30 octobre 2011

On peut préférer...

Parce qu'il faut bien un jour rentrer chez soi, on finit, sac chargéfermé, par devoir se rendre à l'aéroport. On a son billet en poche, vite, vite on est un poil à la bourre, on a ses papiers, pas comme l'autre fois là, où on est parti au Canada sans son passeport, on a son appareil photo plein des images attrapées pendant le séjour comme des cailloux de Poucet glissées dans sa poche, pour ne pas se perdre ou plutôt pour aider à se souvenir, on a presque tout... De toutes façons, ce n'est pas grave, ce n'est pas perdu, si c'est chez toi... On quitte la ville batave qui jusque là n'était qu'un traité, on roule les kilomètres nous séparant de la maudite aérogare puisqu'elle va devenir, d'une certaine manière, la complice de notre éloignement. On ne se dit trop rien pendant ce trajet là, parce qu'il est arrivé bien vite ce départ là. On est jeulan matin, un vingt sept du mois de Novtobre... On se gare déjà à la dépose minute de l'aéroport. On s'embrasse, on se dit qu'on se manque déjà, on se souhaite à bien vite, on pense si loin, on se défait et on se sépare. L'autre n'attend pas, monte dans sa voiture et démarre, ici, dans ce pays, je veux dire, on ne traîne pas à certains emplacements si on n'en a pas le droit, ici, on n'est pas dans un pays latin, on est dans une contrée du nord, ce qui est interdit ne se fait pas...
Je m'engouffre dans la gare comme un courant d'air dans un couloir glacé. Et je m'approche du comptoir. Ma destination clignote encore, tout va bien, je n'ai pas manqué l'heure de l'enregistrement. Devant moi, dans la queue où on enregistre également pour une autre destination, trois ou quatre groupes de gens patientent. Je ne vais pas faire mon latin, je vais prendre ma place dans la queue gentiment et attendre mon tour en ne manifestant aucun agacement, aucune nervosité. Nous ne sommes pas si bien vus que ça dans ce pays, ne nous faisons pas remarquer. Du reste, ici, comme un peu partout désormais en Europe, ils voient d'un oeil étrange tout ce qui justement est un poil étranger. Je me souviens de m'être fait engueuler comme du pourri dans un poissonnerie parce que je ne parlais pas la langue et que je n'avais pas de dictionnaire sur moi... Ne donnons pas du grain à moudre, la balance est suffisamment sensible... Après un bon quart d'heure vient enfin mon tour de m'approcher du guichet... Je tends mes papiers nécessaires à l'enregistrement. La fille, une gigantesque blonde aux yeux bleus me regarde d'un air soupçonneux. Elle m'envoie, direct en anglais... Remarque, vu ma tête et l'heure à laquelle je me présente, je ne PEUX pas être hollandais (Il doit y avoir aussi d'autres critères mais franchement, je n'ai pas plus envie que ça de les connaître), donc, avec un sourire le plus professionnel possible, glaçant, elle m'envoie: Sorry sir the check in is over. Du moins, à sa grimace compassionnelle, c'est ce que je comprends. Ou, autrement dit: L'enregistrement est terminé, le vol est clos, dégage, tu gènes il y en a qui attendent derrière, français. Elle m'a rappelé quelqu'un l'aryenne: c'est la procédure, je le fais sans haine, c'est pour ça qu'on me paie, ce sont les ordres, si je ne le fais pas quelqu'un d'autre le fera, on connaissait la chanson... J'ai eu envie de pleurer et de lui dire : S'il te plait, sois pas vache c'est déjà suffisamment difficile de venir attraper un zinc pour partir d'un endroit d'où on n'a pas envie de partir, steuplait, madame la grandasse aux cheveux d'or  n'ajoute pas à ma peine un emmerdement..
J'essaie de lui baragouiner dans mon anglais scolaire ancien (Peut mieux faire, n'exploite pas toutes ses possibilités...) que je suis là depuis un quart d'heure à ne pas me comporter, justement, en français de base, à attendre patiemment que les gens pour Alicante s'enregistrent et qu'elle aurait pu, au moins,   demander s'il y avait quelqu'un qui attendait pour l'autre vol... Mais rien à faire. Dans ces contrées là, avant l'heure c'est fichu, après l'heure c'est... foutu. J'ai abandonné quand j'ai eu le sentiment d'être en train de lui demander que l'avion fasse demi-tour alors qu'il s'agissait juste de m'embarquer une demi-heure avant l'heure prévue du vol... J'ai abandonné quand j'ai perçu le petit plaisir que lui procurait son refus... Ah que n'étions nous en Italie, voire à Marignane où on se serait sans doute un peu démené pour que tu puisses cavaler à corps perdu, tes bagages à bouts de bras, vers l'échelle de coupée une gazelle brune fendant l'air au devant de ta course. Ici, c'est non. Trop tard. Point barre, barre.
Elle m'envoie au guichet où l'on parle français, j'essaie encore une fois de m'expliquer sur mon arrivée, la queue que j'ai faite gentiment sans passer devant tout le monde, en respectant les coutumes d'ici... J'entends juste: Monsieur, ce n'est plus la peine de parler de tout ça, puisque vous ne prendrez pas cet avion... (Elle, je vais la mordre!) Mais elle a raison, la revêche, je ne prendrais pas ce vol. Quand même, j'étais dans la file, devant le guichet, bien avant la clôture de l'enregistrement. Un rappel, comme une piqure: Monsieur, voyons qu'est-ce que nous peut faire pour vous, maintenant...
Un bus, un train, un autre aéroport, un autre billet pour un vol du soir. Une arrivée à destination huit heures plus tard, deux billets achetés pour le même trajet... Le tout pour une petite rigueur rigoureuse, implacablement rigoureuse...

