27 octobre 2010

Bon, il y a l’automne et…

Ses rouges et ses jaunes, ses lumières d’après mistral et tout son bazar clinquant…
Et son froid giflant, et ses châtaignes grillant, et ses canards se pelant…
Et ses feuilles tombant, et son soleil s’aplatissant et ses fumées montant…
Et ses chasseurs tirant, ses perdrix se planquant,
Ses matins de brumes épaisses  cachant et, et…
Enfin l’automne quoi!


Oct 010


Oct 029 


Oct 017


Oct 001

Paris, fais toi belle, j'arrive...

26 octobre 2010

Encore un.

Encore un jour de flotte sans s’abriter sous les mêmes tuiles de toit.
Mais a-t-il plu chez toi?
Encore un film sans que tu sois dans la salle sur le siège à côté de moi.
Mais lequel as-tu vu, toi?
Encore un repas pris sans que ce soit le même vin qu'on boit…
Quel cru t'a régalé, toi?
Encore une semaine écoulée sans en avoir rien partagé de nos bras.
Et ta semaine, là-bas?
Encore un mois vécu sans rien avoir vécu, sans un regard en croix.
As-tu passé un joli mois?
Encore une saison derrière nous, et tout ce jaune d'or qui poudroie.
Était-elle bien rouge chez toi?
Encore une année au cou tordu, une année entière, une à douze mois.
Fut-elle généreuse pour toi?

Bien sûr on se parle au téléphone,
On se dit qu’on s’aime et tout et tout,
Ce serait mieux qu'ici ta voix résonne
Et qu’on s’embrasse même dans le cou.
Bien sûr, on se pense souvent à nous,
On se dit que fait-il, que voit-il, il est où?
Bien sur, que c’est pas du temps perdu,
Puisque c’est du temps qu’on s’aime.
Mais si on se verrait juste un peu plus
On s’aimerait aussi fort quand même!
Un jour, un jour peut-être viendra,
Où qu’on rattrapera vite tout ça…

Ciel de Septembre 001

Un an, un an surement viendra…
Où qu'on se discutera le bout de gras.
Et ce qui est écrit là, prends le pour toi,
Toi, qu'es pas du tout au même endroit!

21 octobre 2010

Une pincée de monde.

ETOILE DES NEIGES
Des chercheurs astronomes américains viennent d’intercepter et de traduire une communication qui proviendrait de Gliese 581g qui, à 200.000 milliards de kilomètres de la Terre, fait partie d'un système solaire où trois planètes pourraient abriter la vie : Elle disait, en gros ceci :
« __Merde, merde !
__Qu’est-ce qui se passe ?
__Ça y est, ces crétins viennent de s'apercevoir qu’on existe… Pourvu qu’il ne leur vienne pas l’idée de venir nous emmerder jusqu’ici… »

LA CASSE.
A qui profite-t-elle ? Qui a intérêt à ce qu’on se dise que, décidément, toute cette violence c’est trop ? Ça va trop loin, maintenant, il faut arrêter… Qui a intérêt à ce que les casseurs qui cassent, cassent? Où poser une question est, déjà, y répondre.

MAUVAISE HERBE.
Dépêche Orange: "Un différend s'est produit samedi vers 05H00 du matin au second étage d'un immeuble situé à La Verrières. Une personne est sortie prévenir la police chez son voisin du premier étage quand pour des raisons qui n'ont pas encore été déterminées, onze personnes du second se sont subitement défenestrées."
Dire que nous les avons comme voisins d'humanité et qu'hier soir nous leur avons peut-être dit bonne nuit...

CHUTE PAS LIBRE.
Elle sabote un parachute par amour, la rivale meurt, elle est condamnée à trente ans de prison. Ce n’est pas le parachutisme qui est un sport dangereux, c’est la jalousie. Ou, si l’on est plus clairvoyant, l’amour…

LE BRUIT ET L’ODEUR.
Guerlain, le nez qui pète avec sa bouche : « Pour ce parfum, j’ai travaillé comme un nègre, si l’on peut dire que les nègres ont jamais travaillé… »
Où l'on peut être un grand parfumeur et schlinguer du tuyau…

ARRIVEDERCI.
Frêche Georges, le Kim Jong Il, façon Tartarin de la Septimanie a, enfin, repassé son arme à gauche... Et voilà, il a fini de penser ses conneries. Et de les dire.

