30 avril 2009

Un cœur en vacance.

Je ne voulais pas y aller, moi. Et puis, qu'allait-on faire dans ce trou perdu. Il ne fait que pleuvoir, là-bas, vous n'en avez pas marre de la pluie, vous ?
Va savoir pourquoi, cette année là, ils s'étaient entichés de la Bretagne Sud, alors que d'habitude nous allions toujours vers la Côte d’Azur du côté des serres et pas des parasols.
Tu verras, tu vas t'y amuser, il y aura les Grandoin, les Schmett et les Boutel…
__ Mais ce sont des amis à vous, ça, ce ne sont pas les miens, c'est vous qui allez vous amuser, oui, pas moi.
__ Ecoute, c'est comme ça et pas autrement, quand tu seras grand, tu choisiras tes vacances pour le moment c'est nous qui choisissons et nous on a choisi Port-Manech. Regarde les photos, c'est une magnifique petite plage, ça nous changera de la Méditerranée et puis il y a un club de voile très sympa, comme ça, tu apprendras à naviguer.
__ Et c'est à moi que vous dites ce genre de truc ? Il suffit que je regarde un bateau pour être malade, vous le savez, non.
__ Justement, c'est pour ton bien. Regarde Tabarly…
J'ai préféré ne pas faire le lien entre mon mal de mer et Tabarly mort en mer, les raccourcis des parents sont parfois mystérieux et vaguement tordus…
Bref, je n'étais pas très joyeux ce deux Juillet, quand on a pris la route pour le Finistère. Rien que le nom… J'ai passé le voyage à l'arrière de la voiture sans décrocher un mot, histoire de leur montrer mon mécontentement. Me taire était le seul moyen que j'avais trouvé pour me faire entendre. Plein Ouest, direction le fond de l'ennui.
Bien sûr, à peine arrivés, ils m'ont inscrit au Club Cap Sailing. Bien sûr, je me suis inventé une grand-mère possédant un assez grand manoir sur la route de Tréguenez, en restant tout de même imprécis, ils les connaissaient et les fréquentaient tous ces bâtisses là, bien sûr j'allais au club de voile en vélo, avec sur le dos, ma vareuse bordeaux que j'avais passée à la javel, je ne voulais pas qu'ils voient dans quelle voiture on pourrait venir me chercher. Je n'avais oublié qu'un détail trahissant tout le reste, il était neuf mon vélo... Les leurs étaient tous de vieux biclous sans âge, d’un chic...
Nous ne venions pas de la même banlieue. Ici, c'était plutôt réservé aux gens de l'Ouest de Paris, le 78, voire du seizième arrondissement, alors que nous débarquions de l’ Est. L'Est de Paris, ce qui est quand même moins glamour, enfin c'est ce que je me disais. Bien sûr que j'ai porté du matin au soir un pull marin à rayures, en coton, pour faire couleur locale. Un de ces trucs qui grattent et qui font les cous rouges comme ce devrait être interdit. Ils avaient tous des polos Lacoste, eux.
Bien évidemment, je suis tombé, dès la première heure, raide amoureux de Marie-Cécile, une petite blondinette jolie comme un cœur, souriante comme un matin de Juillet.
Et, comme j'étais qui j'étais, j'ai passé mon temps à éviter de faire équipe avec elle, à ne pas la regarder, à ne pas lui parler, à faire comme si elle n'existait pas, alors que je ne voyais qu'elle, n'entendais qu'elle, ne pensais qu'à elle et à ses couettes de toute petite fille et à ses petits seins riquiquis, mais si présents.
Par force, cet air mystérieux que mon sombre silence me donnait l'a intriguée, puis séduite. Alors, comme elle n'avait pas froid aux yeux et surtout qu'elle n'aimait pas qu'on ne succombe pas, sur le champ, c'est elle qui est venue me chercher, c'est elle qui a demandé à Eric le moniteur que l'on fasse équipage dans le même 420, c'est avec moi qu'elle a voulu courir toutes les régates et le fait que je me vide les tripes à chaque sortie ne l'a en rien rebutée. Au contraire, je la faisais rire, elle devait me trouver, sans doute, si exotique, si drôle, si petit marin perdu dans cet océan de convenances.
Et puis, un soir, alors que les bateaux étaient rangés, alors qu'un feu commençait à crépiter à même le sable, alors que tout le club s'était retrouvé là, sur la plage pour fêter la première quinzaine de cours, elle est venue vers moi qui m'étais mis gentiment à l'écart du groupe. Elle s'est assise sur la plage et rouée comme une vieille de dix huit ans, elle a fait mine d'avoir froid. Je lui ai proposé mon autre pull, le bleu marine, en laine, celui avec des boutons en ligne sur l'épaule, celui qui grattait encore plus que l'autre. Elle a souri et m'a juste dit: "Volontiers, je n'osais pas te le demander, tu ne vas pas avoir froid?" et puis après mon " Non, t'inquiète", "Mais tu parles? Tu n'es donc pas muet ?" Et comme il lui fallait décidément tout faire, c'est elle qui, la première, a saisi ma main et l'a posée sur ses petits seins si riquiqui... mais si vivants. C'est elle qui m'a embrassé dans le cou en disant: "Tu sens bon." C'est elle, encore, qui nous a entrainés loin du feu, derrière les rochers, à l'abri des regards, à l'abri des moqueries des Pierre Henri et François Paul, sans doute mortifiés par une jalousie dévorante alors que la guitare et la voix de Bernard-Etienne commençaient à naufrager un Santiano délabré...
C'est encore elle qui, deux ou trois heures après, en rangeant ses couettes sous un bonnet blanc, m'a dit, d'un air détaché : "Je pars demain matin, nous rentrons sur Versailles, les vacances ici sont finies, pour nous, je décolle après demain avec mes parents pour New York. Je te remercie, tu resteras ma belle soirée de l'été…"
Et voilà, je me suis retrouvé là, transi sous les étoiles, les genoux dans le sable, déjà humide de la marée montante, le souvenir encore chaud de ses deux petits seins dans mes paumes toutes inutiles, des larmes coulant sur mes joues salées, mon amour pour elle sur mes bras malingres sans savoir qu'en faire…
Ce qu'il ne savait pas c’est qu'il allait en voir d’autres…
Douarnenez