Certains jours, on peut préférer la vie bazardine, la sente buissonnière, l'aléatoire incertain, l'imprécis vague, le bien trop, le trop peu, le désordre, l'à peu près, l'abandon, le robinet qui goutte, la palabre, l'approximation, le probablement, l'on verra bien, le petit arrangement, la peinture qui s'écaille, le poêle qui fume, le laisser aller, le volet qui claque, l'arrondi de l'angle, la tache sur la vitre, le compromis, le quand tu veux si tu peux, le trou dans la gouttière, le retard à l'allumage, la poussière dans l'oeil, l'un peu de traviole, le cheveu sur la langue, la rayure sur le parquet, le vous me les donnerez la prochaine fois, l'eau dans le gaz, la fêlure, le chemin de traverse, le pas de côté, le juste après la marge, le caillou dans la chaussure, le petit chemin, le marchandage, le piston qui couine, l'hésitation, le mouton sous le tapis, le pif, la louche, l'à vue de nez, le ça ira vous en faites donc pas on n'est pas à dix grammes près, la porte entre ouverte, la poussière sur les meubles, la rue Michel, la friture sur la ligne, la courbe légère...


22 octobre 2011

Dachrioserum six CC.

Fragrances d'automne...

Il y aurait en ces jours comme un parfum de vacances, comme un air de repos, des senteurs de flemmance, des odeurs d'instants retrouvés... Ce serait comme le temps de le prendre pour jeter un oeil, voire deux sur l'automne qui s'avance, des rouges fringants sur ses cols relevés, savourer d'une légère insouciance le plaisir d'avoir enfoui profond un index au dedans de son nez...
Allez, pour entériner le triomphe de François, un petit séjour en Hollande, en rive de Meuse, via L'Estérel et ses couchants de feu, juste avant de réembrasser les ors et incandescences de la province  Provence...








19 octobre 2011

Français.

