11 juillet 2019

Ici, l'été

Ici, l’été s’écoulait sans doute comme partout ailleurs, sur terre, du moins dans notre hémisphère. C’est un de nos penchants ça de penser que s’il en est ainsi pour nous, il en va de même pour le monde, voire pour l’univers pour ce qui est des plus mégalomanes. De l’autre côté d’ici, on parlerait plutôt d’hiver. 
Là, les mardis venaient après les lundis et les nuits succédaient aux jours. La lune croissait puis décroissait et disparaissait, les étoiles s’allumaient toutes les nuits sans nuages et, tous les jolis soirs que Dieu faisait,  les chauves souris entamaient leur sarabande alimentaire à la même heure. Alors, les cigales faisaient une petite pause douce et bienvenue à nos oreilles meurtries. Les orages successifs gonflaient comme des colères noires et une fois dégonflées, une fois apaisées, la paix et la chaleur s’en revenaient faire un tour dans le coin. Jusqu’aux prochaines rougnes.
On perdait notre temps à manger et surtout boire, beaucoup, à cause des chaleurs incroyables de cette année, encore plus hautes que les plus élevées de l’an passée qui elles mêmes… Il fallait en prendre son parti ou pas mais ce qui était quasiment certain c’est que ça n’allait pas s’arranger.  On nous promettait le pire, du reste il était déjà là. Il fallait être aveugle pour ne pas le voir. Alors, on se résignait à prendre des douches dans le jardin à même le tuyau en se brûlant les jambes aux premiers litres coulés, puis en frissonnant le froid venu, à aller à la rivière, s’y tremper, à en revenir, en nage et à essayer de dormir la nuit ce qui n’était pas facile à cause encore des températures qui atteignaient des sommets si hauts qu’on avait mis sur le matelas des serviettes éponges en guise de  draps pour tenter d’absorber un peu les litres de sueur perdus.
On passait nos heures à lire donc à vivre d’autres vies, à ressentir d’autres sentiments, à conquérir d’autres cités, à trahir d’autres proches, à assister à la destruction d’autres vies que la notre, à aimer, aimer aimer encore, à lutter contre cette ennui lancinant qui pouvait nous surprendre à la faveur d’un quartier de melon frais ou d’une bouchée de pastèque. On commençait à en avoir un peu soupé des figues trop mûres, celles de début Juillet et des gaspachos glacés.
On se couchait tard, on se levait tôt et il arrivait qu’on dorme comme des souches à même le canapé du salon une heure ou deux dans l’après midi, les volets fermés malgré le bruit zinzinant du vol vert énervé des mouches.
Septembre était encore loin, on n’y pensait même pas. Sauf parfois, la preuve. Et pourtant désormais, Septembre n’existait plus. On était en vacances permanentes de Mai à Septembre, d’Octobre à Juin, du lundi au samedi on n’allait plus au chagrin comme disait l’autre. On était désormais payé pour rester chez soi. Quelle misère.
Pendant des années on nous avait filé quelques pièces pour qu’on se lève à l’aube et maintenant on nous en donnait un peu moins pour qu’on reste couché. C’était à n’y rien comprendre. Du reste pas grand monde comprenait quelque chose. D'ailleurs certains en devenaient fous ou tombaient malades ce qui revenait au même. Il n'était pas rare d'en croiser un ou deux hagards, perdus embistrotés jusqu'aux neurones, attendant hébétés que le soir vienne et qu'il les pousse dans leurs tanières où ils iront rêver avachis, désormais inutiles et soit disant coûteux, à des lendemains joyeux en attendant  le jour inéluctable et glauque de leur entrée en Ehpad. Il savait de quoi il parlait,  figurez vous qu'il était, maintenant à l'âge ou pour la Fête des Pères on lui offrait des chaussettes de contention... Vous me direz: Bonne nouvelle, il n'est pas encore à celui où on lui refile des bas anti-varices de chez Emmaüs. Je sens bien que le souffle chaud de l'immonde Stannah me tourne autour...
Je ne vous donnerai pas tort.

Voilà ce qu’il se disait au bord de la piscine à l'eau bleue grise, allongé dans un hamac en filets, un bouquin ouvert sur la poitrine, la tête sur un coussin doux, sous l’ombre bienveillante du tilleul, bercé par le chant zigzagant des cigales excitées et caressé par un mistral frais du matin  se levant.




2 commentaires:

Brigitte a dit…

C'est la vie ,la vraie et vive l'été et son soleil, même si je supporte mal la chaleur !
Je crois qu'il va falloir s'y faire ..; Heureusement ma maison est relativement fraîche .
Bon dimanche et belle semaine à venir

chri a dit…

@ Brigitte Merci de vos voeux! Belle semaine à vous zaussi.

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