31 décembre 2012

Deux mille treize.

J'émets l'hypothèse que ce sera une année balaise, sans ascèse et pourtant pas  obèse... Mais rien contre.
Deux mille treize? Une année à l'aise sans malaise, népalaise, camarguaise, évidemment hollandaise, irlandaise, vachement landaise ou charolaise. Enfin, toutes les villes et pays en aise... Comme Orthez ou Arthez et même Bagnols... sur la Cèze! ( On y revient...)
Ah que Rodez et les falaises de Cargèse m'apaisent!
2013, une année nantaise sans charentaise, sans thèse ni antithèse, une année qu'on soupèse, pèse et repèse...
Une année sans la chaise, (le père) et sans mayonnaise niaise? Foutaise!
Enfin l'année de la fraise maltaise ou de l'endive qu'on braise?

En synthèse, n'en déplaise à Pergolèse, aux cingalaises et à tous les Blaise, 2013 sera sans doute une année sans alaise, ni trapèze...

Sans trop de fadaises, ce soir, je lève mon Véronèse, j'enfile ma prothèse et je me tire avec Thérèse la reine du diocèse en Corrèze ou à Saint Tropez vivre entre... parenthèses...

Pour vous, je voeux...




Une note pour des voeux de bonne année sans jamais écrire le mot pèze...
Ça se fête!

Belle année à venir à vous, tous.
___ Dis, Gros malin, à qui vas-tu faire croire qu'à St Tropez il n'y a pas de pèze?

27 décembre 2012

Elle a fait sa belle...

Ce matin, au réveil, elle m'a incendié le regard. L'autre n'étant pas encore bien ouvert, je jetai un oeil par la baie vitrée, je vérifiai que le phare c'est toujours une seconde, trois secondes, rien cinq secondes, comme depuis plus de cinquante cinq années que je le sais, je regardais vers l'Est, là où les choses allaient, en principe, se passer quand elle s'est pointée. Quand elle s'est, enfin montrée.
Un matin, quand j'étais enfant, dans le noir de la nuit, mon grand-père m'avait réveillé et m'avait dit: Habille-toi, on va aller la voir! Avec un air bien mystérieux. Je m'étais levé et habillé en vitesse et j'étais grimpé dans la voiture. Il nous avait baladé sur les hauteurs d'Antibes. À Super Antibes il m'avait emmené super grand-père. C'était bien avant que tout ce bazar de ville naisse de rien, bien avant que tous ces immeubles moches sortent de terre, bien avant que ces clapiers verticaux empêchent la vue, bien avant que les chemins s'élargissent comme des autoroutes. C'était encore du temps où les hauteurs étaient des campagnes. Au ras du sol, pas prétentieuses. Laborieuses, simples. À taille d'homme. Une fois là-haut, nous avions attendu son arrivée et nous l'avions regardée. Nous étions restés à l'abri dans la voiture, une traction, avant noire vaste comme un salon, à cause du froid mordant du matin neuf de Février. Elle était  aussi belle que ce matin.
Ce matin, là où j'étais, elle s'est montrée à moi et à tous ceux qui, peut-être, regardaient dans cette direction. L'Est... 
Un peu avant le lever du soleil, elle est apparue entre les immeubles du Roy Soleil et le phare, encore balayant, de La Garoupe. Une bande de nuages l'encadrait bien un peu, la tassait sur l'horizon, mais pas assez pour la cacher. C'était bien elle dans sa magnificence qu'on apercevait se découpant sur le fond de plus en plus clair. 
Il ne faut pas être en retard car elle ne se montre qu'un petit instant. Elle va vite disparaître quand le soleil se sera, lui aussi, levé...
Certains diront que ce n'est pas elle directement qu'on aperçoit à cause de la courbure terrestre puisqu'elle est à plus de cent quatre vingt kilomètres de là, mais moi, je dis que c'est elle qu'on voit, là.
Un jour, j'y arriverai au petit matin après toute une nuit de navigation, alors j'en sentirais les odeurs de maquis, ces odeurs si particulières qui enlèvent tout doute à propos d'elle: Si on les sent, ce ne peut être qu'elle.
Les paysages qui nous bouleversent sont surprenants, on a beau les connaître par coeur on est ébloui à chaque fois. Et c'est en cela qu'ils surprennent.

