« Dans la alace a méle evant
Ce batin droit cheuves blancs…
C’est oumpf rol, c’est agne rant
Mais c’est ieux que per se ents »
C’est, à peu de choses près, ce qui
nous arrivait du type qui dévalait comme
un possédé le chemin sur l’autre versant venant du haut de la Trouillère dans le massif de L'Avie. Au summum de sa jeunesse, il avait entamé la descente en hurlant, à tue-tête avec une mélodie
approximative, pour accompagner sa course folle. Nous l’avions entendu arriver
du col juste avant qu’il ne bascule dans le droit de la pente. Nous étions une
bonne dizaine de marcheurs du troisième âge à avoir passé la nuit au refuge, le dernier avant La Vallée,nous ne comprenions pas tout de ce que le bonhomme hurlait mais nous arrivions
à seulement saisir quelques syllabes. Il faisait un temps superbe et, seul le
froid glacial de ce début d’Octobre nous avait obligé à ne pas nous éloigner de
la chaleur douce du poêle à bois qui ronflait.
Mais nous n’y sommes pas restés. Nous sommes sortis sur la terrasse en
bois, certains avec des jumelles pour le regarder descendre et l’entendre
hurler. Au début, sa course était assurée mais au fur et à mesure ça s’est
dégradé. Bon Dieu mais qu’est-ce-qu’il lui prend à ce dingue ? Avait
envoyé Paul le gardien. En face, on le voyait maintenant dans le grand pierrier
du milieu, il ne ralentissait pas. Bien au contraire, on a remarqué qu’il
redoublait de désordre dans ses gestes et donc de vitesse. Sa course n’était
plus qu’un déséquilibre, à tout moment
il évitait la chute, il était en rupture permanente mais ça ne le faisait ni
freiner, ni se taire. Très vite, sur la terrasse des paris se sont
ouverts : Dix euros qu’il se vautre avant le petit bois ! Vingt dans
la minute qui vient ! Trente qu’il n’arrive pas entier !
Heureusement, pour lui, rien de tout
cela n’est arrivé. Un miracle. Il est ressorti du bois de buis vivant, et il a
attaqué la remontée vers le refuge. L’un d’entre nous une paire de jumelles sur
les yeux a alors crié :
Mais c’est le jeune tu sais bien le
grand brun de la ville qui s’occupe pour l’été des moutons d’Edmond ? Il
en a de la chance d’être encore vivant, lui.
Le gars n’a pas mis dix minutes pour
débarquer sur la terrasse, il était rouge comme un fond de volcan, il
soufflait comme un troupeau de
marathoniens. Tous l’ont entouré et gavé de questions :
Mais qu’est-ce-qui t’a pris ? Tu as
été attaqué par un loup ? Un ours ? Un éclair t’a frappé, il n’y a
pourtant pas eu d’orage cette nuit ? Le type essoufflé comme une Marguerite
en phase critique a lâché : Je me suis levé ce matin et en me rasant sur
les bords du torrent, figurez vous que j’ai aperçu trois cheveux blancs, là sur
le côté…
Toute l’assemblée a éclaté de rire.
Il a repris : C’est pas drôle,
c’est pas marrant !
Alors, dans une vague de rire, les gens de la
terrasse en connaisseurs concernés ont conclu en entonnant à l’unisson :
9 commentaires:
Pas tellement faite pour me rassurer, cette histoire de cheveux blancs.
@ Tilia Ah vous aussi vous trouvez ça inquiétant? :-)
Bah trois c'est pas bien grave quand même !
@ Brigitte Le début de la fin? Après ces trois là on se calme!
Mais pourquoi ? c'est tellement beau une belle chevelure argentée !
Bon ok je me calme . Bon dimanche
@ Brigitte Mais on se calme APRÈS les trois premiers cheveux blancs!!! Bon dimanche à vous aussi.
ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine, ça vaut mieux que d'faire le zouave sur le pont de l'alma..
D'habitude quand on court comme ça c'et pour obtenir de l'aide... on voit mal de quelle aide l'équipe du refuge pourrait lui être...
J'ai eu mes premiers cheveux blancs à l'âge de 22 ans. Ca fait longtemps que je ne me frappe plus...
@ Nathalie Il vaut bien mieux accepter! On se pourrit bien moins la vie quand on accueille les évènements surtout ceux de cet ordre.
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