le remède suprême pour l'arthrose, et même inverser le processus. Ca parle de nourriture et de compléments alimentaires. Je suis allée le repêcher. Ca t'intéresse ? Ou tu sais déjà tout sur le sujet ?
@ M Un joli paysage me plonge dans des abîmes de plaisir. J'arrive juste à penser trois mots: Putain c'est beau!
@ Pastelle Une fiction, je n'ai pas encore d'arthrose invalidante mais ça m'intéresse, oui parce que si je ne m'y intéresse pas, elle (l'arthrose) va s'occuper de mon cas!
Il n'y a qu'en rêve que j'arrive à ne penser à rien. Être simple spectateur, contempler les choses sans penser à les nommer, c'est vraiment reposant.
@ Tilia Et dans les cauchemars vous ne pensez pas que vous avez la trouille ou que c'est moche ou bien terrifiant, au choix?
Pour Pastelle et sa future arthrose: supprimer le lait de vache et le gluten ...
@ Brigitte Merci du conseil mais alors cela veut dire plus de fromage de vache? Aïe Aïe Aïe...
Non plus du tout ! mais je m'autorise (car je n'ai aucune pathologie )un peu de chèvre ou de brebis de temps en temps . Pour rester en forme franchement ça vaut le coup.
@ Brigitte OUi MAIS UN bon Saint Marcellin...
Ben j'aime pô ! Je dois dire que cela ne me manque pas du tout
@ Brigitte Heureux ceux qui n'aiment pas ce qui est bon, ils ne sont pas soumis au péché... :-)
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