07 novembre 2017

Une belle bande.

C’était le plein été. 
Ces vacances,  nous  allions les passer en bande, comme pas mal d'autres depuis plusieurs années. On se connaissait depuis le lycée et nous partions souvent ensemble. Nous avions programmé cette affaire lors d’un repas de Décembre. 
Et si, en Aout, on passait quinze jours  sur une plage des Landes ? 
Aussitôt dit, aussitôt daté, bouclé, réservé.
On avait retenu trois appartements mitoyens dans une résidence de vacances familiales au ras de l’océan. À nous les châteaux de sable, l’école de surf, les glaces du soir, les sorties au Bowling des Flots, les pics nics saucisses au sable fin, les apéros propres, les barbecues à la viande torréfiée, les ballades en vélo,  les poissons du jour du marché du pêcheur du coin au prix de l’esturgeon balte en platine, les parties de pétanque, les soirées dansantes sur la plage. Les étoiles filantes n’avaient qu’à bien se tenir, elles allaient voir à qui elles avaient à faire, les vagues et les baïnes avec.
On était trois familles, enfin des familles d’aujourd’hui. On avait débarqué la veille dans deux bagnoles. Je n’avais pas pris la mienne, une vieille allemande de quinze ans que j’essayais d’amener au cimetière sans passer par la case hôpital. On avait fait le trajet dans celle de Paul un monospace flambant neuf. Dans son engin, étaient entrés mes deux et moi, Paul avec sa nouvelle copine et ses deux enfants à lui. Laurence, son troisième mari leurs trois enfants dont le petit dernier, le seul qu’ils avaient eu ensemble avaient eux faits la route dans le Traffic avec les lits pliants, pour les plus petits, les parasols, les planches de surf, les bateaux et matelas gonflables, ballons, les kits de plage (seaux, pelles, tamis, truelles enfin tout le nécessaire à châteaux). De quoi passer un beau séjour sur ces plages sans entrer dans une de ces supérettes en carton où l’on se ruinait  en saloperies fragiles et chinoises. On attendait plus que Pierre, sa femme et leurs quatre dont les deux jumelles, qui ne devraient plus tarder puisqu’ils étaient partis le matin de très bonne heure. Nous étions arrivés hier soir tard et nous avions filé nous coucher sans même défaire les valises. Après le petit déjeuner que nous avions descendu copieusement, tous excités comme des boisseaux de puces, (nous avions souscris à la formule demi pension), nous ne mangerions donc plus avant le repas du soir, nous avions filé en bel équipage vers la plage. Il faisait un temps superbe, le chemin de planches de bois nous était un bonheur, la lumière et les vagues magnifiques, et le paysage pareil. C’est une escouade de larges sourires qui a dégringolé de la dune.
Il était onze heures et les Pierre n’allaient plus tarder.
Nous nous sommes installés sur la plage juste un peu après la dernière montée de marée, sur le sable le plus sec. C’est alors que les jumelles ont crié en courant vers notre étalage de serviettes. Tout le monde s’est levé. Les deux petits ont suivi et les parents derrière. Laurence et Denis sont allés à leur rencontre. Ils se sont arrêtés en route et après les embrassades d’usage, ils  sont restés en groupe à parler. Les Paul suivaient de près. Je suis resté allongé sous le parasol, ils finiraient bien par venir. Le conciliabule a duré un long moment. Alors, les Paul sont revenus vers moi et m’ont poignardé :
Les Pierre ont rencontré des amis qui ont loué une grande villa avec piscine au bord de la plage. Ils nous ont proposé de passer le séjour là-bas avec  Laurence et Denis. On va donc annuler la location des appartements et finir le séjour là-bas... On emmène tes enfants qu'ils se régalent avec les notres.
___ Vous me laissez tomber ?
___ Tu nous en veux ?
___ Hein dites, vous me plantez ? C’est ça ? D’un coup, comme ça ?
___ Non, non, on profite d’une occasion inouïe c’est tout.
Vous savez que je n’ai plus de voiture ? Comment je vais faire pour bouger.
On avait réservé ensemble et après deux jours vous fichez le camp ?
Et puis je n’ai plus rien dit parce que j’étais sous le choc. Je n’en croyais ni mes oreilles, ni mes yeux, ni mon cœur.
Ils sont retournés aux appartements, l'un était passé à l'accueil du village pour annuler, ils ont mis leurs valoches dans l’espace de Paul, ils se sont engouffrés dans les voitures et m’ont salué de la main. Ils rigolaient comme une belle bande de joyeux bossus et moi j’étais anéanti, les bras pendants, un seau plein de sable, un trou au fond dans une main avec sous le seau un tas de sable s'agrandissant indéfiniment et une pelle rouge sang dans l'autre.
___ Soyez bien prudents, j’ai lâché avant que leurs portes ne claquent comme des gifles répétées.
Ils ont démarré et leurs deux voitures ont disparu du cadre en crissant des pneus.
C’est quand même une belle bande de salopards j’ai pensé, avant de me réveiller.


Dehors, au jour naissant, en regardant par la fenêtre, j'ai vu que  l’hiver, le vent et la pluie faisaient un barouf du diable. 
Maintenant, pleinement réveillé, je me suis demandé, si je ne préférerais pas retourner dans mon cauchemar, en été, à deux pas de l’Océan...


6 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi l'océan serait-il un cauchemar ,par Jupiter ?!

chri a dit…

Jupiter Anonyme:
Ah bien sur! Si vous ne lisez que la dernière phrase!!!

Anonyme a dit…

Je n'ai pas bien compris alors ! Puisque les salopards sont partis, ce n'est plus un cauchemar,n'est-il pas ?

chri a dit…

Anonyme Bon, vu comme ça...

M a dit…

Quel dilemme ! Au moins, le cauchemar est au chaud lui !

chri a dit…

@ M c'est pour ça qu'il y a hésitation!

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