On reproche parfois souvent (oui, j'ai fait exprès!) L'idée que je me fais des reproches c'est qu'ils sont parfois adressés, mais souvent quand même... au cinéma qu'on appelle français, par comparaison à l'américain, de ne pas traiter de sujets profonds, d'être bien léché, avec une jolie lumière et une caméra qui ne tremble pas, de ne pas s'occuper de la vie vivante, là ici et maintenant, de  ne tourner qu'autour des problèmes existentiels d'architectes ou de médecins qui n'en foutent pas une de toutes leurs saintes journées et passent leur temps à fumer en conduisant des audi laquées noires toujours impeccables sous la pluie battante qui ne manque pas de ne rincer qu'elles... Bref d'être inintéressants au possible, creux, vides et vains. Comme des bouquins de Christine Orban. ( Note wikipedia: Christine Orban, l'éternelle jeune femme respire l'air du large dans sa demeure normande, partage son temps entre ses deux fils, le sport et les brocantes, mais n'en délaisse pas pour autant sa passion pour l'écriture... ).
De bien belles images, mais d'un plan plan vertigineux...

Et puis voilà, il y a de temps à autres, parfois, mais pas souvent des merveilles de bijoux de films plein de cambouis du sol au plafond, foutraques, un peu de traviole fichus, servis par des acteurs et des actrices d'une intense humanité, à hurler de rire, à pleurer de rage, bouleversants comme pas deux, poignants, drôles, serrant le coeur, vous faisant tourner et retourner sur votre siège, les larmes de rires se mêlant à celles de l'épouvantable scène d'avant...

Cet après midi, j'ai vu Polisse, un film de Maïwenn LeBescot...



Ah au fait, si ce n'était pas déjà le cas, Joey Starr, en épris de justice, en est une...

Et comme je suis verni comme un vieux meuble, j'ai aussi vu: L'exercice de l'état qui est un film remarquable comme dirait l'autre qui traite du pouvoir et de  ses chenilles à broyer, formidablement servi par des comédiens de fièvre...


PS: Le cinéma américain quand c'est celui de Penn, de Mallick, de Cassavetes, de James Gray et d'un paquet d'autres, il vaut le déplacement!!!



12 octobre 2011

Entre nous.

Tout ce silence...
Les années sans se parler commençaient à faire un volumineux petit tas dans le débarras de nos deux vies. 
Tout le silence qui les accompagnait, aussi. Pas un mot. Pas un seul petit mot de rien échangé, pas même un bonjour ou un au-revoir de politesse depuis bientôt trois ans. Plus de neuf cent jours.  On ne s'était plus rien dit depuis juillet d'il y a deux ans. On ne s'était plus parlé depuis tout ce temps alors qu'avant, du temps qu'on faisait encore équipe, nous étions les champions de la parlotte. On en a tapé des discutes pendant  des heures et des heures. On e en a vécu des soirées  à disséquer le pourquoi du comment, à séparer le tu crois du pourquoi pas, à se demander le vrai du juste, le oui du non ou le sur du doute...
Avions nous épuisé notre capital de phrases? Serions nous en train de rembourser tout ce qu'on se serait dit en trop? Etions nous désormais condamnés au silence radical, définitif? Jusqu’à quand ? Serons nous un jour capable de nous redire simplement bonjour, je suis content de te voir, tu vas comment, toi ?
Les derniers mots qu'on s'était échangé c'était: "Au revoir, on s'appelle pour se dire ce qu'on fait..."
Et puis, pas un des deux n'a rappelé l'autre. Pas un des deux n'a même envoyé de signe à l'autre... Heu, ce n'est pas tout à fait  exact, tu m'en as fait un de signe, un jour, j'ai vu passer au dos d'une enveloppe, qui ne m’était pas adressée, quelques mots que tu avais écrit de ta main, du moins, j’ai cru reconnaître ton écriture, je les ai pris pour moi... Tu avais écrit: "Et des nouvelles?"
J'ai encore l'enveloppe sur mon bureau. Et des nouvelles? Juste ces trois mots là et ce point d'interrogation. Rien d'autre. Ç'aurait pu être adressé à mon buraliste, mon pharmacien, un chat, une brouette...
Et des nouvelles? Alors bien entendu, je n'en ai pas donné... Demandées comme ça, l'envie ne m'est pas venue.
Les derniers jours qu'on avait passés ensemble, on n'avait pas bien su comment s'y prendre avec nous et, à dire vrai, cela n'avait pas été une grande réussite. On n'arrivait pas à y arriver. On ne savait plus faire, si tant est qu'on avait su, un jour. Oh nous n'étions même pas fâché, non, ou alors un peu contre nous mêmes et contre cette incapacité à nous dépêtrer de l'alchimie négative qui nous ensorcelait et s'emparait de nous dès que nous étions ensemble. Plus nous avancions et moins nous y arrivions.
Tout entre nous devenait lourd, pesant, inquiétant, conflictuel, dérangeant, déstabilisant alors que tout n'aurait dû être normalement que fête, partage et plaisir. On ne savait plus comment s'y prendre pour s'y prendre bien, alors fatalement on se démerdait mal. On était gauche, faut voir comme. Alors quand ce dernier séjour ensemble s’est terminé, on s’est dit à la prochaine, on s’appelle pour ce dire ce qu’on fait… Sous entendu ce n’est pas la peine de se revoir si c’est pour ça.
On était enfin d’une certaine manière d’accord : Si c’est pour ça, ça ne vaut pas la peine.
Certains soirs j’aurais préféré qu’on se fâche, qu’on soit en colère l’un contre l’autre, qu’on se la soit dite cette rougne… Peut-être qu’il aurait mieux valu des mots qui dépassent notre pensée que ce silence essentiellement silencieux qui dure…
Que nous était il donc arrivé? Oh on en avait aussi débattu de ça, en long, en large, en travers , en biais, en strates, en tas, en isolé, en boisseau, bref de toutes les manières possible et sans rien oublier. Pour finir c'est un écrivain qui nous avait mis d'accord d'une phrase, d'un trait, Sagan, qui avec son immense finesse, son acuité avait su tout débusquer, tout concentrer, tout résumer. Cette phrase faisait: Entre deux personnes, l'enfance c'est pire que trente ans de mariage... Comme on n'avait pas été marié trente ans... Cette vérité compliquait salement les choses...

