La veille
du deuxième jour, ensemble, ils ont décidé de monter voir le Lac des neuf
couleurs.
Ils
l’avaient choisi comme destination d'abord pour son nom, ensuite parce qu’ils
n’en étaient pas si loin et aussi parce qu’on leur avait parlé de
l’endroit comme on décrit un Caravage à un aveugle.
Ils se sont mis d'accord assez vite d'autant qu'ils étaient d'accord sur à peu près tout, ils n'étaient en équipe que depuis très peu. En fin d’après midi, ils ont préparé leurs sacs, ils ont emmené une tente, on ne sait jamais, puis ils sont montés en voiture jusqu’à Saint Paul sur le torrent où ils ont acheté de quoi se nourrir à la seule épicerie, boulangerie, boucherie, charcuterie, mercerie du village. Un hyper marché en beaucoup plus petit. Et puis, ils sont montés à pieds pour s’échauffer les jambes jusqu’au refuge où ils avaient décidé de dormir avant d'en partir au petit matin s’éveillant. En quittant Saint Paul, ils avaient franchi le Pont du Chatelet, un doigt tendu au-dessus d’un torrent entre deux rochers abrupts, puis ils étaient montés au hameau d’où ils partiraient le lendemain à l’aube. Arrivés à la vieille bâtisse qui sentait le feu de sarments, l'abbé Pierre et la soupe chaude, ils ont monté une tente dans le pré tout près et puis ils ont passé un long moment à regarder le soleil disparaître derrière la pointe de l’Aigle. Ils ne se disaient rien, ils regardaient autour d’eux et se regardaient et cet aller retour leur suffisait. Deux benêts. Deux ravis. Deux en amour.
Ils se sont mis d'accord assez vite d'autant qu'ils étaient d'accord sur à peu près tout, ils n'étaient en équipe que depuis très peu. En fin d’après midi, ils ont préparé leurs sacs, ils ont emmené une tente, on ne sait jamais, puis ils sont montés en voiture jusqu’à Saint Paul sur le torrent où ils ont acheté de quoi se nourrir à la seule épicerie, boulangerie, boucherie, charcuterie, mercerie du village. Un hyper marché en beaucoup plus petit. Et puis, ils sont montés à pieds pour s’échauffer les jambes jusqu’au refuge où ils avaient décidé de dormir avant d'en partir au petit matin s’éveillant. En quittant Saint Paul, ils avaient franchi le Pont du Chatelet, un doigt tendu au-dessus d’un torrent entre deux rochers abrupts, puis ils étaient montés au hameau d’où ils partiraient le lendemain à l’aube. Arrivés à la vieille bâtisse qui sentait le feu de sarments, l'abbé Pierre et la soupe chaude, ils ont monté une tente dans le pré tout près et puis ils ont passé un long moment à regarder le soleil disparaître derrière la pointe de l’Aigle. Ils ne se disaient rien, ils regardaient autour d’eux et se regardaient et cet aller retour leur suffisait. Deux benêts. Deux ravis. Deux en amour.
La nuit
venant, ils sont entrés dans la salle commune descendre un ou deux bols de
soupe de chou au lard fumé à devenir à moitié végétalien. La nuit était noire quand ils
ont tiré sur la fermeture à glissière de la tente. Le froid qui était tombé et
l’humide qui montait du torrent grondant s’étaient posés sur leurs épaules.
Elle avait frissonné, il lui avait passé sa veste, elle lui avait souri. Ils
étaient comme deux imbéciles, définitivement heureux.
Ils
n’avaient pas mis très longtemps à s’endormir. S’endort-on plus vite quand on
ne se couche pas seul ? Une trace archaïque, un restant de l’âge des
cavernes ? Rahan, le pauvre et solitaire Rahan, lui, devait souffrir de ça
s’était-il dit bêtement avant de sombrer. Sa main dans les siennes. Son corps à
lui autour du sien à elle. Ils s'étaient bien débrouillés avec les duvets en les réunissant pour n'en faire qu'un. Ils n'ont fait qu'un corps.
Ils
n’avaient pas eu besoin de réveil pour l’être. Une lueur, le chant de quelques oiseaux, quelque
chose dans l’air, un appel, les avait tiré gentiment de leurs deux sommeils pourtant si
profonds. Se réveillerait-on mieux quand on ne dort pas seul ? Qu'en
aurait pensé Rahan... s'était il dit en souriant.
Ils s’étaient
habillés en riant à cause des contorsions dans l'étroit de la tente. Ainsi, une journée nouvelle commençait comme l’autre avait fini. Ils avaient laissé la tente montée
pour y dormir une fois encore, le soir, au retour. Il avait fait chauffer de
l’eau dans une gamelle noircie, culottée, pour un thé et un café, elle avait
tranché deux planches de pain dans la miche qu’ils avaient engloutie assis sur
une des tables du refuge qui commençait lui aussi à s’animer. Puis
ils avaient bouclé leurs sacs à dos.
Le jour se
levait.
Le rose
bleuissait, le vent de la veille avait chassé tous un à un les nuages et c’est
un bleu vibrant qui a accompagné leurs premiers pas. Les premières heures le chemin montait
gentiment comme pour une mise en train, un échauffement. Ils avanceraient au
milieu des cris des marmottes, surveillés par les vols de choucas jusqu’au
refuge du Chambeyron où ils feraient une courte halte. Ils étaient partis pour
plusieurs heures de marche, qui les feraient côtoyer ou longer trois
lacs. Le Lac long, le Noir et celui de l’Etoile pour arriver à leur but, celui
des Neuf couleurs. Là-haut, ils furent soufflés, des couleurs il n'en manquait pas une. Un
bijou, une perle, plutôt, de lac d’altitude. Ils posèrent leurs sacs et
s'assirent sur une herbe mousseuse dans un des abris de pierre, construits là
pour bivouaquer. Ils s’installèrent un peu en hauteur pour mieux LE voir, lui
et tout le reste? Ils le regardèrent en silence en grignotant des fruits
secs et en buvant de l'eau de source. Il y a parfois des instants où les
mots n’ajoutent pas à grand chose, et même ils encombrent. Dans ces
moments, il faut savoir ne pas s’en servir. Alors, ils se sont tus avec
application. Ils se sont un petit peu embrassés mais pas trop, le paysage était
si intimidant qu'ils se tenaient à carreaux.
Puis, ils
se sont décidés à revenir. Ils s’arrachèrent de sa beauté.
Sur le
retour, gagné par la fatigue, philosophe à deux roubles, il se dirait qu’au
fond, c'est peut être avec les mollets du coeur qu’on se fabrique des souvenirs
pour plus tard, comme des lumières avec pour les jours sans…
Malgré
leurs ampoules aux pieds, ils sont arrivés alors que la nuit était déjà bien
noire. Ils s'en foutaient pas mal, conscients d'avoir ajouté une couleur au lac.
3 commentaires:
S'enivrer de Beauté, de lumière, de splendeurs pour conserver intactes, en soi, les couleurs et les mi-teintes, pour se repasser le film, encore et encore, "quand vous serez bien vieille, le soir à la chandelle"... Privilégier, bien sûr, les "mollets" du cœur et des yeux et sans oublier d'entretenir... ceux du cerveau, pour le jour où ceux des jambes viendraient à ramollir...
@ Odile C'est tout à fait etzactement ça!!!
Jacqueline Oustalniol Il a vraiment gardé toutes ses couleurs qui se méritaient... Cette nouvelle est plus fidèle que n’importe quel appareil photo qui ne fixe pas les sentiments !
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