Pour les impromptus littéraires de la semaine. La consigne obligeait à citer au moins un tissu.
C’est quand le jeune adjoint au maire, qui avait dû regarder trop de films américains, a demandé si quelqu’un voulait s’opposer à ce mariage que tout est parti de travers.
C’est quand le jeune adjoint au maire, qui avait dû regarder trop de films américains, a demandé si quelqu’un voulait s’opposer à ce mariage que tout est parti de travers.
Pourtant, la température
était douce en ce début de printemps dans la banlieue de Granville. De la pluie avait été évidemment annoncée, mais seulement pour la fin de journée, le midi de
cette fin de semaine devrait être épargné, et donc la modeste fête prévue après, aussi…
___ Tu vas pas mettre
ça ? Un jean pourri, aujourd'hui?
___ J’v’ais m’géner. C'est pas le mien que je sache!
___ Dites, tous les deux,
vous n’allez pas commencer ? Je vous préviens qu’aujourd’hui je ne veux
pas vous entendre, je ne supporterais aucune bisbille, aucun accroc, aucune
engueulade, il va falloir que vous y mettiez du vôtre, les jumeaux. Aujourd’hui
c’est MA journée et vous n’avez pas intérêt
à me la gâcher. Je vous en voudrais à mort, alors vous allez prendre sur
vous mes chéris d'amour.
___ T’inquiète M’an je ne
laisserais pas faire ce crétin.
La tartine gorgée de sucre
comme un B 52 bourré de myrtille a volé gentiment dans la cuisine, a été
esquivée par le visé et a fini sa course écrabouillée contre le blanc à côté du
frigo. Elle a ensuite lentement dégouliné le long du mur en laissant une trace
d’un mauve profond jusqu’au carrelage du sol.
La tension de l’ambiance
qui était déjà assez forte depuis une belle semaine avait encore franchi un cran ce
matin. Il faut dire que nous étions enfin au jour h. C’est en effet aujourd’hui
que Mary-Anne, la mère des deux jumeaux allait se marier pour la sixième fois.
Il y a quelques mois, alors que tout allait bien, jusque là dans sa vie, elle
avait rencontré Pablo le carreleur et en était tombée, sur le champ raide amoureuse… comme à
chaque fois. En quelques mois, elle avait pris ses garçons sous les bras, elle
avait quitté sa vie d’avant, elle avait déménagé et s’était installée avec
Pablo, chez Pablo qui ne demandait pas mieux et, dans la foulée avait fait le
nécessaire pour se marier. Grande amoureuse Mary-Anne, il fallait que les choses
aillent vite. Pour elle, les pages se tournaient à vitesse grand V.
La petite mairie était
bondée. Il y avait là tous les amis de Pablo et ceux de Mary-Anne et même
quelques uns de ses ex-maris, mais pas tous... Tout ce beau monde s’était mis sur son trente et
un et la salle des mariages ressemblait à l’intérieur d’une boite de Quality Street.
C’était à celle qui avait les plus beaux frous-frous. On avait découpé de l’organza
saumon de synthèse au kilomètre. Les sourires illuminaient les visages. Puis le
silence s’est fait quand le maire est entré dans la salle.
Et c’est quand son adjoint, le dingo des US a demandé, sans rire si quelqu’un souhaitait s’y opposer, c'était maintenant ou qu'on la boucle à jamais que c’est parti en digue-digue. Après
la question, profitant sans doute de l'occasion, dans le silence lourd, du fond de la salle une voix a
lancé :
___ Moi, je m’y oppose.
Tous les visages se sont
tournés vers l’endroit d’où était sortie cette phrase.
Un type, la cinquantaine
élégante. Comme Pablo, Mary-Anne s’est tournée vers lui les yeux grands ouverts
et la bouche, aussi. L'homme à la voix qui fout le bazar, s’est approché d’elle en fendant les rangées de bonbons anglais.
Elle l’a reconnu de suite bien qu’elle ne l’ait plus vu depuis une double paire
d’années et qu’il soit désormais barbu comme un terre neuva. Alors avec un certain sens du spectacle, il a envoyé:
___ Je suis encore son mari
a-t-il balancé. Son troisième, Phil. Phil Barnett.
Ah Mary-Anne et son goût pour l'exotisme... Mais dans son désir effrené de tourner les
pages, elle devait en avoir oublié quelques unes…
La cérémonie s’est arrêtée
là. La fête aussi. Tous les bonbons roses sont remontés dans leurs boites à pneus. Pour
le peu qui est resté, la fin de journée a été un vrai cauchemar…
C'est un vieil oncle toujours saoul qui en marmonnant a résumé le tout d'un cinglant:
14 commentaires:
La planète est surpeuplée, faut arrêter de procréer. Un mariage de moins, ça va dans le bon sens :D
Bravo pour la pertinence du tissu choisi. Dixit wikipédia : "L'organdi et l'organza sont deux étoffes similaires. Leur dénomination diffère selon les fils employés pour le tissage." Vous saviez ça ? chapeau !
@ Tilia Gandi et Ganza sont dans une histoire... Sur les chapeaux ce peut-être très joli :-)
Fil de coton ou fil de soie, ni Gandhi, ni Ganza, le mien s'appelle... "Phil."
(oui... : "PHIL." aussi vrai que j'vous l'dis !)
C'est Chantal Goya qui chantait, en balançant ses couettes :
"Quand on est une marionnette, marionnette, marionnette,
Une petite marionnette à fil,
La vie ne tient qu'à un Phil"...
Il s'en faut de peu : une semaine encore et, le 3 mai venu...
Oups ! ça va être sa fête !... (si si : c'est marqué sur le calendrier)
"En mai, fais ce qu'il te plaît" : c'est l'avis du dicton... :)))
Dans le même bateau, avec ou sans chapeau,
Oups ! tout ça tombe à l'eau... :(((
@ Odile Bonne fête à Phil, alors... Vous avez commencé, non?
Drôle la chute qui ma fait rire ce matin ... J'en ai un à la maison de Phil ,moi aussi !!!
Belle journée
Commencé quoi ?
@ Odile La fête?
@ Brigitte Choyez le ce Phil là.
odile b. a dit...
La fête ?
ça dépend du temps-weather, on a dit :
selon soleil ou pluie, ce sera avec ou sans fil...
et ça dépend de la météo : selon le vent, les vagues et l'état du bateau,
pour Pince-mi Pince-moi, ou tout baigne :D ou tout tombe à l'eau... :((
Une histoire absolument délicieuse !!
@ Laurence Merci, merci!
Viiii je le garde ...encore ...un peu ...beaucoup !!!
@ Brigitte: Heureux Phil!
Avec Phil, pas question de se défiler ! Jamais plus je ne regarderai les boites de Quality street de la même façon...
@ M Mais il y a un peu de ça dans les mariages, non?
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