31 juillet 2010

Tu es pénible, tu sais?

Qu’est-ce-qui te prends de, sans répit, nous les prendre, ceux qu’on aime? Tu ne peux pas nous les laisser encore un peu, un siècle ou deux? Qu'on se profite, les uns des autres? Qu'on se serre? Qu'on s'embrasse? Qu'on se regarde et s'en dise? Qu'on s'admire?
Qu’est-ce qui peut bien justifier cet empressement, cette avidité, cette boulimie?
Il n'y aurait pas moyen que tu t'occupes en priorité de ceux qui nous pourrissent la vie? De ceux qui nous veulent du mal? De ceux qui nous font souffrir? Non? Ça ne te vient pas à l'idée? Il faut tout te dire, alors?

Tu es pénible, tu sais? Un jour, si tu continues, on va finir par te détester... à mort…



Extrêmement pénible, même… Philippe Avron est mort le 31 Juillet 2010 des suites d’une longue maladie…

30 juillet 2010

D'accord, Ida?

“Le parlement régional de Catalogne a approuvé mercredi 27 Juillet 2010  l'interdiction des corridas, par 68 voix contre 55.
Une "initiative législative populaire" était à l'origine du vote.
Les opposants à la corrida étaient de plus en plus nombreux en Catalogne. L'ILP (initiative législative populaire) promue par la plate-forme "Prou !" (assez) avait recueilli l'an dernier plus de 180.000 signatures pour réclamer la révision d'une loi catalane qui interdit de tuer ou de maltraiter des animaux lors de spectacles publics, à l'exception des courses de taureaux. Des organisations internationales de défenses des animaux réclament aussi l'interdiction d'une pratique qu'ils jugent cruelle et obsolète.
Plusieurs régions d'Espagne, dont celle de Madrid, ont annoncé leur intention d'inscrire la tauromachie à leur "patrimoine culturel" pour protéger cette tradition, mais les anti-corrida gagnent du terrain aussi dans le reste du pays.
La Catalogne est la deuxième région d'Espagne à interdire la corrida, après les Canaries.”

Ça avance, ça avance...

Corrida


L’ami Zanthrope.

___ Non mais regarde-moi laids comme ils le sont!
Je déteste arriver où il y en a déjà. Là, à l’endroit pile où je voulais me poser. Ou pas loin. Je les déteste. Ils sont bruyants, futiles, superficiels, malpolis, mal élevés, ils s'étalent et se répandent, ils envahissent, ils intrusent… Et puis, quand même, tu ne crois pas qu’ils pourraient les ramasser leurs détritus, leurs papiers sales, leurs bouteilles de bière? Figure-toi que j’en ai retiré une de la rivière, l’autre jour. Est-ce que tu te rends compte? Et leurs filtres de clopes? Pourquoi suis-je, moi, obligé de le faire?  Alors que j’ai arrêté de fumer depuis maintenant jolie lurette?
___ Dis moi, il y a quelques temps, ce n’est pas toi qui, vers l’auxois en inondait un terrain entier, durant des étés entiers? Même que tu n’aimais pas trop qu’on te le fasse remarquer…
___ Oui, oh ça va, mets toi de leur côté, prends leur parti, encourage les, pendant que tu y es! Tu ne sors pas de chez toi, ou quoi? Tu ne les vois pas faire? Ils te bousculent pour un oui, pour un non, ne te disent même pas bonjour, te prennent ta place dans n’importe quelle queue, font exactement comme si tu n’existais pas, il faut les voir! C’est simple, ils sont en dehors de chez eux comme chez eux! C’est devenu impossible de les fréquenter. Et ce n’est pas une question d’âge! Les vieux comme les jeunes, les entre deux, même sac…
___ Tu sais quel est ton problème? Dans le fond tu es un misanthrope. Voilà ce que tu es!
___ D’accord avec toi, je suis d’accord avec ça mais je nuance. J’en suis un, si tu veux, mais alors, je suis un misanthrope qui aime... des gens…


