30 juin 2009

Ceviche, nous, la paix...

Pour fêter ça, je vous transmets une recette facile pour goûter un vrai plaisir. C'est pour deux personnes, mais si vous avez un bel appétit, vous en viendrez à bout... seul.

Il vous faut: Une tomate... heu de préférence, une vraie qui sente la tomate, pas une de ces boules rouges qu’on a mis au congélateur, un avocat, un bon bien mûr, un oignon blanc, un bouquet de coriandre fraîche, un flacon de tabasco, du sel, du poivre, là encore, du bon, ça n’a l’air de rien mais ce peut être le maillon faible de la recette s’il est mauvais… Suivez mon regard... De l’huile d’olive et un dos de cabillaud que vous choisirez sans lombalgie et le plus frais possible car il ne va cuire que dans le citron vert. Vous pouvez vous servir d'un autre poisson si par chance vous êtes au mouillage à Marie galante et que vous en ramenez un d'une plongée... Ne vous enquiquinez pas à aller à l'Auchan du coin (ne cherchez pas, il n'y en a pas. à Grand Bourg..) pour acheter du cabillaud surgelé... En tous les cas un poisson à chair ferme. Et donc, deux citrons verts.

Pour accompagner, soit vous êtes à l’eau, ce qui est dommage mais les coutumes de chacun sont respectables, soit vous ne regardez pas de traviole un vin blanc qui aurait été mis, par hasard, au réfrigérateur le matin même… Un “Les Arbousiers blanc” du domaine La Réméjeanne, par exemple, un vin trinquable… Vous pouvez mettre DEUX bouteilles au frais, les soirées sont longues et la soif dure…

Bon, on y va? Il vous faut être deux heures avant de passer à table, et là, vous en avez pour dix minutes, un quart d'heure en ne pressant que des citrons.

Commencez par faire un beau guacamole… Un avocat, sans le noyau ni la peau, un quart de tomate pelée, un quart d’oignon blanc, le jus d’un demi citron vert, un trait ou deux de tabasco, selon votre capacité de résistance au piquant, du sel, du poivre et vous passez le tout au mixeur... Pardon? Un mail arrive de Marie qui s'y connait en cuisine, en Mexique, elle y a vécu, et donc en guacamole... et en amitié*... Je vous le copie, ici même, à l'instant:

"Alors là, je m'insurge... A la fourchette, le guacamolé, à la fourchette! Qué mixeur!!! Le guacamolé ne s'écrase qu'à la fourchette, ainsi il ne devient pas cette espèce de purée gluante et en plus il reste FORCEMENT des petits morceaux et quand tes avocats sont écrasés à ta convenance, tu ajoutes des tout petits carrés de tomate et des tout petits bouts d'oignon, coriandre, jus de citron vert et tabasco comme tu as dit... et là tu as un guacamolé comme au Mexique..."

Compris? Un guacamolé, A LA FOURCHETTE que vous mettez au fond d’un bol. Si vous avez un cercle de cuisine c'est mieux pour que les jus s'échappent, un peu. Vous le posez sur une feuille de bananier découpée joliment... (Merci Marie!)

Dessus, vous mettez le dos de cabillaud que vous aurez coupé en petits morceaux. Du sel, du poivre, un trait d’huile d’olive, le jus de citron vert qui reste. Un et demi si tout va bien.

Ensuite, préparez le reste de la tomate coupé en petits morceaux avec le reste de l’oignon blanc haché menu et mélangez. Du sel, du poivre, la coriandre fraîche hachée finement, un trait d’huile d’olive. Mettez le tout sur le poisson, voilà vous y êtes, pas de vaisselle à faire, pas de cuisson à surveiller...

Un film plastique sur le bol et enfrigottez le deux bonnes heures. Deux bonnes, mais pas davantage. Avant de vous régaler, n’oubliez pas d’ouvrir la bouteille de vin avec un tire-bouchon, plutôt qu'un étui à lunettes…

Voilà, vous allez déguster un ceviche et cela pourrait vous plaire… et, qui sait, vous offrir un moment de paix... Ce qui ne court pas les rues...


verre ds le soleil_edited

* Je me demande si ce n'est pas, en vrai, l'ingrédient fort de la cuisine... Que ce soit pour la faire ou la goûter... Allez savoir...


29 juin 2009

Un bien faible maillon.

Faire du vélo, quand il ne s'agit pas d'arriver premier, quoiqu’on en dise, quelles que soit les légendes, quels que soient les dithyrambes ou les anathèmes, faire de la bicyclette est une activité de feignassou. Si on y regarde de près, ce n’est quand même rien d'autre que bouger les jambes en restant assis…

J’étais donc parti, guilleret, faire un tour de flemmard dans la chaude, sèche et vallonnée campagne des Monts du Vaucluse, j’avais en tête une note ou deux, une histoire ou deux à raconter ou mettre en forme et les deux heures de pédalage ne me seraient pas de trop pour en venir peut-être à bout. Enfin, c’est comme ça que je voyais les choses, au début. Oui, comme on est assis, on a largement le temps de penser, les jambes finissent par savoir ce qu’elles ont à faire, relâcher quand ça descend, appuyer plus fort quand ça monte ce qui, somme toute, n’est pas sorcier et ne réclame pas des compétences rares. Pendant ce temps là, le cerveau peut s’ébouillanter tranquille, il suffit de se mettre en mode vigilance restreinte.

J’étais dans le deuxième virage en épingle au pied du très pimpant village de Saumane quand j’ai eu une révélation à propos de l'importance vitale des petits bouts de rien… Celle-là d'épingle, était encore plus vrillée que la première, j’étais entre les deux murs de la falaise, les virages avaient été creusés à même la roche. A cet endroit, il fallait appuyer un peu plus fort, la pente se raidissait…

Tchhaccc un maillon de la chaîne a cassé, net.

Je me suis arrêté illico, la chaîne brisée en deux pendouillait mollement comme une nouille abandonnée, comme une… heu... A moins de savoir souder avec les dents, il n’y avait rien à faire, la balade était terminée. Du moins pour ce qui était du vélo. Maintenant, il me fallait rentrer. J’ai bu une ou deux gorgées d’eau chaude, j’ai ramassé la chaîne comme on ramasse un oiseau blessé, je l’ai mise dans un chiffon et le tout dans mon sac à dos. J’ai fait virer de bord mon engin, je suis remonté dessus et j’ai repris route en sens inverse. Quand cet incident est arrivé, j’avais roulé pendant une bonne heure c’est vous dire que je n’étais pas rentré. Tout ce qui était en descente ça irait… Pour le reste, il me faudrait marcher à côté de cette chose à deux roues devenue inutile. Pourtant, tout y était, les roues, la selle, le guidon, mes mollets, mes cuisses, la route, un bidon d'eau, de l’air dans les pneus, il ne manquait qu’une pièce de rien du tout, un truc d’environ dix grammes, et, à part dans les pentes, ce vélo ne pouvait plus avancer qu'en étant poussé. Il ne servait plus qu'à une chose: à encombrer la marche.

C'est là que je me suis dit que le TOUT ne tient que grâce à des éléments en apparence insignifiants. Est-on toujours assez prévenant avec les petites pièces de rien? Veille-t-on assez à leur confort à leur intégrité, à leur état de marche? Entretient-on assez leur bienveillance à notre égard? Ne les néglige-t-on pas, par manque d'attention, de temps, de concentration ou de prévenance? Pense-t-on toujours au détail qui, justement, tue? Si on ne le fait pas... devrait-on le faire? La vie serait-elle encore vivable s'il fallait penser à tout?

