"Ecrivez le mot gare et vous montez dans un train qui n'existe pas." René Fregni.
C'est un lieu perdu, ou pas loin de l'être, un
bout de route, un endroit isolé, les murs encore debout d'une ancienne ferme
auberge désormais... fermée, de grandes tables vides sous un vieux chêne
accueillant à l'ombre généreuse, des enclos pour troupeaux ne servant plus, ni
à rien ni à personne, des fenêtres closes, des volets branlants, pas âme qui
vive au plein soleil d'un juillet s'exténuant, le hameau avait été comme frappé
du pire des maux. De celui qui laisse des cicatrices toujours à vif quel
que soit le passage du temps, de celui dont on ne se débarrasse jamais, de
celui qui marque au fer le cœur et tout le cortège qui défile avec, de celui
qui meurtrit à jamais: l'abandon.
C’est bien toi d’aller acheter un truc pareil!
Ah ça pour s’être foutu de sa gueule, ils n’y étaient pas allés de main morte.
Ils avaient chargé la barque, ils avaient bien poussé la seringue...Que vas-tu
faire pousser là-haut? Des pierres? Quels choucas perdus vas-tu nourrir?
Penses-tu qu'on puisse être ami du vent? Mais qui va venir ici, dans ce
trou ? Qui va monter jusque là-haut? Qui ? Moi. Je
répondais : moi.
J’avais débarqué en septembre. C’était le
premier où je n’étais plus obligé d’aller bosser. Ils m’avaient pressé comme un
citron, maintenant ils jetaient la pulpe. Dégagez, on n’a plus besoin de
vous. Puisque c'est ça, vous ne me reverrez plus, je m'isole, je sors du
terrain de jeu, je m'éloigne. Foutez moi tranquille désormais.
J’avais six mois devant moi pour remettre
l’auberge en état, écrire un livre et réouvrir au Printemps.
Avant de monter là-haut, j’étais passé par la
SPA, j’avais embarqué deux ou trois chiens, quelques chats. J’avais demandé à
voir ceux qui étaient là depuis le plus longtemps, je me foutais pas mal de
leur allure, de leurs marques, je voulais juste essayer de rattraper un
peu leur temps de caresses perdu. Les types et les femmes du refuge me
regardaient avec de drôles d’yeux mi-Noé, mi-dérangé. Ils n’avaient pas tort,
j’étais un peu des deux mais surtout le deuxième… J’avais aussi monté deux
chèvres, qu’elles se tiennent compagnie, depuis le temps que je voulais
fabriquer mon fromage. Et, pour faire bonne mesure, j’avais acheté un mulet, un
âne pour m'aider dans les travaux difficiles et quelques poules pour les oeufs.
Avec l’espace qu’il y avait dans les bâtiments ce serait le drame si je
n’arrivais pas à leur trouver une place.
J’avais également commandé une éolienne, avec
ce qui pouvait souffler au sommet, je pourrais sans doute me passer de l’odeur
du pétrole, mais comme je n’étais pas tout à fait dingue, j’avais déniché un
groupe électrogène qui devrait suffire à mes besoins : Un bon gros
congélateur, un frigo, une vieille chaîne stéréo et une connexion internet.
L’antenne qu’ils avaient dressée au pic un peu après le dernier virage
m’assurait une bonne réception.
Le reste, cuisinière, poêle, chauffage, chauffe
eau, marcherait au bois. Les quelques stères de chêne coupés en un mètre,
trouvés rangés dans la petite grange sud me feraient bien l’hiver.
J’avais dressé une liste des travaux à
accomplir pour rendre l’endroit vivable et je les avais classés en trois
groupes : Urgent, pas urgent, chiant. Je commencerais en octobre par
m’atteler au premier groupe. Les deux autres iront se faire voir.
Je l’avais accrochée en évidence sur le mur
près de la porte d’entrée. Quand l’un était terminé, je le rayais de la liste
et passais au suivant. C’était simple, sans embrouilles, je n’avais pas mille
questions à me poser le matin, je me levais, je savais quoi faire après le
café. J’avais aussi passé le premier mois à faire le tour de l’endroit pour le
connaître comme ma poche pour pouvoir en exploiter toutes les ressources. J’en
avais trouvé une bien généreuse et d’une pureté magnifique qui me remplissait
de bonheur même si j’en avais un peu bavé pour qu’elle me livre à domicile.