juil 006

29 juillet 2010

Le corps de l’écrivain…

C’était le thème de la semaine pour les Impromptus littéraires. Je me suis assis au bureau, j’ai attendu et cherché un petit peu, ça m’est venu, allez savoir d’où:
Le corps de l’écrivain c’est d’abord une jolie peau lisse, bien choisie, une qui s'accorde à ce qu'il veut dire… Une, qui, sur les mots, l’empêche de trébucher. Une qui ne le rende pas vert d’anathème.
Qu’il romance ou écrive son courrier ou rêve de Broadway.
Le matin au dépliage du Times après avoir travaillé à son nouveau roman, en écoutant l’ Aria L de Bach, relisant des Baskerville les chiens, qu’il trouvait comique mais sans plus, avant de s’envoler avec il signore Bodoni vers Berlin, pour y voir une expo du century consacrée au Bahaus, grâce à l’Algerian air lines, il s’offrait un Estrangelo Odessa, à base de vodka qu’il avait bu pour la première fois hôtel Castellar à Cuba ou bien un Eras Bold bien tassé ou bien encore un Cooper Black. Au choix !
Ensuite, dressé sur sa bécane, une bonneville  Elephant de huit cent cc, il filait, traversant la Franklin Gothic avenue, vers l’aéroport Garamond, Georgia on my mind dans les écouteurs.
Dans sa valise Gill sans ultra bold condensed, l’essentiel : Un petit Robert.
Il sourit devant l’immeuble Haettenschweiler là où il avait écrit son premier book : Antiqua, et laissa derrière lui le musée Harrington. En vrai, il avait hâte de constater l’impact du prochain et de descendre un juice de passiflore au Latha, le bar de l’aéroport. Le fruit de la passion était la boisson préférée de  son grand amour, Lucida Bright, la soeur de Perpetua Titling, fille de Palatino Linotype, l'éditeur en vogue, avec qui il avait rendez vous. Partiraient-ils un jour tous les deux vers Tahoma ?
En attendant, ç’allait être encore une belle journée. Une journée qui a raavi, une journée à perdre son wide latin.
Une journée banale d’écrivain lambda, quoi...

En même temps cela peut être un jeu d'été:  Combien de polices de caractères sont-elles citées dans la note?


Divers

Ou alors la fin?

Et puis peut-être que la semaine prochaine je pourrais me contenter de la fin…

Rien n'est encore joué, avait-il pensé. En se mettant à l’eau, s’il résistait à la fatigue, les courants de la marée montante pouvaient le porter dans la Charente jusqu’à Rochefort et, de là, un train pour Paris…
Il faisait semblant de croire à ça.
A dire vrai, cette idée lui servit à effacer l’autre, bien plus certaine, de son corps gonflé, noirci, rongé par le sel, bouffé par endroits et rejeté par la mer à la prochaine marée...
J’avais des tas de choses à voir encore: une plage des Roques au couchant, plonger dans le cristal pur d’un lagon des Marquises, se rouler dans des touffes d’asphodèles flottant sur Calgala, un truc dans le genre, entendre un opéra à Vérone, sécher trois gouttes de larmes d’enfant, goûter une Romanée Conti…
Il entra dans l’eau et s’y enfonça droit devant lui. Derrière, les chiens se rapprochaient. Il sentit le gluant de leur bave, le chaud de leur souffle sur sa nuque. Il s’avança d’un mètre. Et, d’un coup, sous l’effet du froid qui l’engourdit il n’eut plus mal. Nulle part. Ni peur. De rien.
Il était devenu inaccessible à tout. Il n’était déjà plus là. Il ressentit cela comme une délivrance. Rien ni personne n’y pourrait désormais plus rien. Il faisait partie de l’air, il était redevenu une parcelle de cette terre. Il se cru sauvé. Il N’AVAIT PLUS D’ESPOIR.
Quand il eut de l’eau jusqu’au cou, il se mit à se débattre un peu contre le courant qui glissait sur lui en l’attirant. Il n’avait alors en tête que l’image d’un corps de femme étendu sur une plaque de métal, recouverte d’un drap blanc, enveloppé d’une odeur d’éther. Elle lui sembla sereine, elle était nue, et lui souriait en l’attendant.
Il entendit alors le ronflement d’un moteur et malgré les vagues, il vit le zodiac surgir de derrière la Pointe des Saumonards. Ils étaient cinq à bord. Vêtus de noir. Quatre assis sur les boudins, une arme sur leurs genoux, le dernier à l’arrière qui pilotait.
La Forêt! S’y cacher, attendre.
La douleur s’abattit sur lui comme une pluie de poignards. Merci, merci pour cette minute, on me l’a laissée. Je verrai le soleil inonder le sommet des grands pins demain matin, une fois encore, je m’en foutrai plein les yeux… Oh bordel de merde le vernis que je suis…
Il fit demi-tour et ne vit pas la balle arriver de la plage. Elle fit un trou très propre dans sa joue et, au passage, déposa un peu de sa cervelle et quelques unes de ses idées sur une gerbe d’écume.
Alors, il n’eut plus qu’une fraction de seconde pour se dire que de toutes façons, la flotte était vraiment trop froide. C’était fini pour lui.
Est-ce que ça continuait pour les autres?
Il n’eut pas le temps de trouver un début de réponse à cette question. Ça l’aurait pourtant arrangé de savoir. Il se ramollit très vite et se laissa couler lentement. Enfin en paix.
Il ne resta plus de lui qu’une tâche rouge sur l’océan, très vite diluée par le fort du courant…”