J’ai réfléchi à tout ça lors des trois longues heures que j'ai mis à rentrer à pied, mon engin docile à mes côtés, je me suis bien gardé de lui faire une réflexion désobligeante, je craignais, un peu ses représailles… Il faisait une chaleur de Mojave et, aujourd'hui, le vent ne gueulait pas. C'est dire si j'ai bien eu le temps de me pencher sur notre éprouvante condition de mortel en priant, en secret, pour qu'aucun maillon de mon organisme ne m'abandonne...

J'ai eu aussi celui de penser à MJ, aujourd'hui encore plus seul qu'avant, si seul, si raide et blanc qu'un os, désormais... sans sa perruque...


Janv 08 010

Au fait... Bonne fête... Mardi le 30 de Juin..

28 juin 2009

Six ans… ferme…

Lu dans le journal… Où l'on apprend qu'il faut se méfier des mariages, des mariages religieux, des mariés, des Bruno, des Andréa, de la bière et des neuroleptiques…

Six ans ferme pour avoir tué un ami en voulant l'endormir lors d'un mariage. Le 27/06/2009 à 13:33:

Un homme a été condamné à six ans de prison ferme vendredi par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône pour avoir, lors de son mariage en 2007, involontairement tué un ami en lui faisant avaler un neuroleptique dans le but de l'endormir, a-t-on appris samedi.

Bruno, 35 ans, a été reconnu coupable du chef d'administration de substances nuisibles ayant entraîné la mort sans intention de la donner. L'avocat général avait requis sept ans d'emprisonnement à son encontre.
Andréa, 22 ans, qui répondait des mêmes faits depuis mercredi devant la cour d'assises à Aix-en-Provence, a été condamnée à cinq ans d'emprisonnement dont quatre avec sursis et sa peine devrait être aménagée, a précisé son avocat.
Les faits s'étaient produits lors du week-end du 28-29 juillet 2007, au cours duquel la victime, Pierre, 35 ans, et Andréa sa compagne, avaient été invités à fêter le mariage religieux de Bruno et Karin.
La fête avait lieu sur les bords de la Durance à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône). Durant les deux jours, une relation était née entre le marié, Bruno et Andréa, la compagne de la victime. Le dimanche, lors d'une soirée arrosée, les deux accusés avaient entrepris d'endormir Bruno en lui faisant avaler des cachets dissous à son insu dans une bière.
La victime qui était en état d'ébriété et sous l'effet de stupéfiants, s'était couchée peu après et avait été retrouvée morte dans sa tente au petit matin du 30 juillet 2007.

La corbeille de fruits

25 juin 2009

Santa Maria de Guadalupe…

S’il vous plait, amis ultramarins, comme personne ne dit là-bas… pendant que vous l’avez chez vous, vous ne voulez pas le garder, un peu, jusqu’en Septembre…

Puisque, d'une certaine manière, c'est de notre faute, promis nous le reprenons en Octobre... Juste avant l'arrivée de la grippe mexicaine...

Faites lui goûter les douceurs de votre île, mais donnez lui aussi quelques conflits à gérer, quelques crises à maitriser, il adore ça, proposez lui de relancer votre économie, votre tourisme, donnez lui l'occasion de passer à RFO, de faire quelques discours, de serrer quelques mains, organisez lui des bains de foule, que certains lui disent qu'il est remarquable, flattez le....

Profitez-en pour lui faire écouter vos artistes, goûter votre cuisine, lire vos auteurs…

Apprenez lui à prendre le temps de réfléchir de discuter ou simplement de se poser face à un paysage, un coucher, un flamboyant, un bougainvillée, emmenez le grimper le col des deux mamelles, apprenez lui à danser le zouc, la biguine…

Montrez lui comment avec un ti punch les soirées se passent meilleures, emmenez le à Marie-Galante ou aux Saintes, faites le plonger... Bref, arrangez vous pour qu'ici, on n'entende plus parler de lui… Juste trois petits mois... S’il vous plait…

Merci.

Et si par hasard, en Septembre, il souhaitait rester chez vous, ne plus rentrer...

A ce moment là: On s'en reparle!

Allée cocos

24 juin 2009

Ce ne serait pas l’été…

J’aurais pris le temps de vous raconter l’histoire de:

Cette hirondelle qui, vers la fin de Septembre, se sentant vaincue par une irrésistible flemme, n’a pas rangé son transat, a commandé deux cocas grenadine au serveur et encouragée par son audace s’est dit après un temps de réflexion:« Et si je restais là pour une fois, qui s’en apercevrait ? »

De cet homme de quatre vingt ans passés, aux moustaches longues comme un jour de pluie, assis à une terrasse d’un café de Provence, regardant passer les belles en robes d’été se disant à lui-même avec un accent de garrigue gourmande et regretteuse : « Le Bon Dieu c’est un fieffé coquin, le jour où il nous a enlevé le Pouvoir, il aurait pu nous enlever l’envie... »
De cet enfant à qui ses parents ont offert un vélo le jour de ses quinze ans et que, depuis, personne n’a jamais rattrapé...
De ce chien abandonné qui a parcouru mille deux cent kilomètres pour rejoindre ses maîtres alors qu’il lui suffisait de franchir la grille du jardin pour s’en faire d’autres aussi négligents que les premiers...
De ce bellâtre italien, en chasse, à la sortie du Camping des Flots bleus, assis sur le capot d’une voiture basse, sportive et rouge carmin. Les muscles saillants, dorés comme un bronze antique, la tête coiffée d’un chapeau de paille à larges bords, autant pour se protéger du soleil que pour souligner le ténébreux de son regard, vêtu d’un minuscule slip de bain blanc banquise avec sur le renflement du sexe une minuscule tâche d’urine... Foudroyé de ridicule le séducteur, illico presto...
De cet homme qui jouait au loto toutes les semaines et qui jetait systématiquement tous ses bulletins après les avoir validé, dans l’espoir, absolument ridicule, de devenir l’homme qui n’est pas venu retirer ses gains...
De ce bûcheron du Jura qui depuis des années abattait avec une application obstinée des pins de trente cinq mètres de haut tout en sachant qu’ils allaient devenir des allumettes...
De cet homme qui parlait avec un peu de grandiloquence de la femme qu’il aimait. Il disait sincèrement : « Ce qui vient d’elle me grandit »
De cette feuille, unique rescapée d’un automne tardif, encore agrippée au sommet du cerisier du jardin, d’un flamboiement carmin, qui a lutté quatre jours et quatre nuits contre le vent coulis de Novembre. Elle n’a renoncé qu’au matin du cinquième jour. Sa chute a duré un bon demi-siècle et n’a pas fait plus de bruit dans l’univers que la chute d’une feuille morte sur une pelouse gelée...
De cette toute jeune fille profondément triste qui pleurait doucement appuyée contre un mur et ma voix imbécile qui lui dit : « Oh la la ça n’a pas l’air d’aller... Tu as perdu quelque chose ? » Sa réponse comme un poignard afghan, sans lever les yeux de sa peine : « Mon père est mort hier »...
De cet homme qui préférait vivre heureux que malheureux...Il disait non sans logique: "Heureux j’ai peur que ça cesse, malheureux j’ai l’espoir que ça change"...
De cette femme trop morte d’être très passée par-dessus le balcon de son dixième étage. Quelques années auparavant elle avait été championne de tremplin de haut vol... Y aura –t-elle pensé le temps de sa chute ?
De ce condamné à mort parti s’asseoir sur l’électrique chaise un livre à la main. Juste avant que le courant ne l’inonde, sans mot dire, il a simplement corné la page qu’il venait de lire...
De cet homme qui taxait de pur délire le constat de son besoin de puissance. D’avoir, devant lui, proféré ce qui lui semblait une belle insanité, il vous aura sur le champ réduit en bouillie, écrabouillé comme un cafard rampant, aplati comme une crêpe bigouden, éparpillé, molesté, brûlé vif, pendu par les pieds... Adepte du détestable: "Je ne suis pas ...MAIS"...
De cette rivière de lumière aperçue du sommet rond d’une colline d’Aubrac. Elle s’insinuait tortueusement dans le vert du vallon. En s’approchant, on a pu voir une vilaine mousse blanche qui frisait le dessous des rives. Elle prouvait qu’il vaut mieux parfois rester éloigné des choses qu’on a l’imprudence d’admirer...
De ces bonheurs fulgurants et de cette tristesse durable, ce couple infernal, qui fait que l’un ne va pas sans l’autre et vice versa... On peut en effet, aussi connaître un bonheur durable et une douleur fulgurante...
De l’ombre dense de ce tilleul du Sud, de la fraîcheur douce qu’elle apportait, sans jamais en faire état, sans en attendre aucune reconnaissance, sans même espérer qu’on la remarque fût-ce au cœur brûlant d’un jour de canicule.
De ces mots qui font rêver comme choliambe, épigénie, nuncupatif, lécanore, notonecte, obombrer, agiotage, oogone, enclouure, boutargue, opopanax, sessile, tombolo, dauphinelle, organsin, forlane, nécrobie et la joie qu’ils procurent quand on les frappe sous les doigts.
De ces trois primevères, dans un coin du jardin qui, sous la tiédeur suspecte de ces jours de février n’on pas écouté les anciens qui leurs conseillaient de ne pas se montrer, le gel de la lune suivante les a brûlé tout crus.L’expérience des autres ne sert... qu’aux autres.
De tout ce mépris craché en l’air qui éclabousse tout le monde et qui fait comme une tâche de sang frais sur la mousse. Il ne faudra pas trop s’étonner quand ceux qui l’auront envoyé se le recevront dans la figure. On aura beau jeu de pleurer sur quelques vitrines brisées...
De ces musiques d’un autre monde écrites par des hommes d’un autre temps, qui nous tirent encore quelques larmes, ici et maintenant... La même émotion présente devant l’aurochs peint d’une caverne noire.
De cet homme en accord parfait avec tout ce qu’il vivait et même avec ce qu’il subissait. C’était peut-être là le signe d’une sagesse infinie à moins que ce ne soit celui d’une ... sacrée foutue connerie...
De cet ange qui, lors d’un looping hasardeux avait perdu une aile. Il s’était posé en catastrophe dans un champ labouré... Et maintenant, tu fais moins le beau, l’ange!