Le matin de bonne heure, avant qu’il ne fasse
trop chaud ou je remontais les murs de pierre sèche ou je redressais une
charpente et l’après midi j’écrivais mon livre. Au fond c’était la même
activité. Les rangées de pierres et les phrases finissaient par faire un
ensemble, comme une musique harmonieuse, la phrase d’après répondait à celle
d’avant comme la rangée du dessous tenait celle du dessus.
Pour le bouquin ce n’a pas été aussi facile.
J’ai passé un automne formidable, un hiver un peu délicat, c’est que ça
caillait pas mal sur le plateau, les jours étaient bien courts et les soirées
bien longues. À cause des bêtes, je ne pouvais pas m’éloigner trop longtemps,
deux jours d’affilée tout au plus, quand je devais refaire le plein, je
descendais le matin et j’essayais d’être de retour avant la nuit. On était venu
me voir au début et puis les visites s’étaient un poil espacées.
C’est le deuxième été que j’ai acheté cent
cinquante pieds de vigne, j’ai creusé les trous pour les y planter entre Aout
et Septembre, j’en faisais deux par jours. Mon dos n’aurait pas accepté
davantage et à l’age que j’avais il fallait que je commence à l’écouter celui-là.
J’ai fini de les planter le vingt octobre. Je m’en souviens parce que je me
suis dit que le vingt c’était une date d’une belle promesse pour des vignes...
Le plus dur ça a été de creuser les trous, le sol était si sec, si dur que
j’avais l’impression de m’attaquer à un plancher de béton et si j’avais attendu
que la pluie attendrisse la terre, les ceps seraient encore dans la grange.
Malgré ça je n’ai eu que peu de perte, il faut dire que l’hiver qui a suivi n’a
pas été si rigoureux. Du reste, tout le monde ici pleurait en se souvenant des
hivers d’avant. J’en suis tombé à genoux de bonheur quand vers la fin mars, en
marchant dans les rangées, j’ai vu les premiers verts revenir. Monter des murs,
faire un vin ou écrire un livre, au fond, c’est la même aventure.
En tout, je suis resté trois ans au
Castelas, trois années entières éloigné des malheurs du monde, c'était toujours
ça de pris. Le premier hiver, j'ai perdu quinze kilos, le poids des ennuis sans
doute. Et puis j’ai dû m’en défaire. Du Castelas. On m'a dit, un jour, en
ville, une bonne intention, que tu m'avais écrit. J'ai tranquillement,
patiemment puis obstinément attendu ta lettre mais elle n'est jamais
montée jusqu'ici...
Durant ces longs mois, je n’ai pas vu grand
monde rôder vers chez moi. À part
quelques égarés qui demandaient leur chemin et redescendaient vite fait, je ne
parlais avec presque personne. Bien sur,
je m’adressais aux animaux mais on ne peut pas dire qu’on parle AVEC une poule…
Il y a bien eu ces deux sœurs, deux hollandaises qui au printemps de la
première année passaient par là en venant d’Utrecht sur la route de
Compostelle. Elles s’étaient paumées quelque part mais l’important c’est le
chemin disait-elles avec un accent au couteau. Elles sont restées quelques
semaines, deux ou trois, je ne me souviens plus….Elles étaient fabriquées à la
hollandaise : Immenses, blondes, solides de grands yeux bleus et un
sourire toujours accroché à leur visage. Pas grand chose ne leur faisait peur,
pas grand chose ne pouvait s’attaquer à leur sourire, c’est plutôt celui-là qui
emportait le morceau. Comme elles voulaient aider en échange d’un endroit où dormir et de quoi manger, j’ai sorti les
balais et les serpillères et je leur ai montré, justement, la grande salle.