Comment faire la paix alors qu'on n'a même pas investi le champ de bataille? Comment se réconcilier quand on n’est pas fâché ? Que devrais-je faire si j'étais moins con?
Tandis que nous allions, un nouvel  automne, assister aux dorures des paysages, aux chutes de la troisième génération de feuilles d'arbres... Alors que  que depuis que nous ne nous étions plus dit un mot, des tas de gens que nous avions connus vivants, que nous avions embrassés, serrés dans nos bras, qui avaient fait partie de nos existences étaient bel et bien morts et enterrés... Alors  que, nous mêmes, entrions dans l'automne de nos vies, à l'étage au-dessus, tu peux me croire, ça commençait déjà à tomber comme à Gravelotte...  Alors que, nous mêmes, commencions certains matins à avoir mal partout au réveil et qu'on pouvait percevoir des signes de notre probable déménagement, de notre proche montée d'un étage... Alors que sur terre étaient apparus des gens qui, évidemment, n'existaient pas à l'époque où on trafiquait ensemble, et même qu'ils commençaient, déjà à se tenir debout sur leurs toutes jeunes jambes... Le monde avait drôlement changé depuis notre lourd silence et nous aussi. Chacune de nos cellules avait, désormais, été remplacée, il ne devait pas en rester beaucoup de la vieille époque... 
C'est ce moment précis que nous avions choisi pour ne plus nous dire un mot...
Mais, moi, j'avais bien pensé que je vieillirais avec toi... C'est sans doute la preuve d'un manque certain d'ambition, d'une pauvreté d'imagination mais c'est ce que je souhaitais du temps qu'on se disait encore...
Et, si je ne te demande pas de tes nouvelles ce n'est pas seulement parce que je ne veux pas savoir comment tu vas mais plutôt que je ne suis pas certain de vouloir apprendre que tu vas bien sans moi.
Avec qui tu ne vas pas vieillir...

___ Hé mais Chri chou... Qu'est ce tu fous? Démarre, le feu est passé vert... Y vont gueuler, derrière


10 octobre 2011

Peau aime.

Le profond de l’homme, sous ses oripeaux
De l’homme et la femme dans leurs manteaux,
Douce, caressable, sucrée salée ou séropo
Le plus profond en l’homme, c’est sa peau...


