03 juillet 2009

J’ai souri.

Hier, la journée a été joliment généreuse, puisque j'ai souri...

Quand je suis allé acheter mon journal favori, mais énervant, le vendeur en lisant le titre (Lula, mon plan pour la planète) a lancé: Ferait mieux de s'occuper des bidonvilles de son pays au lieu de s'occuper de la planète... Derrière moi, une toute petite très vieille voix a juste répondu, dans sa barbe, avec un accent inimitable: Encore un qui ne lit pas Deleuze... Je me suis retourné vers elle, elle m'a alors dit: On ne peut pas vendre les journaux et les lire, il faut choisir, tout est une question de choix... Je rencontrai une panseuse, là, ce matin, là, à cet endroit là, à cette heure là. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça débarbouille !

Quand j'ai croisé sur ma route un gigantesque car bondé de touristes du troisième âge, anglais. Le car, noir laqué, flambant neuf, était barré en lettres rouges du nom du voyagiste: Fuckers Travel...

Quand j'ai vu la toute belle Avignon se maquiller pour se préparer à la fête avec toutes ces affiches l'annonçant. La vie, le talent, l'émotion, le partage, l'intelligence allaient entrer en ville.

Quand j'ai vu cet homme, en short, sur les bords du Rhône avec une jambe artificielle qu'il ne cachait pas. Il était tiré par un très vieux chien qui n'avait que trois pattes. Ils faisaient une belle paire, ces deux là.

Quand j'ai appelé Ninon pour avoir de ses nouvelles qui de sa petite voix m'a répondu: "Je vais bien, la greffe de mœlle s'est bien passée, il me tarde de rentrer chez moi, je me languis de ma maison. Je vais passer un bel été". Passe un bel été, ma belle... On peut voir un sourire au téléphone.

Quand j'ai vu sur la plage cette petite fille se débattre avec une serviette plus grande qu'elle. Elle imitait sa mère et souhaitait se débarrasser du sable, mais le vent ne voulait pas qu'elle soit pliée cette serviette: "Arrête, le vent, arrête..." elle lui disait. Une petite fille, c'est bien connu, ça ordonne au vent.

Quand j'ai vu cet oiseau prédateur marquer l'arrêt au-dessus de sa cible puis plonger au tout bord de la plage. Le temps qu'il a mis à sortir de l'eau, puis le vol étrange qui a suivi. Visiblement, il avait mal calculé la quantité d'eau...

Quand j'ai vu ces trois mamies, architectes, maçonnes bâtisseuses, venir sur le sable humide du bord de l'eau, des couteaux, des truelles, des langues de chat en mains. Deux heures plus tard, une Babylone à trois pyramides était bâtie, là, au bord de l'eau. Une Babylone avec des escaliers, des statues, des jardins d'algues, des terrasses de coquillages. Une Babylone éphémère. Puis, leur oeuvre accomplie, elles sont reparties sans se retourner, sans même se baigner.

Quand j'ai vu ce petit garçon manquer d'être emporté par son cerf-volant poussé par un mistral à décoiffer les pajots. Son sourire à lui quand il a tout lâché.

Quand j'ai lu cet article de Marcel Rufo et cette phrase: "Guérir ce n'est pas toujours facile. Etre malade est parfois bien plus confortable", j'ai repensé à Manon, une jeune fille qui nous avait donné plein d'inquiétudes sombres, que j'avais vu la veille et qui m'avait annoncé sa grossesse... La vie l'avait enfin choisie.

Quand j'ai lu ces phrases, allongé comme une méduse molle:"On a l'impression qu'au fond les hommes ne savent pas très exactement ce qu'ils font. Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d'une ombre de geste qui pose une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c'est la bâtisse d'ombre qui compte". J'ai souri, encore en repensant au titre du livre: Que ma joie demeure.

Quand j'ai vu les manœuvres de cette petite fille pour obtenir de son père qu'il lui achète une glace. Un refus, net, absolu, catégorique, définitif... Ses arguments, ceux dont on se sert toujours: ce n'est pas l'heure, tu ne vas plus rien manger après, elles ne sont pas bonnes ici, ce n'est même pas un marchand de glace... Leurs deux sourires avec leurs cornets à trois boules en mains dix minutes plus tard.

Quand j'ai vu dans la glace de ce magasin de Camargue, l'allure absolument ridicule que me faisaient ces santiags à bouts pointus que j'avais essayé pour voir. J'ai vu.

Quand j'ai aperçu en vitrine cette serviette sur laquelle était imprimée la gueule grimaçante d'un pitbull. On vendait ça? On pouvait avoir envie de s'allonger sur ça? Sans avoir peur de se faire mordre les fesses?

Quand le tout jeune serveur du restaurant, hésitant m'a proposé, au moment du plateau de fromage: "Là, un petit crottin de cheval"...

Quand, alors que le soleil baissait, j’ai posé mes lèvres sur le rebord de ce verre ballon rempli d’un liquide frais, clair et quand il est passé dans ma bouche que je l’ai arrêté, là pour y goûter. J’en ai souri des yeux…

Quand je me suis couché et que j'ai revu tous ces sourires accumulés qu'une seule journée m'avait offert...


Plage Hossegor

8 commentaires:

Véronique a dit…

et quand je lis votre nouvelle d'aujourd'hui ... je pense que la journée commence bien

vous devriez Chriscot, nous écrire un truc avec les " je me souviens " .... vous voyez !

P a dit…

ah, c'est une journée à sourire...
modestemnt, parce que je viens de retrouver ma "bonne" recette de crumble que je croyais perdue...
merci pour tous ces sourires
PP

la bacchante a dit…

Don't worry, be happy...
J'aime ce regard porté sur ces petits bouts de quotidien qui seraient tombés dans l'oubli s'ils n'avaient croisé une plume.

chri a dit…

@Véronique: Merci... Pour les "Je me souviens" ceux de Georges Perec étaient drôlement bien et joué par Samy Frey qui pédalait pendant une heure trente de spectacle, je ne vous dis pas le plaisir...
@PP, La Baccahante...Merci!

Véronique a dit…

et oui Georges Perec, Chriscot ... mais vous devriez, je suis certaine que ce serait super (be)
moi je commencerai comme çà : " je me souviens d'avoir pleuré à la naissance de chacun de mes 5 enfants" ...

chri a dit…

@Dites, vous ne seriez pas un peu ce qu'on appelle une maman, vous Véronique?
Je me souviens que quand chacun de mes enfants est né les jours qui ont suivi, j'étais chez SOS dentiste assistance...

Anonyme a dit…

Meuh, je la connais déjà cette histoire ! Tu as souri depuis ! Elle est bien mignonne encore tout de même .
Qu'est-ce que tu fais là, au fait ? Ne devrais-tu pas être à Paris ?!
D.Ommaje
PS : on a gagné. Quarante nuques raides ont fait reculer un Recteur qui a réouvert le Serveur de 15à16heures.De quoi encourager les milliers d'autres...

chri a dit…

@D.Ommaje. Bravo! J'y vais, j'y vais!

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