Plage

Tout ça ne sonne pas exactement Provence profonde, mais bon, avec un peu d’imagination...

25 juillet 2010

Surveillé, en résidence.

Voilà trois semaines que je suis consigné, assigné, surveillé en résidence dans ce mas magnifique, tout en larges restanques ombrées de cerisiers, d'oliviers, d'amandiers et je n'ai pas pondu UNE ligne…
Ah ça, des bains j’en ai pris et des cocktails, j’en ai descendu, mais des lignes, je n’en ai allongée aucune ou si peu. Enfin, aucune que je puisse décemment montrer à quiconque.
J’aurais dû savoir, j’aurais dû ne pas accepter quand j’ai vu le descriptif de cet ancien mas transformé en hôtel de luxe… Je suis incapable d’écrire avec une piscine à proximité. Trop faible. Je ne sais pas résister. Il n’y a qu’aux pages blanches que je  sache faire. Et puis ces cigales qui n'arrêtent pas, quelle misère! C'est en Norvège qu'il faut faire les résidences, pas ici, pas en Provence.
Trois semaines et pas même un petit début de paragraphe acceptable à mes yeux. Je ne montre rien à personne. Je travaille, dis-je… Dans deux jours nous avons une lecture commune, il faudra bien leur donner quelques phrases à entendre si je ne veux pas être ridicule. Il y a là, la crème de la nouvelle littérature régionale. Ils ont eu l’idée de regrouper ce qui compte de petits talents dans une villa du coin pour un mois tout entier, celui de Juillet. Nous sommes une petite huitaine, trois garçons cinq filles et ils ne se sont pas moqués de nous. L’endroit est un vrai petit paradis. A flanc de colline avec vue sur les deux villages les plus huppés du coin, une piscine grande comme un océan, des chambres au confort douillet (non pas le judoka, l’autre…) Une cuisine à faire la sieste et du personnel agréable comme une brise de terre. Une liberté totale dans la journée, très peu de rendez vous de presse pendant le séjour et des collègues avec qui on partirait volontiers en vacances. Malheureusement, je ne peux rien vous dire des soirées passées jusqu’ici, une clause dans le contrat me l’interdit…
« Pêche à la ligne »
C’est ainsi qu’ils ont appelé l’opération. Une idée de génie d’une conseillère à la culture qui nous avait à la bonne, propriétaire d'un mas, pas loin. Depuis qu’il a été nommé, le nouveau Ministre de la Culture ne sait plus où donner de la tête pour se faire bien voir des intellectuels que son Président préféré aurait un tant soit peu chagrinés. Du moins c'est ce qui se murmure, moi, je suis comme une femme de ministre du budget, je ne fais pas de politique... Il s’empare de toutes les idées qui passent même les plus douteuses. Mais il y a des wagons dans lesquels il vaut mieux être. Même si on peut penser que c’est une formidable pub pour le complexe hôtelier qui vient à peine d’être inauguré. Des tas d’articles de presse, locale et régionale au début de l’affaire et ponctuellement, une ou deux émissions de radio et télé dans le milieu du séjour… Le fait que le frère du ministre de la culture soit le PDG de la chaîne n’a rien à voir dans le choix de cet hôtel. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit.
Et si je ne pondais rien ? Pas un mot ? Comme un acte ultime de résistance ? Comme une rébellion ? Comme un acte?
Qu’en penserait-on à Paris ? Voilà que je suis atteint, moi aussi ! On s’en foutrait à mort à Paris, il est là, le vrai. La triste et terrible vérité c’est que le monde s’en fout. Et puis je pas très envie de griller le filon, quand même, je ne suis pas absolument dingue!
Bon, je vais juste attraper le manuscrit du roman, "Aux bouts de l'Île" que je traîne depuis dix ans dans tous mes sacs et dont personne ne veut, allez savoir pourquoi… et je  m'en vais  recopier le premier paragraphe. Pour une première lecture, ça fera la rue Michel et m’assurera une semaine de répits. Pour la suite, il suffira de l'assaisonner avec un peu de thym, de lavande, d'huile d'olive, un poil d'accents, trois ou quatre roulements de mistral et ça collera bien à quelque chose d'ici...
Allez roule :