Elles ont éclaté de rire :
Nous ce qu’on veut c’est monter des murs pas
passer le balai ont-elles baragouiné. Vaincu par leur rire, je leur ai confié
la bétonnière et ce qui va avec. Et je leur ai montré le mur des remises qui
commençait à s’effondrer. Elles s’y sont mis avec ardeur. Elles maniaient cet
engin bien mieux que moi et pour les murs, elles étaient imbattables. Je les
regardais faire de loin. Elles chantaient, l’une en donnant à bouffer à la
bétonneuse qui tournait sans répits, l’autre en alignant les pierres. De temps
en temps, elles changeaient de tâche mais elles gardaient leurs sourires. Elles
avaient l’air heureux et le boulot avançait si bien que j’ai été à court de
ciment assez vite. Un jour j’ai dû descendre refaire le plein. Je les ai emmenées.
Il s’en est raconté en bas quand on a déboulé mes arpettes et moi dans le
magasin de matériaux. Elles m’ont fait acheter ce qu’il fallait pour la
charpente des remises, on va s’y mettre après les murs ont-elles dit. En
bas, ils n’avaient, sans doute, jamais
vu pareil équipage. Je dois dire que j’étais plutôt fier avec mes deux beautés.
J’en ai profité pour un tour de ville avec elles dans le dos. Après un passage
remarqué au Bar Central où je me suis rendu compte qu’elles descendaient les
bières comme elles montaient les murs, on a laisse la ville derrière nous.
J’avais à peine passé le panneau qu’elles dormaient effondrées à l’arrière,
leurs deux queues de cheval claires sur le gris du ciment… Evidemment, je suis tombé éperdument amoureux. Des deux. Mais
pas en même temps. Un jour l’une, un jour l’autre. Elles n’en ont jamais rien
su. Et puis les remises à nouveau comme neuves, au début de Septembre, elles
ont repris leur route vers Saint Jacques.
Finalement, après de mauvaises analyses, je suis resté trois mois sans forces, j'ai dû revendre.
C'est un pharmacien de Marseille qui en avait marre des malades, du golf, des diners du rotary, des labos escrocs, des petits vieux ronchonneurs et des visiteurs médicaux qui a racheté. D'un jour à l'autre, il a plaqué ses clubs, sa femme, sa décapotable et son fond de commerce.
C'est un pharmacien de Marseille qui en avait marre des malades, du golf, des diners du rotary, des labos escrocs, des petits vieux ronchonneurs et des visiteurs médicaux qui a racheté. D'un jour à l'autre, il a plaqué ses clubs, sa femme, sa décapotable et son fond de commerce.
Au moins, viendront pas me chercher ici,
avait-il dit en signant nerveusement l’acte de vente.
Je m’en vais faire des tisanes, des huiles
essentielles et les vendre le reste de ma vie. Là-haut, il y a tout ce qu’il faut, du thym sauvage, aux cistes en
passant par les tilleuls, les buis, la sarriette et le serpolet…
Avant de redescendre, je l’avais prévenu :
Surtout méfiez vous du silence : il fait un de ses bruits là-haut... Quand
vous n’entendrez plus que lui, allez passer quelques jours en ville, vous
replonger dans le bazar, revenez vers la vraie vie, ne vous laissez pas
emporter...
Ça vous évitera de devenir fou. Vous verrez, à
part ça, le vent est un compagnon
formidable mais il faut s'en garder, il peut finir pas vous entrer dans la
cervelle et alors là, là vous ne répondrez plus de rien et vous finirez comme
tous ces jobastres qui trainent dans les rues en parlant tout haut dont on
dirait qu’ils sont plusieurs à l’intérieur...
Il m’avait proposé de remonter quand je
voulais. Avec le boulot que vous avez fait ce sera toujours un peu chez vous
avait-il ajouté. Revenez quand vous serez guéri... Je l’avais remercié. Il
était pas obligé. Je lui ai laissé les bêtes. Comme ça les premiers mois, vous
aurez quelqu'un à qui parler, vous serez surpris, ils s'entendent bien avec les
types bizarres, j'ai dit. Il a souri.
Les bouquins ? J’en avais pondu deux. Pas
un seul éditeur n’en avait voulu. Pas trépidant, comme écrit à la massette et
au burin m’avaient-ils envoyé au visage.
Dans le fond, en étant un tant soit peu honnête,
comment leur en vouloir?
Ils n'avaient pas si tort que ça.
28 commentaires:
Un beau mythe ou un joli fantasme ? Ce lieu existe vraiment ? Utopos ?