Peau douce, peau de pêche ou d’orange
Peau d’âne, peau de balle et peau d’ange,
Peau de phoque, de fer de zébu et de crin,
D'abricot, de banane ou peau de chagrin…


Peau d'hareng, de colle ou de chamois…
Peau de l’ours, l’avoir dedans, vendre la…
A fleur de, peau rouge, bien dans sa…
Blanche peau, de porcelaine ou de zébi


Peau claire, mate, ou peaud'chien… pour la Nini !

Cuivrée, ridée, irritée, épaisse ou gercée
De velours, soyeuse, moite ou crevassée,
Des fesses, du cul, des coudes et du coup,
Peau dure, peau lisse ou peau de voyou…


Etre si mal dedans, de bête ou peau d'tatou…
Coller à la, de vache, de taupe ou de boue
Douze balles dedans, neuve ou vieille peau,
L’avoir sur les os, peau rêche ou balle-peau


Le profond qu'à l’homme sous ses oripeaux
L’homme ou la femme sans leurs appeaux
Douce, caressable, salée sucrée ou séropo
Le vrai profond de l’homme, c’est sa peau...




06 octobre 2011

Voir, juste...

Avant hier, je prenais un autobus entre Mic. et Manu...(Je veux dire que j’étais dans un bus assis entre ces deux gars là). J’ai entendu leur conversation. J’ai tout transcris le plus fidèlement possible. J’en ai manqué mon arrêt:
___ Gna fef eti labarrou...(Incompréhensible…)
___ Tu connais le proverbe africain? : « N’attends pas de la colère du lion qu'elle te caresse ! »  Tu savais à qui tu avais à faire, non ?  On t’avait bien prévenu, on te l’avait dit qu’il ne fallait pas y aller, mais Mossieur n’écoute jamais personne… Mossieur n’écoute rien, pas même ses amis, SURTOUT ses amis, il fait comme il veut, quand il veut où il veut et voilà le résultat, Mossieur à le cœur dans la merde !
___ Manu ? Tu me fatigues ! N’oublie pas pourquoi tu ne voulais pas que j’y aille, comme tu dis… Ne transforme pas tout à ta convenance, ne réécris pas l’Histoire, ne mets pas du désodorisant dans les toilettes ni des guirlandes aux poubelles, veux tu ?
N’oublie pas ce que tu me disais d’elle… Veux tu que je te répète ce que tu me disais d’elle dans un souffle acide ? Veux-tu, vraiment, que je te renvoie à tes grimaces et à tes simagrées? Tu as une faculté à oublier les choses qui est sidérante. Proprement sidérante, mon pauvre Manu. Une mémoire de poisson rouge ! Ta gifle tu ne l’as pas volée, si tu veux mon avis. Ce qui est étonnant c’est que tu n’en reçoives pas davantage…
___ Tu t’emportes, là non ?
___ Au contraire, je minimise ! Qui a les yeux presque exorbités quand il se promène en ville, qui leur lance des regards de loup affamé quand il les croise, qui s’il n’y avait pas de loi et si ça n’était pas unanimement condamné, si ça ne se faisait pas, tout simplement, qui se jetterait sur elles, sur toutes ou presque en soufflant comme une forge allumée, comme l’autre malade là,  hein qui ?
___ C’est ainsi que tu me vois ? Comme un obsédé ?
___ Oh non, Manu, ce ne serait pas gentil pour les obsédés. Tu n’es pas un maniaque, tu es LE maniaque. Tu as inventé l’obsession. C’est à cause de gars comme toi qu’on a tous deux yeux : au cas où on en perde un !
