Pour Les impromptus littéraires. Le thème de la semaine était : La concierge est à l'opéra.
Ça faisait, maintenant six mois qu’il avait mis les bouts. Définitivement.
C’était un soir de Novembre, entre le quatrième et le troisième. Une vilaine
crise d’asthme que le samu n’avait pas pu stopper. Gino avait attrapé cette
saleté qui hache le souffle à force de manipuler les chimies nocives des peintures acryliques,
toutes les années où il avait été peintre en bâtiment avant de finir concierge
à Garnier…
Ils s’étaient rencontrés dans un bal d’été, dans leur village près de
Milan et ne s’étaient plus quittés. Ils étaient revenus ensemble et, pendant
toutes ces années il lui avait transmis son amour du beau chant. Sur les
échafaudages, Luigi peignait en chantant des opéras entiers dont il connaissait toutes
les voix. Pour lui, il n’y avait que les italiens, Verdi, Puccini, Rossini. Il
tolérait à peine Mozart mais ne supportait ni Wagner, ni les contemporains, ni
bien entendu les "français". Troppo pesanti...
Au long de toutes ces années, ils étaient même devenus amis de Pavarotti, LE Pavarrotti qui, lorsqu'il chantait à Paris, lassé des palaces,
venait régulièrement manger des pâtes dans leur loge.
Ils le suivaient partout dans le monde grâce aux concierges des opéras où il se
produisait. Dans chacune, il y avait une enceinte qui retransmettait ce qui
se passait sur scène. Il suffisait alors d’appeler au téléphone la loge d’Hong
Kong, de Sidney, de Venise et de poser le combiné près de l’enceinte. Les notes de
téléphone payées par l’opéra étaient astronomiques mais heureusement, personne n’y avait jamais mis
son nez.
Après le départ forcé de Gino, elle avait dû déménager de Garnier, c’est lui
qui était titulaire du poste et la place était si convoitée.
On lui avait trouvé une autre loge dans un immeuble bourgeois beaucoup trop calme du dix septième.
On lui avait trouvé une autre loge dans un immeuble bourgeois beaucoup trop calme du dix septième.
En partant, Gino n’avait pas tout emporté. Elle avait gardé de lui sa collection de CD, son amour des grandes voix et quelques numéros de téléphone…
Ce soir là, le grand Emiliano Donzetti chantait La Bohème à Milan.
Aussi son travail terminé, elle avait glissé son carton préféré devant sa fenêtre : La concierge est à l’opéra. Elle avait fermé le rideau
donnant sur l’entrée, s’est vêtue de sa robe de soirée, la petite noire droite toute simple, elle s’est assise
devant une petite enceinte posée sur la table, elle a sorti le Limoncello
du réfrigérateur puis elle a pris le téléphone, éteint les lumières et appelé Milan… Ce soir,
elle avait rendez-vous avec Gino, Rodolfo, Marcello et Mimi, il ne fallait plus compter sur elle, ni dans l'escalier, ni ailleurs, elle n’y serait pour
personne excepté peut-être Luciano...
Fièvreuse, tendue, impatiente, heureuse, dans le silence revenu, elle a attendu: Questo mar rosso...
Fièvreuse, tendue, impatiente, heureuse, dans le silence revenu, elle a attendu: Questo mar rosso...
Maintenant, dans la loge minuscule, c’est grand soir de Scala...
19 commentaires:
ha, j'ai adoré celle-là !
Marie.
@ Marie Ah Merci! Un bien fou!
Bonjour cher Chri ! Je me fais rare, très rare par ici, mais ce n'est pas par lassitude, mais plutôt à cause de difficultés techniques horripilantes. Alors quand une fenêtre sur mes blogues préférés s'ouvre, je cours, je cours ! Et je suis comme ta concierge : il ne faut pas me déranger, je n'y suis plus pour personne ! Merci pour cette histoire rafraîchissante !!!!!
@ Laurence Chellali Merci pour ta venue et je suis content que tu ais aimé "ma"concierge!
J'ai tiré mon rideau de velours et depuis que j'ai lu ta dernière, j'entends des voix. J'attends l’entracte et si après ça continue...!
Un bonheur
@ Roger De jolies voix, alors j'espère!
@ M Oh merci...
une belle histoire Christian ... peut être qu'elle existe pour de vrai ! allez savoir ! on peut rêver non
@ Véronique Une partie vraie... Une partie, seulement...
Si Edward Hopper était encore de ce monde, vous pourriez lui demander de faire le portrait de la concierge à l'Opéra. Je pense qu'il aimerait l'idée, autant que j'ai aimé votre histoire.
@ Tilia Oui, vous ne vous êtes pas trompée d'ambiance! Merci! Je suis content qu'elle vous ait plu...
Un peu trop raide pour moi, la concierge à l'opéra proposée par Tilia. Moi je la vois plus ronde, plus enveloppante, moins raide.
Elle me plait beaucoup cette concierge.
@ Nathalie Je viens de voir la tableau d'Hopper, tu as raison la mienne est moins guindée, plus italienne, plus ronde, Ce soir là elle se plonge juste dans sa nostalgie... Les voix vont lui redonner du plaisir.
Irrésistiblement, elle me fait penser à Renée, la concierge du 7, rue de Grenelle, dans l'Elégance du Hérisson de Muriel Barbery, qui dévore avec gourmandise tous les livres qu'elle peut, lit Proust en clandestine et appelle son chat Tolstoï...
Personnages, ces deux-là !
PS -
QUI dévore
@ Odile Je n'ai pas encore rencontré Renée!!!
Alors courez-y vite !
"Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants." - (4ème de couv. Gallimard 2007)
Ne pas s'arrêter à mi-parcours. Vous y rencontrerez aussi Paloma et Monsieur Ozu, dans le même immeuble. Portraits bien croqués, avec humour et finesse.
@ Odile, J'y cours!!!
Ah oui j'ai beaucoup aimé ce livre, Odile ...
Très jolie histoire Chri ,merci
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