Moi j'ai sympathisé avec des mouettes ou genre . J'ai eu du mal à m'arracher au biotope.
Papy René
@ Papy Tu as perdu tes lentilles, Papy? Ce lieu existe? Ben oui, il est photographié là et montré à tes yeux ébahis... Les mouettes ce sont ces oiseaux blancs qui ricanent?
Moui,je vois bien ces mas en vieilles pierres,mais c'est l'histoire qui m'interroge. On a tant vu de ces belles bâtisses reconstruites par des entreprises très légitimement et brillamment du reste,que je me demandais si ce n'était pas un cliché.
Ouais les mouettes ricanent,se moquent,sont solidaires pour chasser ou casser des coques ou surveiller ou attaquer les cockers pas assez musclés etc...Je suis content de ne plus en voir faire les poubelles jusqu'à Lille !
Papy
@ Papy Non pas Filo? Pas elle?! Attaquée par des mouettes?
nan nan Filo les a impressionnées,mais elles ont essayé ! Elles ont renoncé à leur malice quand elles ont vu que Filo était presque aussi forte qu'un phoque ! Tu sais bien qu'en Baie de Somme les phoques sont frisés noir et blanc.
@ Papy Des phoques en Baie de Somme en Juillet et moi je suis le frère de Jean Paul 2...
Je le jure.
JP deux n'a pas de frère, heureusement. Moi j'aime François.
@ Papy: Sur les oreilles de Filo? Tu le jures sur elles? Alors, je te crois, toi...
méfiez vous du silence...
À moins que la ferme auberge ait fait faillite depuis l'an passé, rien à craindre du silence au Castelas, il n'y est sûrement pas parfait !
Cette ancienne magnanerie du XVIe siècle (mise en vente pour huit briques et demi d'euros il y a deux ans) ne manque pas de charme.
Mais, contrairement aux types de votre histoire si bien ficelée, je n'ai malheureusement pas les moyens de l'acheter :-))
@ Tilia Toujours pas vendue, alors (À ce prix, ce n'est pas étonnant...) Je vous garantis que le silence qui règne là-haut est étourdissant!
Sur le site TripAdvisor (voir le premier lien de mon précédent commentaire) il y a des avis - plus que mitigés !!! - sur le service et la cuisine, écrits entre le 23 août 2014 et le 25 septembre 2015.
Donc, la ferme auberge fonctionnait encore, alors qu'elle était déjà en vente...
Maintenant, d'après ce que vous dites, j'en déduis qu'elle a définitivement fermé, fin 2015 ou début 2016, et que le silence n'y est plus troublé par les cris du gamin qui hurlait dans les oreilles des clients !
À mon humble avis, cette propriété d'exception devrait plutôt abriter une communauté (religieuse ou non) offrant le gîte et le couvert aux personnes souhaitant effectuer une retraite spirituelle dans le silence et la tranquillité...
@ Tilia Il fut un temps, bien avant 2015 où cette ferme auberge était tenue par une famille sarde... On y venait de... Marseille pour y manger le dimanche et il fallait que ce soit bon parce que le chemin désormais goudronné jusqu'au parking était une chemin de terre tout au long des deux km après le hameau de Sivergues...
Deux cent stères de bois pour faire l'hiver ? C'est au pôle nord ton truc ?
Marie.
@ Marie Et voilà je ponds trois pages et toi tu t'arrêtes sur un détail aux stères...
Tu devrais être éditrice, toi. :-)
Je savais que t'allais dire ça. N'empêche, ton détail, il m'a fait bondir, parce que moi, les stères de bois, je me les trimballe tout l'hiver dans l'escalier. Alors éditrice, je sais pas, mais comme bûcheron, DEUX CENT stères ?
Bon, sinon, c'était très chouette. Et puis je sais bien qu'aujourd'hui est éditeur qui veut, et pas toujours qui peut, mais si je voudrais, je pourrais -)
Le restaurant de luxe ouvert par une parisienne à Bonnieux n'a pas duré non plus,malgré sa qualité et son panorama. La bâtiment a été racheté par la Mairie à prix d'or pour faire une Annexe. Ca non plus ce n'est pas juste.On y mange beaucoup moins bien et plus du tout :)
Papy
@ Marie C'est que la quantité me semblait justifiée pour chauffer tout l'ensemble , je ne voulais pas qu'il se fasse chier à couper du bois dès qu'il a cinq minutes... Il avait un bouquin à écrire...
