31 mars 2013

Le printemps du potager.

Pour les Impromptus littéraires. Le thème était: Vous entendez ce que se disent les légumes du potager...


Trois jours qu’il flotte. Trois semaines qu’il n’est pas descendu au jardin. Trois   mois  que l'hiver n'en finit pas de finir...

___Ben c’est pas dommage ! Il nous lâche un peu les racines comme ça !
A chaque fois qu’il déboule, avec ses gros sabots, il nous en arrache deux ou trois, et parmi les plus beaux pour les choux, les choux fleurs, les artichauts et les plus belles pour les salades, pour les carottes, les blettes, les aubergines ou les patates … C’est simple on a fini par l’appeler arrachator ! On n’en peut plus de le voir ce gars là ! On préfère et de loin les limaces qui nous bouffent une feuille ou deux et encore avec douceur que l’autre tortionnaire là qui prend soin de nous pendant des semaines. Et c’est chaque année pareil, il nous cajole, nous entretient, nous arrose, nous parle, nous protège, nous met à l’ombre quand le soleil cogne, nous nourrit, nous bine, nous sarcle, nous désherbe tous les jours que Dieu fait. Il est même fier de nous, on les entend bien toutes ses simagrées quand il parle de nous aux autres d’à côté et qu’il minaude comme une vieille poule :
___ Mais ça c’est mon petit secret, vous ne croyez pas que je vais tout vous dire tout d’même !
___ Même qu’il lui arrive de nous flanquer du fumier de cheval sur la figure ? Pourquoi tu ne leur dis pas ça aussi ? Démon ! Tyran ! Saleté de bouseux!
 Et puis, un jour alors que nous sommes en pleine beauté, schhhllaaak il nous arrache d’un coup sec avec un de ses petits sourires de jouissance perverse aux lèvres!
___ Saleté de jardinier ! On n’en peut plus de celui-là ! Fichez nous tranquille ! Laissez nous pousser jusqu’au bout ! Arrêtez de nous couper les pattes ! Plus de baratins, du Baraton!
Et toi, le vieux jardinier, dis-toi bien que commence aujourd’hui le printemps du potager avec ce mot d’ordre: 
Le jardinier: Dégage ! Dégage ! Dégage !




30 mars 2013

Chandelles, trente six. Fin de semaine.

Cette semaine je me suis régalé avec les phrases d'André Suarès dans Marsilho, (Editions Jeanne Laffitte) dont j'avais vu, cet été, l'incarnation par le grand Philippe Caubère. Un magnifique portrait d'une ville si décriée en ce moment. 
A lire avec l'accent:

Danse lumière! danse poussière d'or! Au brasier du crépuscule, les toits vermillons fleurissent; les dalles, le long des appontements, les anneaux de métal, les bornes, les éventaires de fruits et de coquillages, tout fait miroir aux tisons. Perçant le masque des façades, les vitres sont les yeux de la braise. Danse lumière: tout l'or des changeurs est inerte près de ces filons vivants et de l'innombrable filin des rayons qui relie le ciel à la mer et à la terre: le filet de l'heure pourpre est tissu; les hommes, les petites mouches éphémères sont pris aux mailles du réseau, et pétillent sur l'aire lumineuse avec les grains de la poussière.

Cette semaine, à cause des pluies de ces jours derniers, ça bouillonnait colère à Fontaine de Vaucluse:




Cette semaine Jeanne, "têtue comme le vent" s'en est allée...
Cette semaine, Lillie est venue au monde le jour de l'anniversaire de sa maman... Elle mesure 4cm et pèse 50 kgs ou le contraire et nous sommes bon nombre à nous réjouir de son arrivée... Ma précieuse, avec toutes ces ailes dans ton prénom tu devrais prendre un bel envol...
Cette semaine deux nouvelles, donc: Une terriblement attristante et l'autre terriblement réjouissante. La vie se joue de nous. Terriblement.

