13 août 2018

Le soir des étoiles.

Il y en avait de tous les sexes, de tous les âges, de toutes les tailles, de toutes les couleurs, de toutes les corpulences, de tous les niveaux sociaux. Ils échangaient à peu près dans toutes les langues. Parfois même avec accents. Il y avait des grands, des petits, des gros, des minces, des musclés, des maigres. Il y avait des solitaires,  d’autres sans. Il y avait des avec animaux, des couples, des groupes de connaissances ou d’amis, des familles sans enfants, des familles avec poussettes et enfants autour, des familles avec poussettes pleines. Dans les familles avec poussettes pleines, c’était souvent les pères qui poussaient. Une manière pour eux de se rattraper de ce qu’ils ne faisaient pas le reste du temps? Il y avait ceux qui parlaient en marchant, ceux qui se taisaient ensemble, ceux qui léchaient une glace en évitant les coulures, le long de leurs bras, pour la plupart nus. Il y avait ceux qui, le plus souvent des jeunes, avançaient en regardant leur écran de portable, ceux qui étaient là sans y être.
Il y en avait qui pensaient s’être habillés pour l’occasion, ceux qui s’étaient mis sur leurs trente et un d’été : larges panamas, chemisettes à crocos, bermudas de couleur et mocassins en peaux sans chaussettes pour les hommes, robes pimpantes en lin, sandales à petits talons et à lanières fines pour les femmes. Cheveux faits ou défaits, calvities ou pas et le plus souvent barbes pour les hommes. La mode.
Il y avait ceux qui visiblement s’en étaient foutu comme de leur première chemise et qui avaient enfilé ce qui leur venait sous la main. Ça donnait des allures étrangement laides comme des débardeurs improbables sur des shorts en lycra boudinant, les pieds nus dans des claquettes hors d’âge… Les municipalités, si elles étaient un peu vigilantes, devraient créer des brigades anti-mauvais goût qui arpenteraient, la nuit venue, les rues des villes touristiques et demanderaient aux débraillés en tous genre, d’aller, au minimum, se rhabiller pour sortir afin d’éviter à leurs contemporains les tristes spectacles auquel on pouvait, parfois, assister. Elles devraient le faire sous menace d’amendes plutôt salées ou de travaux d’intérêts généraux comme balayer les trottoirs des mégots des plastiques ou autres petits pots de glace vides que ces salopards en goguettes ne manquaient pas de balancer au sol. C’est fou ce qu’ils pouvaient avaler comme glace du reste. D’ailleurs en ville, en cette saison, avec les pizzas et les kebabs on ne voyait plus fleurir qu’eux comme commerces. Il était devenu impossible d’y trouver une poissonnerie convenable.  Les gens étaient de la viande rougie par le soleil, en mouvement à peine couverte, des poils hirsutes sortant des marcels sales, des tatouages, ah les tatouages… Souvent loupés sur des triceps avachis, des épaules flasques,  ethniques de l’hémisphère sud  sur des peaux de roux, dédiés à des prénoms douteux, j’en passe et des plus laids. On marche avec eux sur la voie piétonnière du centre ville, le long du canal premier, en bordure des restaurants aux terrasses bondées, on avance au milieu d’eux dans les mauvaises odeurs de cuisine vaguement rance, dans le brouhaha des conversations, des pleurs, des rires des aboiements et à les voir faire, on se demande quelle est l’idée principale de cette déambulation estivale de début de nuit ? Un rite ? Un comportement collectif à caractère religieux ? Social ? Une façon de passer le temps ? D’attendre l’heure du coucher ? Une manière d’être ensemble ? On les regarde, on les dévisage et on se dit surtout qu’on n’aimerait pas les avoir comme compagnons de camp de réfugiés,  ni comme acolytes, ni même comme semblables. Et pourtant.
Où seront-ils tous, en Novembre quand le mistral voyou balaiera le quai, la rue, les tables et les chaises, la ville, la région, la province et qu'il fera nuit glaciale à l'heure du goûter?
Alors qu’au dessus de leurs têtes vides, la terre allait traverser le nuage des perséides et que le ciel s’apprêtait à offrir le spectacle majestueux d’une averse d’étoiles filantes, tout ce joli, si l’on peut dire, monde  trainait des pieds dans la rue, en grappes, en tas,  en nombre, en marche lente, en allers retours vains. 

Mais dis, toi, qui fais le malin tu étais où ce soir là ?
Il faisait nuit, il faisait doux, les premières étoiles commençaient à illuminer le noir, en pluie.






4 commentaires:

Brigitte a dit…

Dans mon jardin juste à admirer le ciel !C'était bien et beau surtout

chri a dit…

@ Brigitte Il faut cultiver son jardin.

chri a dit…

M a écrit Vivement l'hiver que l'ours hiberne.

chri a dit…

@ M Les ours se suivent et se ressemblent, l'hiver? Il est contre.

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