09 février 2011

Awoke you.

Après un épisode longuement douloureux et, pour tout dire assez emmerdant, dû à une hernie discale dont, je ne m’étais, finalement pas si mal sorti, puisque j’avais évité l’opération chirurgicale et, donc, les anesthésies hasardeuses, les maladies nosocomiales, les réveils improbables, les erreurs possibles d’un spécialiste, certes éminent mais aussi grandement surmené, j'étais, enfin, redevenu, presque, moi-même. Ainsi, semblant réparé, du moins dans les grandes fonctions, je me remettais à courir comme un lapin dératé. Ça tombait bien, dans certains endroits, on en fêtait, ces jours-ci, la toute nouvelle année !
J’étais alors, tout entier à la joie de ma jeunesse (rigole !) reconquise, de mes forces nouvelles retrouvées ! Nom de Dieu de Nom de Dieu, le printemps qui allait bientôt pointer son joli museau rose n’allait pas en croire ses oreilles… (oui, de lapin, si tu veux !). Il allait voir ce qu’il allait voir ! Tout à cet état d’esprit sanguin, mais d’un sang plus que neuf,  un bon cent dix, je grimpai, cinq à cinq, les marches de l’escalier ce qui, hier encore, m'était un épouvantable chemin de croix à vingt six stations, quand, d’un coup, la pointe acérée d’une sagaie Peul d’apparat s’est fichée, pile, profond entre L4 et L5. Oui, là, dans le cœur même du disque, au nœud de la protusion! Ô gazelle foudroyée en vol par les griffes  acérées d’un guépard sanguinaire... Ô vol planant d’une buse  perforée par une flèche empoisonnée au curare... Ô course affolée d'un lapereau rattrapée par la patte d'un chat affamé...
En quatre. J’étais plié en quatre et, au beau milieu des marches, des larmes de rage et d’impuissance me sont montées aux deux yeux. Je n’ai plus bougé pendant un long moment. Je me suis joué un film où il était question de fauteuil, à roues, de handisport, de ces merveilleux sièges montant les étages, de véhicules aménagés, A moi les places bleues  du parking Ikéa, à moi les cartes GIC, à moi les premiers rangs dans les concerts... Mais finies les salles trois et quatre de l'utopia d'Avignon et quelques autres endroits dont j'ai renoncé à dresser la liste... La douleur violente un tantinet apaisée, je me suis demandé si je devais, maintenant, monter ou descendre. Poursuivre ma route ou revenir en arrière, avancer ou reculer. Si je montais, j’aurais à redescendre pour ouvrir aux secours, si je descendais, n’allais-je pas, en plus dévaler les quelques marches qui me séparaient du canapé et risquer la fracture d’un membre ? Remarque, au point où j’en étais autant que le samu se déplace pour du solide. Si l'on peut dire... Disons du solide qui casse...
J’ai en finale, choisi de monter pour aller m’allonger sur le lit. Je ne l’ai pas atteint. Enfin si, j’y suis arrivé mais seulement à ses pieds. Je n’ai pas réussi à y grimper dessus. Je suis resté couché, en boule, sur le tapis. C'est ainsi que l'’année du lapin, qu’on célébrait hier encore, devint en vrai, l’année du chien de fusil. J’ai réussi à trouver une position qui ne me faisait pas souffrir. Je me suis dit que je n’allais plus en bouger. Jamais. De ma vie. On allait, dans un siècle ou deux me retrouver momifié sur le tapis de ma chambre, recroquevillé comme une vieille chose informe...
Après une heure ou deux, j’ai quand même envisagé d’appeler.à l'aide J’avais, dans mes contacts une armée d’ostéopathes, d’acupuncteurs, de chiropracteurs, de phytothérapeutes, de kinésithérapeutes, de chamanes, de tripoteurs aux mains d'or, de guérisseurs, de gourous, d’imposeurs de mains, de masseurs chinois, thaïlandais, indiens,  bantous, des qui travaillaient selon des méthodes toujours ancestrales, évidemment, avec des pierres de lave du Stromboli, des fleurs de Brahms, des rameaux de la Brie, des badines  en bambous  du Bénin, des poussières de roches du Tibet, des poudres d’insectes séchés… J'avais même le zéro six perso de Corine Monbrun, c'est dire! Tout l'annuaire parfait, du magasin parfait: A la clinique des dos brisés.
J’ai opté, cette fois, pour un acupuncteur que je ne connaissais pas encore, hé oui, il me fallait attendre d’avoir le dos en deux pour aller consulter, dont on m’avait donné l’adresse lors d’un diner, en me disant que lui, soignait tellement bien qu'une fois soulagé, on regrettait même, de ne plus avoir mal… C’est dire!
J’ai fini par me saisir de mon calepin et j’ai appelé. J’ai eu un peu de mal à me mettre d’accord avec lui à cause de la langue… Il ne parlait pas très bien la mienne, et moi très mal la sienne. Quand on est en face on peut s’en sortir par les gestes mais au téléphone avec un dos en miettes cela m’a causé quelques litres de sueur. J’ai noté l’adresse et je lui ai dit : j’arrive ! Oui, en finale j’avais compris qu’il avait en quelque sorte un service d’urgence et visiblement mon état le réclamait. J’arrive, j’arrive… C’était dit un peu rapidement. Entre là où j’étais et la voiture, en bas dans la cour, il y avait un monde.
Ce fut un monde à franchir.
Je vais glisser, c’est le cas de le dire, sur la descente des escaliers en rampant, la fermeture de la maison, la montée en voiture et le trajet pour arriver jusqu’à son cabinet que j’ai eu un peu de mal à trouver. C’était au beau milieu du quartier asiatique. Il fallait, je vous le donne en mille, traverser l’odeur mêlée d’encens à la fleur de rose et de porc au caramel de la salle d’un minuscule restaurant chinois. Pour l’acupuncture c’était un bon point. En effet, je me méfiai toujours un peu des acupuncteurs occidentaux comme on se méfierait d’un boucher végétarien... Maître Shui m’attendait en préparant le service du soir. Un tablier blanc immaculé autour de la taille. Ne me dites pas que vous n’êtes jamais allé chez un thérapeute un peu spécial ou alors c’est qu’il ne vous est jamais rien arrivé! Quand on est plié en deux, on va n’importe où!
Ah vous êtes là ! A-t-il dit quand il m’a vu. Un deuxième bon point, Maître  Shui était un être perspicace. Dans ses deux professions, ça aide.
Il m’a fait entrer dans une petite pièce où il faisait une chaleur torride. Il y avait pas mal de désordre, elle n'était pas très feng, mais comme il y faisait aussi clair qu'au fond d'un sac de champignons noirs, cela passait. Il y avait au centre, une table de massage. Je me suis déshabillé du haut et du bas et je me suis allongé sur le ventre. Enfin, c’est Maître Shui qui m’a demandé tout ça. De moi-même, je serai resté courbé en deux comme un roseau plié par le vent ! Après m’avoir demandé où j’avais mal, perspicace mais pas trop, il a sorti des tas de longues et fines aiguilles d’une boite en métal et a commencé à me piquer. Il m’en a collé un peu partout dans le dos, de la nuque aux tendons d’Achille, des dos de la main aux omoplates. Dans la pièce, flottait un air de musique asiatique. Douce, mais asiatique. En peu de temps, je me suis retrouvé piqué de deux centaines d'aiguilles, comme une poupée vaudou à qui on voudrait un mal de chien... Il m’avait balisé tous les méridiens possibles, il avait assuré le coup, j’ai pensé. Je me suis vu me dégonfler mais c’était pour me faire sourire un peu. Voilà deux bonnes heures que cela ne m’était pas arrivé. Et puis, Maître Shui est sorti. Il devait avoir une soupe sur le feu.
Après un long moment, j’ai bien senti que je me décontractais, que je me relâchais, que je me liquéfiais, même. Je commence à m’endormir, ma parole… Je suis bien, il fait si chaud ici, je n’ai plus mal, je m’endors, je sombre, je m’en vais, je pars…
Comme je ne dors absolument jamais sur le ventre, j'ai été bébé en un temps où cela nous  était totalement interdit, ayant oublié où j’étais et dans quel équipage, j’ai eu LA plus mauvaise idée qui soit de la soirée… J’ai entrepris de me retourner. Pour me mettre sur le dos…

