28 novembre 2012

Dormir.

Pour les impromptus de la semaine, le texte devait commencer par un vers de Léo Ferré: Dormir dans le chagrin du vent.


Ah! Dormir...
S'endormir…
Dans le chagrin du vent,
Dans les brumes de Décembre,
Dans ces aubes délicates,
Dans de voluptueuses volutes,
Dans les plaintes des absentes,
Dans les cœurs des apaisées.
Sur des horizontales étales,
Dans l'abandon des édredons 
Dans les soifs des asséchées
Dans les mots des à peu près,
Dans les recoins des angles morts
Sur des tendresses esseulées
Dans des parois désemparées,
Dans les miroirs des réfléchies.
Oser... les lisières des alizés,
Dans les bras des accueillantes
Attaché par les laisses de lascives...
Au coeur d'un choeur de solitudes
Sur le doux dos de près éloignés,

Ah! Dormir!
Encore un peu,
Une heure, un jour,
Un mois,
Ou deux...


25 novembre 2012

Le souffle court.


Sans mentir, ça faisait bien trois ou quatre heures qu’il n’avait pas envoyé un seul regard dans le rétroviseur. Et pour cause, il n’y avait rien à voir. Il en était à se demander si après son passage, il y avait encore une route derrière ou bien si elle s’évanouissait au fur et à mesure qu’il avançait, si sa bagnole n’était pas devenue une grosse gomme blanche.
Il n’avait doublé personne depuis belle lurette et pour tout dire, il commençait à imaginer qu’on l’avait construite pour lui cette autoroute, ou plutôt qu’on la déroulait devant lui comme un immense tapis gris.
De temps à autre, il posait le pied gauche à côté du volant ou laissait pendre un bras à l’extérieur pour jouer avec le vent comme une danseuse exténuée.
Du poste un vieux noir à lunettes caressait un piano en rauquant d’une voix de pierre fracassée qu’il était seul au monde et que « Dieu qu’il est dur de su-urvivre à ton départ su- u-rtout le soi-oir venu-u, dur que c’est du-ur oh oh-yeah »....
Enfin bon, il entassait gentiment des kilomètres en faisant du Sud...
A part le noir qui chantait et la fumée bleue de blonde qui flottait doucettement dans l’habitacle avant de mettre nerveusement les bouts par la fenêtre ouverte, il n’y avait guère que lui de vivant dans le secteur. Avachi sur le siège du passager, un sac de voyage qui avait fait du chemin et dans lequel on aurait trouvé qu’une brosse à dents rouge, un bouquet de Staedler Noris 2 noir et jaune et une rame de mille feuilles de 180 grammes. Et trois taille crayons gris.
Avec tout le mal que c’était donné le jour pour le faire crever de chaud, ce dont il était fier était de se sentir encore un peu en vie. Il le savait à quelques riens mais il ne se connaissait pas si mal finalement. Et même si la sensation d’être vivant passait par une pointe d’acier dans le bas du dos, il acceptait ça très bien. Il croyait que ce sont parfois les pires souffrances qui maintiennent à flot. Au moins on a un adversaire de taille... Après on avait qu’à s’arranger pour la taille des cicatrices.
Grâce ou à cause de cette lance vrillée dans les vertèbres du bas, il mettait un point d’honneur à ne pas relâcher la pédale de droite et à longer le gris des barrières.
Loin devant, le soleil avait fini par se décider à s’allonger. Le soleil préparait tendrement la terre à sa disparition en la recouvrant d’un léger voile rosé. Le ciel se saupoudrait de cumulus cotonneux comme s’il tapotait des oreillers célestes.
Depuis le départ, il avait vidé deux trois maxi d’eau minérale et malgré ça, il n’avait aucune envie de pisser...
De là à penser qu’il n’avait plus envie de grand-chose, il ne lui a fallu qu’une centaine de mètres. Le rouge du ciel commençait à s’accrocher au capot de la bagnole, et, derrière le noir grimpait désormais sur le coffre et n’allait pas tarder à s’attaquer à la vitre. Bientôt il lui faudrait allumer les phares.
Malgré ces détails, une question le taraudait depuis le départ. Et c’était la seule vraie question qui se posait à cet instant : Par quoi commencer ? Il se l’était posée plusieurs fois déjà évidemment elle était encore restée sans réponse. Il avait bien pensé à : « Ca a débuté comme ça » mais c’était déjà pris...Le reste du temps il avait traversé des paysages qui étaient restés silencieux bien qu’il les connaisse par cœur. Il était tant passé par là qu’il aurait pu faire la route en braille. Et puis le début est venu, d’un coup, d’on ne sait où, il n’a pas cherché à savoir, il a juste pensé :  « Sans mentir, ça faisait bien trois ou quatre heures qu’il n’avait pas envoyé un seul regard dans le rétroviseur... » Apaisé, ça l’a apaisé. Il tenait enfin un bout de la bobine à tirer...
Comme c’est la plus grande force des chanceux que de ne jamais la pousser trop loin, comme il tenait le plus possible à rester maître de la situation, comme une fourmilière lui attaquait maintenant les DEUX jambes, il a décidé de prendre la première sortie pour refaire le plein de souplesse, d’essence et d’eau.