27 avril 2009

Une main dans le sac.

Je finissais une balade en vélo quand je suis passé devant l’étalage. Je me suis arrêté. Leurs légumes, ici, semblaient plus frais qu’ailleurs, sans doute parce que j’avais très faim. J’ai appuyé mon engin contre la camionnette délabrée qui servait d’abri et, je me suis approché.

C’est une mamie hors d’âge qui servait. Un large sourire au visage, avenante, accueillante, drôle, gentille, courbée, tordue, indulgente.

Je lui prends trois artichauts violets, des petits neufs que je prévois de préparer crus avec des fèvettes et des tomates d’ici, rondes, le tout relevé d'une vinaigrette au pissalat. (Le pissalat c’est comme une purée d’anchois qui sale et donne un gout particulier. C’est ce qu’on met sur la pâte au-dessous des oignons cuits dans une pissaladière). Pour engloutir, vous gardez les feuilles d’artichauts les plus grosses et, comme avec une pelle, vous ramassez dans l’assiette les morceaux de tomates et quelques fèvettes nouvelles et si vous êtes un tant soit peu normal vous devez vous extasier.

Je lui prends aussi un concombre nouveau pour le mélanger à du fromage blanc et à des feuilles de menthe qui viennent à peine de mettre le nez dehors, elle sentent mille torrents… Le tout fera un joli plat.

Et, pendant qu’elle me pèse les tomates, en me tournant le dos, ma main droite, cette dingue incontrôlable, plonge dans la cagette des tomates cerises qui est juste à côté. Elle en ramène UNE que je glisse le plus discrètement possible dans ma poche pour plus tard, quand j’aurais repris route… Une seule, pas plus grosse qu’une bigarreau et presque aussi rouge.

Et, c’est à cet instant précis que le ciel s’est fendu en deux, que la foudre m'a traversé et que, de derrière la clôture un homme est arrivé, l’air maussade. Le type m’a foudroyé de son regard noir, luisant, venimeux, fumant (je n’ai pas bien vu…) Il s'est adressé à moi en disant d'une voix enclumée de reproches: “Vous pouvez reposer la tomate… (cerise, j’ai dit, pour diminuer l’ampleur du larcin?) que vous avez mise dans votre poche?”

J’ai été, en une demi seconde recouvert de cendres fines et de honte cramoisi. Si j’y avais cru, j’aurais demandé à être, sur le champ transformé en cafard, si possible suzette.