C’est mon hurlement qui a fait surgir Maître Shui de sa cuisine...

Une poêle en feu à la main! Avant de m'évanouir, je me suis dit: Une thérapie nouvelle?

fev 003

23 commentaires:

Michel Benoit a dit…

Quelle délicatesse que ces brumes...

Lautreje a dit…

désolée Chri, mais je suis écroulée de rire !!!
ceci dit , et d'une : j'espère que cela va mieux et de deux : Vous avez un sacré carnet d'adresse !!

chri a dit…

@Lautreje: Mais ne soyez pas désolée! C'est fait exprès pour!

Anonyme a dit…

et du coup vous avez testé deux méthodes, celle des guérisseurs chinois, et celle des fakirs indiens...
marie

chri a dit…

Mareie: Vous me trouez!

Tilia a dit…

Sérieusement, l'acupuncture pour ce genre de douleur c'est efficace ? Mon époux se pose la question.

chri a dit…

@Tilia: Je crois que c'est un peu comme les serviettes chaudes, ça ne peut pas faire de mal...

Tisseuse a dit…

morte de rire moi aussi :o)

par contre, pour répondre à Tilia : c'est une des choses les plus intéressantes en cas de crise inflammatoire comme celle décrite
très souvent les ostéopathes n'interviennent pas à chaud dans ce genre de crise, et envoient la personne tout d'abord chez un confrère acupuncteur

chri a dit…

@Tisseuse: Je suis content de vous avoir fait rire, c'était le but! Ceci dit, j'ai expérimenté l'acupuncture en cas de lumbago aïgu... j'ai pu rentrer chez moi...