___ Mic, tu me déçois. Je te considérais comme un ami, un véritable ami et voilà que tu me poignardes en plein cœur avec une fourchette sans dent. Voilà que c’est un crime, maintenant que de « juste » les regarder. Elles passent dans la rue, elles marchent et je les regarde. Devrais-je les ignorer ? Devrais-je porter moi des lunettes de soudeur pour ne pas avoir, selon toi, ce regard de soudard ? Devrais-je me les crever, les yeux ? Excuse moi, vieux, je « juste » les regarde  passer dans leurs jupes courtes et leurs collants épais sur des bottes à tomber, je "juste" pose un œil léger et bienveillant sur ces merveilles de jambes qui marchent dans la ville. Je « juste » regarde leurs pieds élégamment chaussés de ballerines Repetto, je « juste » regarde la hauteur de leurs talons et les galbes des mollets qu’ils dessinent à chaque pas, je « juste » admire en silence le régulier mouvement balancé du tissu de leurs jupes, le tombé de leurs robes ou les lignes de leurs pantalons... Y-a-t-il un mal à ça ? Y-a-t-il un vrai mal à ça ? Y-a-t-il quelqu’un qui en soit blessé, meurtri ?
Que je sois foudroyé sur place si UNE personne trouve à redire à ça !
Qu’une lance divine dégringole du ciel et me partage en deux si, « juste » les regarder, est devenu un crime! Que mes yeux tombent des orbites si on ne peut plus marcher dans la rue qu’en regardant ses propres chaussures, qu’en ne voyant pas plus loin que le bout de son nez, qu’en baissant la tête ! Un de mes bonheurs est de m’asseoir à une terrasse, de les regarder passer et de leur inventer des vies, quel mal je fais à qui ? Qu’on le dise ! Manu, putain mais ressaisis-toi ! Dis-moi que tu me  comprends.
___ Je te comprends, bien sûr mais de là à tomber amoureux de chaque paire de jambes que tu croises il y a une marge !
___ Et alors ! Avoir déjà deux enfants t’empêche d’aimer le cinquième ?
___ D’accord mais Il faudrait que tu comprennes qu’elles n’ont pas toujours envie qu’on les regarde, qu’elles ont le droit à ce qu’on les ignore, aussi… Et avec ça, je sens que tu vas avoir du mal… Dis une question me préoccupe : Les garçons tu les regardes aussi, les garçons ?
___ Pas autant, bien sûr, mais oui quand j’en vois un joli, je « juste » regarde !
___ Rien ne t’arrête, alors ? C’est bien ce que je dis, tu vas avoir du mal à entendre certaines choses…
___ Ben… non. Quand il s’agit de juste regarder, rien ne m’arrête. Il faudrait ?
___ Je me permets de te le rappeler, puisque tu sembles avoir oublié, avant que je te dévoile mes intentions envers elle, tu la trouvais moche cette fille qui t’en a collé une…
___ Décidément, t’es pas du genre à oublier quoique ce soit, toi… T’as un bocal à archives dans le cerveau, ou quoi ? Toi  le bocal et moi le poisson ! 
___ C’est pour ça qu’on est amis, non ?
___ Regarde un peu la fille qui vient de monter… C’est pas une merveille absolue ?
___ Tu me fatigues, Manu, mais à un point, c’est inimaginaux comme dirait l’autre grand con de maintenant ministre judoka san…



