Me bassine pas avec tes états d’âme,
veux-tu ? Sois mignon.
Le monde, ce si merveilleux monde dont tu chantes
les louanges à longueur de jours est à feux et à sangs, à tripes à l’air et à
souffrances et toi, la seule chose qui te vienne à l’esprit, le seul acte que
tu poses, la seul parole qui t’arrive est de venir me pleurnichailler dans les
ourlets à propos de ta récente rupture…
S’il te plait, reprends-toi, ressaisis-toi,
essaye de récupérer une once de décence, un soupçon de vergogne, fais-t-en une
jolie écharpe, couvre-t-en les deux épaules comme s'il s'agissait d'un châle de dignité retrouvée.
Ouvre les yeux, regarde-la, entends-la, la douleur du monde si tu n’es pas
capable de la percevoir. Il y en a plein les journaux, chaque jour que Dieu
fait, les radios en sont farcies et je ne parle même pas des télévisions qui
font leur graisse dessus. Ah, elles ne sont décidément pas faciles à esquiver
les douleurs de la planète et celui qui ne les voit pas c’est qu’il ne veut, simplement,
pas les voir. Avoue qu’il faudrait être un sacré foutu ermite éloigné pour ne
pas en avoir connaissance. Et ce constat fait, la seule chose dont tu veuilles
m’entretenir, le seul sujet de conversation qui te déboule du cœur, ton unique
préoccupation est ta misérable petite rupture…
___ Huit ans quand même…
___ Huit ans, huit ans et alors ?
___ Salaud! Huit années c’est un bail, une vraie
durée, quelque chose de bien installé, qu’on pouvait s’imaginer être un peu
solide…
___ Et alors ? Ce que tu pleures c’est que
ça ait duré si longtemps ou bien que ne continue pas davantage ?
___ Ce que je pleure, ce qui m’attriste, c’est
que je ne vais plus ni la voir, ni l’embrasser, ni penser à elle en souriant
quand nous ne serons pas ensemble, ni l’attendre une pointe d’impatience au
ventre quand elle ne sera pas là, ni faire en fonction d’elle, ni partager avec
elle… Je sais bien ce qui va m’arriver dans les mois qui viennent et ça me fait
peur. Je vais m’éteindre comme une vieille ampoule, je vais avoir froid
aux osses et moi, je n’aime pas le froid…
___ Et alors ? Passé ce moment délicat, tu
vas rencontrer quelqu’une d’autre pour qui tu éprouveras les mêmes sentiments,
les mêmes attentes, les mêmes craintes et tu le sais bien, ce n’est pas ta première
rupture quand même.
À t’entendre on dirait que tu sors de l’œuf, que
tu as dégringolé avec les gouttes de la dernière averse, que tu es un perdreau
de l’année qui a, pauvre petit chéri, manqué l’ouverture de la chasse… Alors
que tu as, quand même, des milliers de kilomètres au compteur, quelques trimestres de carlingue, mon joli capitaine, je suis désolé de te le rappeler aussi
brutalement mais tu n’es plus si jeune, tu serais même plus âgé que jeune si tu
veux mon avis… Une rupture? Estime-toi heureux! À ton âge, les seules ruptures inquiétantes
que tu risques, elles sont plutôt d'anévrisme! Alors, une de perdue.. une de perdue. Point.
L’autre, en faisant demi-tour pour quitter la
pièce, après avoir jeté un dernier coup d'oeil dans le miroir de l'entrée et
essuyé une larme en train de naître au coin d’un œil, a laissé traîner dans son
sillage :
___ Toi, vraiment, je te retiens, c'est la dernière fois que je me confie à toi. Comme psy, y a pas à dire, t'es sans doute un cador, mais comme ami, tu n'es
qu’une bassine à merde...
Et je le sais, en disant cela, je ne suis pas très gentil avec la merde.
Et je le sais, en disant cela, je ne suis pas très gentil avec la merde.
2 commentaires:
ma foi je n'aurais pas eu ces mots, mais l'a pas tort, le malheur du monde n'empêche pas la douleur personnelle, et la penser dérisoire ne peut que la rendre plus navrante, et l'entendre dire dérisoire ne peut que révolter
c'est l'histoire du cul de jatte que se plaint et son copain de lui répondre : c'est bien beau tout ça, mais ça ne m'enlève pas mon corps au pied !
chacun ses petites misères Christian ... oui, je sais c'est pas bien mais quand même parfois, c'est bon de se plaindre un peu ! moi, j'aime bien .......... parfois !
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