Et puis, un beau jour tu décides d’y monter, d'y aller voir, d’en faire un but de balade et, une fois à ses côtés, de le longer, un peu, pour voir...
Tu y arrives par une route étroite qui se prolonge par un pont qui l’enjambe. Forcément un pont. Enfin un pont, une paume serait plus juste. Elle est posée là pour qu’il ne soit pas un obstacle pour qu’on puisse continuer la route et filer dans la colline. En tout, sur la longueur entière de son trajet, il y en a cent cinquante. Ils ont des noms aussi dépaysant que ceux de la ligne verte du métro de Montréal qui va d’Honoré Beaugrand à Angrignon et passe par Radisson, Cadillac, Viau, Joliette, Beaudry. Ici les ponts se nomment Endoussias, Falèche, Vimaise, Cambuisson, Pichichin, La Parisienne. Le même exotisme, la même surprise de ces endroits qu’on ne saurait dire mais ils s’appellent et chacun des noms est une histoire à connaître.
Tu verras c’est facile : Si tu y vas, soit tu passes la paume et tu le remontes, alors tu le côtoies à main droite soit tu restes de ce côté ci et tu le fréquentes à main gauche. Il est accompagné d’un chemin de terre interdit à tout les véhicule à moteur excepté ceux des pompiers. C’est que la colline et ses bois touffus l’enveloppent tout au long de son trajet. C’est ce qui fait son ombre apaisante et donc la raison pour laquelle les mois d’été il est si agréable de l’emprunter, même si tu le prends à rebrousse pente, elle est si douce que seule l’eau la sent.
C’est comme une voûte d’arbres, un long chœur de cathédrale laïque de temps à autre bordée d’immenses et vieux platanes qui laissent leur bras trainer si bas qu’il arrive que certaines branches finissent quelques poignées de feuilles dans le droit fil de l’eau qui font comme une main qui s’y abandonnerait, faisant naitre une vague en v de vaguelettes.
Le courant que tu longes sous cette ombre bienveillante est une perfusion de Durance. Il vient droit des montagnes du Haut Verdon. Son parcours est sinueux puisqu’il suit au mètre près une courbe de niveau. Tu ne sens pas que ça monte mais ça monte puisque l’eau avance poussée par elle même. Tu ne vois pas que ça descend et pourtant ça descend, le courant te le murmure. Ici c’est Newton qui fait tout. Les hommes qui l’ont pensé se sont contentés de creuser, de monter les bords et d’aplanir autour. Oh ils n’ont pas creusé bien profond. Un homme a pied en son milieu et sa largeur n’est que de quatre ou cinq pas mais c’est bien assez pour en faire un courant qui file depuis le dessous de Mérindol pour se jeter dans l’à peu près Rhône, soixante dix kilomètres plus loin. Et c’est toute la région traversée qui s’en régale. Au dessus de lui et en dessous tout ce qui pousse, grandit, se cultive est arrosé, irrigué, vivifié, abreuvé… Tout son long les fruitiers, maraichers et même les jardins privés lui rendent grâce. Il apporte la vie paisiblement, sans qu’on sente l’effort, sans qu’on se rende compte du travail.
Dès que tu te balades à son côté tu ressens tout ça. Il est appelé de Carpentras parce qu’il y passe mais il pourrait aussi être de L’Isle ou de Velleron ou d’un autre village qu’il traverse. Les chiens, les vélos, les chevaux, les coureurs à pied, les poussettes le connaissent comme on connaît un ami.
Tu vois il n’y a pas besoin d’aller loin pour être ailleurs, l’aventure, parfois, peut commencer au fond du jardin…
3 commentaires:
Heureusement que je demeure trop loin de ce canal paradisiaque, sinon la tentation de le "descendre" à la nage serait trop forte ! C'est un rêve que je fais souvent, sauf que le canal de mes rêves est en partie bordé par des habitations.
Merci pour cette belle évocation.
@ Tilia Merci à vous. Je m'y suis baigné une fois, forcé, mon vélo était tombé dedans... L'eau n'est pas d'une pureté potable...
C'est un bel esprit.
Papi
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