02 octobre 2011

F r a g i l e.

L’instant est fragile, puisque qu'il n'est plus dès qu’il est.
Une paix est fragile, un bouquet de fleurs d’automne l’est.  
Fragile, aussi, la rage agile qui nous maintient en vie. L’écume blanche d’une  une vague avant la prochaine? Fragile. Un sourire esquissé sur un visage attristé, un bruissement dans les hauteurs d'un tremble, le vol saccadé d’une mésange apeurée, le rouge d’une gorge, le clin d’un œil, un éclat tranchant de lumière à la surface d’une rivière poissonneuse, un lien soluble comme un pari dans les solitudes d'une ville capitale, l'arrogance du mitron apprenti pétri de mépris pour le pain qu'a pas pris, les sauts bruns d’un écureuil dans le vert du tilleul, l'espérance de vie d'un poil sous le passage d'un rasoir trois lames, le contre ut d'une soprane grecque dans un opéra vénitien, le dôme d’une dune devant des envies de vue, des rires d'enfants préservés du temps, le colosse beau molosse de cent vingt kilos,  pilier de combat, puis de bar, qui, rincé par l'annonce d'un départ et quelques litres d'alcool a assasiné sans sourciller une des femmes de sa vie, la beauté d’une clairière face à la cupidité de bâtisseurs de rien, les heures roses arrosant des horizons irisés, le visage lisse d'une vénus tapageuse de vingt ans,  le clair annonçant un jour de moins à vivre, une gorgée d’un  vieux vin devenu vent, un cou sous une corde, la voix rauque et cadencée d’un humain taureau de Toulouse,  le jaune brûlé d’une feuille avant qu’elle ne tombe dans la lumière soyeuse d’une après midi d’automne, le léger de l' utopie rêveuse sous la charge d'un réel d'enclume, la permanence du fauve devant le rouge énervant d'une véronique meurtrière,  un souvenir inutile à une mémoire embarrassée, la sieste d'un chat sous le vert d'un charme, le blanc d’une banquise sous les bras de prédateurs armés de gourdins, l'imposture d'un homme minuscule qui se voudrait géant, le destin d’un De Staël à l’appui d’une fenêtre grande ouverte, l’émotion revécue à l’apparition d’un souvenir vivace, une rage d’ado sous la fraise de l’age, le son électrique d’une guitare saturée dans le silence religieux d’un music hall, la force d’un ours troué par la balle d’un chasseur, le rond d’une paire de cerises à une oreille accroché, la majesté d’un chêne abattu par le tranchant d'une chaîne mécanique, le dos gracieux d’un dauphin dansant près d’une dense coque d’acier, la musique d’une langue qu’on ne parle plus, la flamme vacillante d’une bougie bleue sur le noir du chocolat, une goutte d'eau près d'un thermomètre  approchant le zéro, un abdomen  d'araignée sous une pointure quarante cinq, le rouge de trois trémières avant qu’elles ne fanent, une heure et sa brassée de minutes, le mensonge trop lourd pour la langue qui le porte, l'étoile d'un homme de pouvoir sous les assauts de son désir hystérique, une minute et sa poignée de secondes, une seconde et sa pincée de centièmes, le filet de vie du corps d’une Marie malade au départ de son éternel voyage, le vol ondulé d’un banc de passereaux dans un ciel fugitif, la merveille d’un paysage sous des désirs partagés d’aller plus vite, le doux sucré d’un fruit par une bouche croqué, les ailes d'une mouche sous une tapette bien maniée, le passage tendre d’une main sur un avant-bras dénudé,des promesses d'ensemble, demain, l’équilibre d’un océan sous une envie de queue de lotte, les notes d’une mélodie attrapées au fond d’une ruelle, une tâche de myrtille sous un filet de citron, le souffle léger d’un baiser sur la veine battante d’un cou en attente, les pleurs d’un enfant perdu dans un square désert, cinq colonnes à la une, un paquet de truffes oublié sur un radiateur, une bûche blottie dans le feu ronflant de la cheminée allumée, la puissance d’une baleine sous d’industriels filets, la course d’un vol de nuages dans un ciel balayé par le souffle du mistral d'en haut, deux boules de sorbet pêche dans une après-midi torride, le plaisir évanoui à peine ressenti, la gloire factice d'un soir d'élection, les pages d’un livre que personne ne lit, les dix neuf mille trois cent quarante trois jours déjà passés sur cette terre avec le sentiment étreignant que l'écoulement du temps s’accélère jusqu'au vertige, nos certitudes, ces serments  qui voudraient bien toujours accorder amour avec toujours, une note sur le fragile sans jamais écrire le mot éphémère... mince, raté... une conscience pointilleuse, impérative, rigide, une phrase souriante de boulangère, notre morale, notre humanité, une parole envolée, le monde, le bleu de la planète où nous tentons de vivre, l’avenir, le passé, maintenant...
Fragiles.


Tout, tous  fragiles, comme la vie... si ténue,  si frêle, mais si forte, si têtue, à la fois...






01 octobre 2011

Paradoxes.