LE MONDE S'EN MOQUE COMPLETEMENT ET C'EST BIEN MERITE.
J'attends l'élagueur pour un des deux pruniers, celui qui est malade. Pas pour l'abattre, non, pour l'éclaircir.

F1000054

19 octobre 2010

Jour de grèves.


Nicolas Sarkozy en 1998, fanfaronne:
"Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit!"
Heu... En voilà trois...

Plage au couchant  
 

18 octobre 2010

Viper’s tongue.

Le thème des Impromptus littéraires était: Cette semaine nous vous proposons de faire le portrait, réel ou imaginaire d'une langue de vipère. Nous en connaissons tous; qui sait si nous même, de temps à autre ... Ça a donné ça:

«  …Mais puisque je te dis que je l’ai vu ! Tu sais, c’est limite désagréable que tu ne me crois pas ! Je l’ai vu comme je te vois, c’était bien lui, je le connais quand même… Je te rappelle que j’ai vécu huit ans avec lui avant que tu ne me l’enlèves… Mais non je te taquine, je sais bien que je l’avais quitté… Et puis, il fallait bien que quelqu’un le ramasse, le pauvre, il faisait si peine, on aurait dit un chiot abandonné… Il portait son écharpe rouge tu sais, la moche, celle qui lui donne un air de ce journaliste là, chef d’un magazine qui, soit dit en passant, depuis qu’il est arrivé, a bien baissé de niveau. Tu sais bien l’ami de l’autre là, la première dame comme disent ceux qui n’ont rien à dire. Tu te souviens, il nous arrivait de commenter ses articles en pouffant dans le salon de Charlène, la pire coiffeuse de l’Ouest de Paris… Qu’est-ce qu’on a ri dans ce salon ! Charlène, qui avait débuté, à ce qu’on disait, vers la Place Pigalle et son salon n’était pas de coiffure… Il n’empêche qu’elle nous doit sa piscine à Ramatuelle, celle-là… Mon Dieu, Ramatuelle, comme c’est surfait, je n’irais pas y passer trois jours dans ce trou à rats ! Comme je suis contente de n’y avoir ni maison, ni famille, ni amis… Mais ce n’est pas de ça qu’on parlait... Il portait aussi sa saharienne, sa parka Kouche comme je l’appelle, tu sais bien, celle qui nous faisait tant rire, quand il la mettait… pour aller diner au Flore… En parlant de ça, as-tu vu comme le niveau a baissé en cuisine ? Depuis que le chef, Baptiste, celui qui avait des yeux acceptables a été remercié… Tu savais qu’il était devenu l’amant de Madame P. ça n’a pas plu du tout, cette affaire, alors hop, dehors, viré, remercié… Remarque, c’est bien fait pour lui, doivent rester à leur place, ces gens là… J’ai entendu qu’il avait tendance à taper dans la caisse, aussi, pas que dans la clientèle… Depuis, je ne sais pas où ils ont trouvé le nouveau mais pas dans le rouge… Hé bien oui, le gros rouge, le Miche, ce guide qui, avant, donnait toujours de bonnes adresses mais qui depuis quelques années se repose sur ses lauriers fanés, on ne sait plus où s’asseoir à table, ma pauvre ! Ah ça ils nous ont bien eu avec leur baisse de TVA, c’est la qualité de la cuisine qu’ils ont baissé, oui. Je te jure que c’était lui, je le connais quand même… Mais, hé tu as traversé la rue, tu ne m’écoutes pas ? Dis moi de suite que ce n’est pas intéressant ce que je raconte? Hey ? Où vas-tu ? Attends-moi, je ne t’ai pas dit avec qui il était quand je l’ai vu ! Tu ne vas pas me croire ! Attends… Il était avec cette fille si moche, la fausse brune qui a tant d’argent… attends moi, attends… Elle est partie. Celle là, dire que je la croyais mon amie !… Ce n’est pas pour dire du mal mais, elle ne l’a pas volé, je ne suis pas mécontente qu’il la trompe, tiens, finalement… »