“Bien sur” j’ai dit au gars qui en a profité pour m’appuyer la tête sous l’eau: “C’est moche ce que vous avez fait là, c’est très moche…” Il avait raison. J’ai quand même voulu lui couper un peu l’herbe sous le pied et reprendre un semblant d’initiative: “Comme vous avez raison, je me sens si minable et si honteux, si vous saviez...” J’étais prêt à aller couper cent badines pour me flageller à nu, à même le gravier, devant son étal. En même temps, je pensais: oh hé dis, n’en fais pas trop le donneur de leçons, ce n’est qu’une tomate cerise, au prix où tu les vends... On peut se demander où il est, l’escroc… Mais je n’en ai rien laissé paraître, j’ai continué dans ma fustigation forcenée…

Je pensais aussi: En ces temps troublés des types volaient à pleines brassées des millions d’euros à tours de bras et continuaient de parader dans les magasines et moi, j’escamote UNE tomate cerise et je me fais gauler comme un novice… Suis pas près d’être gangster…

Ma main droite, nous règlerons ça tout à l’heure… Tu as la chance que j'ai abandonné mes penchants talibans sinon, à cette heure, tu tremblerais dans la sciure froide…

En vrai, dans le fond, j’étais honteux, mais honteux à un degré éveristique…

Une leçon à prendre. Les gens honnêtes ne le sont ni par sens moral, ni par grandeur d’âme, non, non. Nous le sommes la plupart du temps à cause de la trouille de nous faire prendre. La peur de cette seconde épouvantable où un type débarque de derrière les fagots et vous dit: '”Monsieur, vous pouvez reposer la tomate cerise que vous avez prise…” Et là, très vite, vous bénissez le ciel qu’il n’y ait pas grand monde devant l’étalage… Comme ça, vous pensez que peu de gens auront assisté à votre déchéance et qu'ainsi votre honte en sera diminuée…

Tout de suite après, m’être confondu en excuses, je me suis demandé : “Et la framboise que j’ai engloutie d’un geste, juste avant de faucher sa tomate l’a-t-il vue, se laisser avaler?"

Ho Hé m’a-t-il vu la voler, SA framboise?















Photo rémi Cottard.

Pissalat pour un pot de 200gr:

Faites dessaler 200gr de filets d'anchois à l'eau froide, puis
égouttez-les.
Piller au mortier 5 ou 6 clous de girofle, 2 feuille de laurier,
3 brin de thym , 12 grains de poivre noir, huile d'olive.
Pilez le mélange d'épices et au fur et à mesure ajouter l'huile
d'olive en filet, jusqu'à la consistance voulue.
Le pissalat doit être assez onctueux . Voue pouvez ensuite
l'incorporer à une mayonnaise ou à un beurre blanc.

Petite précision à l'origine ce condiment niçois se préparait avec
des alevins de sardines et d'anchois

24 avril 2009

Broyés.

Cette page en noir...
Le frère d’une amie proche a, mardi dernier, en roulant, reçu dans sa voiture celle d’un jeune homme qui s’était endormi au volant.
Il en est mort…
Mon amie a du chagrin, la femme de son frère a du chagrin. Le mari de mon amie a du chagrin, sa mère a du chagrin, ses enfants ont du chagrin, les amis proches, les amis plus lointains, les amis des amis, les gens qui le connaissaient ont du chagrin…
Des vies entières qui basculent pour un quart de seconde d’endormissement, cet instant si habituellement agréable…
Tout cet immense chagrin qui serre les cœurs de tout ce monde pour un quart de seconde de sommeil au volant d’une voiture et une vie qui s’arrête. Là.
Et une colère sourde, profonde, violente qui, avec la peine, étreint. Une colère qui n'a pas d'adresse précise, le destin, la fatalité, le pas de chance, le c'était écrit, le c'était son heure... Tu parles! Son heure? A son age?
Ce matin là?
Il y a dans cet évènement tragique, l'idée qui veut que, pour nous qui restons, tout peut s'arrêter, net.
Comme une menace qui plane au-dessus de nos têtes, au-dessus de nos vies et, pire, au-dessus de celles et ceux que nous aimons... Et c'est insupportable.