Tu as peut-être vu que les deux cent étaient devenus quelques! :-)
@ Papy Une parisienne à Bonnieux? Tu m'étonnes... :-)
Ah moi j'aime le silence étourdissant !
@ Brigitte Alors, il faut aller là-haut mais pas en été... Les cigales...
Elles peuvent être bruyantes en effet mais j'ai campé des années au bord d'une rivière et là nous avions droit au concert des grenouilles ... Euh... faut s'habituer !
@ Brigitte Ah oui j'aime aussi ce qui est chant de crapauds et grenouilles!
200 stères.... moi tout comme Marie... je chipotte (vu la taille du chipottage je peux....je me marre :)))
Ceci dit, quelle puissance évocatrice Chri... chapeau bas.
Lou
@ Lou Meuh non, on n'en est plus à deux cent stères, on en est à quelques stères... Quelques, dites pendant que j'y suis, le récit de votre nuit avec J.C. c'est pour quand?
Pas facile de rattraper tous ces mois de retard, passés en bagarre avec la maladie.
Ce billet sur Le Castellas m'avait échappé...
Il fallait bien un romancier-poète-romantique, pour imaginer un choix aussi romanesque d'aller s'installer pendant trois hivers dans cet endroit isolé. Le lieu était parfait pour une retraite d'ermite. À en croire la fin de l'histoire, le doux rêveur n'a rien perdu en revendant la Ferme au riche Marseillais, en mal à son tour de solitude et de silence...
Vous alors !... à mélanger habilement le "JE" et le "IL" pour confondre le lecteur !!!...
C'est une habitude, chez moi, de jeter un œil à l'image d'abord, avant de lire une page. La photo de la bâtisse, en fin de texte, a tout de suite fait Tilt et mon cœur a fait "Toc-Toc", au souvenir de la soirée inoubliable que nous avions vécue là-haut, l'été 2000, l'année de la découverte des ocres et les lavandes du Luberon. Le Petit Futé en parlait et nous avions mis dans nos tablettes l'adresse du Castellas, avec le nom de Gianni Ladu, ce berger déterminé venu, disait-on, depuis la Sardaigne avec ses troupeaux, s'installer dans une vieille ferme vaudoise, ancienne magnanerie du XVIème siècle réaménagée en ferme-auberge, avec restaurant, chambres et dortoirs pour les randonneurs de passage sur les pentes du Grand Luberon. Nos vacances s'annonçaient bien occupées, hautes en couleurs, riches en coups d'œil, découvertes et rencontres.
Il y a 16 ans de cela...
Un clic sur Google me l'a confirmé : j'avais parfaitement bien reconnu l'endroit sur la photo. La curiosité m'a poussée à refaire ensuite un tour sur Google et à rechercher "Le Castellas", "Sivergues", "Gianni Ladu" : en quelques clics, j'ai reconnu les lieux et découvert en même temps, au fil des différents liens, comment tout ça a mal tourné... : les descriptions, les critiques acerbes récoltées sur Tripadvisor... la mise en vente des lieux...
Horreur, stupéfaction !... Je n'arrive pas à y croire... Comment tout cela a-t-il pu arriver ???
Ce lieu, encore bien présent dans ma mémoire, terni maintenant par un nuage sombre...
Je veux oublier tout ça et ne garder que le meilleur : ce que j'en ai connu.
Ce samedi matin, au marché de Bonnieux, après avoir entendu un groupe de personnes parler d'un dîner le soir-même à la Ferme-Auberge du Castellas, et compris que les réservations étaient faites de longue date, nous nous étions rendus le soir-même, à tout hasard, en repérage des lieux, pour y revenir dîner une prochaine fois peut-être...
Après avoir passé Apt et Saignon, le long, très long chemin de terre étroit et poussiéreux entre les rares maisons du village de Sivergues nous avait semblé être vraiment "le bout du monde"... Enfin, au bout du chemin, un panneau de bois avec ces mots pyrogravés : "Le Castellas Ferme-Auberge", nous indiquait que nous étions enfin arrivés au terminus.