Il ne suffit pas de grand chose pour rester dans la mémoire des gens... Chaque fois que je la vois, que j'y pense, que j'y vais, que je songe aux amis qui y vivent, que j'y suis, qu'elle me manque, que j'envisage d'y aller, que je me souviens d'elle... À chaque fois, je pense à lui...

25 décembre 2012

Si urgence...

Comme une lune, je m'eclipse quelques jours... Si vous aviez une urgence (en ces temps de fin de monde, il vaut mieux prévoir...) Je vous laisse sa carte. N'hésitez pas!
Vu ce qu'il promet il doit avoir une réponse à tous les problèmes envisageables...
Cependant, si vous deviez l'appeler ne lui parlez pas de moi, je pense qu'il fera semblant de ne pas me connaître...


19 décembre 2012

Le chat peint... de Noël.


En arrivant dans l’immeuble, l’enfant avait attrapé une boule rouge et brillante accrochée au sapin installé dans le hall pendant l’après midi et l’avait enfouie dans sa poche. En attaquant les dernières marches avant le dernier étage, il s’était dit que ce soir, ils seraient peut-être là avant lui et puis après avoir fait le silence sur le palier, il avait su que ce serait comme les autres soirs. Alors, il avait sorti sa clé de son cartable et il avait ouvert la porte, puis il était entré. Il avait sorti la boule de sa poche et l’avait posée là sur la commode. C’était bientôt Noël et pour lui rien ne changeait.
Il avait filé dans la cuisine, à l’aide d’une chaise il avait attrapé le pot de saleté à tartiner, une tranche de pain qu’il avait recouverte de pâte, il avait ouvert le frigo, en avait sorti une bouteille de jus d’orange et il s’en était vidé une longue rasade puis, sa tartine à la bouche, il avait traversé le long couloir menant à sa chambre. D’un coup de pied il avait poussé la porte et il était entré. Madame Flamand avait dû venir dans la journée, tout était si bien rangé. Le petit bonhomme avait englouti sa tartine après avoir allumé le superbe écran plat qui trônait sur un meuble et assis par terre sur une moquette épaisse après avoir coupé le son, il s’en était désintéressé. Il avait renversé la boite en métal dans laquelle il y avait ses figurines préférées, il avait ouvert plusieurs  livres, il avait descendu sur le sol une étagère entière de peluches, il avait sauté sur le lit pour lui redonner un aspect un peu moins ordonné et puis assis à nouveau, dans le silence de sa chambre, il s’était ennuyé. Il n'aimait pas les soirées, mais il aimait encore moins les soirées d'hiver. Les autres saisons, il pouvait encore monter à l'étage au-dessus et jouer dans le jardin en terrasse, voir le vol des oiseaux, être dehors. Il s'y ennuyait moins. Enfin moins que ce soir. Il attendait un appel de sa mère. Tous les soirs, vers dix huit heures trente, son portable sonnait. Il savait que c’était elle, il savait aussi qu'après ce serait l’heure de la douche. Parfois, il en recevait un autre au moment d’éteindre les lumières, mais celui-là n’était pas certain. Il dépendait du temps qu’elle pouvait lui consacrer. Dès qu’elle avait raccroché après deux ou trois phrases rapides pressées par le temps manquant, il allait à la salle de bain et se lavait puis se mettait en tenue de nuit. Alors, vers les dix neuf heures c’est la porte d’entrée qui sonnait et derrière, la voisine de l’appartement d’à côté, Madame Krispolls, comme il l’appelait, s’y tenait un plateau à la main. Il ouvrait, elle entrait et sans se baisser pour l’embrasser, elle allait poser le plateau sur la table basse du salon. Il y avait dessus son repas du soir. Un bol de soupe, deux morceaux de ce pain suédois croquant et puis d’autres trucs à manger. Cuisinait bien la Krispolls? Se faisait livrer? Elle repartait presqu’aussi tôt en lui disant de ne pas veiller, de se coucher à l’heure convenue et elle disparaissait.
Voilà comment se passaient tous les soirs d'école de ce petit bonhomme là. Le matin, il se réveillait seul, se  levait seul et sur la table de la cuisine, un autre plateau l’attendait. Il pouvait aller embrasser ses parents juste avant de partir mais s’il ne les réveillait pas c’était aussi bien. Un taxi l'attendait en bas de l'immeuble pour l'emmener à l'école de l'autre côté du parc. En aucun cas il n'avait le droit de le traverser seul. Si le taxi ne venait pas, il devait remonter chez lui. Il n'avait jamais osé braver cet interdit, mais du toit terrasse, là haut il observait souvent la masse verte des arbres de l'immense parc. Un jour il le traverserait à pied cet océan Terrifique, je me le jure... Le vendredi soir, ses parents recevaient  dans des diners interminables et là, il ne pouvait pas rester à table avec tous il fallait qu'ils parlent entre adultes. Il devait donc aussi les laisser dormir le samedi matin et ne les voyait apparaître que vers onze heures pour un « brunch » qu’ils prenaient ensemble et c’était un des rares moments de la semaine, voire le seul où ils étaient réunis, mais il sentait bien que sa vie ne les intéressait pas vraiment. Alors, il n'en disait rien.
