10 janvier 2016

Tu parles.

Pour Les impromptus littéraires. Le thème: Vous ouvrez votre armoire et tout un fatras s'en déverse. laissez nous savourez ce contenu.


Après m'avoir brièvement parlé au téléphone, il a raccroché assez vite, il était en rendez vous m’a-t-il dit presque à voix basse. Il m’avait fixé un jour et une heure pour la semaine suivante. Ne soyez pas en retard avait-il ajouté d’une voix neutre. Pas menaçante, neutre. J’ai entendu qu’il ne fallait pas que je sois en retard. Point.
Ensuite, j’ai passé la semaine à attendre cette date si précise : Disons 15H15 mardi après midi.
J’ai même fait une fois ou deux le trajet en transport en commun puis en voiture pour savoir à quelle heure partir pour ne pas me pointer devant chez lui à 15h 30 par exemple. Il y avait un bar, juste à côté, je m’arrangerais pour avoir le temps de prendre un café et donc d’y entrer vers 15H. À 15h12, le mardi convenu, j’ai poussé la grille qui menait à son cabinet, j’ai traversé la cour, cherché son nom sur les boites aux lettres, j’y ai trouvé son numéro de porte  et je suis entré dans une minuscule salle d’attente où il n’y avait qu’un fauteuil club en cuir et une autre porte. La pièce était éclairée par une jolie lampe coiffée d’un abat-jour jaune posée sur un guéridon ancien, sur lequel on avait posé quelques revues d’art traitant toutes ou à peu près du surréalisme ainsi que de vieux numéros d’une revue littéraire assez pointue. Au mur, un portrait archi connu de Sigmund. On était pas chez un plombier.
J’avais à peine posé les fesses sur le rebord du fauteuil qu’il a ouvert l’autre porte et m’a proposé d’entrer avec un sourire de bienvenue. Son cabinet n’était meublé que d’un autre fauteuil club en cuir marron d’une bibliothèque ancienne à la tête d’une méridienne en cuir recouverte d’un plaid gris à franges. Il m’a invité à m’asseoir sur le canapé et pendant que je me baissais, il s’est laissé tomber dans le profond du cuir du fauteuil. Il s’est saisi d’un crayon gris, d’une sorte de calepin au format d’une feuille A4, il en a extrait une feuille vierge et après m’avoir regardé assez longuement, suffisamment pour qu’un trouble s’accroche à mes deux genoux, d’une voix posée, sereine, en détachant bien les mots, il m’a demandé :
Alors, qu’est-ce-qui vous amène ici, je veux dire: Qui vous a donné mon adresse parce que pour ce qui est de ce qui vous amène vous aurez peut-être l’occasion d’en… parler, plus tard... Était-il au maximum de son humour, je me suis demandé?
Je ne le savais pas encore, je m’en doutais confusément, c’est à cet endroit, dans cette pièce, sur ce canapé, que j’étais, ce jour là, à deux doigts d’entreprendre une longue et incroyable entreprise de débarrassage d’armoire,  de celles qui sont fermées à triple tours dans lesquelles j’avais enfoui, souvent  malgré moi, quelques fantômes, une ribambelle de souvenirs que j’allais devoir extirper d’arrache cerveau, d’arrache cœur, d’abord assis puis allongé, toutes les semaines, le même jour à la même heure, pendant une jolie brochette d’années…

À deux doigts ? Deux? Tu parles.



9 commentaires:

véronique a dit…

c'est bien beau tout ça Christian, mais saurons nous un jour ce qu'il y a d'entassé dans cette "armoire " là !
je crois que vous n'avez pas répondu à la question ! à part les quelques fantômes et la ribambelle de souvenirs ! :o) mais c'est une autre histoire !

je reconnais que le sujet est traité d'une manière on ne peut plus originale !!! vous nous surprenez chaque fois

chri a dit…

@ Véronique Raconter dix ans d'analyse? On frôle l'indigestion!!!

odile b. a dit…

Sans se faire trop d'illusions sur l'analyse qui sortira du crayon gris, la perspicacité de l'analyse visuelle formulée par le patient laisse présager qu'il n'a pas grand chose à attendre ni apprendre de ce petit-psy-riquiqui. Une autopsy, ça vaut mieux pour lui... :(

odile b. a dit…

PS
Je voulais dire : bravo pour le tableau superbement brossé.
Am-biance ! Magnifique ! Le film se déroule... On s'y croit, de À à Z... :-)

chri a dit…

@ Odile Merci à vous!

Brigitte a dit…

Comme si j'y étais ! Il y a toujours beaucoup de choses entassées au fond de nos armoires et parfois bien cadenassées ..
Belle semaine

chri a dit…

@ Brigitte Merci Qu'elle soit belle.

Anonyme a dit…

tu m'en diras tant !
j'en profite pour la bise de bonne année.
Marie.

chri a dit…

@ Marie Merci à toi, les miens aussi!

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