19 avril 2009

La deuxième averse…

Des titres, seulement des titres. Offerts. En lot, en isolé, en bottes ou emballés... Ils n'ont pas servi, à ce que j'en sais...
De si tendres matins.
Le temps béni des équivoques.
Les parloirs silencieux.
Une assassine tendresse.
Entre deux importances.
Le temps des pivoines.
Le crépuscule des adieux.
Des dunes de fable.
Le chêne pleureur.
La confusion des solstices.
Parce qu'il faut bien vivre.
Pleure, Eglantine.
Au regard des étoiles.
La diffusion des sentiments.
L’élégance d’un soir parfait.
Le temps, jamais.
Le remord aux dents.
La douce blancheur des seringats.
Sous la cascade aux écrevisses.
Encore accord.
Dans le vent glacé des certitudes.
Pas toi.
Que cela ne suffise jamais!
L'imparfait simple.
Entre nous soit dit.
Une parenthèse acrobatique.
Une pomme à la bouche.
Cachée dans le désordre.
Une ombre à ses paupières.
Le silence des vacarmes.
Franchir, disait-il!
Des concurrences alanguies.
Les eaux de Lucy. (Ce sera le seul prénom, ne pas céder, la facilité est tentante!)
Une plage à Valenciennes. (Ce sera le seul nom de lieu, ne pas céder, échapper à Venise...)
L’aube amicale. (On peut tenter Lobamicale ).
Ces catastrophes apaisées.
L'horizon sans visage.
Le passage du Nord Ouest.
Désormais, la lutte.
Une si brève inquiétude.
Le parfum des seringats.
Dans la peur des lagons.
Un merveilleux chaos.
La quarantaine exquise. (Cinquantaine fonctionne, mais pour la soixantaine on écrira plutôt: L'exquise soixantaine).
La camisole des confidences…
Et un dernier, pour la route, parce qu’il faut bien, à un moment s’arrêter:
Vos adieux, si possible…
Certains ont peut être été déjà utilisés... S'ils sont ici, c'est le fait du hasard ou de la communication des inconscients...
Colmars bleu

Un si doux regard.

Le sac rouge
L’essence de la joie est rouge.
Un rouge qui dit aux amants :
Sans les sens, la joie est vide…
L’essence de la joie est rouge,
Rouge avec, rouge sang,
Celui qui s’écoule veinement.
L’essence de la voix est rouge,
Et c’est un si subtil carburant,
Que ce cœurozène à sentiments,
Siphonne les raisons des amants.
L’essence est aussi catrices,
Les adoucies par le temps,
Qui, d’intenses instants,
S’estompent, souvenirs vagues,
Et brumes, au soir venant.
Le sens de la voie est rouge,
Rouge avec pour les jours sans.
Ces jours gris ou le noir et blanc
S'emmêlent en ciel de Nord,
Sans horizon, sans ciel, sans sang.
Parfois, les sens nous bougent,
Nous rend vivants, vibrant,
Nous emporte ouverte et pas,
Sur les pas des amours d’avant.
Divin, le rouge fait sens,
Encore un verre, avant
De n’avoir plus d'allant.
Alors, rougissant de colère,
Se taire et pour longtemps.
Tout rouge, il l'est, l'enfant.