Ce soir là, assis contre le montant de son lit, il  racontait sa journée à un tricératops en plastique vert quand il a vu sur le rebord de la fenêtre, à l’extérieur, un chat noir  se frotter à la vitre. La bestiole allait et venait le long du carreau et semblait miauler à chaque fois qu’elle faisait demi-tour. Bien qu’il n’ait absolument pas le droit d’ouvrir cette satanée fenêtre, on était au sixième, il n’a pas hésité longtemps. Avec un immense sourire, il a grimpé sur le fauteuil du bureau et l’a ouverte. Le chat, un tout  jeune chat,  a sauté sans la moindre hésitation dans la chambre et est venu se frotter à ses jambes. L’enfant l’a laissé faire. Puis la bestiole a sauté dans ses bras et s’est mise à ronronner comme une chaudière au fuel. Le gamin s’est alors aperçu que le petit noir avait une étoile dorée comme peinte sur le plastron. Une jolie étoile à cinq branches toute brillante sur la fourrure noire. Un chat peint s'est-il dit ça n'est pas banal et ça l’a fait sourire. En vrai, il était tout heureux de cette présence. Il est allé dans la cuisine, il a posé une noix de crême à l'huile de palme sur une soucoupe et l’a apportée au chat qui l’a léchée. Et puis, ils ont joué. Jusqu’à l’arrivée de La Krispolls. Juste avant d’aller lui ouvrir, le gamin a mis le chat dehors. La voisine repartie, l’enfant est revenu voir à la fenêtre mais le chat n’y était plus. Le gamin a passé une sale journée : Et s’il ne devait pas revenir ? Et s’il ne le revoyait plus jamais ? Il n’a réapparu que le lendemain soir. Et ce n’est que là que l’enfant s’est aperçu qu'il n'avait pas affaire à un chat ordinaire. Après avoir un peu joué ensemble, après la noix de pâte à tartiner, les deux se sont posés un peu. C’est à cet instant que c’est arrivé. En le caressant, l’enfant a pensé à un jouet qu’il aimerait tant avoir... Alors dans un pfffouiit éblouissant, l’objet est apparu sur la moquette de la chambre. Un peu surpris et quand même apeuré, l’enfant a, un peu plus tard retenté la manœuvre et même résultat. Quand il caressait le chat noir en pensant à un jouet, le jouet apparaissait et le bonhomme pouvait jouer avec. L’arrivée du plateau du repas a fait disparaître tous les jouets nouveaux sous le lit du gamin. C’est le seul endroit qu’il a trouvé pour les cacher mais la voisine ne rentrait jamais dans sa chambre. Et puis des jouets, il y  en avait déjà tellement qu’on ne risquait pas d’en remarquer quelques uns de plus.
L’enfant a très vite trouvé le parti qu’il pouvait tirer de cette rencontre avec le chat. Il allait en apporter à l’école et se faire des tas d’amis. Le lendemain, il a glissé sous son blouson deux ou trois jeux vidéos qu’il avait obtenu en caressant le chat la veille au soir. Quand il a franchi la porte il a juste entendu un pfffuiit et s’est senti plus léger. Les jouets avaient disparu. Il a réessayé le lendemain et là encore, ils se sont comme évanouis. Les jouets ne passaient pas la porte. Il devait les laisser dans sa chambre.  Il devait être seul à jouer avec eux. Il ne pouvait même pas le raconter à ses poteaux de l'école, ils ne l’auraient pas cru. Peut-être même qu'ils l’auraient traité de vantard. Donc, il devait garder pour lui tout ce qui  arrivait avec le chaton. Vis à vis des autres, ça n’avait, alors, plus grand intérêt.
Il a été déçu quelques heures. Mais quelques heures seulement. Quand il est rentré, le soir, le chat était là derrière la vitre et l’attendait. Puis le soir suivant, puis encore le soir  d’après. Le vrai miracle de cette affaire bien plus fort que tous les jouets de la terre c’est qu’il avait maintenant une présence sûre, un ami avec qui jouer, sur qui compter et qui pouvait compter sur lui. Evidemment, il s’en est occupé comme il le fallait. Il a partagé son plateau repas et surtout, surtout il n’a plus jamais ressenti ce terrible sentiment de solitude qui l’étreignait quand il rentrait de l’école.