Cette semaine, on nous a chouravé une heure de sommeil, j'aimerais qu'on me la rende avant la fin juin.

Cette semaine, ils sont revenus de Rome:



Cette semaine le monde s'était, un peu, remis aux verts:




Cette semaine, je me suis satisfait de n'avoir pas été l'amoureux d'Angela Molina, je n'aurais pas aimé devoir reprendre ma route sans elle.

Bref, une semaine désormais comme les autres puisque vécue, partagée et rangée...

24 mars 2013

Fin de semaine. 35.

Cette semaine, je suis allé m'asseoir devant le film Blancanievès qui est présenté de cette manière: Il était une fois un conte splendide au charme vénéneux. Et c'est exactement ça. Muet d'admiration devant ce noir et blanc et l'audace des  cadrages et les yeux noirs d'Angela Molina et ceux de Macarena Garcia...


Heureusement que je n'ai pas croisé la vie de Macarena García de la Camacha Gutiérrez-Ambrossi... Je vous laisse imaginer la taille des cartes de visite et des enveloppes pour les lettres de rupture...

Cette semaine, j'aurais volontiers chantonné joyeusement:

y a la nature qu'est toute en sueur
dans les hectares y a du bonheur
C'est l'printemps
y a des lilas qu'ont mêm' plus l'temps
de s'fair' tout mauv's ou bien tout blancs
C'est l'printemps
y a du blé qui s'fait du mouron
les oiseaux eux ils dis'nt pas non
C'est l'printemps.
Vous aurez reconnu Léo Ferré...
Malheureusement, il ne s'est pas encore pointé celui-là. Pas Léo, l'autre, il n'a fait que pleuvoir. Et du coup, j'ai rêvé à ça, forcément:




Cette semaine, je me suis dit: Crier haro sur  le juge est bien une attitude de voyou...
Cette semaine, j'ai lu une très jolie lettre qu'un père a écrit à son fils. Si elle est vraie, elle en dit plus long que le plus long des articles longs. La voilà:

Nate,
J'ai entendu par hasard ta conversation au téléphone avec Mike la nuit dernière et tes plans pour me révéler ton homosexualité. La seule chose que j'ai besoin que tu planifies, c'est de rapporter du jus d'orange et du pain après tes cours. Nous n'en avons plus (we are out) comme toi désormais.
Je sais que tu es gay depuis que tu as six ans, je t'aime depuis que tu es né.
PS Ta mère et moi trouvons que Mike et toi faites un joli couple...

On peut la dédier à Frigide. Oui, Barjot, la bien nommée.

Bref une semaine, désormais comme les autres puisque vécue, terminée, partagée.

17 mars 2013

Fin de semaine. La 34ème, le retour.

Cette semaine, pour un retour, attention révélation décoiffante... Cette semaine, donc, j'ai goûté pour la première fois à du chou rave. J'en ai acheté un parce que je l'ai trouvé rigolo avec sa houppelande en vrac comme une touffe mitée de cheveux sur un crâne entré en calvitie. Deux à cause de son nom... Hé bien, figurez vous que je me suis régalé. Je l'ai pelé, coupé en petits cubes, je lui ai versé un filet d'huile d'olive sur les cubes et deux pincées, une de sel une de poivre.
Un régal. Heureusement qu'il y a eu ce petit instant parce que la semaine, elle, n'a pas été très drôle.
De vilaines nouvelles d'ailleurs sur le front de la maladie...

Cette semaine je me suis réjouis de n'avoir pas été l'amoureux de Moon Bloodgood... J'aurais été embêté pour prononcer tous ces "o" et je n'aurais pas eu le plaisir de la découvrir dans un très joli film "The Sessions" que je recommande chaudement...


Cette semaine, j'ai pleuré avec de chaudes larmes salées, quand j'ai entendu, en vrai, grâce à Bert et Marie, Annick Cisaruk chanter "L'affiche rouge" d'Aragon mise en musique par Léo Ferré... Je peux vous dire que personne ne s'avisait de tousser dans la salle du Théâtre du Chêne Noir d'Avignon...
Bien qu'il ait soufflé toute la semaine un affreux mistral à congeler les manchots...

