13 mars 2013

Le sniper à l’anguille. Fumé.


Dans cette petite ville au tout nord de la Hollande où Mata-Hari est née, au plein coeur d'une région qui s’appelle la Frise, le jeudi c’est jour de marché. C'est le seul de la semaine. C'est dire combien il est attendu, les occasions de se distraire sont en Frise assez rares, les canaux n'y sont pas gelés tous les jours. Il se monte le long d’un canal qui traverse la vieille vile de briques rouges. C’est un canal banal comme il y en a dans le coin depuis des siècles et des siècles.
Le marché propose comme un peu tous les marchés d’Europe je suppose, des fromages, des pains, des légumes, des poissons, des fleurs, des vêtements moches et des jouets en plastiques qui sont fabriqués en Chine.
Les vélos des clients sont sagement rangés accrochés aux rampes qui préviennent d’éventuelles chutes dans la flotte grise des canaux alentours. Malgré le froid qui déboule du Danemark ou de plus haut, il y a foule en cet endroit le jeudi. La région étant située où elle l’est, c’est à dire bien loin de toutes les villes fréquentées du Pays qu’on dit bas, le jeudi c’est un peu l’attraction de la semaine. A part les vaches et le patin à glace l’hiver, la Frise reste une région somme toute assez peu visitée. Il y a bien les Îles du Nord mais là il faut aimer salement les courants d’air.
Donc toute la région ou presque déserte les étables et s’en vient faire un tour puis un autre puis un troisième avant de s’attabler devant une bière et de repartir dans les fermes.
Ce matin là, je me baladais en reluquant tous les étalages qui me semblaient atteindre des sommets d’exotisme à part peut-être les vêtements moches et les jouets qui cassent, importés de Chine. J’avais un peu de mal à y plonger mes yeux, il y avait très souvent un gars ou une fille bien plus grande que moi qui me bouchait le paysage. Les gènes de la grande taille et de la  blondeur costaude ont dû connaître une activité survitaminée dans les parages. C’est ici que j’aurais dû naître si j’avais voulu briller au Volley-ball, je me disais.
J’étais devant un vendeur de poisson et ce qu’il proposait me faisait saliver comme une vache devant une botte de trèfles.
Bienveillant, je me suis dit mon petit gars (ils me l’ont fait assez sentir) tu vas t’offrir un de ces magnifiques filets fumés que tu aperçois là derrière ces larges dos et qui te font de l’œil.
J’ai demandé avec mon anglais de quatrième de quel poisson il s’agissait.
Le vendeur m’a répondu cinq six phrases en frison auxquelles je n’ai rien compris. Je le lui ai dit... Il n’a rien compris.
Un vieux type qui s'impatientait à mes côtés a juste dégainé et tiré en un anglais lent, méprisant mais très correct :


Quand on va dans un pays étranger on emmène un dictionnaire!

Tschhhlaaaff. Prends toi ça dans les gencives...

Je l’ai remercié chaleureusement pour m’avoir donné cette idée de génie, qui ne m’était pas venue, et ne me serait jamais venue, trop stupide  étranger que j’étais.
Puis, sans aucun poisson, je me suis éloigné.

Va-t-on s'en sortir un jour avec cette Europe farcie de snipers?




8 commentaires:

Tilia a dit…

Voilà une histoire qui sent le vécu et qui arrive à point.

Figurez-vous que mon douzépoux et moi on a décidé que, non on n'ira pas à Venise pour fêter nos noces d'or le mois prochain, mais plutôt visiter la Venise du Nord (et Bruxelles en bonus, pour le musée Magritte of course!).
Quel rapport avec (la choucroute) la mimolette me direz-vous ?
Ce matin j'ai entendu mon cherétendre, qui était au téléphone avec notre fille, évoquer notre projet de voyage. Il disait qu'il aimerait bien aussi aller voir le port d'Amsterdam (rien à voir avec Brel, c'est juste que j'ai épousé un ancien de l'aéronavale) et notre fille lui a sans doute fait remarquer qu'au pays des tulipes on ne parle guère le français. Alors son père lui a rétorqué "pas grave je me débrouillerai toujours avec l'anglais !". C'est là que je me suis marrée en douce, vu que son anglais, comme le mien (et d'après ce que vous dites, le vôtre) ne dépasse pas le niveau de la quatrième :D

Tilia a dit…

Petite rectification : ce n'est pas pour nos noces d'or, mais pour celles d'émeraude (40 ans) que nous irons à Bruges le mois prochain !

chri a dit…

@ Tilia Les flamands... Beaucoup de flamands ne sont guère disposés à faire des efforts surtout en français.
Il n'empêche que Bruges est une beauté, alors... Bon séjour à Bruges!

M a dit…

Ce qui m'étonne, c'est que tu aies filé à l'anglaise (où comme une anguille...) SANS le poisson !

Slevtar a dit…

Ca existe un dico Français -hollandais ?

chri a dit…

@ M Mais oui je n'ai rien compris à ce qu'elle me racontait en néerlandais très accéléré... Sans faire aucun effort la saleté!

@ Slev Il faut croire!!! Un vieux con pis c'est tout!

Nathalie H.D. a dit…

Ah je vois que les marchés sont des lieux aussi méchants que les aéroports dans ce pays-là. Ca se paye cher, les visites au petit trésor ! N'aurait pas envie d'aller habiter ailleurs, çui-là? Pourrait demander gentiment à ses parents?

chri a dit…

@ Nathalie Moi, je suis d'accord pour l'accueillir, lui!

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