Je savais, depuis quelque temps déjà, qu’un jour, je devrais, moi aussi, écrire cette phrase.
Nous y sommes, j’y suis.
Bien que j’en ai la conscience vive, elle ne m’est pas plus facile à écrire. Pour tout dire, elle me reste un peu en travers des phalanges. Le fait de savoir que les choses vont arriver ne les rend pas plus faciles à encaisser quand elles sont là.
Mes pensées vont, à cet instant, à tous les fils et filles, à tous les enfants à qui il est arrivé d’avoir ces mots à dire ou écrire, ils seraient, parait-il, légion. Ce n’est pas une mince affaire que de devoir se les dire à soi ces quatre mots. Et, quand on y pense, ils sont pourtant d’une extraordinaire banalité. C’est arrivé si souvent... On voudrait bien, tout en sachant que c’est impossible, n’avoir jamais à le faire. Mais un vilain jour c’est là, il faut s’y résoudre, c’est inéluctable, difficile et glaçant. Si glaçant que je repousse le plus possible vers le fond de la page l’endroit de les écrire comme si cela allait changer le cours des choses, comme si le mur qui se dresse devant nous allait pouvoir être contourné, comme si la poigne qui nous serre le cœur allait pouvoir un peu se relâcher. Tant que je ne l’écris pas ça n’arrive pas. C’est bien un truc d’enfant, ça. Ça tombe bien, j’en suis encore un, d’enfant et ce que je perds aujourd’hui c’est exactement de cet ordre là. C’est de l’enfance qui vient de s’évanouir, de disparaître. Une immense part d’enfance, peut-être même celle-ci toute entière.
À un âge avancé. Cette fois c’est fait. Je suis vieux, je vais devenir adulte. Nous sommes, ma sœur et moi bels et pas très biens orphelins. Des deux. Je suis certain qu'elle aurait aimé croire qu'elle irait rejoindre son homme parti quatre ans avant en éclaireur.
Orphelin, même pour un vieux monsieur ce n’est pas une mince affaire.
Elle est partie chez elle, accompagnée, entourée, choyée, apaisée, aimée, sans souffrir. Mais elle est partie. Paix à sa belle âme.
Demain, nous l’entendrons encore, mais autrement, demander, comme elle le faisait tous les matins: « Alors, il n'est pas mort, Poutine? ». Elle s'en est allée avant lui, la belle.
« Aujourd’hui, maman est morte ».
C’est dit.
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