M a i s c’ e s t l’ é t é e t l a f l e m m e q u i v a a v e c

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21 juin 2009

L’été l’est là.

On va s’enlever les cailloux des chaussures,
Puisqu’on ne lacera plus de chaussures...
Espérer, au devant du vent, de belles aventures,
S’écarquiller l'œil dessous des cieux purs…

On va regarder la lune sans en voir deux,
Parler du temps grincheux des pulls laineux,
Dire qu’on est bien sans vouloir mieux,
Se sentir riches dans nos carrioles de peu.

On va pouvoir se moquer de nos mals dedans,
Finir la nuit, debout même en rampant,
Dire des conneries d’un air heu intelligent,
Chasser la nostalgie en se souvenant.

On va savoir partir en restant assis,
Apaiser nos tempêtes, tangages et roulis,
Se parler de là, d'ailleurs et de nos soucis
Ne pas se coucher de suite, le jour n’est pas fini.

On va pouvoir se remettre nos cœurs à l’endroit,
Se dire souriant: si tu y crois : j’y crois !
N’avoir plus peur de nos gueules de bois,
Et ne plus craindre ni le chaud, ni le froid.

On va vouloir si tu seras là,
S’en dire un peu, ne faire que ça,
Sourire aux autres, freiner le pas,
Et penser surtout, que c’est bien comme ça…

On va vouloir, quand tu seras là,
Faire davantage ou bien rien que ça,
S’offrir des bouquets de souv'nirs, des tralalas,
Pour s’en sécher les yeux le jour où tu s'en iras...


Route d'été.

20 juin 2009

Le souffle court.

Sans mentir, ça faisait bien trois ou quatre heures qu’il n’avait pas envoyé un seul regard dans le rétroviseur, et pour cause, il n’y avait rien à voir.

Il en était à se demander si après son passage, il y avait encore une route derrière ou bien si elle s’évanouissait au fur et à mesure qu’il avançait, si sa bagnole n’était pas devenue une grosse gomme blanche. Il n’avait doublé personne depuis belle lurette et pour tout dire, il commençait à imaginer qu’on l’avait construite pour lui cette autoroute, ou plutôt qu’on la déroulait devant lui comme un immense tapis gris. De temps à autre, il posait le pied gauche sur la boîte à gants ou laissait pendre un bras à l’extérieur pour jouer avec le vent comme une danseuse exténuée. Du poste, un vieux noir à lunettes noires martyrisait une guitare désaccordée, en rauquant d’une voix de pierre fracassée qu’il était seul au monde et que « Dieu qu’il est du-ur de su-urvivra ton dépa-art, su- urtout le soi-oir venu-u, oh que c’est du-ur, du-ur, oh-oh-oh-yeah-hey »...

Enfin bon, il entassait gentiment des kilomètres en faisant du Sud... A part le vieux vieux noir qui chantait et la fumée bleue de blonde qui flottait doucettement dans l’habitacle avant de mettre nerveusement les bouts par la fenêtre ouverte, il n’y avait guère que lui de vivant dans le secteur. Avachi sur le siège du passager, un sac de voyage qui avait fait du chemin et dans lequel on aurait trouvé qu’une brosse à dents rouge, un bouquet de Staedler Noris 2 noir et jaune et une rame de mille feuilles de 180 grammes. Et trois taille crayons gris en métal. Avec tout le mal que s’était donné le jour pour le faire crever de chaud, ce dont il était fier était de se sentir encore un peu en vie. Il le savait à quelques riens mais il ne se connaissait pas si mal finalement. Et même si la sensation d’être vivant passait par une pointe d’acier dans le bas du dos, il acceptait ça très bien. Il croyait que ce sont parfois les pires souffrances qui maintiennent à flot. Au moins on a un adversaire de taille... Après il suffisait de bien négocier la taille des cicatrices... Grâce ou à cause de la pointe de lance vrillée dans les vertèbres du bas, il mettait un point d’honneur à ne pas relâcher la pédale de droite et à longer le gris des barrières. Loin devant, le jour avait fini par se décider à s’allonger. Le soleil préparait tendrement la terre à sa disparition en la recouvrant d’un léger voile rosé. Le bleu se saupoudrait de cumulus cotonneux comme s’il tapotait des oreillers célestes...