Ce n’est que la veille de Noël que l’enfant s’est aperçu qu'en même temps que ses dons, le chaton noir avait perdu la petite étoile dorée sur son plastron... 
Il ne l’a pas cherchée,  il savait, désormais, où la trouver. Il savait que c'est en eux qu'elle brillait...


PS: Si ce petit conte avait la chance de plaire à quelqu'un ou quelqu'une qui aurait le talent et voudrait l'illustrer qu'il ou elle ne se gène pas...

PPS: Dans quelques jours il sera trop tard...

16 décembre 2012

Fumeux.

Pour les impromptus de la semaine. Il fallait inaugurer. J'ai:


Mes administrés, mes  chers amis !
Bien que les circonstances soient fumeuses et pas particulièrement réjouissantes c’est malgré tout avec plaisir que je nous vois réunis un bon paquet, ici afin d’honorer, sans filtre, la mémoire de Martin Tamarre, notre ami et adjoint en charge de la santé, qui nous a quitté en pleine jeunesse dans sa 62 ème année le mois dernier victime d’un cancer du poumon foudroyant.
En effet, à cette terrible nouvelle, c’est unanimement que le Conseil Municipal et moi-même fûmes heureux de prendre une décision qui va, nous l’espérons, faire un tabac : Débaptiser la rue  « du Con qui tousse » pour la nommer désormais rue Tamarre.
Sans te chercher des poux, mon Martin, cher Martin, ne mégottons pas, j’espère que là où tu es tu peux savoir que nous allons aujourd’hui répandre tes cendres dans cette rue et ainsi, à chaque fois que nous emprunterons cette voie, clopin clopant, nous penserons à la tienne qui était devenue si caverneusement inaudible.
Alors, dans un souffle, sans que personne ne bronche, tu pourras dire : Enfin, cette fois vraiment, ma cendre y est !