Seule, au gros milieu de l’avenue, perdue, comme un reste d'île flottante dans un saladier presque vide, elle a appuyé sur le bouton de son i pod. Alors, la chanson  phare des Clash qu’elle écoutait en boucle quand elle ne parlait pas s’est annoncée. Après quelques secondes, ce sont les premiers accords de Viper’s Tongue qui  lui ont vrillé les oreilles…


Palavas Jan 08

17 octobre 2010

Depuis qu'il s’arrondit…

Tout ce qui était là y est,
Rien n’est chamboulé
Pourtant tout a changé :
Tes jours font mes nuits
Les silences sont des cris
Les clous deviennent des lits
Depuis que ton ventre s’arrondit…

Depuis qu’il s’arrondit
L'aride est un fond de puits
Les murs reprennent du fruit,
S’estompe la mélancolie,
Le mauvais air se raréfie,
Et fleurissent les ancolies.
Ici, sur terre ça s’adoucit
On s'assied sur ses soucis,
Jusque ma colère qui s’assoupit

Tout ce qu’on aimait, on l’aime
Derrière est comme devant
Mais rien ne ressemble à avant :
Une seconde est une vie,
Les pleurs sont des pluies,
Le blanc est une suie,
Depuis que ton ventre s’arrondit.

Depuis qu’il s’arrondit,
L'églantier refleurit,
Les anges nous sourient,
Mon air niais te ravit,
Le bonheur s'épaissit,
L’océan déferle à Paris
L'avenir soudain s'éclaircit
Nos peurs sont amoindries,
Tu vois: les angles s’y mettent, aussi…

Tout ce qu’on savait on le sait
Ce qu’on devinait, on y est
Pourtant tout est renversé :
Nos peines sont amincies,
Un souffle qui enjeunit
La vie qu'on remercie
Depuis que ton ventre s’arrondit.


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Quatre saisons…

Bientôt, dans le dernier numéro de Swans une nouvelle nommée QUATRE SAISONS. En voilà les cinq premières phrases…

“C’est vers la fin d’un hiver qui avait été si rude que certains arbres s’étaient fendus en deux, ouverts en long, comme des fruits trop mûrs, qu’il a débarqué dans le pays.
Il y avait encore, un peu partout sur les trottoirs, des tas de neige sale qui n’en finissaient pas de fondre. Ce n’était pas avec le froid qu’il faisait encore la nuit qu’ils allaient en être vite débarrassés. A chaque fois qu’Antonio en enjambait un, lui venaient des images de champs entiers recouverts d’une épaisseur de blanc et le bruit de pas crissant dans le silence. Mais à ces tas là, personne ne semblait s’intéresser, comme si, finalement, on avait décidé d’attendre qu’ils disparaissent d’eux mêmes… Un peu comme on patiente, résigné, qu’une profonde douleur s’estompe.

Chez Lulu rouge_cr_cr

Un de Grâce, un de colère.

Une jolie soirée vendredi soir avec ce concert littéraire au Théâtre du Chêne noir. Deux amis complices Philippe Djian et Stéphan Eicher sont venus partager un moment de grâce avec les spectateurs. Ils étaient simples, accessibles,  émouvants, surprenants, ravis d’être là. Et drôles! Quand Stéphan Eicher a fait savoir qu’il devait être, à sa connaissance, le seul suisse au monde à payer ses impôts en France…
Malgré le mistral glacial qui balayait dans les ruelles à grands coups d’épaules et qui distribuait des gifles à tous les coins de rue, c’est une brise tranquille qui soufflait sur la scène du théâtre. Une très  jolie soirée, vraiment. Je ne vous en parle que par pure perfidie puisque ce n'était qu'un soir et...  vous l'avez manqué...

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Après la petite marche collective du samedi matin presque rituelle autour des remparts,d'Avignon, un film qui vous fait serrer les poings de colère et vous laisse en larmes.
ILLEGAL.

A voir. On ne peut plus accepter d’être le témoin de tout ça sans réagir davantage surtout que c'est  pratiqué en notre nom.

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Un de grâce, un de rougne, la vie, quoi!