Ce n’est pas parce qu’il fait si doux encore en Octobre que c’est très agréable à vivre que ce n’est pas inquiétant.
Ce n’est pas parce qu’on a été élu Président qu’on est intègre, juste, honnête…
Ce n’est pas parce qu’on est gardien de square qu’on ne peut pas donner son avis sur un Président.
Ce n'est pas parce qu'on est sincère qu'on dit vrai...
Ce n’est pas parce qu’un chanteur a un énorme succès qu’il a un énorme talent.
Ce n’est pas parce qu’un chanteur est méconnu qu’il a du génie.
Ce n’est pas parce qu’un acteur est égotique qu’il est un artiste.
Ce n’est pas parce qu’on est judoka qu’on est un fieffé imbécile.
Ce n’est pas parce qu’on est plusieurs fois champion du monde de judo qu’on est un diamant brut d’intelligence pure.
Ce n’est pas parce qu’on est nommé ministre qu’on est toujours respectable.
Ce n’est pas parce qu’on est un bon juge qu’on a de la jugeotte, ni du jugement, ni une jauge fiable sur son opel corsa du reste.
Se n’est pas parse qu’on est écrivain qu’on est impitoyablement callé en ortographe.
Ce n’est pas parce qu’on est aveugle qu’on n’est pas clairvoyant, ni sourd.
Ce n’est pas parce que tout volcan que la situation est explosive.
Ce n’est pas parce qu’on est un homme de loi qu’on est un honnête homme.
Ce n’est pas parce qu’on montre du doigt qu’on ne peut pas se le mettre dans l’œil.
Ce n’est pas parce que maman est en haut qu’elle fait forcément des gâteaux, elle peut, aussi se la couler douce, là haut.
Ce n’est pas parce qu’on est un homme de scène qu’on ne peut pas naviguer sur le cher.
Ce n'est pas parce que la lotte a une vilaine tête qu'on ne se régale pas de sa queue.
Ce n’est pas parce que papa est en bas qu’il aime le nutella, lui.
Ce n’est pas parce que je dis du mal de moi que je ne m’aime pas du tout.
Ce n’est pas parce qu’il fait beau dehors qu’il ne peut pas pleuvoir à l’intérieur.


Ce n’est pas parce qu’on sort de l’eau qu’on n’a plus envie de se baigner…
Ce n’est pas parce qu’on a vidé la bouteille qu’on jette le tire-bouchon…
Ce n’est pas parce qu’on a un sommeil de plomb qu’on ne peut pas s’offrir un oreiller de plumes…
Ce n’est pas parce qu’on a passé l’âge de l’envie de bêtises, qu’elle nous passe, l'envie…
Ce n'est pas parce qu'un humour est douteux qu'il n'est pas raciste...
Ce n'est pas combien je t'aime qui importe, c'est comment...
Ce n'est pas celui qui crie le plus fort qui a raison...
Ce n'est pas parce qu'on garde le cap qu'on est sur la bonne voie...
Ce n’est pas parce qu’on ferme vite la porte qu’il fait moins froid dehors.
Ce n’est pas parce qu’il est plus facile de monter qu’on ne doit plus jamais rien descendre.
Ce n’est pas parce qu’un pantalon est trop long qu’on va se laisser pousser les jambes.
Ce n’est pas parce que la digitale est un poison qu’on ne doit plus en offrir de bouquets.
Ce n’est pas parce qu'on a honte qu'on est fatalement coupable.
Ce n’est pas parce que le passé est nauséabond que l’avenir sentira le jasmin.
Ce n’est pas parce qu’il n’est pas crédible qu’on ne doit pas le croire.
Ce n’est pas par faim, qu’on lèche le plat de mousse au chocolat.
Ce n’est pas parce que les hirondelles ne volent pas sur le dos qu’elles sont des oiseaux.
Ce n’est pas parce qu’une vache a des cornes qu’elle donne du lait…
Ce n’est pas parce que l’argent n’a pas d’odeur qu’il ne faut pas le chouraver à son voisin.
Ce n’est pas parce qu’il est un fieffé menteur que la réalité est plus moche…
Ce n’est pas en restant assis qu’on soigne ses varices…
Ce n’est pas parce qu’on est malheureux qu’on PEUT emmerder le monde…
Ce n’est pas parce qu’on aime qu’on doit être, forcément, aimé…
Ce n’est pas parce que tu t’en vas que le ciel se couvre mais c’est bien parce que tu n’es plus là qu’il est franchement couvert…


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