On ne s'enlace pas.

Il lui arrivait parfois de se demander: Mais pourquoi moi? Qu'ai-je donc fait de si terrible pour en être arrivé là où j'en suis? Quelle punition ai-je mérité?
Ça lui venait surtout certains soirs de grande fatigue et le plus souvent c'était des soirs d'hiver où il n'avait rien vu du jour, enfin, aucune lumière solaire. Que des néons électriques ou des ampoules au tungstène. Ça lui venait les soirs de grands froids, de ceux qui serrent les coeurs et enfouissent les mains au fin fond des poches, de ceux qui mordent les nez, font relever les cols et disparaitre les cous. Ça lui venait et puis ça finissait par passer. Mais en attendant, c'était là, il lui fallait vivre avec et vaguement tenter quelques ébauches de réponses.
Un peu plus de vingt ans (20) que ça durait. Vingt ans, maintenant qu'il n'avait pas cohabité avec quelqu'une dans un même espace et pour une durée prolongée. Il se le disait comme il le pensait: Il en avait parfois marre de vivre seul.
Ces jours là, ces heures là, ça ne le faisait plus sourire. Il trouvait ça lourd. Injuste voire injustement lourd.
Et pourtant, il les voyait dans les rues ces couples improbables se donnant la main, s'attrapant le coude, marchant côte à côte. Il les regardait bien au restaurant ces gens ensemble, en têtes à têtes plus ou moins silencieuses, plus ou moins souriantes. Il les voyait s'engueuler pour un rien et se parler comme on ne parlerait pas à son pire ennemi. Il les voyait, ces femmes qui s'adressaient à leurs hommes comme s'ils étaient des enfants de maternelle. Il sentit bien la tension qui pouvait faire fondre le goudron de certains parkings à propos d'un créneau plus ou moins réussi.
Il avait parfois envie de ça, lui aussi. Il avait envie de rentrer chez lui et d'avoir quelqu'un à attendre. Ou même d'être, un peu attendu. Hé bé non!
Qu'avait-il de moins que tous ceux là qui avaient trouvé une chaussure, même si elle n'était pas tout à fait de la bonne pointure, mais, au moins, ils n'allaient pas nus pieds? De quelle tare était il, lui, atteint pour subir cette malédiction?
Sentait-il si mauvais? Etait-il si moche, dépravé, alcoolique, mauvais, impatient envahissant, irrespectueux, violent, insatisfait, égocentrique, superficiel, exigeant, intransigeant, colérique, insensible, bestial, avare, menteur, stupide, inconséquent, sinistre, borné, moyen-ageux, demeuré... Où donc était l'obstacle, le frein, l'empêchement?

Comment se faisait-il qu'avec lui on ne s'enlace pas? 
Certains soirs, lui, s'en lassait...


09 décembre 2012

Galante Marie.



Il n'y avait que trois liaisons par jour, une le matin, une le midi et une le soir. Nous y sommes arrivés par celle du matin.

Pendant la traversée, nous avions eu une bonne heure pour la voir d'abord se dessiner sur l’horizon, puis exister tout en s’en approchant lentement. Il n’y avait pas grand monde sur le pont et la mer était calme. Une bande de dauphins joueurs nous a même accompagnés en sautant hors de l’eau pendant un long moment puis ils sont partis jouer ailleurs. La vitesse du bateau provoquait une légère brise qui nous empêchait d’avoir trop chaud bien que le soleil soit déjà assez haut au dessus de nos têtes nues. Le ciel était habité de troupeaux de nuages qui disparaissaient et se reformaient aussitôt. 
À cause du bruit du moteur personne ne se parlait. Tout le monde avait plus ou moins les yeux dans les vagues. Certains au fond des sacs en papier... Moi, j'essayais de mémoriser le plus possible de secondes de ce que j'étais en train de vivre et je me les collais dans les bajoues de la mémoire comme un hamster avec ses graines, en prévision des longs mois d'hivers qui, malheureusement, ne manqueraient pas de venir...