15 octobre 2010

Juste…

Le faire durer, encore, un peu…

Oct 005
Oct 006

Juste le prolonger un peu... Reprenons une tasse d'été…

11 octobre 2010

Les deux siens.

Pour les Impromptus Littéraires de la semaine. Thème: Avec ou sans dicton, en vers ou en prose et quel que soit votre prénom dites-nous tout le bien ou le mal que vous pensez de votre saint.

C’est pas joué d’avance qu’on touche le gros lot
Remplir un bull'tin c’est fêter la Saint Lolos.

C’est pas d'main la veille qu’on arrêt’ra le turbin,
On n'quitt'ra la taule qu’à la Saint Glinglin.

C’est pas pour de suite qu’on s’ra l'patron des patrons,
Qu'on aura des tas d'Rolex pour la Saint Baron!

C’est pas not' jour de conduire les belles voitures,
Tout c’qu'on peut faire c’est s’serrer les Saints Ture.

L’est pas v’nu vraiment le temps d’l’a richesse,
Ni qu’on va, dans l’beurre doux, poser nos fesses,

S’allonger sur un'moquett' en poignée d’clous,
Péter dans la soie, ce s’ra pour la Saint Maclou!

On aura jamais not’compte en banqu’assez obèse
Pour fair'de l'hélico entre Cannes et Saint Tropez!

C'est donc pas l'époque des cadeaux ni des tralalas
Mais qu'est-ce qu'il fout, il dort ou quoi Saint Nicolas?

Si qu’un jour j’ai d’la maille, du pèze, du gros bien rose,
C’est pas qu'la plage qu'je m'paye, c'est tout Sainte Rose!

Les premiers s’ront les derniers, qu’il a dit l’cantique
Sans y croire vraiment, ça m’a l'air Saint Pathique!

C’est pas hier la vieille qu’on verra c’qu’on voit
Pourquoi qu’on a pas crevé les œils à Saint Thomas ?

Mais moi, me fiche qu'ils m'énervent tous ces saints,
Ceux que j'vénère et de loin c’est… les deux tiens.

Mur Vigne Roussillon

10 octobre 2010

Une pincée du monde.

FLEUVE NOIR.
Le beau bleu est devenu rouge. Les poissons en sont morts. Les poissons hongrois sont réactionnaires, ils n’aiment pas la peinture moderne...
Et pourtant, le beau Danube rouge ça a de la gueule.

DROITS DU TATAMI.
L’article 19-3 du Code civil dispose que « Est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né ». Il s’agit du double droit du sol, principe ancien de notre droit de la nationalité. Au cours de la discussion d'un amendement sur le droit du sol en Outre-Mer, David Douillet, ancien judoka collecteur de pièces jaunes, député UMP des Yvelines, a proposé sérieusement de transformer certaines maternités d’Outre-mer en zones extra territoriales. Ainsi plus de droit du sol dans certains coins (Guyane et Mayotte)…
Cet amendement dit Douillet a été rejeté mais il a quand même trouvé quatorze députés pour le voter.
Douillet ceinture noire, 7ème dan de judo, Champion du monde de                    (illisible).

SCIENCES ÉCHO.
Merci bien, Madame, désormais, on ne peut plus parler d’inflation sans sourire d'un air entendu et fumeux.

OUF. OUF.
Madame Woerth recasée au conseil de surveillance de Hermès (Les selles, les sacs à main et les valises). On s’était fait du souci pour son avenir financier. On avait tort. Madame Chirac, elle (la femme de...) va entrer au Conseil de L.V.M.H. (Le groupe des machins de luxe).
Ces deux "Madame" nous plongent dans un monde de ouf…

FLUTE DES CLASSES.
Elle passe cette semaine par la vision d’un film magnifique. Très dur et splendide esthétiquement. Il s’agit d'un film coréen: The Housemaid de Im Sang Soo avec Jean Do-Yeon et Lee Jung Jae. (Oui, je me suis offert un petit plaisir à écrire correctement les noms des auteurs et acteurs). Un film qui montre qu’on peut  être puissant, aimer son enfant, les finesses des grands crus et être une parfaite crapule.
Vous ne serez pas prêt d’oublier, entre autres, l’avant dernière scène où le corps de la servante qui vient de se suicider en se pendant au lustre, se balance, en feu, dans le gigantesque salon glacial sous les regards horrifiés des maîtres buvant du champagne.
Une Jeanne coréenne sacrifiée par l’abjection…