16 avril 2009

Troisième cabriole…



« Bordel de merde ! Deux jours que je m’échine à pondre un truc un peu rigolo à deux fins et si possible pas trop mal écrit et voilà : un seul commentaire… Encore donné du caviar à des esturgeons, moi… »
C’est, à peu près, ce que devait maugréer le vieux ronchon dans sa barbe mal rasée en marchant dans l'herbe humide de son jardin en friche… Heureusement, ce commentaire là, il en était persuadé, valait son pesant. Il était précis et argumenté. Il savait, ainsi qu’il avait été lu, au moins par UN lecteur. Et compris, même s’il y avait certaines réticences, des doutes sur telle ou telle expression ou des questions à propos d’un ou deux fins possibles.
Une jeunette, la fille des voisins, celle qui, avec sa tête de Bébé Rose, écoutait du Heavy Metal à fond en partant au Collège, l’avait entendu marmonner en a mis une couche « Ça devait arriver, à force de vivre seul, il finit par parler tout seul, le voisin, il s'envole de la tête, c’est moche de vieillir, je serai jamais vieille, plutôt cre...mourir… »
Sans la regarder, ni lui adresser la parole, il s’était dit : « Je sais ce que tu penses, gamine, tu ne perds rien pour attendre, tu y viendras, toi aussi, comme les autres, comme tout le monde… Tout le monde est comme tout le monde, quand on a compris ça… Fais ta maligne, profite pendant qu’il est temps… »
Le vieux était sorti de chez lui, dans sa robe de chambre défraichie, trouée aux coudes, aux poches arrachées, un verre à la main, il se le finissait comme un grand en marchant nus pieds dans la rosée du petit matin… Huit heures venaient de sonner au clocher du village et au vu de la tête qu’il avait, il n’avait guère dormi. Il avait passé sa nuit sur une phrase, la première qu’il reprenait jusqu’à ce qu’elle « sonne » comme il le voulait. En fait, il n’écrivait pas: comme un musicien, il composait. Pour y arriver, bien sur qu’il se les mettait en bouche : il voulait les entendre et tant qu’il sentait une fausse note, il y revenait. C'est peut-être de là aussi qu'il s'était mis à baragouiner tout haut. Pauvre vieux!
Les pieds trempés, les mollets décorés de brins d’herbe, il était rentré se préparer un énième café. Il n’était pas très frais. Il mit son état sur le compte du manque de sommeil. Il n’avait pas, absolument , tort. Il est retourné s’installer devant l’écran, il a tout relu à haute voix. Cela a paru couler de source. Il s’est même fait sourire en relisant : « Le seul vol dont on ait eu vent dans le pays, c'est une pie qui l'a commis... » Il était , parfois, plein de complaisance...
Il allait pouvoir se coucher quelques heures. Il avançait la main vers le bouton éteignant l’ordinateur quand un message est arrivé. Il a filé dans sa boite à lettres. Un mail d’un inconnu. Il l’a ouvert. Il n’aurait pas dû !
Il l’a lu et relu une bonne dizaine de fois et à chaque lecture c’était une marche supplémentaire qui l’amenait vers l’éruption… Il a fini dans une colère dévastatante, dévoratrice! S’il avait été en appétit, il aurait englouti l’écran, la tour, le bureau et une bonne partie de la bibliothèque avec… Avant d’appuyer d’un index rageur sur la touche « efface », il se l’est relu une dernière fois. Le courriel disait: « A la lecture, je viens de prendre quelques jours, voire semaines de vacances. Merci pour ce texte très frais. »
RRRAAAA!
Deux jours et deux nuits de travail acharné pour qu’un type que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam, à qui tu n’as jamais fait aucun mal et qui, donc, n’a aucune raison de t’en vouloir, vienne au petit matin naissant te planter un énorme couteau de boucher dans le dos avec un petit : « Très frais… Très frais, si, si c’est bien ce qui était écrit… »
RRRAAAA !
Le vieux était certain qu’en plus, l’autre, l’assassin, le meurtrier, le tueur, pensait que son "très frais " était un compliment…
RRRAAAA !
Il y a des jours où on ferait mieux de dormir la nuit!

Mr Métrobus…


Dire que dans ce pays, celui de Pierre Etaix, Pierre Dac, Pierre Desproges et de quelques autres qui ne se nomment pas forcément Francis, il n’y a eu personne pour dire non à un crétin inculte qui s’est mis dans son ciboulot dérangé, l’idée saugrenue de remplacer sur une affiche d’exposition, sans que personne ne lui ait rien demandé, pour éviter de tomber sous le coup de la loi Evin, la pipe de Jacques Tati, par un moulin à vent en plastique pour gamin… ET QUI L'A FAIT!!!


Il y a des tintements de sonnettes qui se perdent…


D’autant que si on suit le raisonnement… (enfin, raisonnement, il faut l'écrire très vite…) imbécile de ce sinistre de la régie Métrobus qui gère la publicité dans le métro ET les autobus, puis qu'il l'a décidé, il faut aussi supprimer de l’image, le gamin sur le porte-bagage du vélosolex, ce qui est interdit et dangereux et pire , il faut ajouter, puisque c’est la loi, un casque intégral au pilote, c'est à dire à Jacques Tati, lui même…



images


Imaginons maintenant ce que deviendrait, alors, l’image… Au secours!


Bécile…


Le ridicule ne tue plus, chez Métrobus, ils sont tous décédés!

(Le dessin est de CO3points paru dans Télérama l'espresso du mercredi 22 Avril 2009...)