« La voiture s’engagea sur la place de la Concorde déserte. Elle venait droit de la rue de Rivoli.
La nuit faisait son boulot de nuit depuis plusieurs heures, déjà. L’immense espace désert n’était que rarement éclairé par les traces rouges et fugitives de taxis fatigués. La berline noire s’échoua en bordure de la place, du côté du fleuve auprès du Pont de la Concorde.
Ça tombait bien qu’il soit là celui-là, puisque c’est pour lui que les quatre types dans l’anglaise, perdaient leur nuit.
Ce soir, c’était celui de la Concorde, celui d’avant celui d’Austerlitz. Pas l’étage des voitures, celui des métros… Depuis qu’ils avaient débuté, ils les avaient presque tous presque parcouru au moins deux ou trois fois. Ils commençaient à en connaître chaque centimètre carré, chaque piège, chaque appui possible, chaque risque. Ils en étaient à ne plus les redouter. Il n’y avait plus qu’une chose qu’ils craignaient par-dessus tout, c’était la pluie. Elle rendait les choses encore plus difficiles, encore plus dangereuses, encore plus folles. Heureusement, bien que le ciel menace, les gouttes s’étaient tenues tranquilles ces derniers jours et si l’air était humide, le pont et ses à-bords, eux étaient secs. Les portières de la voiture en s’ouvrant lâchèrent un nuage bleu de fumée de blondes qui s’évapora dans le gris dense de la nuit... »

La crise? Quelle crise? On faisait quand même un boulot formidable! Il suffisait d'un bon carnet d'adresse... Quinze phrases pour huit jours supplémentaires au paradis, merde, c’était rudement bien payé !

Bonnieux N&b 1

20 juillet 2010

Heureusement qu'au partage...

Sur la terrasse, trône une plante en pot avec qui j’ai une histoire particulière. Sans aller jusqu’à tout  livrer de notre tumultueuse relation, blogguer n'est pas non plus s'épandre, je peux juste dire que je l’ai, à plusieurs reprises sauvée du naufrage, enfin naufrage si on peut appeler ça, comme ça pour une plante… Disons, pour être plus juste, qu'elle a, grâce à moi, échappé, plusieurs fois, à une mort certaine. J’y suis donc attaché. Syndrome de Stockholm, de Copenhague ou d'Ader?
Cette saleté, (tumultueux, les liens...) verte, pour sans doute se démarquer des remerciements qu’elle me doit, peut-être aussi pour rester fidèle, aux “fruits” qu’elle donne, à ce qu’elle est: un câprier, (dans une salade, quelques câpres ça va, mais quand il y en a trop,  ça pose problème…) s’est tout simplement bornée ces derniers temps à m’infliger une leçon de vie.