Cette semaine, j'ai vu Syngué Sabour. Une merveille de film. Je n'en dis rien. Il faut le découvrir en en sachant le moins possible et j'ai aussi vu tous les épisodes (Quinze heures... la faute à ce foutu mistral qui empêchat qu'on mît le nez dehors...) des saisons un et deux de la série Breaking Bad. A voir. Vraiment.

Cette semaine, j'ai lu:

Alors, l'enfant a lancé l'éclair en nous criant à tous, les vivants et les morts:
___On ne se trompe jamais en pardonnant!
Baï Maï contemple l'éclair... hésite comme le voilier qui se retrouve quille en l'air sous la formidable déferlante... Nous regardons le bateau se redresser lentement... Baï Maï prend la grosse éponge... Il efface la trace du sang devant la tombe... 
Et le dernier morceau est entré dans le puzzle.

Les dernières phrases du très beau livre Tamata et l'Alliance de Bernard Moitessier, ses souvenirs d'enfance parus chez Arthaud. Un beau voyage.

Cette semaine j'ai vu que la semaine prochaine le Printemps arrivait officiellement. Ici, il ne serait pas encore annoncé à la douane.

Bref, une semaine désormais presque comme toutes les autres puisque terminée, partagée, racontée, rangée...

13 mars 2013

Le sniper à l’anguille. Fumé.


Dans cette petite ville au tout nord de la Hollande où Mata-Hari est née, au plein coeur d'une région qui s’appelle la Frise, le jeudi c’est jour de marché. C'est le seul de la semaine. C'est dire combien il est attendu, les occasions de se distraire sont en Frise assez rares, les canaux n'y sont pas gelés tous les jours. Il se monte le long d’un canal qui traverse la vieille vile de briques rouges. C’est un canal banal comme il y en a dans le coin depuis des siècles et des siècles.
Le marché propose comme un peu tous les marchés d’Europe je suppose, des fromages, des pains, des légumes, des poissons, des fleurs, des vêtements moches et des jouets en plastiques qui sont fabriqués en Chine.
Les vélos des clients sont sagement rangés accrochés aux rampes qui préviennent d’éventuelles chutes dans la flotte grise des canaux alentours. Malgré le froid qui déboule du Danemark ou de plus haut, il y a foule en cet endroit le jeudi. La région étant située où elle l’est, c’est à dire bien loin de toutes les villes fréquentées du Pays qu’on dit bas, le jeudi c’est un peu l’attraction de la semaine. A part les vaches et le patin à glace l’hiver, la Frise reste une région somme toute assez peu visitée. Il y a bien les Îles du Nord mais là il faut aimer salement les courants d’air.
Donc toute la région ou presque déserte les étables et s’en vient faire un tour puis un autre puis un troisième avant de s’attabler devant une bière et de repartir dans les fermes.
Ce matin là, je me baladais en reluquant tous les étalages qui me semblaient atteindre des sommets d’exotisme à part peut-être les vêtements moches et les jouets qui cassent, importés de Chine. J’avais un peu de mal à y plonger mes yeux, il y avait très souvent un gars ou une fille bien plus grande que moi qui me bouchait le paysage. Les gènes de la grande taille et de la  blondeur costaude ont dû connaître une activité survitaminée dans les parages. C’est ici que j’aurais dû naître si j’avais voulu briller au Volley-ball, je me disais.
J’étais devant un vendeur de poisson et ce qu’il proposait me faisait saliver comme une vache devant une botte de trèfles.
Bienveillant, je me suis dit mon petit gars (ils me l’ont fait assez sentir) tu vas t’offrir un de ces magnifiques filets fumés que tu aperçois là derrière ces larges dos et qui te font de l’œil.
J’ai demandé avec mon anglais de quatrième de quel poisson il s’agissait.
Le vendeur m’a répondu cinq six phrases en frison auxquelles je n’ai rien compris. Je le lui ai dit... Il n’a rien compris.
Un vieux type qui s'impatientait à mes côtés a juste dégainé et tiré en un anglais lent, méprisant mais très correct :


Quand on va dans un pays étranger on emmène un dictionnaire!