Depuis le départ, il avait vidé deux trois maxis d’eau minérale et malgré ça, il n’avait aucune envie de pisser... De là à penser qu’il n’avait plus envie de grand-chose, il ne lui a fallu qu’une centaine de mètres. Le rouge du ciel commençait à s’accrocher au capot de la bagnole, et, derrière le noir grimpait désormais sur le coffre et n’allait pas tarder à s’attaquer à la vitre. Bientôt il lui faudrait allumer les phares. Malgré ces détails, une question le taraudait depuis le départ. Et c’était la seule vraie question qui se posait à cet instant : Par quoi commencer ? Il se l’était posée plusieurs fois déjà évidemment elle était encore restée sans réponse. Il avait bien pensé à : « Ca a débuté comme ça » mais c’était déjà pris...Le reste du temps il avait traversé des paysages qui étaient restés silencieux bien qu’il les connaisse par cœur. Il était tant passé par là qu’il aurait pu faire la route en braille. Et puis le début est venu, d’un coup, d’on ne sait où, il n’a pas cherché à savoir, il a juste pensé : « Sans mentir, ça faisait bien trois ou quatre heures qu’il n’avait pas envoyé un seul regard dans le rétroviseur... » Apaisé, ça l’a apaisé. Il tenait enfin un bout de la bobine à tirer... Comme c’est la plus grande force des chanceux que de ne jamais la pousser trop loin, comme il tenait le plus possible à rester maître de la situation, comme une fourmilière lui attaquait maintenant les DEUX jambes, il a décidé de prendre la première sortie pour refaire le plein de souplesse, d’essence et d’eau. Juste avant la sortie, un pont. C’est là qu’il l’a vue. Elle était assise, un pouce levé contre la pile du milieu, entre les deux voies. Peut-être qu’elle faisait du stop dans les deux sens ? Elle a du se lever à l’approche de la voiture parce que dans le noir naissant, il a seulement entre aperçu sa veste blanche qui s’agitait. Il a freiné et s’est arrêté un peu plus loin comme il avait commencé à ralentir pour sortir tout s’est passé sans encombre. Il s’est rangé sur le côté et il a attendu qu’elle s’amène en pensant qu’elle pourrait marcher un peu plus vite, montrer un poil plus d’enthousiasme...Elle marchait comme une a qui le monde appartient. Il l’a vu dans le rétro. Aucun hurluberlu à cheveux longs n’a surgi de dessous le pont...Elle était seule. Elle n’avait aucun sac, pas même un de ces petits trucs en toile bourrés de choses absolument indispensables. Il l’a fixée bizarrement quand il a vu comment elle était habillée... Une jupe châtaigne aussi courte qu’un col roulé, un débardeur moulant vert amande sans manche tenu par deux fines bretelles, des talons haut de la même amande et sa veste blanche sur l’épaule... Trois bons points. Il lui a tout repris quand elle est montée et s’est assise à l’ARRIERE de la bagnole. Elle a jeté :

___Vas pas te figurer que c’est autre chose que ta voiture qui m’intéresse...

___Bonjour, c’est une prise d’otage ? Il a demandé, pincé...

S’en est suivi des enclumes plombées de silences. Mais ça n’avait rien d’un silence serein. Il était vicié, tendu voire agressif. Alors, pour que les choses bougent, il a fait hurler ses pneus. En prenant la bretelle vers la station service, il s’est vengé : "N’allez pas vous imaginer que je vous fais le coup du réservoir vide...Il EST vide. Ce n’est que pour faire le plein que je m’arrête." Il n’a pas jeté un œil vers l’arrière, mais il a clairement entendu : "Et tu vas me faire celui du café ? " Il était une fois de plus, une fois encore battu, archibattu, écrabouillé à coutures plates. Il a rempli le réservoir, et, en passant le long de la voiture, il a vu qu’elle avait d’aussi beaux genoux que ses yeux même s’ils n’étaient pas verts. Ah oui, elle était brune aussi. Il a payé et il est remonté dans l’engin qu’il est venu garer près du bar inondé de la lumière crue de néons virulents. En coupant le contact, il lui a dit qu’il allait boire un café, se passer de l’eau sur la figure et peut-être manger un morceau, lui. Bon je t’attends là, elle a dit. Sûrement pas, vous êtes du genre à vous barrer avec la bagnole. Désolé mais j’ai plus besoin d’elle que de vous. Alors, ça, il l’a dit méchamment, exprès. Vous descendez, je ferme et vous n’êtes pas obligée de venir. Encore heureux que je ne sois obligée de rien, par toi... De toutes façons, je boirais bien un café, moi... Elle est sortie et l’a plantée là sans même fermer la porte... Ils filaient l’entente parfaite, elle et lui, un vrai petit couple au bonheur parfait... Elle est entrée dans le self sale et s’est approchée du comptoir. Elle s’est hissée au plus haut d’un tabouret, sa courte jupe en a profité pour faire un tour au sommet de ses jambes longues et fines, les types présents en ont manqué de lâcher leurs bières, les néons se sont mis à danser la polka et, dehors, on a même entendu un coyote s’approcher de la station service en hurlant à la mort. En se dirigeant vers les toilettes, il a pensé : « Les gars, cette fille je vous la laisse, comme cadeau vous allez être servis. En toxiques, elle s’y connaît la demoiselle... Comme je suis content que la jauge soit dans le rouge !!! » Il l’a entendue commander deux cafés dont un serré et un verre d’eau... Il a foncé se passer le visage sous l’eau et c’est presque à quatre pattes qu’il a rejoint sa voiture. En se glissant comme un boa entre les gondoles de biscuits secs, de tablettes de chocolats, les bouteilles de jus de fruits, en contournant les étagères de bouquins il a réussi à ne pas se faire voir. Il a ouvert sa portière et, sans la claquer il l’a refermée. De là où il était, il voyait les courbes magnifiques de son dos et de ses jambes croisées posés sur le tabouret comme un violoncelle de concert et le regard fiévreux du serveur fiché en elle comme un lance magique. Il a desserré le frein à main et s’est laissé glisser le long du parking. Plus loin, à distance raisonnable, il a remis le moteur en marche et a accéléré très vite pour rejoindre le Calme. Bien sur qu’il aurait préféré traverser la salle et à sa hauteur jeter un billet sur le comptoir pour les cafés et lancer : « Notre histoire s’arrête là, Gardez la monnaie... » puis lui tourner le dos, la tête haute à ce baril de poison incandescent. Mais fait-on toujours ce qu’on aimerait faire ? Ca se saurait. Pour l’heure il se sentait comme rescapé d’un tremblement de cœur. Un peu honteux d’avoir mis les voiles en douce. Heureux d’avoir échappé à La Belle. Il avait déjà croisé ce genre de tornade capable de mettre votre vie en charpie, d’un mot d’un geste de la main dans ses cheveux, d’un sourire appuyé ou d’un regard en coin. Un beau matin elle vous laissait à genoux au plein milieu de nulle part, une boite de mouchoirs jetables entre les mains et quelques souvenirs merveilleux quand elle était généreuse. La plupart du temps elles embarquaient même les souvenirs. Et une bonne partie de votre âme en plus. A celle du bar, il n’avait rien laissé. Il l’avait seulement avancé de quelques pas vers le malheur d’un autre. Chacun sa croix. Quitte à s’en mordre l’avant bras, la survie impose ses sacrifices et pour quelques heures, quelques jours voire quelques mois de bonheur, si on peut s’éviter des années de malheur autant, parfois renoncer d’avance. "Si tu sens la querelle poindre cède..." Il n'y a pas de honte à renoncer à une bataille qu'on sait perdue avant que les divisions soient en marche... Il y en avait des milliers sur terre à préférer le malheur, on peut s’en repaître, on sait à qui s’en prendre, on y a ses marques. Pas lui, pas cette fois, il avait trop à faire. Mais par quel bout l’attraper ce foutu livre ? Comment s’y prendre Bon Sang ? Un moment il avait songé à attaquer d’abord la fin. "Alors, avant de quitter cette ville encore vide, c'est un homme fatigué qui a demandé un troisième café... " . Puis, il avait trouvé mieux, une histoire de lignes, mais l’important c’est ce qui se passe entre... Comme dans la vie, quoi. En fait ce gentil intermède et les tourments auxquels il avait échappé l’avait revigoré. C’est un homme presque neuf qui a repris route. Il s’est enfoncé de plus belle dans le noir maintenant profond de cette nuit bien avancée. Il y avait toujours autant de monde sur ce foutu trajet. Au lieu de le décourager, ça lui donnait une preuve, certes ténue, d’être sur une voie qui vaille. Le Monde s’était concentré dans le faisceau blanc des phares et son avenir ressemblait à ça. Clair dans l’axe, flou sur les bords. Une situation courante, en somme. Vers le matin, comme il en a eu plus que marre d’avaler du gris, il a viré dès la première échappatoire, il a stoppé devant une grille qui servait aux véhicules d’intervention et ça ne l’a pas démonté. Tout le monde a une pince coupante dans son coffre et peu de cadenas leur résistent. Lui comme les autres. Le cadenas n’a pas soufflé mot. La grille ouverte, il s’est retrouvé sur une route étroite bordée de taillis touffus. Le frais du lever l’avait saisi quand il est sorti et c’est avec la musique et le chauffage à fond qu’il a négocié les virages. Il roulait dans la nuit noire comme dans un boyau de baleine. Après deux bonnes heures, il est entré dans une banlieue encore éteinte étouffée par la nuit. En avançant, il ne fut pas certain que dans un endroit pareil le jour se lèverait. Et pourtant quelques signes montraient qu’il commençait à poindre. Le clair caressait déjà les franges des tuiles des toits. La place de la gare sur laquelle il venait d’échouer tremblotait sous les allées venues d’ombres ensommeillées. Et maintenant ? Il avait croisé une vie, il avait fichu le camp avant de savoir, qu’allait-il en faire ? Qu’allait–il en tirer, de bon? Est-ce que ça allait venir ? Oui ou non ? Il est sorti d’un nuage bleu, il a marché un peu sur la place, autant pour se dégourdir la cervelle que les jambes et les reins. Il y a jeté quelques mégots largement fumables. Mais en rond, il a tourné en rond. Il attendait un signe, il attendait qu’une colonne étincelante de lumière divine descende droit du ciel s’éclaircissant et l’illumine d’une infinie clarté, mais rien, il ne s’est rien passé. On a parfois le tort de tout attendre, d’ailleurs. On se trompe lourdement, ce n’est que de nous que naît la lumière. Comme le café de la place venait de s’ouvrir, il y est entré. Il s’est assis dans le fond après avoir attrapé le journal. Les nouvelles étaient comme celles d’hier et du jour d’avant, mauvaises d'où qu'elles viennent. Il avait fini de le lire après le deuxième café. Il prenait son temps comme les chanteurs d’opéra avant de mourir, un dernier sursaut avant le renoncement, mais il savait que cette fois il était parti pour rien. Partie remise. L’important c’est d’essayer, c'est de se mettre en route. Le jour débarquant de derrière un immeuble a tapé à la baie vitrée. Une douce chaleur l’a envahi et l'épuisement lui est tombé sur les épaules, d'un coup. Il savait qu’il allait dessiner un demi-tour poussiéreux et tourner le dos au soleil fanfaronnant sur la ville s’éveillant. Voilà, il était parti pour écrire un livre et ça se terminait en eau de nouvelle dans la poussière grise et légère d’une place de gare de banlieue déserte. L’important c’est d’essayer, se disait–il pour se réconcilier avec lui-même. Il se dirait aussi que s’il s'essayait à vivre les histoires d’amour, au lieu de les fuir, peut-être aurait-il une chance de faire plus long...