PAS PIRE.
Dis donc Justine, tu n’étais pas là, mardi? On peut savoir pourquoi?
Oui... j’étais à l’enterrement de mon grand père…
Bon sang, j'avais oublié! Nous vivons dans un monde où les petites filles enterrent leurs grands pères…

TROU NOIR.
On peut penser que les trente et trois mineurs chiliens ne feront pas spéléo comme loisir…

SUCRETTE.
Il régnait une douceur incroyable ce mercredi en fin d’après-midi sur le chemin des Nesquières entre l’Isle sur la Sorgue et Velleron. Elle m’a gentiment fermé deux trois cicatrices juste en la traversant. Certains paysages ont ces vertus thérapeutiques.
Des  endroits paracétamol…

Ciel d'octobre Nesquières 1

09 octobre 2010

Ray World.

                            Elle était comme presque nous tous, elle n'avait sans doute pas choisi le sien, elle non plus. Elle s’appelait Raymonde. A part les pseudos, personne, jamais, ne choisit son prénom. Elle habitait pile en face de chez moi. J'entrais au 74, elle entrait au 75 . On ne peut pas faire plus face. Elle ouvrait les volets de sa chambre, le matin vers huit heures sept, parfois huit heures huit. Elle ne les poussait jamais en grand. Peur de trop de lumière? Il faisait toujours sombre chez elle, mais il y avait de quoi.
Son dernier homme était mort, son chien, (qui hurlait comme un loup dès qu’un passant passait) est enterré à côté de son chat, je le sais, c’est moi qui ai fait les trous, dans son jardin grand comme un tiroir de table de nuit, ses rosiers étaient secs de fleurs et ce qui reste de sa  pelouse jaune est envahi d'herbes mauvaises et de chardons piquants. Son pauvre cerisier, lui, ne donnait plus que des noyaux. Il n’y a guère que ses trois ou quatre pieds de framboisiers qui la faisaient sourire un peu. Jusqu'aux oiseaux qui à traverser le tout, s'en sentaient patraques.
Quelques années auparavant, son minuscule lopin était comme un vase généreux, ce n’est plus qu’un bout de banlieue aride, un avant goût de terrain vague, un désert banlieusard. Elle ne peut plus trop se baisser pour arracher toute cette chienlit, Raymonde. Plus trop, c’est à dire plus du tout. Il lui  est arrivé de m’appeler pour ramasser vingt euros qui avaient glissé de son porte-monnaie... J'en profitais pour lui tondre sa toundra.
Nous avions fini par sympathiser, elle et moi, enfin surtout moi. Avec ce qu’était sa fin de vie il n’y avait pas de quoi être hilare tous les jours. Elle ne l’était pas. Elle était même franchement  rogue, râleuse, aigrie, acariâtre, se plaignant pas mal, c’est à dire beaucoup. Mal au dos, mal au pied, de l’arthrose dans les mains, seule… plus très propre... il y a de quoi vous diminuer le sourire. Vous verrez quand ça nous arrivera, si nous trouvons encore la vie si belle c’est que nous avons une sacrée confiance en l’avenir.
Les trois quatre choses qui nous liaient étaient le voisinage, les framboises, ses rendez-vous à la banque et la nécessité de faire le plein au supermarché.
Quand venait la saison des framboises, je recevais un coup de fil : " Vous voulez des framboises ? "
Ah non, pas de "Bonjour...", pas de "C’est votre voisine" Juste ces quatre mots secs "Vous voulez des framboises ?" envoyés sur un ton qui ne pouvait pas laisser croire qu’on n’en voudrait pas.
___  Avec plaisir, Raymonde mais je passerais ce soir si vous voulez bien là je suis en train de peindre, j’en ai partout, je ne peux pas me déplacer ! 
___  Ah ben non, c’est maintenant, je viens à la grille.
Et elle raccrochait. Je regardais par la fenêtre et je la voyais sortir de chez elle avec un bol plein de rouge, trotter menu dans l’allée. Je devais tout quitter, là, à la seconde pour douze framboises qu’elle venait de ramasser. Alors je descendais, je traversais la rue, un récipient vide à la main, oui parce qu’elle voulait récupérer le sien, j’y faisais glisser les fruits, nous nous disions deux trois mots à propos de cette vie difficile, de son mal partout, de son triste jardin qui si son pauvre mari voyait ça... et je rentrais chez moi.
Au fond elle me sonnait à la saison des emmerdes, c'est à dire souvent. Un frigo en panne, une machine à laver qui fuit, une ampoule cassée, avant c'était son vieux mari qui réparait  tout ça mais depuis il est mort, je n'ai que vous... On ne va pas se marier de suite, Raymonde, il faut que vos parents soient d'accord, je lui disais en souriant...