Tschhhlaaaff. Prends toi ça dans les gencives...

Je l’ai remercié chaleureusement pour m’avoir donné cette idée de génie, qui ne m’était pas venue, et ne me serait jamais venue, trop stupide  étranger que j’étais.
Puis, sans aucun poisson, je me suis éloigné.

Va-t-on s'en sortir un jour avec cette Europe farcie de snipers?




12 mars 2013

La sniper aux arêtes.


Comme tous les soirs ou pratiquement, j’avais fait un arrêt au stand du supermarché qui était sur le chemin de la maison. Je déteste tellement faire les courses que j’y suis fourré tous les jours que Dieu fait. Je suis tellement incapable d’aller une fois par mois remplir des caddies gros comme des semis remorques comme le font la plupart de mes congénères. L’avantage d’y passer chaque jour c’est que ça ne dure pas et qu’on finit par y recevoir un sourire presque avenant du pitt bull qui garde l’entrée. Et un sourire par jour ça ne se refuse pas.
J’étais devant le rayon poissonnerie, j’attendais.
Devant moi, un petit groupe, trois couples âgés, la septantaine bien avancée étaient en grande discussion devant l’étalage. A leurs fringues, ils n’étaient pas du coin. A leur langue non plus. Z’ont jamais vu de poissons, je me suis dit ! J’ai assez vite compris qu’ils souhaitaient une chose un peu spéciale. Seulement voilà la vendeuse ne l’entendait pas de cette oreille. Elle n’en avait rien à faire et n’était audiblement pas décidée à leur filer un coup de main.
Je parle pas étranger, ici on est en France, on parle français qu’elle disait dans sa moustache.
La sniper aux arêtes avait frappé fort. Si c’était si simple… Je lui ai dit et je me suis mêlé de leurs affaires. Ces gens étaient charmants, ils ne souhaitaient qu’acheter une boite isotherme et de la glace avec leur poisson parce qu’ils avaient pas mal de route à faire et voulaient garder un semblant de fraîcheur aux dos de cabillaud qui leur faisaient tant envie.
Deux couples venaient d’Australie et un troisième de Nouvelle Zélande, ils étaient en virée en France et s’apprêtaient à filer sur la côte Ouest. Ils n’avaient qu’un seul défaut : ils ne parlaient pas très bien la langue et n’arrivaient pas très bien à se faire comprendre de la vendeuse qui avait décidé de ne faire absolument aucun effort convaincue de son bon droit du sol bien de chez elle sous ses pieds d’ici. J’ai tenté de l’amadouer :
Vous vous rendez compte ? Ces gens là ont parcouru viennent de l’autre côté de la terre pour venir vous acheter à vous personnellement dix malheureux petits dos de cabillaud et ils ne veulent qu’un peu d’eau gelée et une boîte pour les mettre dedans. C’est tout ! Vous devriez être folle de joie. Et puis dites ça fait de vous une représentante de la France, non? C'est pas rien ça tout de même! Que vont-ils dire de nous là-bas si vous les envoyez bouler?
Oui mais moi je comprends rien à qu’est-ce-qui disent et pis z’ont qu’à le dire en français. Quand je vais en Australie, je parle australien...
Ah mais vous y êtes déjà allé, j’ai dit. Vous en avez de la chance. Moi, j’irais volontiers faire un tour là-bas…
Nan j’y suis jamais été et je suis pas prête d’y aller, je ne parle pas la langue.

On tournait un peu en rond. 
C’est aussi le problème des snipers… On les entraîne à ne pas penser plus loin que leurs fronts...



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