Il se dirait ça en quittant la ville, tandis que la page, maintenant blanche du ciel, serait scindée en deux par les traces éphémères des avions de ligne...

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18 juin 2009

Jaune…

C’est la lumière jaune du premier bar ouvert à des lieues et des lieues qui l’avait attiré dans ce port de pêche perdu d’un pays du Sud. Avant d’entrer, il avait tourné autour de cette lueur avec des milliards d’insectes, comme lui perdus, attirés et éblouis.
Il avait roulé deux jours et deux nuits sans pratiquement descendre de la bagnole. Il ressentait un mal de dos à vieillir assis et un mal de nuque de peintre de Sixtine.
Le cendrier débordait de mégots de blondes et ses yeux étaient autant rougis par la fumée que par le fait de regarder devant lui pendant toutes ces heures. Il avait traversé trois pays de long en long, mais il ne pouvait en dire qu’une chose: Les routes y sont à plusieurs voies, rarement cinq, souvent moins.
Il aurait aimé savoir pour quelles raisons il se trouvait là. Il avait beau chercher, pas une seule de celles qu’il trouvait ne le contentait vraiment. Alors, il s’est contenté d’y être. Il a coupé le moteur après s’être garé sur la place baignée des odeurs et des bruits qui venaient du bar. On y entendait des éclats de voix, des bouts de mélodie et des tintements de verres. On devait y parler en buvant, là-dedans. Tout ce dont il avait besoin : écouter et boire. Pour éponger la solitude et la soif. Il est sorti en laissant les clés sur le contact. Il aurait presque aimé qu’on la lui vole celle-là. Ç'aurait été, au moins, un signe un peu clair. Il a traversé la place en étirant ses muscles noués, en se frottant la nuque douloureuse, en se redonnant vie, en s’approchant du jaune.
L’air était humide et tiède comme une serviette de restaurant japonais. Il a poussé la porte, un nuage de fumée lui a emballé le visage, il a marqué un temps, puis il est entré. Pas un regard ne s’est tourné vers lui. Comme partout ailleurs. Il y avait là-dedans beaucoup de jeunes gens beaux, garçons et filles. Il fut surtout sensible à l’étrange beauté des filles. La plupart étaient brunes, souriantes, le regard noir, la peau mate. Il s’est senti plongé dans un sac de grains de cafés avenants. Elles étaient habillées légèrement. Dans cet endroit, on voyait moins de tissus que de sourires. Les garçons parlaient fort. Les garçons parlent toujours trop fort quand il s’agit de séduire. S’ils savaient...
Il repéra un tabouret vide, au bout du comptoir, près d’une lampe à l’abat-jour orange. Il s’y rendit en fendant la fumée, les regards et les bruits. Il ne sentit toujours aucun regard dans son dos. Avait-il seulement quelque chose de remarquable à part son air de cocker froissé. Une fois grimpé sur le tabouret (toujours un peu trop hauts ces trucs là, pour un gars comme lui...) c’est une voix chaude et chantante qui a déboulé dans ses oreilles. Il n’a rien compris de ce qu’elle disait mais son timbre était tellement renversant qu’il a eu le bon réflexe de ne pas tourner la tête vers elle, juste pour l’entendre répéter... Elle a remis ça. Il s’est douté qu’elle lui demandait ce qu’il voulait boire. Là, il a cherché à voir la voix. Son tabouret a vacillé. Il n’a vu que deux yeux d’un vert tendre comme des feuilles d’Avril, des lèvres ourlées de rouge, le tout encadré par des cheveux noirs coupés très courts. Lui, là, il était face à la plus jolie fille qu’il n’avait jamais vu. Ça a effacé d’un coup tous les kilomètres qu’il avait sur le dos. Le choc passé, il l’a admirée. Comme les autres serveuses, elle était habillée d’une petite robe noire assez décolletée et d’un boléro rouge lèvres. Son regard clair était malicieux et souriant et son âme devait l’être aussi ou alors, c’était à désespérer de tout. Elle s’était agrafée au visage un demi-sourire moqueur et dans le tumulte ambiant, elle a attendu patiemment qu’il lui réponde.
Il lui a dit qu’il voulait une bière, n’importe, mais du frais. Elle s’est déplacée avec grâce comme si les étoiles dépendaient d’elle. D'ailleurs, les étoiles devaient dépendre d'elle.
Je n’ai pas roulé pour rien, s’était-il dit en la regardant faire. La peau chocolat au lait de ses longues jambes lui a fait tourner le regard. Un bellâtre blond costaud à l’autre bout du comptoir lui a lancé les yeux chamboulés : « Paola, tu sais que tu es belle, toi ? » Avoir bon goût n’empêche pas d’être vulgaire. Il a passé le reste de la soirée à lui courir après de sa voix éméchée. Il aurait du sentir qu’il l’agaçait profondément. Il n’a rien compris à rien. Un type saoul, quoi.
Ecoeuré du cirque de l’autre, après la bière il a demandé s’il pouvait manger quelque chose. Paola lui a apporté une appétissante petite assiette de tapas. La vérité, c’est que servi par une fille pareille, il aurait trouvé bon à peu près n’importe quoi. De temps en temps, elle le fixait et lui faisait une grimace de la bouche en désignant le saoul. Vers le milieu de la nuit et quelques bières plus tard, il n’y eut plus qu’eux trois dans la salle. Il sortit un stylo de sa poche et sur la nappe, il écrivit : « Paola, tous les hommes ne boivent pas autant. » Bien sûr c’était un peu prétentieux, mais sa seule excuse c’est qu’il le pensait sincèrement. Il laissa traîner le papier su le comptoir.