En effet, voilà ce qu’elle m’a, l'affreuse, donné à voir en, à peine, quelques jours:

Câprier 6  Câprier 13 Cârpeir 10
Une jeunesse tonitruante…            Un milieu de vie vacillant…          Et enfin, une affligeante débandade…

Si ça n’est pas un sacré foutu raccourci de la vie!
Je ne te remercie pas.
Le câprier? C’est fini! Et dire que c'était la plante de mon premier amouououour....

Heureusement, il me reste la douceur du Partage des eaux où, le soir, à l’heure du bain, les grands arbres nappés de la lumière paisible d'après le plein feu, attrapent dans leurs ramures saupoudrées d'or, les pêcheurs, plongés jusqu'aux aisselles, dans sa fraîcheur musclée….
 Île au partage

17 juillet 2010

La fête d'à côté...

Le vent, qui avait soufflé dès le lever du soleil, nous avait, lui aussi, abandonné.
A deux maisons de là, depuis qu’il avait disparu, depuis qu'en se couchant il avait ensanglanté tout l'Ouest, une fête avait débuté.  Elle battait, maintenant, son plein. Dans la touffeur écrasante de ce soir de Juillet, le volume du son, jusqu’alors raisonnable, avait grimpé de quelques étages, sans doute après la descente des premiers verres et la chute du jour. Le sombre qui s'en vient favorise ça. On parle plus fort dans le noir. Pour habiter sa peur?
D’elle, pas si loin, ne nous parvenait même pas le bruit des vagues tant elles devaient être minuscules.
D’à côté, toutes fenêtres ouvertes, à cause de cet épisode de canicule, on entendait distinctement les éclats de rire, les phrases dans les conversations, la musique joyeuse. On attrapait très nettement les tintements des verres, les exclamations de contentement à l’arrivée des bouteilles. On ne voyait pas les convives mais on pouvait se douter qu’ils n’étaient pas assis, à table, on se disait qu’ils pouvaient être debout autour d’une piscine. On percevait les rires des enfants, les plongeons dans le bleu, l’énervement des deux ou trois chiens, leurs aboiements presque incessants. On entendait tout ça et on en fut d’abord vaguement fâché, puis plutôt agacé et enfin très enrougné. Malgré la chaleur.
On a bien essayé mais on n’a pas encore réussi à lâcher son livre.  A cause du bruit qu’ils faisaient, à cause du vacarme de cette bande en goguette. Le type écrivait: "II faut être comme l'arbre à papillons, prêt à accueillir le bonheur et, tu verras, il viendra sur ton épaule. C'est un jour de grande fatigue, en fermant les yeux que je l'ai vu…" C’était  vers  la fin.  Le titre?  Les dames de nage*...
Qu’est-ce-que c’est que ces gens qui s’amusent, jusqu’à pas d’heure, à deux jardins d’ici? Qu’est-ce-que c’est que ces gens qui, dans l’épaisseur moite ne pensent qu’à plaisanter, parler fort? Vont-ils avoir l’audace d’aller jusqu’à chanter? Ils l’ont eue. Ils se sont mis à reprendre en chœur des chansons de marin avec une disgrâce impensable. Bon Dieu, ce qu’ils chantaient faux! Comme elles étaient massacrées les pauvrettes! Les reconnaître sous les fausses notes était presque un jeu. En voilà qui feraient bien mieux de se taire au lieu d’en rire bêtement. Chorale d’alcooliques!
Et la nuit qui s’avance. Jusqu’où vont-ils aller? Jusqu’au petit matin? Non? Si?  Comme on les trouvait ridicules avec leur bruyante java malgré l’ambiance générale…
On se disait: “Ils n’ont pas eu la nouvelle, ces gens là ou quoi?”
Comme on leur en voulait de leur rieuse et tonitruante bamboula…  
Bernard Giraudeau venait d'être porté perdu et, eux, n'en faisaient qu'à leur fête...
Comme la joie des autres  pèse son wagon d'enclumes quand notre propre humeur se met à vaciller...