Anonyme a dit…

Une prose pas piquée des vers.
Se faire mettre les nerfs en pelote pour se détendre la colonne, rien que pour ça, si j'avais été chinois, j'aurais fait médecine.

slev

chri a dit…

@Slev Tu sais qu'en cuisine quand on se sert d'un chinois, ça... presse!

Christine a dit…

Eh bien! Votre héros met du piquant dans sa vie! Je souffre avec lui, connaissant le dos plié en deux, les pompiers qui vous transportent dans une coquille et l'urgentiste - un chinois lui aussi- qui vous dit sans se déballonner apparemment (mais ça, vous le comprenez qu'au ton, pas à la langue parce que vous ne la partagez pas avec lui)" Vous pouvoir rentrer chez vous!" C'est ça, oui! Trois semaines d'hosto mais ouf j'ai échappé à l'opération...

chri a dit…

@Christine Etre piqué au vif!

véronique a dit…

quelle merveilleuse aventure Chriscot ... digne d'un film dit comique ! on imagine la scène, on sent même les petites aiguilles s'enfoncer si délicatement dans notre tendre chair .. et puis les odeurs aussi !
mais quelle drôle d'idée de vouloir se retourner ! j'admets, vous étiez déconnecté mais tout de même, vous avez manqué d'un peu de discernement voir de lucidité.
vous a t il offert à déjeuner pour vous remonter ! et puis on aimerait connaitre la fin de l'histoire aussi, comment se porte notre héros aujourd'hui ( même si cette histoire est totalement sortie de votre géniale imagination ) ...

chri a dit…

@Véronique! Merci à vous, je vous rassure... Maître Shui va bien!

Tilia a dit…

C'est l'histoire d'un hérisson qui souffre d'un lumbago et qui, pour remédier à sa douleur, va voir un acupuncteur.
Et le praticien perplexe se demande bien où il va pouvoir planter ses aiguilles. Alors il demande au hérisson de s'allonger sur le dos, ce que fait le hérisson. Et l'acupuncteur de planter des aiguilles sur tout le ventre du hérisson. Sur ce, un renard également client de l'acupuncteur se trompe de cabine et entre par mégarde dans celle du hérisson qui, pris de frayeur se met en boule...
Bon, je vous laisse imaginer la suite. Pour raconter des histoires, vous êtes bien meilleur que moi ;-)

Blague à part, merci à vous et à Tisseuse pour les renseignements. D'autant plus que, vous n'allez pas le croire, en plus de mon cher et tendre, c'est mon tour de souffrir du sciatique ! Doit y avoir quelque part un maudit damné qui nous a subrepticement refilé son bad karma, je vois que ça :(

icing on the cake, le mot du captcha est "condoc" :D

chri a dit…

@Tilia: Je compatis... et espéreque vous ne trouviez pas un doc con...

Nathalie a dit…

Rââââââh !

Je veux la suite, je veux savoir que ça s'est bien terminé, je veux mon happy end hollywoodien où le client ressort debout et souriant après avoir dégusté une bonne soupe chinoise et remercié profusément son guérisseur. Et après je veux un film dans la salle 4 à Utopia, je veux le retour à la maison, l'escalier monté quatre à quatre fastoche, la propulsion sur le lit en bondissant (et pourquoi pas, avec la fille rencontrée à Avignon qui passait par là à vélo).... !!!!

Tu ne peux pas me laisser comme ça, c'est trop cruel.

Ah quel intensité dans l'écriture, j'ai été crispée avec toi tout du long, j'ai été lapin bondissant, gazelle agrippée par le guépard, chien de fusil sur le tapis, ver rampant dans l'escalier, hérisson ouvert et fermé, fakir réveillé en sursaut... au secours, je veux me réveiller de ce cauchemar !

chri a dit…

@Nathalie:
Un peu crispée, Nathalie? Veux tu le zéro six de Maître Shui? Si tu y vas aux heures du repas, tu fais d'une pierre deux coups!

Nathalie a dit…

Euh non merci je n'ai guère de passion pour les aiguilles... j'aime mieux le resto seul (enfin, le resto accompagnée !)

Nathalie a dit…

Y'a un truc qui est dommage sur ton blog c'est que j'aime bien ton choix de musique mais quand il y a des paroles (même en anglais) ça interfère avec ma lecture et je suis obligée de l'enlever. Ah c'est compliqué la vie !

chri a dit…

Je connais une petite auberge à Lagnes! Ce qui est bien c'est que tu peux l'enlever. Pas l'auberge, la musique!

Nathalie a dit…

Une petite auberge à Lagnes, c'est une bonne idée. Oui on peut l'enlever mais à chaque fois il faut se faire violence... (sans aiguilles c'est déjà ça)

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