A l’un de ses passages, elle répondit : « Keske c otan ?
Il n’a pas su répondre. Elle a souri, puis sur le papier, elle a écrit :
« Vou vien de louin ? »
Dans le jaune enfumé, il n’y avait plus qu’eux deux et la musique. Elle a sorti une bouteille de derrière le bar, deux verres, un gros feutre noir et elle a franchi la frontière du comptoir. Elle est allée s’asseoir à une table vide où seule une nappe avait été posée. Il l’a rejointe et s’est assis à son tour en face d’elle. Alors, elle s’est mise à parler très vite en dessinant sur la nappe. Il ne comprenait rien à ce qu’elle disait mais il s’en foutait. Elle a tracé deux continents, un océan entre, un archipel, une île, des cargos, des ports, des villes, un trajet en pointillé reliant le tout, des gens sous lesquels elle mettait des prénoms, une petite fille qu’elle a nommé Paola. Très vite la nappe fut trop petite, elle en a attrapé une autre sur laquelle elle a dessiné un pays en guerre, des avions bombardant des villages, des gens en fuite, des croix dans des cimetières, d’autres villes, d’autres gens... Tout ce qu’il peut y avoir dans des histoires d’hommes ou de femmes. sur cette terre déglinguée... Entre deux nappes, elle est allée chercher des feutres de couleur, puis elle a continué. Des cœurs noircis et des grands points d’exclamation, des larmes sur des visages et des rires éclatants et elle continuait de parler en chantant et de chanter en parlant. De temps en temps, il remplissait les deux verres et il la regardait faire. Elle y posait tout, elle lui offrait tout. Quand une était farcie de signes, elle la posait par terre à la suite de la précédente Elle a dessiné vingt cinq ans d’existence agitée. Elle a attaqué la quatrième nappe et elle y a tracé la place et le bar jaune. La bouteille était vide. Avant de se lever pour aller en prendre une autre, elle n’a pas trop mal réussi la bagnole puis la silhouette d’un type fatigué qui en sortait. Elle s’est levée, elle a contemplé les quatre nappes et de sa voix renversante, elle a dit :
« Voilà. Et toi, vous vien doù ? »
Elle a posé ses coudes sur la table devant une nappe, vierge, lui a tendu les feutres, elle a posé son menton dans ses mains et elle a attendu.
En prenant les feutres, il a laissé tomber :
« Moi, je viens de sales moments, moins durs que les tiens mais sales quand même»
« C’est où, salmoman ? C’est loin ? »
Il n’a eu besoin que de quelques traits pour se raconter. La main moins habile ? Les souvenirs plus flous ? Pas l’envie de nommer ? De se livrer ? Elle n’a pas insisté.
Quand il a reposé les feutres, ils ont punaisé les dessins sur le mur blanc, les uns à la suite des autres, puis ils se sont reculés jusqu’au mur derrière. Leurs deux histoires en face d’eux. Ils ont trinqué pour un dernier verre.
Dehors, le jour s’était levé, il étendait au-dessus de la place un voile de tulle rose pâle.
Ils sont sortis du bar après qu’elle ait éteint les lumières, elle a fermé la porte à double tour. Quelques étoiles s’accrochaient encore aux rideaux noirs du ciel. Ils ont marché sans rien se dire jusqu’à sa voiture.
Avant d’y monter, il lui a saisi les deux mains et, dans le creux de chacune, il a posé un baiser léger pourtant chargé de toute la tendresse du monde. Il faut croire à cette idée de légèreté.
Elle ne lui a pas demandé de rester un peu. Il n’a pas osé lui dire je n’ai rien à faire, je peux m’arrêter quelques jours ou quelques années. Elle avait sans doute peur d’entendre non, et lui... pareil. C’était aussi bien qu’ils en restent à des possibles.
Ils se sont quittés en se disant qu’ils allaient continuer, chacun de leur côté, matière à dessins.
Dans le silence de la place, après l’avoir saluée d’un geste de la main, il a fermé le poing comme pour y emprisonner les heures de la nuit qu’ils venaient de vivre.
Sans le regarder partir, elle a fait demi-tour, les bras tendus le long du corps.

Elle aussi a fini par serrer ses deux poings... De colère.


Tugal jaune

16 juin 2009

Elle change d’il…

On est arrivé sur le pont au meilleur moment du jour: le soir.

On avait roulé toute la journée sans que ça nous pèse parce qu'on avait tout fait pour alléger le trajet. C'est à dire qu'on s'était peloté gentiment une bonne partie du temps. J'avais même, réussi, record écrabouillé, à aligner cent bornes en ne tenant le volant que de la main gauche. Bien qu'elle ait peur en voiture, elle ne m'avait pas une seule fois, incité à la prudence... Au milieu du parcours, elle avait même fait valser sa jupe et tout le reste sur la banquette arrière. " J'avais chaud…" fut sa seule explication. J’y ai cru, bien volontiers, comme j’avais cru, le matin, à son envie subite de voir l’île au soir couchant.

Le soleil nous saluait comme on le méritait, il commençait à mordre la tranche Ouest de l'île et en éloignait, pour un temps, tous les malheurs du monde. Bien sûr, nous avions ouvert les quatre vitres de la voiture pour nous enivrer de l'air d'ici. Il n'y avait que nous de vivants sur cette promesse d'île. Seuls, au-dessus de nos têtes, quelques goélands nous accueillaient en planant. Le vent lui même semblait nous sourire. Des odeurs solides d'iode et d'océan nous frappaient les narines à pleins joncs. En deux temps trois mouvements, nous fûmes comme deux nourrissons repus, déposés au creux d'un couffin de bonheur.

J'ai arrêté la voiture en plein milieu du Pont, j'ai coupé le moteur pour ne plus déranger le vacarme du courant de la marée montante qui se brisait en écumes folles sur les piles du pont et je suis sorti. J'avais les jambes molles et un sourire de benêt joyeux accroché aux deux oreilles. Je n'aurais pas pu aligner trois mots, s'il avait fallu. Heureusement, il n'y avait pas grand chose à dire. Qu'à être là, regarder et apprécier. Et, si le regard portait loin, le monde s'était réduit à ce qu'on en voyait. Tu es restée dans la voiture.

