Trois jours qu’il flotte.
Trois semaines qu’il n’est pas descendu au jardin. Trois mois que l'hiver n'en finit pas de finir...
___Ben c’est pas dommage ! Il nous lâche un peu les racines comme ça !
A chaque fois qu’il
déboule, avec ses gros sabots, il nous en arrache deux ou trois, et parmi les
plus beaux pour les choux, les choux fleurs, les artichauts et les plus belles
pour les salades, pour les carottes, les blettes, les aubergines ou les patates
… C’est simple on a fini par l’appeler arrachator ! On n’en peut plus de
le voir ce gars là ! On préfère et de loin les limaces qui nous bouffent
une feuille ou deux et encore avec douceur que l’autre tortionnaire là qui
prend soin de nous pendant des semaines. Et c’est chaque année pareil, il nous
cajole, nous entretient, nous arrose, nous parle, nous protège, nous met à
l’ombre quand le soleil cogne, nous nourrit, nous bine, nous sarcle, nous
désherbe tous les jours que Dieu fait. Il est même fier de nous, on les entend
bien toutes ses simagrées quand il parle de nous aux autres d’à côté et qu’il
minaude comme une vieille poule :
___ Mais ça c’est mon petit
secret, vous ne croyez pas que je vais tout vous dire tout d’même !
___ Même qu’il lui arrive
de nous flanquer du fumier de cheval sur la figure ? Pourquoi tu ne leur
dis pas ça aussi ? Démon ! Tyran ! Saleté de bouseux!
Et puis, un jour alors que nous sommes en
pleine beauté, schhhllaaak il nous arrache d’un coup sec avec un de ses petits
sourires de jouissance perverse aux lèvres!
___ Saleté de
jardinier ! On n’en peut plus de celui-là ! Fichez nous
tranquille ! Laissez nous pousser jusqu’au bout ! Arrêtez de nous
couper les pattes ! Plus de baratins, du Baraton!