13 avril 2009

Le soir du feu…

Malgré le feu...
La journée avait été chaude bien avant le lever du jour. Nous avions passé une bonne partie de la nuit la bouche ouverte sous le robinet d’eau froide et pour certains sous le tuyau d’arrosage, nus, à même le jardin. Ces températures, par ici, ne surprenaient personne. Ce pays savait être gelé en hiver et brûlant comme un lit de braises lors de quelques nuits de Juillet. Ici, dans les rivières, à la fin du Printemps, les truites avaient appris à nager sur le sable. Ici, dès Juin, on donnait aux vaches des noms de dromadaires. Ici, vers le quinze de Juillet, même les pierres avaient soif et transpiraient comme des coupables.
La veille, nous étions allés, en douce, acheter un nécessaire à feu. C’était la surprise. Personne n’était au courant, sauf ceux qui venaient depuis quelques années déjà. La tradition s’était assez facilement installée, le douze au soir, la nuit tombée, on tirait un feu. On avait choisi le douze pour éviter la concurrence avec ceux des villages alentour qui faisaient ça ou le treize ou le quatorze avant les bals des pompiers volontaires. On avait misé sur le douze pour qu’il soit tiré AVANT les autres, le notre étant évidemment moins prestigieux. Nous n’avions pas les moyens d’une mairie. Le notre était vu de nous, de nos voisins les plus proches et de certains habitants du hameau. Il faut ajouter à cette liste les deux ou trois familles qui vivaient dans les gîtes pour cette période. Ce qui finalement faisait un joli public.
Nous avions ramené du super de la ville la plus proche un kit de feu domestique qui comprenait une dizaine de fusées, cinq ou six feux de Bengale, deux fumigènes comme celles qu’on voit lors des arrivées de transat, quelques abeilles stridentes et vrombissantes, un paquet de pétards en rafales et cinq ou six autres trucs qui sentaient la poudre et la chine à pleins nez. Le repas, nous l’avions pris comme d’habitude à l’abri du vent qui soufflait légèrement ce soir là, entre les deux maisons. Nous avions mangé des salades et des grillades arrosées d’un Rully frais. Les bouteilles s’étaient descendues toutes seules et, ma foi, en nombre pour les participants. Sur le liquide nous n’avions pas été raisonnables. Mais on s’en foutait, on n’avait plus à conduire. Juste à aller, dans le noir, s’installer avec nos chaises au bout du terrain, sous le massif de lilas vers la grande prairie. Et ceux qui n’avaient plus l’envie ou la force de porter leurs chaises pouvaient y aller avec un seul coussin. Dès le fromage, un petit groupe avait filé installer les fusées dans les restes des bouteilles d’eau minérales en plastique alourdies de sable pour que le tout ait quand même un peu d’allure. On avait aussi acheté des briquets tempêtes pour ne pas tomber en panne de feu. Bref, malgré la modestie on essayait d’en faire un spectacle qui marque. On n’allait pas être déçu.
Un peu ivre, c’est une troupe vacillante qui est sortie de table ce soir là et s’est dirigée vers la Grande Prairie. Patou avait embarqué la dernière bouteille dans laquelle il restait de quoi écluser quelques verres. C’est Marie qui s’est mise à chanter la première. Cathy a embrayé assez vite. Bernard, quant à lui, était passé dans la maison pour attraper une flasque de vieil armagnac. Enfin, chacun à sa manière s’est préparé au feu.
Le ciel dans ce coin là était noir comme une chanson de Miossec que Marie s’était mise à brailler à tue-tête et personne ne lui disait moins fort vu que, maintenant, tous les autres s’égosillaient avec elle. Au-dessus, des milliards d’étoiles s’étaient pointées au concert et certaines se détachaient pour venir, en pluie de lumière, dégringoler sur les têtes de cette bande d’hurluberlus gentiment souls. Ils se sont assis à même le frais de l’herbe. Au loin, on devinait les lueurs de Bierre, celles qui restaient allumées toutes les nuits à cause que les malfrats y commettent des méfaits comme le susurrait d’un air entendu cet imbécile d’adjoint au maire…
La première fusée à fait flop juste après le décollage. Ce qui les a tous pliés de rire. La deuxième est montée droit au noir, puis a éclaté. Elle est retombée en corolle rouge sous des exclamations béates et un peu forcées. C’est dès la troisième que ça a commencé à merder. En retombant, elle a foutu le feu à la grande prairie sèche comme un Mojave sous chalumeau. L’incendie poussé par une brise légère a remonté vers la compagnie qui s’en est bien amusée, au départ… Quand les flammèches ont léché les premières tongs, ils ont levé le camp en catastrophe et ils sont remontés vers la maison en courant. Mais le feu les a poursuivi, dévorant tout ce qui se présentait. Les lilas avaient fini de fleurir… C’est Ber qui a eu l’idée de génie : il a enclenché l’arrosage automatique et a ordonné à tout le monde de plonger…
Quand les pompiers du coin se sont pointés, vaguement endormis, le feu était éteint depuis longtemps… mais, à cette heure de la nuit… Ils ont un peu rigolé quand ils ont vu tout le beau monde, habillé, dans la petite  piscine de plastique bleu …
Savent plus quoi inventer, les parisiens…

12 avril 2009

Entre autres...


