Demain, c’était son
anniversaire. Et, pour une fois, on était avec elle. On allait donc lui fêter
dignement.
On peut s’arranger comme on
veut, mais dans sa vie toute entière, qui qu’on soit, on n’aura jamais que deux
grands mères. C’était précieux. Il ne fallait vraiment pas s’amuser à en perdre une.
Elle, c'était une des deux.
Jeanne.
Les grands mères d’avant n’avaient pas eu une vie facile. Si elles s’étaient mal débrouillées, elles avaient connu deux guerres. Une enfant ou jeune fille, l’autre femme. Pas facile de mener une barque à bon port dans toutes ces tempêtes humaines. Pas facile de passer entre les balles, les bombes, les arrestations, les massacres de masse, les exterminations. Aussi, quand il t’en restait une au sortir des deux guerres il fallait la ménager, la chouchouter, veiller sur elle, en prendre soin. Pour ce qui est de la convaincre de la bonté des hommes, tu pouvais toujours essayer mais c’était pas gagné. Enfin, Jeanne, elle était là. Elle avait tenu avec sa sœur un magasin de vaisselle, produits d’entretiens, on disait droguerie à cette époque où ne fumaient que les artistes. La droguerie était ouverte au tout venant et en vente libre. Elles l’avaient tenu rue Monge à Paris bien qu’elles viennent toutes les deux du fin fond du pays, en bas à gauche quand tu regardes la carte. Leurs chemins de vie les avaient fait monter à la capitale. Même Pau était trop petit pour elles. Elles s’étaient habituées au métro, en connaissaient toutes les lignes par cœur surtout celle qui les larguait chaque matin sur la place Monge qui sentait le crottin de cheval à cause de la caserne de la garde républicaine juste derrière. On pouvait les soupçonner d’avoir acheté le magasin à cet endroit juste pour cette question d’odeur. Si elles s’étaient accoutumées, et comment, au métro qui leur faisait vibrer l’arrière boutique, voire même la boutique entière, elles avaient eu un peu de mal avec les clochards. On n’avait pas ça chez nous. Chacun, dans leur village, trouvait une place, un travail et gagnait de quoi manger et se loger. On ne laissait personne en route là-bas. Elles non plus. Quand un entrait dans la boutique pour demander une pièce, elles refusaient. Pour que tu ailles la boire ? Jamais. En revanche le gars se retrouvait avec entre les pognes une baguette entière fendue en deux un camembert à l’intérieur. Même si tout ce fromage appelait un coup de rouge, il ne le trouvait pas ici. Un verre de flotte pour faire descendre le tout et basta.
Les grands mères d’avant n’avaient pas eu une vie facile. Si elles s’étaient mal débrouillées, elles avaient connu deux guerres. Une enfant ou jeune fille, l’autre femme. Pas facile de mener une barque à bon port dans toutes ces tempêtes humaines. Pas facile de passer entre les balles, les bombes, les arrestations, les massacres de masse, les exterminations. Aussi, quand il t’en restait une au sortir des deux guerres il fallait la ménager, la chouchouter, veiller sur elle, en prendre soin. Pour ce qui est de la convaincre de la bonté des hommes, tu pouvais toujours essayer mais c’était pas gagné. Enfin, Jeanne, elle était là. Elle avait tenu avec sa sœur un magasin de vaisselle, produits d’entretiens, on disait droguerie à cette époque où ne fumaient que les artistes. La droguerie était ouverte au tout venant et en vente libre. Elles l’avaient tenu rue Monge à Paris bien qu’elles viennent toutes les deux du fin fond du pays, en bas à gauche quand tu regardes la carte. Leurs chemins de vie les avaient fait monter à la capitale. Même Pau était trop petit pour elles. Elles s’étaient habituées au métro, en connaissaient toutes les lignes par cœur surtout celle qui les larguait chaque matin sur la place Monge qui sentait le crottin de cheval à cause de la caserne de la garde républicaine juste derrière. On pouvait les soupçonner d’avoir acheté le magasin à cet endroit juste pour cette question d’odeur. Si elles s’étaient accoutumées, et comment, au métro qui leur faisait vibrer l’arrière boutique, voire même la boutique entière, elles avaient eu un peu de mal avec les clochards. On n’avait pas ça chez nous. Chacun, dans leur village, trouvait une place, un travail et gagnait de quoi manger et se loger. On ne laissait personne en route là-bas. Elles non plus. Quand un entrait dans la boutique pour demander une pièce, elles refusaient. Pour que tu ailles la boire ? Jamais. En revanche le gars se retrouvait avec entre les pognes une baguette entière fendue en deux un camembert à l’intérieur. Même si tout ce fromage appelait un coup de rouge, il ne le trouvait pas ici. Un verre de flotte pour faire descendre le tout et basta.