Nous avons accosté dans une manœuvre limpide et le débarcadère a été envahi. Les rhétais qui étaient là depuis la veille avaient pris possession du bateau qu’ils avaient loué pour trois jours et nous attendaient au mouillage. Ils avaient dormi dessus et d’après leurs premiers commentaires il dormait bien. Nous avons déposé nos sacs à bord et nous sommes allés faire un tour au marché de Grand Bourg.

J’y ai acheté un bob. J’étais venu sans et le jour en bateau aux Antilles sans avoir la tête couverte c’était un coup à peler du cerveau. Je l’ai choisi rose pour qu’il se détache bien sur le bleu, j’ai évité la demi-mesure, le bob honteux. En fait, je n’ai pas acheté un bob, je me suis offert LE beau bob. On a voulu voir ce que ça donnait. Je ne le mettrais que sur le bateau j’ai dit en le fourrant dans mes poches… Nous avions suffisamment l’air de touristes comme ça. Nous avons acheté quelques fruits, une ou deux bouteilles de rouge, et de quoi manger pour les jours à venir. Puis, nous avons regagné le bateau et nous avons appareillé. L’alizé était établi, la mer calme, nous avons longé la côte vers Saint Louis. Dans l’air, s'est mis à flotter une odeur de caramel qui venait de la sucrerie de grand anse. Plus loin, vers Folle Anse, M. nous avait promis qu’il y en avait quelques unes sous la troisième pile du ponton qui servait aux vraquiers à accoster pour être gavés de de cannes et s'en aller remplis jusqu'à la bouche. 
___ Elles sont à environ sept huit mètres de fond. Il y en a toute une bande.
___ Tu connais leurs prénoms? On a demandé. Rigolez, rigolez a-t-il dit... Si tout va bien on devrait se régaler ce soir... Ça n'était pas une forfanterie et ça avait le ton d'une promesse.

On a jeté l’ancre à quelques battements de palme de là. On s’est équipé, on a sauté à l’eau et on est allé voir… On en a remonté trois de bonnes tailles. Maintenant, il n’y en a plus que des petites. Les nôtres, elles reposent dans la glacière du bord alors que nous faisons route vers la plage de Grand Anse. Une longue moquette de sable blanc bordée en haut par quelques cocotiers penchés par les vents et en bas par un turquoise frisottant. Comme sur google images! Nous avons mouillé à une bonne distance de la plage à la verticale d’une roche plate. 
___ Dessous la pierre, en principe, il y en a aussi a dit M. 
Et trois qui font six. L’apéritif du soir serait somptueux. Il le fut. Après quelques bains, une ou deux bières, quelques plongeons, un débarquement en annexe juste pour fouler le blanc de la moquette et ramasser des coquillages comme des trésors ensevelis, le soleil a commencé à s'approcher l’horizon. Ils se sont mis à flirter tous les deux.  Le ciel s’est poudré de rose comme les joues d'une ingénue et le jour est tombé d’un coup comme une mauvaise idée de la tête d'un imbécile. La nuit s’est installée maintenant chez elle. De la plage, nous arrivaient les chants lancinants des crapauds et, si la température avait baissé, elle restait bien au dessus de désagréable. Un tee shirt suffisait à nous éviter de frissonner.

Celles qu’on avait attrapées elles aussi, oui, frissonnaient mais dans un faitout. L'odeur qui montait de la cambuse nous aiguisait les papilles. Nous étions six. Parfait. Une chacun plus une pour le cuisinier. Avec les ti-punch, du riz pilaf, puis du rouge. La nuit, sous ce ciel des caraïbes étincelant d’étoiles, s’est annoncée... supportable.

Et les jours qui viendraient, pareil…

En se léchant les doigts, d'un air détaché, l’un a dit : Bien sûr, elles sont bonnes comme ça, mais moi, je les préfère grillées, les langoustes…




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