Nous aurions dû mourir...
C’est la seule phrase qui me paraisse un peu intelligente quand je repense à cette nuit là. En même temps, si cela nous était arrivé, je ne serais pas là pour la raconter, la nuit. Puisque je serais mort.
C’est la seule phrase qui me paraisse un peu intelligente quand je repense à cette nuit là. En même temps, si cela nous était arrivé, je ne serais pas là pour la raconter, la nuit. Puisque je serais mort.
Et je n’aurais pas eu non
plus la vie que j’ai eue, si j’étais, cette nuit précise, calanché comme
normalement cela devait arriver.
A-t-on eu de la
chance ? Avons nous été protégés par je ne sais quels anges gardiens, par je
ne sais quelles fées, par je ne sais quel destin bienveillant ? Comment
savoir ? Que peut-on répondre à cette question ? On ne peut pas
savoir, puisque rien de définitif ne nous est arrivé. Mais, logiquement ça
aurait dû nous arriver. Nous avions tout fait pour que ça arrive. Nous avions
pris tous les risques, nous avions accumulé tout ce qu’il fallait faire pour
que l’issue de cette soirée nous soit fatale. Sur le coup nous ne nous en sommes
évidemment pas aperçu, c’est des années après que ça nous est venu, en y
repensant, en nous rappelant cette nuit particulière, en nous en reparlant.
C’est avec les « Tu te souviens de cette virée ? La vache ce qu'on s'est pris! » que sont
venus les « On était très cons quand même à ces âges», puis, les « On a bien failli y rester cette nuit là. Tous. ».
Nous étions quatre amis de quasi biberon puisque nous nous étions connus vers l’âge de six sept ans. Nous
avions passé des étés ensemble à camper sous des tentes improbables, à chanter
à tue-tête devant les flammes vives de feux de folle joie, à construire des cabanes
de bois mort, à apprendre à récurer des casseroles avec de la cendre et du
sable, à ramper dans les orties pour nous endurcir la couenne, à nous maculer
de boue pour devenir invisibles, à éplucher des patates pour des purées
collectives, à traquer les empreintes d’animaux et savoir les reconnaître, (on fait
ça avec une poignée de plâtre, de l'eau et un livre des castors juniors…), à réparer des
pneus de vélo crevés, à servir la messe devant un autel de rondins dans des
clairières pastorales, bref nous avions été, ensemble, louveteaux… De joyeux
petits louveteaux à leurs cheftaines aux jambes touffues…
C’est dire si on en avait
traversé des moments intenses.
Maintenant, nous avions, comme tous les autres enfants fini par grandir et nous faisions
partie depuis quelques années déjà de la même équipe de sport. Nous avions
lâché les shorts en laine et l’église glacée pour d'autres en coton et des gymnases
surchauffés. Nous étions passé du lait au demi pression, des cheftaines aux mollets poilus aux petites amies, du missel à Pilote, des cantiques au rockn'roll.
Nous avions grandi.
Nous avions grandi.
Ce soir là nous devions
jouer dans un bled à cent cinquante km de chez nous. Un gymnase perdu dans une
campagne pluvieuse. Le père de Bernard lui avait prêté sa voiture. Une DS
flambant neuve avec le plus puissant des moteurs. Un bijou de vitesse et de
confort. Nous étions cinq dans la bagnole. A l'aller et au retour. On tenait à l'aise. Deux devant, trois derrière la musique à fond... Bernard
conduisait.
Nous avons perdu le match,
ils nous attendaient au tournant là-bas, l’arbitre aussi nous avait salement assaisonné. En plus, les
douches étaient gelées. Nous avions trouvé un bar ouvert près de la gare. Quelques bières plus tard nous sommes rentrés. A fond.
4 commentaires:
La vie ne tient qu'à un fil...
@ Christine Méron Oui, surtout en Avril! :-)
Le chromosome R comme Risque, ou JC comme Jeune C... seraient-ils inscrits tout à côté du Y ?
@ M Sans doute, sans doute! ce que je sais c'est que cette nuit là, ils ont bien failli mourir.
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