Et puis, elles avaient eu
le mal du pays. Vendue la boutique, on retourne s’installer chez nous. Et nous
verrons bien si les enfants passent nous voir. Ils passaient mais rarement,
l’autre grand mère étaient à l’autre bout. En bas à droite si tu regardes la
carte. Il fallait se partager.
Cette fois, ces jours ci,
ils étaient là et demain c’était son anniversaire. On allait le lui fêter.
Il fallait trouver un truc
auquel elle ne s’attendrait pas. Dans chaque village de France ou presque il y
a une fanfare qu’on sort les jours de fête.
Les amis d’ici soufflaient
dans un clairon et ceux qui ne soufflaient pas roulaient des baguettes sur une
peau de bête. La belle idée. On va lui faire défiler un semblant de fanfare
devant chez elle à l’heure du repas du soir. Il faut un
drapeau devant ? On en trouvera. Une nappe fera l’affaire. Il n'y a pas eu à se forcer pour les convaincre, dès qu'il s'agissait de faire une couillonnade il y avait un paquet de partants.
Et c’est ainsi que vers le
soir, alors qu’elle dressait la table, quatre jeunes gugusses à moitié déguisés
en fanfareux d'opérette se sont mis à descendre vers la basse ville, en file indienne, jouant un air approximatif et militairement discutable. Devant eux, portée
fièrement à bouts de bras, une nappe à fleurs accrochée à un manche à balai, volait au vent.
___ Jeanne, Jeanne vient vite
voir c’est la fanfare qui vient jouer pour ton anniversaire…
L’équipage a stoppé devant
la maison de Jeanne, chacun a fait un quart de tour vers la droite et quand elle
est sortie, toute émue sur son perron, un petit discours a été prononcé.
Applaudissements nourris, dispersion des faisceaux et apéritif convivial ont
conclu cette manifestation officieuse, improvisée et néanmoins chaleureuse.
La basse ville se souviendra longtemps de cette fin de journée, en fanfare.
La basse ville se souviendra longtemps de cette fin de journée, en fanfare.
Tout cela n'a jamais été raconté dans
aucun journal local… Pas plus que la largesse de son sourire.
8 commentaires:
Belle histoire, cet anniversaire de la mémé Jeanne en fanfare.
"on aura jamais que deux grands mères"... Ça, c'était avant.
Avant les "familles recomposées".
Décomposées, puis recomposées au petit bonheur la chance sur mitic.
Les trois enfants, nés d'un précédent mariage de la seconde femme de notre fils, nous appellent Papy et Mamie... ce qui (avec ceux des trois de notre fille et des deux de notre fils) va augmenter d'un bon tiers la dépense pour les cadeaux de Noël :-)
@ Tilia Oui, oui recomposées, mais des VRAIES c'est deux.
Y pensent-ils les enfants en se recomposant au prix des cadeaux à Noël?
Sûrement pas ! mais l'aurait-il fait, que ça n'aurait rien changé à son inclination :D)
@ Tilia Ouf!
Ah les grand-mères ! Des trésors... Même si j'ai préféré leurs maris, je garde de bons souvenirs des miennes surtout culinaires.
Ton histoire est très chouette et ton talent d'écriture nous y plonge avec bonheur, comme d'hab !
@ M Oh Merci à toi...
Une jolie histoire pour fêter une grand mère comme il se doit !
Nous n'en n'avons que deux vraies certes, mais les rapportées compte aussi maintenant ...
J'aime bien tes histoires
Bon week-end bien chaud !
@ Brigitte Oh Merci Brigitte!
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