Régularisation pour la famille FERA

Collège Paul Eluard
13110 Port-de-Bouc.

Burbuqe FERA est une jeune kosovare de 13 ans. Elle est arrivée en France en 2007 avec ses parents. Scolarisée en 6ème au collège Paul Eluard à Port-de-Bouc, elle a forcé l’admiration de tous ses professeurs. Elle ne parlait pas du tout français et pourtant, en quelques mois, elle était capable de suivre les cours comme les autres élèves. Son énergie, sa bonne humeur, son travail acharné lui ont rapidement permis de faire partie des élèves les plus brillants de sa classe. Pour preuve, elle a obtenu les félicitations ces deux derniers trimestres. Elle n’a cessé de nous démontrer sa volonté de réussir scolairement et de s’intégrer socialement.
Malheureusement, la demande d’asile politique de la famille a été rejetée.
La famille va être dans l’obligation de quitter le foyer où elle résidait. De plus, le père de famille a des problèmes de santé nécessitant des soins qu’il ne pourra pas recevoir dans son pays d’origine. Expulser cette famille reviendrait à les condamner à un dénuement financier, affectif et sanitaire. Quant à Burbuqe, ce serait lui couper les ailes : une catastrophe pour cette enfant qui a tout misé sur sa réussite scolaire en France, dont, aujourd’hui, nous ne doutons plus.
Nous, professeurs du collège Paul Eluard, ainsi que tous ceux qui soutiennent Burbuqe et ses parents, nous opposons à leur expulsion et revendiquons une régularisation exceptionnelle pour cette famille.
Merci de signer massivement cette pétition.
petition_Fera

petition.doc

Pétition à remettre au collège ou RESF 13 c/o Mille Bâbords,

61 rue Consolat, 13001 Marseille

10 avril 2009

Ils zarrivent!

Coquelicot

Coquelicots

Coq Seul

Je me souviens que vers la fin d'Avril 67 les murs ont commencé à parler des ronds rouges... Ils zarrivent, ils zarrivent disaient de grands placards publicitaires un peu partout dans le pays . Tout le monde , ou presque se demandait : Mais qu'est ce que c'est ils zarrivent?

Je rappelle qu'à cette époque le monde était en noir et blanc... Et donc, qu'un rond, qui plus est ROUGE semblait inconnu, incongru, impensable...

C'était la marque Elf et son réseau de stations services qui annonçait sa venue... Il nous en fallait peu, en ce temps, là pour être étonné... Hé bien là, ces jours-ci, dans la campagne, c'est la même chose... Ils arrivent, les ronds rouges des coquelicots et vous savez quoi? On est étonné pareil, qu'ils veulent bien se montrer quand on descend dans le jardin pour cueillir du romarin...


09 avril 2009

Anniversaire…

Lettre écrite le 15 Avril 2004. Cinq ans après, je ne vois pas une virgule à déplacer…

