Un homme
amoureux ça se reconnaît. De loin.
C’est
bienveillant, ça se tient un peu plus droit, ça marche plus vite, c’est
distrait et ça sourit bêtement.
C’est donc
un homme amoureux qui a enfourché sa moto ce matin là.
Ils
s’étaient rencontrés presque un mois auparavant dans une salle de restaurant.
Lui devait y manger avec des amis qui lui ont fait faux bond, elle, elle a
attendu quelqu’un qui n’est pas venu. Le destin, quand il s’en mêle sait
comment s’y prendre. Ils étaient à une table l'un de l'autre. Ils se sont
souri puis ils ont mangé ensemble et ils ont très peu parlé. Ils se sont
séduit et en une semaine c’était plié, ils entraient dans le monde
merveilleux, au moins au début, des gredins amoureux. La ville où ils vivaient
était devenue souriante, tous les restaurants étaient accueillants et ils s'y
régalaient en se regardant dans le blanc des yeux avec une telle intensité
qu'ils manquaient parfois de croquer dans l'assiette. Bien sûr tous les films
qu’ils voyaient étaient superbes même s'ils n'en regardaient pas longtemps: un
peu après le générique ils étaient déjà dans le cou l'un de l'autre. La seule
vue de deux pigeons roucoulant dans un parc leur provoquait des soupirs d’aise,
des regards énamourés et des désirs d'embrassades…
C'est dire
à quel point ils étaient contaminés.
Tout ou
presque de ce qu’elle faisait, disait, pensait, portait était magnifique,
sublime, si drôle, séduisant, charmant, comme ça te va bien cette jolie robe et
l’inverse presque pareil. Elle, elle qui avait un peu tiré le frein à main au
départ, elle sortait d’une rupture qui l’avait profondément blessée, elle
n'était pas prête à revivre certaines situations mais finalement, elle s’était
laissée emporter par l'orage et ses éclairs tonitruants. Elle le trouvait
amusant, sensible, fort, protecteur, beau, prévenant, à l’écoute... Il la
faisait tellement rire avec ses vêtements qu'il jetait négligemment n'importe
où et puis ce désordre qu'il savait créer en un tour de mains... Ce gars
m'offre une fleur par jour tu te rends compte? Bref, il était vite devenu
l'homme parfaitement IDEAL.
Et elle
était très heureuse d’avoir su poser son cœur dessus !
Dans deux
jours, ça ferait un mois qu’ils habitaient ensemble. Un joli petit nuage au
quatrième sans ascenseur. En dehors de leurs boulots, ils n’en descendaient que
très rarement. Ils allaient faire prendre l’air à leur bonheur tout neuf et
puis ils rentraient. Ils avaient déjà repeint la chambre et allaient s’attaquer
à la cuisine. Ils étaient encore mieux ensemble qu’aux premiers jours. Un mois…
Il fallait fêter ça. Une course à faire avait-il dit. Elle avait été étonnée
qu’il sorte sans lui proposer de l’emmener… Eux qui ne se quittaient que très
rarement. J’en ai pour une heure avait-il dit… Puis il était sorti.
Il a garé
son engin devant la bijouterie qu’ils avaient repérée ensemble dans le quartier
voisin. Il en est descendu, il a traversé le trottoir en volant à dix
centimètres au-dessus du bitume. Puis, il a poussé la porte. C'est en pleine
poitrine qu'il a reçu la première volée de plombs. La deuxième lui est arrivée
dedans quand il était à terre.
Tout à son
affaire, il n’avait pas pris le temps d’enlever son casque. Un homme amoureux
c’est souvent distrait. Il est mort pendant son transfert à l’hôpital. Le
bijoutier n’avait pas voulu ça mais vous comprenez, de nos jours, j’ai eu peur,
ce type, dans la boutique, avec son casque…
Depuis un mois qu'on avait, dans ce pays, autorisé les commerçants à avoir un fusil sous leurs
caisses, c’était, dans la capitale, le troisième amoureux qui tombait, criblé, dans une mare de
sang, sacrifié, malgré lui, au champ d'amour…
12 commentaires:
Oh non c'est horrible !!!....
@ Brigitte
Ça l'est!
En effet mais de le lire, ça plombe la matinée ... et le moral ...
@ Brigitte Je suis désolé... J'espère que tout est bien revenu maintenant, déplombé!
Merci de me tendre le pistolet pour tirer à boulets rouges sur les marchands d'armes.
Mais avant tout, ceux que je vise ce sont les fabricants et marchands de jouets qui vendent des armes, de parfaits sosies des vraies ! à des parents inconscients qui vont les offrir à leur bambin. L'autre jour dans le bus, il y a un bout de chou de même pas deux ans qui m'a mise en joue !
Tant que ces armes factices ne seront pas interdites à la vente, on fabriquera de la graine de violence.
@ Tilia Les parents pourraient aussi se poser la question.
Et ce ne sera bientôt plus de la fiction Christian ! nous y sommes ...
oh malheur de malheur !
@ Véronique Surtout aux USA!!!
Brrr... :'(
@ Pastelle
N'est-ce-pas?
Wow, on prend tout en pleine gueule.
Pour une fois qu'une histoire d'amour allait se terminer bien chez toi...
Au début je me méfiais, je me disais cet amour va mal tourner comme les autres en général chez Chri, et puis ma méfiance était en train de s'endormir, je commençais à y croire, à ces amoureux. Je n'ai pas pensé que le malheur allait venir d'ailleurs.
Quand à l'atmosphère de l'époque, je ne peux que rejoindre tes craintes...
@ Nathalie Je suis quand même un peu désolé que ça ne se finisse jamais très bien... Et en même temps... Rien ne se finit jamais très bien! :-)
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