Pour ces rendez-vous à la banque, c’était en général le samedi. Il fallait l’emmener à son agence où elle retirait du liquide pour quinze jours… cent euros. CENT.  Je le sais parce que je rédigeais le chèque, elle signait d'une vague croix soulignée. Raymonde était ce qu’on appelle avec des pincettes dans certains milieux, une femme de peu. Peu de retraite, peu d’argent, peu de visites, peu d’amour... Beaucoup d’un peu tout.
Pas trop le genre Liliane vous voyez?
Elle vivait (appelle-t-on encore ça vivre ?) avec deux cent euros par mois. Autant dire que les Bahamas étaient loin de la tracasser, autant dire que la seule île qu'elle connaisse était flottante, si vous voyez à quoi je pense… Evidemment, plus personne ne venait plus la voir, même le facteur ne savait pas qu'elle habitait là, plus personne ne souhaitait d'elle, c'est simple, même la canicule, en son temps, n'en avait pas voulu. Quand elle avait besoin de liquide, un dé à coudre, elle me passait un coup de fil en début de semaine, et me disait:
___ Samedi vous pouvez ? Je pouvais. Treize heures cinquante, l’agence ouvrait à quatorze. Un autre coup de fil le vendredi soir pour être bien certaine que je n’ai  ni changé d’avis, ni oublié, un autre encore le samedi matin vers sept heures… SEPT heures,  Raymonde se levait bonne heure et le monde autour d’elle devait faire de même, pour vérifier que j’y serais bien…
___Mais Raymonde, je vous ai dit oui hier soir, je n’ai pas changé d’avis…
___Mais je préfère être sûre, avec les jeunes (Oula, besoin de lunettes, Raymonde...) on ne sait pas à quoi s’en tenir…
Je la déposais devant l’agence, elle voulait être la première. Je l'attendais dans la bagnole, et je la ramenais chez elle dare-dare, elle ne pouvait pas manquer le début des "Feux de l'amour"...
Avant de nous quitter, elle me racontait combien il est difficile de vieillir seule, enfin le refrain habituel et me glissait dans les mains une bouteille d'un blanc sec de sa cave, avec une photo d'huitres ouvertes dessus l'étiquette. Je refusais, et pour cause, j’avais essayé la première fois… L’évier avait été comme neuf quand je l’avais vidée dedans, la deuxième j’avais tenté d’en verser sur une dorade en papillote… le poisson avait fait des bonds dans l’aluminium… Je refusais fermement mais je partais avec.
Parfois, je l’emmenais dans un hypermarché. Je la soupçonnais bien d’acheter toutes ces boites à chat pour elle-même, je le savais, moi, que ses chats étaient morts, mais comment lui dire qu'un humain ne mange pas de nourriture pour chats?
J’ai aimé qu’elle  soit si peu amène, si peu sympathique, je n’ai pas eu envie, jamais, de l’inviter chez moi prendre un thé ou autre chose, passer un moment. Je lui étais utile, point. Et, ainsi, quand j’ai choisi de faire route au Sud, je ne me suis pas longtemps demandé :
Et Raymonde, hein? Qui va s’occuper d’elle, qui va l’emmener à la banque ou transbahuter ses packs de flotte ?
J’en ai juste parlé aux acheteurs de ma maison comme pour leur transmettre le flambeau. Tu parles d’un flambeau, une bougie en fin de mèche, oui. Pour avoir, ce n'est pas le plus difficile, la conscience tranquille?
Je ne pouvais pas m’empêcher de l’imaginer à vingt ans comme l’Insolente et infidèle de la chanson de Romain Didier:
« ...Et puis la nuit revient
Comme un ennemi fidèle
Glisser entre ses reins
Des rêves de Demoiselle.
Elle a tellement aimé
Qu’elle comprend pas toujours
Qu’il n’y ait guère que la télé
Pour lui parler d’amour… »
J’espérais, pour elle, qu’elle ait connu ça, avant.
Raymonde, le vrai monde... à cent euros près, à deux pas d'ici…

Plante & ombre

08 octobre 2010

Une apparition.