Quelques voitures, des 4/4 surtout, étaient garées à l'entrée d'un immense pré. Plus loin, à droite, éclairé par la lumière rougeoyante du soleil, l'imposant bâtiment de pierres avec, à l'avant, des alignements de tables et de bancs de bois brut, tels qu'on les devine sur la photo. Deux rangs de grandes tablées, apparemment... complètes.
à suivre...
2 - Désolée : txt trop long saucissonné...
Le soleil moins vif commençait à baisser, en même temps que les montagnes se détachaient sur l'horizon en dégradés de plans bleus. On entendait encore quelques cigales et, tout près, les chèvres qui s'étaient rapprochées de l'entrée pour nous flairer. La barre de bois qui tenait lieu de clôture était fermée. À l'évidence, le dîner ne serait pas pour nous ce soir... Nous étions sur le point de faire demi-tour quand un homme s'est approché de la barrière, nous faisant signe de rester. Gianni Ladu, en personne, le berger au teint basané, le Sarde bellâtre, aux cheveux d'un noir d'ébène, le poitrail frisottant sous la chemise d'un blanc éclatant, venu de lui-même au devant de nous, pour nous inviter à rentrer dans la prairie et avancer jusqu'à la table.
– "Mais si, mais si... Entrez ! il y a de la place pour tout le monde !"...
Il nous avait trouvé deux places, en bout de table et rapporté couverts et assiettes. Il y avait là un mélange de touristes, de randonneurs habitués des lieux et un gros groupe de bourgeois qui avaient réservé une partie de la table, parmi eux, les deux couples rencontrés le matin au marché de Bonnieux. Le repas était commencé et les gens déjà attablés discutaient, trinquaient en attendant le deuxième plat. Les pichets de boisson, du vin et de l'au étaient disséminés sur les tables et chacun se servait à volonté. Gianni Ladu nous avait ensuite invités à rentrer avec lui dans l'immense cuisine, avec nos deux assiettes "pour nous faire rattraper l'entrée". L'occasion pour nous de saluer, à la porte de la maison, la belle Ingrid, sa jeune et jolie femme, une magnifique blonde souriante, tenant dans les bras un agneau nouveau-né du matin. Nos assiettes posées sur la grande table, il avait alors descendu à bout de bras l'un des sept énormes jambons pendus dans la grande cheminée. Une fois son couteau affûté, d'un geste sûr, il avait tranché, pour chaque assiette, une montagne de tranches fines de jambon séché... Après avoir "rattrapé le début du repas", nous en étions, comme les autres de la tablée, arrivés au plat principal : l'agneau braisé, accompagné de pommes de terre dorées au lard.
Il faisait encore tiède, mais une petite brise bien agréable agitait les feuilles du gros chêne plus que centenaire et nous apportait de la fraîcheur. Au loin, les contours des montagnes bleues s'estompaient et le silence environnant était grandiose. Les cigales s'étaient complètement éteintes. Quelques jeunes chèvres venaient de temps à autre se frotter aux bancs, dans l'attente d'un morceau de pain.
3 et der - on va y arriver...
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Il nous avait trouvé deux places, en bout de table et rapporté couverts et assiettes. Il y avait là un mélange de touristes, de randonneurs habitués des lieux et un gros groupe de bourgeois qui avaient réservé une partie de la table, parmi eux, les deux couples rencontrés le matin au marché de Bonnieux. Le repas était commencé et les gens déjà attablés discutaient, trinquaient en attendant le deuxième plat. Les pichets de boisson, du vin et de l'au étaient disséminés sur les tables et chacun se servait à volonté. Gianni Ladu nous avait ensuite invités à rentrer avec lui dans l'immense cuisine, avec nos deux assiettes "pour nous faire rattraper l'entrée". L'occasion pour nous de saluer, à la porte de la maison, la belle Ingrid, sa jeune et jolie femme, une magnifique blonde souriante, tenant dans les bras un agneau nouveau-né du matin. Nos assiettes posées sur la grande table, il avait alors descendu à bout de bras l'un des sept énormes jambons pendus dans la grande cheminée. Une fois son couteau affûté, d'un geste sûr, il avait tranché, pour chaque assiette, une montagne de tranches fines de jambon séché... Après avoir "rattrapé le début du repas", nous en étions, comme les autres de la tablée, arrivés au plat principal : l'agneau braisé, accompagné de pommes de terre dorées au lard.