Gwad 08 131

* Les  dames de nage. Bernard Giraudeau. Editions Métailié.

13 juillet 2010

Page d’été… Dachrioserum 5 cc.

Pour s’extraire un temps de l’agitation avignonnaise, calorigène, over-peuplée et un poil éprouvante…


juillet 030 
juillet 004


juillet 029

 Fleur de bord de route


juillet 012

Quelque part, une porte à côté, vers Valensole, le village de Bauduen et le lac de Sainte Croix…
(Page garantie, malgré les champs de lavande, sans aucune citation de Mistral, Pagnol, Magnan, Giono...)

11 juillet 2010

Doux zan…

Quand j’ai besoin d’en avoir dix, douze, je sais où aller. C’est une pinède à quelques tours de bicyclette de la maison. Oh ce n’est vraiment pas loin, pas  même une petite fatigue, tout juste un début de transpiration.
Je la traverse, je ferme les yeux… Heu… j’y monte, je m’y arrête, je me mets sur le bas côté de l’étroite route, et là, je ferme les yeux… L’été c’est encore plus fort, à cause de la chaleur qui renforce l’odeur, à cause, aussi des cigales et de l’incessant raffut zélé qu’elles font…
Dès qu’ils sont clos, j’ai dix ans, douze, peut-être et je marche, un rouleau de réglisse à la bouche, dans la poussière légère d'un large chemin de terre brune, presque rouge,  parasolé de pins gigantesques, avec, à main droite, l’électrique bleu de la mer.
C'est une petite troupe très équipée, vient à peine de débarquer du bâteau des îles. Nous partions de Juan les pins, mais parfois nous pouvions aussi partir de Cannes. Après une demi heure de traversée, comme des Colomb d'opérette, nous avions accosté à un des quais de Sainte Marguerite ou bien Saint Honorat, je n’ai jamais bien su lequel nous accueillait. Il fallait alors vérifier que personne n’était resté dans la caravelle (en vrai un belle grosse barge plate qui carburait, pout pout pout au  gas-oil, une odeur qui parfois pouvait faire un peu vomir…), que nous étions tous et chacun chargé de juste: Parasols, rabanes, glacières, boules, pour après la sieste, sac de plongée, palmes, masques, tubas, celui pour les oursins… Oui, il était un peu interdit d’en ramasser mais pas pour nous, pas ce jour… Alors, nous nous mettions en route, chargés comme des mules, accompagnés du  seul bazar lancinant des cigales.
La première chose à faire était de trouver la bonne criquette, où s’installer pour la journée entière. Il fallait du plat pour les couvertures, qui étaient épaisses à cause des aiguilles, de l’ombre pour les  anciens, une petite plage si possible pour aller au bain sans trop se blesser les pieds, une allée, pas trop caillouteuse pour les boules d'après les siestes, une présence pas trop proche de voisins prévoyants qui auraient pris le bateau d’avant… Bref, ce choix était une grande affaire  d'adultes, nous, les petits, n'y avions chapitre. Le choix prenait du temps et pouvait parfois tourner vinaigre…
Quand j’ai un peu de temps devant moi, sous ma pinède, je peux aller jusqu’à revoir ma  belle Jeanne de grand mère, dans un mètre d'eau, tout sérieux dehors, concentrée comme un joueur d'échec, sérieuse comme une papesse, avoir les gestes comme il faut de ses bras, mimant de savoir nager, les pieds  touchant bien le fond… Je peux aussi revoir mon Tony de grand-père qui, de cette journée toute entière, n’attendait que l’heure des boules pour enfin revivre, et puis ma douce de Marie d'autre grand mère, nous préparer les pan-bagnats dégoulinant de l'or liquide d'une huile d’olive de chez Roux de Saint Paul et d’amour de nous, et, enfin, mon Henri d'autre grand père, ses espadrilles dans l'eau, son immaculé marcel sur sa ronde bedaine, au bout d'un bras, une canne à pêche, la main levée, ébahi devant une girelle suicidaire…
Quand j’en ai besoin, quand il me faut revoir le petit garçon parmi les pins, en sandales de curé et maillot de bain en crochet qui pendouille, je vais juste me poser sous la pinède, pour avoir dix, douze ans, un rouleau de réglisse en bouche, et revivre quelques secondes le temps béni où les questions ne se posaient pas, celui où il s’agissait  simplement de profiter, ensemble, des minutes qui allaient s'écouler, là, dans le zinzinulement zézéyant des cigales.  Quand j'ai besoin de les voir, de passer un moment avec eux, de penser à eux, de m'en souvenir, de discuter le bout de gras avec, c'est dessous ces pins que je viens.
L'alchimie fonctionne à chaque fois.
A se demander si désormais, depuis qu'ils sont morts, ce n'est pas là qu'ils vivent, quelque part, sous une pinède à deux pas d'ici...