"Chère Anne, Laninou,
Envie/besoin de t’écrire encore ce soir. Pour la première fois depuis qu’on se fréquente (j’aime ce verbe là bien qu’il ne soit pas approprié puisqu’il porte une idée de relation plus amoureuse que fut… qu’est la notre, mais se fréquenter, entre humains, reste une jolie perspective…) toi et moi, neuf mois, une durée qui ne t’est vraiment pas étrangère, pour la première fois de toutes, je t’en veux ce soir. Un peu.
Toulouse t’a accompagnée jusqu’à la dernière demeure de ton corps, celle du « reste » est maintenant en nous et tu nous laisses là, pantelants, hébétés, abattus, seuls avec notre route à poursuivre et notre immense chagrin. En plus, je suis certain que tu t’en voudrais à toi-même de nous causer tant de peine.
Chèranne, pourquoi nous as-tu fait ça ? Pourquoi t’es tu fait ça ?
Je me sens brisé ce soir Anne comme le sont tous ceux qui pleuraient aujourd’hui à Sainte-Claire. Toute cette douleur et nous ne pouvons pas même t’en vouloir ou alors juste le temps de la dire.
J’écoute Julien Clerc Les séparés, une chanson que je t’avais envoyée dès le début de notre « relation » et je pleure, je relis un passage de La plus que vive de Christian Bobin et je me dis qu’il devait te connaître lui aussi :
“Tu es adorée, adulée, comblée, choyée et tu n’as pas une vie facile. Personne n’a une vie facile. Le seul fait d’être vivant nous porte immédiatement au plus difficile. Les liens que nous nouons dès la naissance, dès les premières brûlures de l’âme au feu du souffle, ces liens sont immédiatement difficiles, inextricables, déchirants. La vie n’est pas chose raisonnable. On ne peut, sauf à se mentir, la disposer devant soi sur plusieurs années comme une chose calme, un dessin d’architecte. La vie n’est rien de prévisible ni d’arrangeant. Elle fond sur nous comme le fera plus tard la mort, elle est affaire de désir et le désir nous voue au déchirant et au contradictoire. Ton génie est de t’accommoder une fois pour toutes de tes contradictions, de ne rien gaspiller de tes forces à réduire ce qui ne peut l’être, ton génie est d’avancer dans la déchirure, par la déchirure, ton génie c’est de traiter avec l’amour sans intermédiaire, d’égal à égal, et tant pis pour le reste. D’ailleurs : quel reste ?
Avec le temps, bien des gens lâchent. Ils disparaissent de leur vivant et ne désirent plus que des choses raisonnables. Ils disent : « C’est la vie, c’est comme ça, il y a des choses impossibles, il vaut mieux ne plus en parler, ne même plus y penser puisque c’est comme ça, impossible. Toi, tu n’as jamais rien cédé. Tu as toujours tenu ton impatience serrée contre ta douceur. Désespérer de l’amour c’était pour toi une manière d’aimer encore. Tes yeux le disaient, ta voix le disait, ta vie entière le disait : tu n’étais qu’amour, à tel point que je me demande ce que la mort a pu saisir en toi, parce que « ça » elle ne peut pas faire main basse dessus. L’amour est fort comme la mort. Tu n’as jamais rien cru d’autre. »
A nous, il va nous falloir faire comme si tu étais encore là, comme si tu allais nous écrire demain, comme si nous allions nous voir bientôt, comme si nous nous attendions, comme si nous allions rire ce soir, nous embrasser à deux bras dans quelques jours, à nous, il va nous falloir continuer, en attendant….
Mais s’il te plait, Anne, laisse nous un peu de temps pour adoucir notre chagrin, pour nous vider de nos pleurs, laisse nous un peu de temps pour qu’on atteigne, tout en sachant que tu n’es plus là, le bonheur de savoir qu’on t’a connue et aimée et aussi celui de savoir qu’on a eu l’immense privilège d’être un peu aimé de toi …
Poutous, à deux bras.
S’il te plait Chèranne, Laninou, éclaire moi à propos de ce que je dois faire des 352 lettres reçues de toi… qui me restent là, sur le cœur et sous les yeux...
Anne était sage femme à Toulouse, elle avait mis au monde plusieurs milliers d’enfants, nous nous étions « croisés » en Juin 2003 sur internet, Anne souhaitait avoir des « discussions intimes ». Nous en avons eues. Nous devions nous voir en Novembre 2003. Anne se sentait trop fatiguée... Son cancer la minait déjà. Nous nous sommes vus, à Toulouse, un week-end de fin janvier 2004. Anne est morte le 11 Avril 2004 d’une embolie pulmonaire après un énième scanner...
Ce soir je pense aussi à ses filles..."


Cinq ans sans Anne, cinq ans avec ce sans...
C'est évidemment l'occasion rêvée, si l'on peut dire, d'avoir une pensée pour mes morts, ceux qui nous accompagnent, ceux avec qui nous devons faire sang.
Marie, Jeanne, Henri, Tony, Christine, Alain... et les autres, dont la triste liste qui, avec le temps, comme les ombres du soir, s'allonge, s'allonge...
Et, quand on retourne le cahier, celle des vivants nouveaux avec leurs joues gonflées de bouddhas heureux, qui s'étoffe, s'étoffe...




Ciel rose

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