Plein Ouest, des tranches de rubis, comme un mille-feuille céleste, alternaient avec le sombre d'allongés nuages, un vol en V d'oiseaux migrant les soulignant. Le rouge tremblotant du couchant avait presque disparu dans du bleu noir quand nous sommes remontés dans la bagnole. A la jonction du ciel et de l'eau, on a vu des tranches oblongues enrougies. Au-dessous de nous, une cavalerie d'écume chargeait à qui mieux mieux comme pour dégommer les piles du pont. Au loin, des barques plates s'en revenaient des parcs en pout pout pout poutan. Derrière, à l'est, le noir, avait déjà avalé le continent.

Même si c'était faux, nous nous sommes sentis meilleurs d'avoir assisté au spectacle. Nous avons repris route pour filer droit vers une gargote, posée au bord d'un étroit chenal, parfumé à la marée, qui se remplissait comme une baignoire. Nous nous sommes refait une santé devant une douzaine d'huîtres, chacun, une bouteille de blanc sec... chacun et quelques tranches de pain salement beurrées. On s'en est mis jusque là, comme on dit vulgairement mais sans finir la troisième bouteille.

Je n'étais plus venu dans le coin depuis quelques années et tout y était comme je l'avais laissé. Un simple soupir étendu à un trop long silence. Mais c'était revenu tout simplement, avec du plaisir. Intense, le plaisir. Intense et banal. Celui qu'on peut éprouver quand on retrouve en boule, roulé dans le fond d'une armoire un pull qu'on aimait bien. Je retrouvais ses lumières, son air, ses odeurs, ses douceurs, ses horizontales, ses basses maisons aux bleus volets écaillés, ses tuiles plates, ses humaines dimensions. Ici, l'homme était chez l'homme et donc moi... chez moi. On a roulé encore un peu entre les salants jusqu'à la maison. Et on a dormi, enfin pas de suite, le trajet avait laissé quelques envies que n'a pas altéré la bombance. Elle était heureuse de m'avoir amené jusqu'ici. C'est elle qui avait voulu qu'on vienne sur un coup de tête. Je donnai raison à son bonheur.

Au matin suivant, nous déjeunions sur la terrasse comme des lézards au sanatorium. Devant nous l'horizon s'étirait en langueurs. Après avoir tartiné deux ou trois ficelles fraîches, vidé une bassine de thé, elle s'est levée sans rien dire, elle s'est exilée dans la salle de bains, elle y est restée une belle demi-heure. Elle en est sortie pimpante, très gaie, toute en fille. J'aurais du sentir quelque chose de bizarre, mais je n'ai rien vu venir. Elle a rangé le peu d'affaires qu'elle avait sorti de son sac. J'étais resté assis à la table pendant qu'elle s'agitait autour de moi comme une abeille dérangée. En regardant virevolter sa robe, j'avais une idée très précise de la façon d'occuper la fin de la matinée...

Elle s'est plantée devant moi, et d'un trait, elle m'a sorti sans sourire:

___ Finalement la mer, l'océan, tout ça me déprime, en partant maintenant, on peut y être ce soir... On bouge ? Si on filait à Londres, faire des courses? J’ai eu peur de penser qu’elle pouvait changer d’il comme de chemise… J'ai souri un peu niaisement, je me fichais de tout, je serais allé acheter du riz si elle avait dit: "On part en Chine!".

Et puis, on n'a pas roulé bien bien longtemps, on a passé la journée à la campagne… allongés dans un champ de luzerne...

Pont D'Oleron

Publié chez Les impromptus littéraires sur le thème En Angleterre...

Du genou…

Brice, vous permettez que je vous appelle Brice?

Je m’autorise à vous dire que, de la part d’un homme au pouvoir, prêt à réformer comme un dingo, prêt à tracer le sillon, creuser la voie, filer le chemin, poser les rails, je trouve votre dernière proposition... comment dire sans être désagréable? Molle du genou…

Vous proposez gentiment la retraite à soixante sept ans… SOIXANTE SEPT ans…

Alors que vous aviez l’occasion unique d’envisager de supprimer… le concept même de retraite et qui sait, avec le soutien fièvreux de Madame Parisot et de ses amis, d’y arriver…

Voilà qui aurait eu de l’allure, voilà une mesure dont on se serait souvenu, une mesure qui vous aurait fait entrer dans l’histoire…

Brice, l’homme qui a supprimé la retraite…

Au boulot, pour les rares qui en ont encore, au boulot jusqu’au bout… Hasta la muerte!

Tout n’est pas perdu, allez, un peu d’audace, Brice! Se réveiller avant que ce soit fait fait...


Ste Rose sieste chat

12 juin 2009

Histoire pas drôle…

Le PS face à son médecin:

___Doc, dites moi la vérité, ne m'épargnez pas, il me reste combien?

___ Dix…

___ Super! Dix siècles? Dix ans?

___ Neuf… huit… sept…


Col des champs pano

11 juin 2009

Un soir.

C’est le soir...
Dès le matin, la journée s'était acharnée à te coller un sac de sable sur chaque épaule plus un sur la nuque pour enfoncer le clou et, c'est donc en trainant des pieds comme une limace convalescente que tu finis de l'arpenter… Tu as eu beau ouvrir le frigo et engloutir des verres frais, tu n'es pas arrivé à faire baisser la température. Tu as eu beau t'échiner à te perdre dans le sombre de l'ombre, tu n'es pas arrivé à sécher ta chemise. Tu as eu beau t'éventer, comme une vieille andalouse, c'est toujours de l'air d'haleine qui a balayé tes joues...
Il a fait chaud, tout le long des longues heures du jour.
Dehors, les vols des hirondelles sont restés poussifs, ceux des papillons empruntés... jusqu'aux escadrilles de mouches qui n'ont décollé, ni des vitres, ni des abat-jours. Le goudron des rues était comme une glace molle à la réglisse et les arbres penchaient les têtes vers des caniveaux de poussières. N'ont manqué, que les incantations à la fin du monde d'un Philippulus barré... Pour une journée de canicule, ce fut une journée de haute canicule. Et puis, doucement, le soleil a commencé à plier les genoux, baisser la garde et se passer une éponge sur le front, les ombres se sont allongées, l'air est devenu sensiblement plus respirable, un vent léger s'est remis à souffler, on a commencé, de ci, de là, à entendre les gentils glaçons tinter dans les verres, les volets se sont entre ouverts, les persiennes décillées, les ifs ont redressé le faîte, les rouges gorges ont soupiré, les brins d'herbe se sont requinqués, bref, l'univers, un poil apaisé, s'est abandonné au soir naissant.
Un dernier verre et ce fut l'heure. On s'est enfilé un tee-shirt qui trainait, un vieux en coton usé jusqu'à la corde mais qu'on aimait porter parce qu'il faisait comme une deuxième peau. On a glissé ses pieds dans une paire de tongs fatiguée, ses fesses dans un short sans age et sans fermer la maison à clé, on est parti sur la droite du chemin maintenant à l'ombre de la haie. On a tourné à gauche après le grand pin maritime et on a attaqué la montée le mollet presque vif et la cuisse alerte. Le souffle un peu court pour ces premiers mètres, après le corps s'habitue et rembourse sa dette. On en a pour une bonne demi-heure à marcher en grimpant. On en profite pour s'en raconter, un peu. Se moquer, aussi beaucoup. On ne se presse pas, on sait le temps dont on dispose, et là on serait même un poil en avance ce qui nous permet de ralentir et d'attendre les moins rapides. On vérifie plus d'une fois qu'on a rien oublié, mais tout est là. Chacun a pris ce qu'il devait prendre. On se regarde et on se sourit. On est heureux d'être ensemble, à cet instant précis. On éprouve un bonheur profond à l'idée de l'heure qui vient et qu'on va vivre à plusieurs. On le sent à ces ondes qui passent entre nous et apaisent nos dernières inquiétudes. C'est une petite troupe calmement joyeuse qui a pris route et qui ne va pas tarder à arriver. Elle s'est faite silencieuse parce qu'elle sait, exactement, ce qui va se passer...
Elle sait que ce sera un beau moment. Un de ceux dont on se souviendra...
Un de ceux qui marquent, qu'on porte toujours sur soi, qui sert à se défendre contre tous les autres...
Et pourtant, nous sommes juste allés le regarder se coucher.



