22 janvier 2016

Et déjà cabossé.

Pour Les impromptus littéraires de la semaine. Il fallait qu'il y ait une idée de pente...


Il était rouge. Vif. Flambant. Neuf.Tout neuf
Je venais, à peine de le recevoir ce dimanche matin.
Ce sera ton seul cadeau m‘avait-on prévenu. M’en fichais pas mal que ce soit le seul puisque c’était lui. J’étais heureux comme un gosse que j’étais. Je n’ai eu de cesse d’aller faire un tour avec. On y va, on y va ! Je trépignais an tournant autour. Mais les adultes ne sont pas aussi impatients que les enfants. Il a fallu manger d’abord. On ira après le repas, c’est l’heure de se mettre à table maintenant. Je me suis assis en le tirant près de moi, que je puisse le toucher pendant que le temps s’étirait, s’étirait. Ils sont allés jusqu’au gâteau, jusqu’aux bougies que j’ai dû souffler deux fois pour les photos. Jusqu'au café. Les adultes ne peuvent pas se passer de grand chose. Et puis, il a fallu débarrasser. Et secouer la nappe. Alors, alors seulement on s’est habillé chaudement c’est qu’il faisait un froid de canard en cette journée de fin Novembre. Pendant que certains se sont mis à la vaisselle deux ou trois sont sortis avec moi monté dessus mon cadeau. J’étais fier comme un cavalier de musée sabre au clair déclenchant la bataille. Je filais devant eux avec un sourire large comme l’avenue. Ils ont marché sur le trottoir, je roulais au milieu du chemin, puis on a tourné à gauche et on a pris le chemin qui monte dans les vergers. Dans la pente, allons a dit la cousine en pouffant. Arrivés au sommet, d’où l’on avait une vue sur toute la banlieue, ils ont fait une halte. Et puis on a décidé de redescendre, poussés par le froid. Ils avaient les nez de la même couleur que mon cadeau. Tu sais freiner m’a-t-on demandé ? Oui, oui, j’y arrive bien, j’ai dit en tirant les poignées de frein pour leur montrer.
J’ai pris la pente. Et là, après quelques mètres  tout s’est emballé. J’allais vite, de plus en plus vite, je n’arrivais plus à suivre les pédales, j’ai écarté les jambes et j’ai essayé de tenir bon mais je n’ai pas pu. Au bout d’un moment de flottement, je me suis déporté vers la gauche, j’ai tapé de l’épaule dans le mur puis le vélo a tangué et a fini par se coucher dans les gravillons.  J’ai mis les mains en avant et j’ai fermé les yeux. Je crois bien qu’il m’a passé par dessus la tête. Alors, dans un nuage de poussière et de pierraille tout s’est calmé. J’avais les mains en sang, le pantalon déchiré, une plaie saignante à la tête et lui gisait sur le flanc, les deux roues tordues comme une bête blessée.
Ils nous ont portés jusqu’à la maison où on m’a pansé. Mes larmes séchées, je leur ai demandé qu'ils le couchent sur le tapis de ma chambre:

Je vais m’occuper de lui, le pauvre, il est comme moi, si neuf et déjà cabossé, j'ai dit dans un dernier sanglot.

6 commentaires:

M a dit…

Pas une larme ? Rien ? Que de l'em-vélo-pathie ? Mais quel grand garçon ! Je me souviens d'une arrivée un chouia rapide sur gravillons en 103, ça brûle un peu ! Mais moi j'ai fait ma fille !!!

chri a dit…

Ben oui, il a pleuré mais il a surtout pensé à lui, ça faisait si longtemps qu'il l'attendait!

véronique a dit…

quel malheur, quelle tristesse ! comme je comprends votre désespoir !
mais fallait faire attention quand même ... un peu casse cou, non !

chri a dit…

@ Véronique Heureusement c'est une fiction Véronique, il n'empêche que ce petit bonhomme a sans doute eu très mal aux genoux et
à l'égo.

véronique a dit…

vous les racontez si bien vos histoires, que moi, je suis à fond dedans !

chri a dit…

@ Touché!

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