juillet 014

05 juillet 2010

Mercato d'été...

Corse Mai
Maria... Maria... Mariage...
Dire mon admiration sans borne pour ces jeunes gens qui se fichent pas mal des statistiques effarantes à propos de cette institution du fond des âges farouches comme aurait dit Rahan... A tous ceux et  toutes celles qui, là ou ailleurs, malgré les chiffres, donc, s’entêtent, ce n’est pas péjoratif, à vouloir les démentir, à espérer les réduire, en d'anecdotiques et insipides purées. Je les regarde, tous ceux  là avec une bienveillance amicale, voire filiale et même une infinie tendresse… Quel courage, quelle volonté, quelle détermination leur a-t-il fallu pour, malgré ce qu’on lit partout, tous les jours, s’engager sur cette  voie pavée des plus belles intentions du monde: S'unir. Et, affirmer cette décision dans une mairie, puis une église,  toutes deux écrasées de chaleur dans un village adossé à la montagne avec une vue devant comme un idéal à suivre... Je me demande du reste si le symbole fort n'est pas là: Dos à la terre, posés sur hier, face à la vie à traverser, à l'avenir, à demain... Les polyphoniques et quand même émouvants chants qui montaient dans la nef de l'église ne disaient pas autre chose.
Alors, leur souhaiter à ces deux là un bonheur à la mesure de la force du sentiment qu’il leur a fallu pour aller jusqu’à prononcer, devant tout ce monde réuni pour l'occasion, trois voyelles mises ensemble et dans le bon ordre… Trois voyelles de rien pour une vie entière, trois tout petits signes qui s’en vont en s’effaçant: Un joli cercle pour arrondir les angles, fermer les boucles en attendant qu'il s'agrandisse, le o… Un petit crochet bien solide, pour retenir les beaux souvenirs, pour y accrocher les rêves et ne pas les oublier, le u… Un petit trait droit dans ses bottes, vaillant, debout contre les adversités, les travers des autres et les malheurs du monde. Le i comme un petit cri de surprise, comme un étonnement.
Au fond, ils ont dit oui juste pour être ensemble, à deux. Ils l'ont dit aussi à cette idée pas si saugrenue de faire équipe, ensemble.
Comme ils étaient beaux à voir dans leurs habits de fête! Comme ils étaient rayonnants dans leurs sourires pleins de félicité, comme ils étaient émouvants dans leur inquiétude que tout se déroule selon leurs attentes et que chacun soit bien.
Être avec eux, ce jour là, le partager, les épauler, valait le déplacement…
Heureux, soyez le, mes beaux, à ce qu'on en dit, ce ne doit pas être... désagréable.
Tant qu'il y aura des gens comme vous, les chiffres auront le cou tordu. Et ce n'est pas dommage!
Ah oui, dire aussi à tout le monde qu'au vu des filles, nom d'une alliance, la Corse est bien une île de... sacrées  beautés...

Mariage Gé 3

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