09 juin 2009

Première fois…

Hier, pour la première fois, depuis le tout début, je me suis aperçu, en sortant, qu'un crachat s'était "posé" sur mon sac…

Un CRACHAT, un GLAVIOT, un MOLLARD, quoi…

Ciel d'orage

L'orage, la rogne, la hargne et la rougne passés, j'ai très vite pensé à celui-là, sans doute pour effacer l'autre:

"Glaireux à souhait avec des fils dans l’amidon

Se demandant s’il tombera du mur ou non

Le crachat au soleil s’étire

Son œil vitreux de borgne où la haine croupit

Brillant d’un jaune vert pâlot et mal nourri

Sous la canicule chavire

D’où viens-tu pèlerin gélatineux et froid

De quelle gorge obscure as-tu quitté l’emploi

Pour te marier à cette pierre

D’un gosier mal vissé ou d’un nez pituiteux

D’un palais distingué d’un poumon besogneux

Ou d’une langue de vipère

Avant que de finir au plat sur ce granit

Etais-tu préposé au catarrhe au prurit

Ou bien à résoudre une quinte

Es-tu le doute du rêveur l’orgueil du fat

La solution d’un douloureux échec et mat

Ou l’exutoire du farniente

Agacé par l’insecte au ventre crevant d’œufs

Décoloré, suintant, le crachat comateux

Sur le trottoir enfin débonde

Tandis qu’agonisant sous des pieds indistincts

A l’aise enfin chez lui il me dit l’air hautain :

" Je suis la conscience du monde "

Léo Ferré.

05 juin 2009

Lâche précaution...

Il n'a jamais été écrit, ici, que Morano Nadine était une menteuse...

A 009

Envie de passer un week-end tranquille, moi… En revanche, qu'avoir les poches pleines n'a jamais empêché de recevoir un coup de pied au cul et que Xavier Bertrand semble si franc que quand il dit bonjour, on entend au-revoir... Oui.

A propos, une jolie phrase lue, sans rapport avec madame Nadine, quoique: "Tant qu'il y aura des couilles en or, il y aura des lames en acier..."

02 juin 2009

Une série grise...

Il y a quelques jours, dans l’après-midi, une petite canaille, a eu l’extrême mauvaise idée de farfouiller dans mon sac pourtant fermé. Il n’a pas dû, le lascar, réfléchir très longtemps pour penser épargner mon dos fragile en m’évitant de porter plus longtemps les six billets de dix euros que j’avais retirés du distribanque le matin même, glissés au fin fond de mon portefeuille. pour les dépenser le soir. Et, bien entendu, comme tout acte de générosité, il a, la fripouille, accompli cette bonne action dans l’anonymat le plus total… Pas comme ces pipoles qui beuglent partout leur sublime désintéressement...

Je ne remercie pas ce salopiot, de sa malveillante sollicitude, si vous voulez savoir…

Vendredi, encore secoué pas les doigts intrusifs, de la main inconnue, de ce loustic, qui sont allés, si ça se trouve, tripoter les photos de mes enfants, avant de rentrer, chez moi, je passe par LA grande surface du coin, cet hyper où je ne vais que très rarement tant le sentiment d’angoisse qui m’y attrape démolit, sur le champ, toute volonté d’y rester plus de cinq minutes. Quand j’y vais, je m’y dépêche d’y arriver et encore plus d’en partir. Un avantage cependant, ce lieu a le don de me briser la fièvre acheteuse. Trop de tout, plus envie de rien dans la minute, quand j'y mets les pieds .En garant ma bagnole, je tourne un peu court, trop, et sblamm pssshshshiiitt, j’éclate le pneu avant droit sur une borne en béton sournoise, posée au ras du sol et sensée guider les caddies… Evidemment je n’ai pas de roue de secours sur mon modèle de voiture. N'allez pas me demander pourquoi, n'allez pas remuer l'opinel dans la plaie, n'allez pas frotter de l'ail sur la blessure, n'allez pas verser du plomb fondu sur la carie. Un coup de fil à Inter Mutuelle Assistance, qui me vide le forfait portable, à cause de l'attente démoniaque, me confirme, ce dont je me doutais salement, que je suis à moins de cinquante kilomètres de chez moi et que donc, je peux m’asseoir par terre et pleurer, je ne serai pas assisté. Je me suis assis à même le goudron… Un appel à un dépanneur, au pif, deux heures plus tard et cent soixante quinze euros en moins sur mon compte bancaire, je me retrouve à pieds à la sortie du concessionnaire où j’ai dû laisser mon engin crevé. Bien sur, le pneu éclaté n’était pas dans leur stock... Pas de roue de secours et un pneu rare, tout va bien.. La commande ne sera là que dans trois jours, long week-end oblige… Va pour cent cinquante euros de pneu neuf. Au moins je ne crèverai pas d’autre pneu, ni n’aurai d’autre… incident… Avec la voiture, j'entends. Tout le reste est envisageable, quand elles commencent, les séries, sait-on quel niveau elles peuvent atteindre... Je n'oublie pas que la première guerre mondiale a commencé avec un minuscule assassinat... J’ai tendu le pouce et après une bonne heure de marche une twingo s’est arrêtée. Dedans, une enseignante en dépression, (qui a dit pléonasme?) qui avait besoin de changer d’air et qui a fait un détour pour me déposer gentiment devant chez moi… J’y ai vu le signe d’un sursis potentiel… Je n’en étais pas encore tout à fait à son stade… Quoique... Et, dire qu'elle, elle subissait en maternelle…

Le lendemain, j’ai ressenti le besoin de me bouger les fesses pour évacuer la colère qui me gonflait les veines et pas qu'elles, alors, malgré le ciel menaçant je suis parti faire une virée en vélo. C’est quand je sortais du village du Beaucet que l’orage a choisi d'ouvrir grand sa braguette… J’ai trouvé refuge dans un abri bus très vite inondé… Encore un abri pour temps sec, un abri contre le soleil, un abri d'ici, en fait… C'est sous une pluie battante que j'ai repris route et j’ai ruisselé très vite. Des torrents de boue, dévalant des chemins m’ont assez rapidement transformé en chose innommable, trempée, terreuse et… congelée. J'étais gaugé. Dans une petite descente, assez casse gueule, se sont pétés les deux câbles de changement de plateau et celui du frein avant gauche. J’ai évité la chute majeure de peu et c’est en moulinant comme un excité, le cœur en rage, les muscles gorgés d'adrénaline, les mollets en feu, que je suis rentré chez moi.

Une douche chaude après j’étais un peu apaisé. Une fin à cette série grise ?

En cette fin de long week-end, ni moi, ni aucun de mes proches n'avions... eu à revenir du Brésil…


Ciel de nuages 2

La réparation de la bicyclette? Quatre vingt euros, une paille...

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