03 octobre 2015

Mon histoire de Fès.

                            Hospitalisé vingt quatre heures, une rigolade, pour une  petite opération, autant esthétique que potentiellement enquiquinante. Mon petit ne pourra plus jouer avec ma boule mais ce n’est pas trop grave, il s'en trouvera d’autres. Pourtant,  celle-là le faisait beaucoup rire. Il faut dire que j’avais eu la bêtise d'envoyer pouêt quand il appuyait dessus en la faisant rentrer dans sa cachette. Et dire que j'allais le priver de ce plaisir là. 
Indigne Opa.
À la clinique des éclopés temporaires où j’avais été admis, (les hôpitaux, c’est comme dans les facs ou les clubs privés, on y est admis, ainsi on s’y sent déjà mieux accepté que si y entrait simplement, ce qui est habile) j’ai remarqué qu’on y parle de pognon bien avant d’évoquer le moindre soin. Dès votre arrivée, la première chose qu'on vous demande c'est comment réglez vous? Dès votre entrée dans le hall, on vous prévient d'avertir votre mutuelle que ça va dépasser, forcément,  qu’on aura à payer plus qu’on ne sera remboursé et que ce serait bien que vous payiez maintenant, voyez. La confiance règne en plus.
Je passe sur l’ambiance pourrie en salle d’opération où, en attendant ma giclée de sommeil lourd, j’entendais les infirmières s’engueuler méchamment. Et bien entendu je me suis fait un film. Elles vont régler leur compte sur mon dos, c’est moi qui vais tout prendre, elles vont me massacrer, je veux partir d’ici, laissez moi sortir. Pas l’idéal pour la sérénité. Ma tension est montée, comme l’ambiance. Pourtant je ne me pensais pas trop stressé. Il faut savoir qu’on peut très bien se mentir joliment. Alors, sur un dernier regard bienveillant, celui-là, de l’anesthésiste j’ai sombré.
Je me suis réveillé dans la salle de. Sur une sorte de nuage cotonneux, dans un brouillard épais, enveloppé de brumes denses. Puis, on m’a remonté dans ma chambre. Là, il y avait cinq ou six personnes qui parlaient plutôt très fort une langue inconnue.
J’ai compris que c’était la famille de mon voisin de lit. Oui, je me souvenais de lui, maintenant. Il s’appelait Ahmed, je lui avait dit: à tout à l’heure quand ils étaient venus me chercher pour m'ouvrir.
Ahmed ? Comment vous le décrire ? Un Jacques Villeret de Fès ? C’est ce qui s’approcherait le plus. Lui, il venait pour une colo. Scopie. On avait un peu parlé avant que je descende. Je lui avais dit que je vivais seul et que personne ne viendrait me visiter. Contrairement à lui, où c’était le défilé.
« Une femme ? Tu devrais aller au Maroc et t’en trouver une. Il n’a pas dit acheter, Ahmed, c’est moi qui l’ai entendu très fort.
C’est pas bon pour un homme de rester seul. Il travaille dans la journée et  le soir quand il rentre il faut qu’il se repose. S’il a une femme à la maison, il peut. Sinon il faut encore qu’il fasse ménage et courses et cuisine. Avec une femme tu partages les tâches. Tu apportes les sous et elle tient la maison.»
J'ai un peu essayé de lui dire que ce n'était pas trop ma façon de voir les choses mais j'étais quand même bien diminué...
Je vous vois venir et je vous arrête de suite. N’allez pas vous figurer que je hurle avec les Moranos. Si vous prenez la peine de, parfois jeter un œil sur "l’amour est dans le pré" qui parle aussi du sentiment de solitude dans les Causses profonds, les contreforts cévenols ou dans les monts d'Arrée, vous n’entendrez rien d’autre. Ne mettons pas ça sur le dos de la nationalité d’Ahmed. Et, quand la famille d’Ahmed est venue le voir pendant que je revenais avec un peu de mal d’entre les endormis, ils auraient été six de l'Aveyron, ils auraient fait autant de bruit.
Ça résonnait comme une musique étrange dans mes brumes empêcheuses.

Je l’ai eu au téléphone ce matin, Ahmed, sa scopie s’est bien passé, il n'a rien, il est rentré chez lui. Ils s'apprêtaient à fêter ça. Et, je suis invité à Fès quand je veux, j’ai son numéro. Il suffit de l’appeler. Il me recevra. Il m’en trouvera une... Une jolie, qui reviendra avec toi ici et qui s'occupera bien de toi et de ta maison, il a dit.
En somme, avec son invitation, j'ai pensé bêtement qu'Ahmed me promettait tout, même une possible histoire de Fès... 


10 commentaires:

Pastelle a dit…

Il faut y aller. C'est très beau Fès. Comme tout le Maroc. Et je suis sûre qu'il était sincère.

chri a dit…

@ Pastelle Je le crois aussi!

Tilia a dit…

"ils auraient été six de l'Aveyron, ils auraient fait autant de bruit"

Après avoir accouché de mon fils à la polyclinique d'Avignon, même si la péridurale c'est génial, j'étais HS. Et je n'avais qu'une envie : DORMIR !
Malheureusement, comme votre Ahmed, ma voisine de chambre recevait toute sa bruyante et irrespectueuse smala. Il y avait même une personne qui s'était assise au pied du lit, sur mon matelas !!!
Autant dire que lorsque mon mari a vu ça, il a eu vite fait de les faire dégager, tous ces portugais !

Rebelote, après la naissance de notre premier petit-fils à la maternité de l'hôpital de Saint-Cloud, notre fille étant dans une chambre à deux lits. mon mari a été obligé de hausser le ton pour faire dégager toute la clique de BCBG qui avait envahi la pièce au point que nous n'avions même pas la place d'entrer !

chri a dit…

@ Tillia Heu...

Tilia a dit…

Chri, ne vous méprenez pas : j'abonde dans votre sens pour dire que peu importe la nationalité (ou la classe sociale) il y a des sans-gêne partout !

chri a dit…

@ Tilia Ah! Ouf!!! :-)

véronique a dit…

Moi qui ai travaillé 25 ans au bloc opératoire ... les choses auraient elles donc radicalement changé ! "de mon temps " la surveillante caporal chef veillait au bon fonctionnement de ses petits soldats ! c'est moi qui vous le dit ! pas question de jacasser !
bref !
votre histoire de Fès me fait bien sourire Christian ! avouez que c'était fait pour ! ah la la ...

vous allez bien ?

chri a dit…

@ Véronique Ah mais il fallait les entendre s'engueuler, les deux harpies... Elles ne mettaient pas dans des conditions idéales. On était loin de l'ambiance feutrée yoga zen. Et je passe sur le brancard pas fixé, j'ai failli tomber en me mettant sur la table avec ma jolie tunique seyante et sexy... Mais oui, ça va et heureusement qu'Ahmed était là pour s'occuper de ma vie... domestique.

Brigitte a dit…

Moi j'en ai entendu parler de leurs vacances au dessus de ma tête ...
Bon s'engueuler c'est moins fun !!!
Bon remède trouvé, tu n'es plus qu'à rendre visite à ton nouveau pote et plus de soucis domestiques ...
Bonne semaine

chri a dit…

@ Brigitte Mais moi, je n'ai aucun souci domestique! Tout va bien de ce côté là!

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