L’automne, c’est par la
peau qu’il t'arrive.
Vers la fin d’Octobre,
selon l’endroit où l’on vit, il arrive assez souvent qu’on puisse encore manger
dehors, même le soir, mais une fois la nuit tombée, il faut se couvrir la nuque et les épaules d’une
petite laine, d’un châle ou d’un pull car on ressent oh pas depuis très
longtemps, un jour ou deux seulement, une fraîcheur assurée qui dégringole des
arbres et pousse à se couvrir ou à ne
pas s’éterniser. On ne peut plus siroter en s’attardant aux terrasses, en attendant
que les étoiles défilent dans le noir comme au cœur d’Aout. Après la dernière
cigarette, le dernier verre, on doit alors bouger car le frais s’avance et gagne.
Maintenant, au petit matin, quand les volets sont poussés, il arrive qu’on ne
puisse plus distinguer le fond du jardin
tout entier plongé dans une brume dense que, seul, le soleil réapparu dissipera.
On la sent même au dedans des maisons cette brume qui vient avec le frais, les
murs et les carrelages en rendent compte. En attendant que le thé infuse, te naîtra
même une envie de flambée que tu reconnaitras. En attendant, nous aurons à
penser au ramonage à faire, au bois à couper, aux bûches à fendre. Veiller à ce
que la maison soit prête pour l’hiver.
Désormais les jours sont
comptés avant les premiers vrais froids. Ils commencent par raccourcir salement
et ça se voit.
L’automne, c’est par les
yeux qu’il t’attrape :
Ça commence assez tôt par
les feuilles des grands platanes qui se marronnent et chutent, détachées par
les vents du soir. Alors, les verts du figuier généreux commencent à jaunir.
Dans les bois tout se teinte jour après jour, heure après heure, la nature
prend feu. Le vert s’efface, lève le camp, débarrasse le plancher, déguerpit,
fondule dans les ors. Puis, dans les vergers, les cerisiers se mettent à
flamboyer de rouge comme si leurs feuilles baroudaient d’honneur avant de
tomber. Les vignes, assez vite leur emboitent la palette. C’est tout le paysage
qui se colore. C’est le temps où l’on monte sur les collines, les buttes, les
remparts pour embrasser des yeux, comme ils le méritent les paysages nouveaux.
Partout, ça flamme, ça flambe, s’enrubise, la terre devient un trésor étincelant. Au matin les ciels s'enrosissent, au soir les rouges sont mis. L’automne est le temps du feu.
L’automne, c’est par le nez
qu’il te vient.
Dans les ruelles encore
tièdes, des jardins aux murs toujours chauffés par le soleil du milieu de jour,
commencent à monter des odeurs de feux de feuilles. Presque dans chaque
parcelle, les broussailles coupées s’enflamment. Au soir, au dessus des maisons
des anciens, leurs os déjà transis, quelques cheminées se mettent à fumer. Ça
sent la suie chaude et la soupe de courge. L’automne est une saison de fumée.
Dans les sous bois, c’est l’humide et l’humus qui dominent et les champignons
du chaud d’après la pluie. Ces senteurs de pourriture noble sont annonciatrices
de cueillettes et de ramassages, d’après midi de marche et d’assidues
fréquentation des forêts. L’automne est une saison de traque.
L’automne, c’est par le
palais qu’il te saisit :
Au marché du dimanche, une
fois le brouillard dissipé, une fois l’humide vaincu, apparaissent les
premières girolles, les premiers sanguins, puis selon l’endroit où tu as la chance d’habiter ce seront
les cèpes en premières poêlées.
Viendra bien vite celui des châtaignes grillées au feu allumé et le soir celui des soupes oranges de potirons. Les coings se cueillent et se mêlent aux filets mignons, les pommes maintenant mûres se mélangent au boudin qui rissole pendant que les confitures finissent de cuire en bloblottant. Figues, mûres, arbouses, les bocaux se remplissent et s’entassent dans les armoires pour y attendre les désirs de sucre du milieu de l’hiver.
Viendra bien vite celui des châtaignes grillées au feu allumé et le soir celui des soupes oranges de potirons. Les coings se cueillent et se mêlent aux filets mignons, les pommes maintenant mûres se mélangent au boudin qui rissole pendant que les confitures finissent de cuire en bloblottant. Figues, mûres, arbouses, les bocaux se remplissent et s’entassent dans les armoires pour y attendre les désirs de sucre du milieu de l’hiver.
L’automne est un temps d'encore.
Il y fait encore doux le jour, encore clair vers six heures, selon l'endroit, on peut encore se baigner, encore s'allonger sur les bords des rivières, on y déjeune encore dehors avec d'autres, on s'y allonge encore à plusieurs sur les pelouses des parcs, on y lit encore adossé comme des chapitres, aux murs qui chauffent encore.
Mais l'automne est comme un peu tout ici bas, il passe, il ne s'éternisera pas. Il sera malgré tout un ultime rempart, un dernier souffle, avant la nuit, le froid, le gris, le repli, le silence, la tristesse et l'ennui.
Un rempart inutile, l'hiver viendra.
4 commentaires:
Et bien moi j'en pense que ma gourmandise s'en trouve assouvie encore mieux qu'avec tous les haïkus du monde! Un texte...jouissif !
@ M Oh Merci M!!!
Superbe écriture !
Bravo.
¸¸.•*¨*• ☆
@ Célestine. Oh Merci Célestine!
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