Il faisait encore tiède, mais une petite brise bien agréable agitait les feuilles du gros chêne plus que centenaire et nous apportait de la fraîcheur. Au loin, les contours des montagnes bleues s'estompaient et le silence environnant était grandiose. Les cigales s'étaient complètement éteintes. Quelques jeunes chèvres venaient de temps à autre se frotter aux bancs, dans l'attente d'un morceau de pain.
Pour terminer en beauté ce festin gaulois, les multiples plateaux de fromages destinés aux tables, avaient été rassemblés en farandole sur une longue planche d'au moins quatre mètres de long, portée cérémonieusement par deux personnes à chaque extrémité. Tout un spectacle ! Les petits plateaux déposés sur les tables formaient un long ruban. Pas cinquante variétés de fromages : du chèvre, exclusivement, à différents stades de maturation et de séchage, tous différents d'aspect et de goût. Entre les crottins, les rouleaux, les pyramides : des petits pots de miel de lavande et d'acacia, des amandes, des olives, des noix, des grappillons de raisins et des petits fagots de thym et d'origan... Il y avait eu quelques minutes de silence pour le fromage et le pain d'épeautre, suivies de "Hum"... "Humm"... et "Hummmmm"... Les papillons faisaient des zigzags autour des lampes et parfois, l'un ou l'autre des convives sursautait au souffle d'un cheval reçu dans le cou. Cette sensation de souffle chaud du cheval, je la ressens encore dans la nuque, comme si j'y étais.
Les pichets de tilleul avaient clôturé le repas et nous serions bien restés là, dormir sous les étoiles qui commençaient à s'allumer dans un ciel exempt de toute pollution lumineuse. Le beau Gianni et sa belle Ingrid étaient rayonnants et visiblement touchés par les mercis. "Une adresse à retenir"... "Nous y reviendrons"... "Merci pour tout"... "À l'année prochaine"... Le démarrage des moteurs avait un peu cassé l'ambiance, mais la déambulation sur le chemin chaotique s'était déroulée calmement, sans pagaille, sans accroc.
Eh ben... difficile de compter les caractères d'un texte...
ça m'apprendra à trop causer !!!...
Der des der...
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PS
La petite phrase sous le titre me laisse songeuse :
"Ecrivez le mot gare et vous montez dans un train qui n'existe pas."
Ça veut dire quoi ? Que le Castellas c'est du passé ?
Que c'est vraiment fini ? Que l'enseigne n'existe plus ?
Comment imaginer que tout ça ait pu dévier ? péricliter ? s'arrêter ?
Je n'ai pris ce soir-là aucune photo... saoulée que j'étais souvent, le soir, par mes orgies d'ocres et de lavandes, mais cette soirée, je l'ai au fond du cœur, minute par minute.
Comment oublier ces moments, ces images ? intactes au bout de 16 ans...
Chaque fois que des invités viennent à la maison et que le plateau de fromage est de sorti avec plusieurs variétés, je ne peux m'empêcher d'y glisser miel, thym, raisins, fruits secs, avec le mémé plaisir, toujours renouvelé...
Prévert a écrit :
"Le temps nous égare,
Le temps nous étreint,
Le temps nous est gare,
Le temps nous est train…"
=> ça aurait pu être de Pierre Légaré...)
Bonne journée !
@ Odile J'ai, moi aussi, tout lu... Je suis si content de connaitre quelqu'un qui a connu le Castelas du temps de sa splendeur, on m'en avait raconté et vous ça confirme!
J'espère que vos "ennuis" de santé sont derrière vous...
Et oui, le Castelas est malheureusement comme à l'abandon et à vendre, c'était silencieux quand j'y suis monté la dernière fois alors que la fois d'avant il y avait du monde de partout... C'était en fin de journée d'été, une journée chaude d'ici et toutes ces absences... Les chêvres, les gens, les odeurs de cuisine, les tables vides...
D'où l'histoire qui m'est venue.
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