Dans cette petite ville au
tout nord de la Hollande où Mata-Hari est née, au plein coeur d'une région qui s’appelle la Frise, le jeudi
c’est jour de marché. C'est le seul de la semaine. C'est dire combien il est attendu, les occasions de se distraire sont en Frise assez rares, les canaux n'y sont pas gelés tous les jours. Il se monte le long d’un canal qui traverse la vieille
vile de briques rouges. C’est un canal banal comme il y en a dans le coin depuis
des siècles et des siècles.
Le marché propose comme un
peu tous les marchés d’Europe je suppose, des fromages, des pains, des
légumes, des poissons, des fleurs, des vêtements moches et des jouets en plastiques qui sont fabriqués en
Chine.
Les vélos des clients sont
sagement rangés accrochés aux rampes qui préviennent d’éventuelles chutes dans
la flotte grise des canaux alentours. Malgré le froid qui déboule du Danemark
ou de plus haut, il y a foule en cet endroit le jeudi. La région étant située
où elle l’est, c’est à dire bien loin de toutes les villes fréquentées du Pays
qu’on dit bas, le jeudi c’est un peu l’attraction de la semaine. A part les
vaches et le patin à glace l’hiver, la Frise reste une région somme toute assez
peu visitée. Il y a bien les Îles du Nord mais là il faut aimer salement les
courants d’air.
Donc toute la région ou
presque déserte les étables et s’en vient faire un tour puis un autre puis un
troisième avant de s’attabler devant une bière et de repartir dans les fermes.
Ce matin là, je me baladais
en reluquant tous les étalages qui me semblaient atteindre des sommets
d’exotisme à part peut-être les vêtements moches et les jouets qui cassent, importés de Chine. J’avais un
peu de mal à y plonger mes yeux, il y avait très souvent un gars ou une fille
bien plus grande que moi qui me bouchait le paysage. Les gènes de la grande
taille et de la blondeur costaude ont dû
connaître une activité survitaminée dans les parages. C’est ici que j’aurais dû
naître si j’avais voulu briller au Volley-ball, je me disais.
J’étais devant un vendeur
de poisson et ce qu’il proposait me faisait saliver comme une vache devant une
botte de trèfles.
Bienveillant, je me suis
dit mon petit gars (ils me l’ont fait assez sentir) tu vas t’offrir un de ces magnifiques
filets fumés que tu aperçois là derrière ces larges dos et qui te font de
l’œil.
J’ai demandé avec mon
anglais de quatrième de quel poisson il s’agissait.
Le vendeur m’a répondu cinq
six phrases en frison auxquelles je n’ai rien compris. Je le lui ai dit... Il n’a rien compris.
Un vieux type qui s'impatientait
à mes côtés a juste dégainé et tiré en un anglais lent, méprisant mais très correct :
Quand on va dans un pays
étranger on emmène un dictionnaire!
Tschhhlaaaff. Prends toi ça dans les gencives...
Je l’ai remercié
chaleureusement pour m’avoir donné cette idée de génie, qui ne m’était pas venue, et ne me serait jamais venue, trop stupide étranger que j’étais.
Puis, sans aucun poisson, je
me suis éloigné.
Va-t-on s'en sortir un jour avec cette Europe farcie de snipers?
8 commentaires:
Voilà une histoire qui sent le vécu et qui arrive à point.
Figurez-vous que mon douzépoux et moi on a décidé que, non on n'ira pas à Venise pour fêter nos noces d'or le mois prochain, mais plutôt visiter la Venise du Nord (et Bruxelles en bonus, pour le musée Magritte of course!).
Quel rapport avec (la choucroute) la mimolette me direz-vous ?
Ce matin j'ai entendu mon cherétendre, qui était au téléphone avec notre fille, évoquer notre projet de voyage. Il disait qu'il aimerait bien aussi aller voir le port d'Amsterdam (rien à voir avec Brel, c'est juste que j'ai épousé un ancien de l'aéronavale) et notre fille lui a sans doute fait remarquer qu'au pays des tulipes on ne parle guère le français. Alors son père lui a rétorqué "pas grave je me débrouillerai toujours avec l'anglais !". C'est là que je me suis marrée en douce, vu que son anglais, comme le mien (et d'après ce que vous dites, le vôtre) ne dépasse pas le niveau de la quatrième :D
Petite rectification : ce n'est pas pour nos noces d'or, mais pour celles d'émeraude (40 ans) que nous irons à Bruges le mois prochain !
@ Tilia Les flamands... Beaucoup de flamands ne sont guère disposés à faire des efforts surtout en français.
Il n'empêche que Bruges est une beauté, alors... Bon séjour à Bruges!
Ce qui m'étonne, c'est que tu aies filé à l'anglaise (où comme une anguille...) SANS le poisson !
Ca existe un dico Français -hollandais ?
@ M Mais oui je n'ai rien compris à ce qu'elle me racontait en néerlandais très accéléré... Sans faire aucun effort la saleté!
@ Slev Il faut croire!!! Un vieux con pis c'est tout!
Ah je vois que les marchés sont des lieux aussi méchants que les aéroports dans ce pays-là. Ca se paye cher, les visites au petit trésor ! N'aurait pas envie d'aller habiter ailleurs, çui-là? Pourrait demander gentiment à ses parents?
@ Nathalie Moi, je suis d'accord pour l'accueillir, lui!
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