Hier soir, je me promenais sur Gougueule Eurce. Je faisais un petit survol du coin où j’habite,  à la recherche d’une bâtisse qu’on devine de la route. Je voulais voir à quoi elle ressemblait d’un peu plus près.
Or, à ma grande surprise, j’ai vu ceci:

Oct 009

Si jamais quelqu’un a une explication rationnelle… Qu’il en soit remercié… J’avais aussi, dans l’après-midi attrapé ce grimpeur malhabile, mais là, je sais ce que c’est!
Oct 001

03 octobre 2010

Un vent de sud.

C’est un vent de sud, ami, qui, au réveil, te souffle aux narines son haleine de sahel. Il porte en lui des senteurs d'épices, des odeurs de désert et des particules de sable.
Tu l’as senti avec le parfum de café neuf qui est venu te chercher dans ton demi sommeil.
Au loin, une pie sans doute étonnée de la douceur, qui faisait grand contraste avec la fraicheur des derniers réveils, jacasse avec une, encore, copine aussi agacée qu’elle.
Tu reviens au monde, tu as toujours en tête des images et des sons de la soirée d’hier où tu es allé entendre un albatros chanter. Un géant vacillant légèrement sur deux pattes mal assurées, mais un immense et généreux oiseau, avec deux ailes, qui poussent à l'envol. Tu as, en tête, entre mille autres, ces mots qui raisonnent encore:

“Qu'est c'que t'as ma jumelle, qu'on croit inguérissable
Qui use les regards dans des boîtes de kleenex
Qu'enlise chaque pas sous des tonnes de sable
Qui sert du bouillon fade dans des verres en pyrex
Qui rend les photos floues ?
Bilou
Bilou fais un effort, je te jure que tu ris
Rire, c'est ça, tu t'rappelles, tu vois c'est pas si dur
Regarde la pluie s'barrer au cul du car-ferry
Le vent lèche tes joues peintes de confiture
Pour un peu j's'rais jaloux
Bilou Bilou...” *

C’est un matin pas tout à fait comme les précédents.
Un matin à sourire aux imbéciles, à oublier son mal de dos, un qui amène aux indulgences.
C’est un matin à souhaiter partager et les beautés du monde et ses  horreurs,  ce qui importe est partager, à souhaiter ardemment ne pas se réveiller seul... Et puis, tant pis…
C’est un matin à se faire une raison.
Un matin à vouloir consoler l’enfant qui pleure, au loin,  à, vivement désirer embrasser les deux siens, puis à remettre le bazar à plus tard… Puisque tu as convenu que c’était un matin à s’en faire une…
C’est un matin à se dire que, plus tard, tu reprendras volontiers un café en terrasse.
Un matin à être saisi par l’envie de s’allonger dans un pré ensoleillé, une herbe  sèche entre les dents, une main amie serrant la sienne, la gauche…
C’est un matin à lever les yeux au ciel, à se penser un passé souriant, à regarder s'évaporer les fragiles nuages, à suivre la ligne diagonale d’un avion pressé à admirer l’or fin qui commence, à peine, à enrichir les hautes feuilles des arbres, à laisser, devant toi, traverser les piétons, un sourire stupide aux lèvres.
C’est un matin à vouloir, quand même, étrangler un peu, le chien des voisins qui vocifère depuis l’aube…
C’est un matin de marché de dimanche. Il t’attend. Tu te lèves, tu t’habilles et tu y vas...

Malgré toi, tu es prêt à entendre des bruissements du monde...

Ciel doctobre 2
* ALLAIN LEPREST: Bilou.

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