Juste avant la sortie, un pont. C’est là qu’il l’a vue. Elle était assise, un pouce levé contre la pile du milieu, entre les deux voies. Peut-être qu’elle faisait du stop dans les deux sens ? Elle a du se lever à l’approche de la voiture parce que dans le noir naissant, il a seulement entre aperçu sa veste blanche qui s’agitait. Il a freiné et s’est arrêté un peu plus loin comme il avait commencé à ralentir pour sortir tout s’est passé sans encombre. Il s’est rangé sur le côté et il a attendu qu’elle s’amène en pensant qu’elle pourrait marcher un peu plus vite, montrer un poil plus d’enthousiasme... Elle marchait comme une a qui le monde appartient. Il l’a vu dans le rétro. Aucun hurluberlu à cheveux longs n’a surgi de dessous le pont... Elle était seule. Elle n’avait aucun sac, pas même un de ces petits trucs en toile bourrés de choses absolument indispensables. Il l’a fixée bizarrement quand il a vu comment elle était habillée...
Une jupe châtaigne aussi courte qu’un col roulé, un tee-shirt moulant vert amande sans manche tenu par deux fines bretelles, des talons haut de la même amande et sa veste blanche sur l’épaule... Trois bons points.
Il lui a tout repris quand elle est montée et s’est assise à l’ARRIERE de la bagnole.
Elle a jeté :
___Vas pas te figurer que c’est autre chose que ta voiture qui m’intéresse...
___Bonjour, c’est une prise d’otage ? Il a demandé, pincé...
S’en est suivi des enclumes plombées de silences. Mais ça n’avait rien d’un silence serein. Il était vicié, tendu voire agressif.
Alors pour que les choses bougent, il a fait hurler ses pneus. En prenant la bretelle vers la station service, il s’est vengé :
N’allez pas vous figurer que je vous fais le coup du réservoir vide...Il EST vide.
Ce n’est que pour faire le plein que je m’arrête.
Il n’a pas jeté un œil vers l’arrière, mais il a clairement entendu : »Et tu vas me faire le coup du café ? »
Il était une fois de plus, une fois encore battu, archi-battu, écrabouillé à coutures plates.
Il a rempli le réservoir, et, en passant le long de la voiture, il a vu qu’elle avait d’aussi beaux genoux que ses yeux même s’ils n’étaient pas verts.
Ah oui, elle était brune aussi. Il a payé et il est remonté dans l’engin qu’il est venu garer près du bar inondé des la lumière crue de néons virulents. En coupant le contact, il lui a dit qu’il allait boire un café, se passer de l’eau sur la figure et peut-être manger un morceau, lui.
Bon je t’attends là, elle a dit.
Sûrement pas, vous êtes du genre à vous barrer avec la bagnole. Désolé mais j’ai plus besoin d’elle que de vous. Alors, ça, il l’a dit méchamment, exprès.
Vous descendez, je ferme et vous n’êtes pas obligée de venir.
Encore heureux que je ne sois obligée de rien, par toi...De toutes façons, je boirais bien un café, moi... Elle est sortie et l’a plantée là sans même fermer la porte...
Ils filaient l’entente parfaite, elle et lui, un vrai petit couple...Elle est entrée dans le self sale et s’est approchée du comptoir.
Elle s’est hissée au plus haut d’un tabouret, sa courte jupe en a profité pour faire un tour au sommet de ses jambes longues et fines, les types présents en ont manqué de lâcher leurs bières, les néons se sont mis à danser la polka et on a même entendu un coyote s’approcher de la station service en hurlant à la mort.
En se dirigeant vers les toilettes, il a pensé : « Les gars, cette fille je vous la laisse, comme cadeau vous allez être servis. En toxiques, elle s’y connaît la demoiselle...Comme je suis content que la jauge soit dans le rouge !!! »
Il l’a entendu commander deux cafés dont un serré et un verre d’eau...Il a foncé se passer le visage sous l’eau et c’est presque à quatre pattes qu’il a rejoint sa voiture.
En se glissant comme un boa entre les gondoles de biscuits secs, de tablettes de chocolats, les bouteilles de jus de fruits, en contournant les étagères de bouquins il a réussi à ne pas se faire voir.
Il a ouvert sa portière et, sans la claquer il l’a refermée. De là où il était, il voyait les courbes magnifiques de son dos et de ses jambes croisées posés sur le tabouret comme un violoncelle de concert et le regard fiévreux du serveur fiché en elle comme un lance magique. Il a desserré le frein à main et s’est laissé glisser le long du parking. Plus loin, à distance raisonnable, il a remis le moteur en marche et a accéléré très vite pour rejoindre le Calme. Bien sur qu’il aurait préféré traverser la salle et à sa hauteur jeter un billet sur le comptoir pour les cafés et lancer : «  Notre histoire s’arrête là, Gardez la monnaie... » puis lui tourner le dos, la tête haute à ce baril de poison incandescent. Mais fait-on toujours ce qu’on aimerait faire ? Ca se saurait.
Pour l’heure il se sentait comme rescapé d’un tremblement de cœur. Un peu honteux d’avoir mis les voiles en douce. Heureux d’avoir échappé à La Belle.
Il avait déjà croisé ce genre de tornade capable de mettre votre vie en charpie, d’un mot d’un geste de la main dans ses cheveux, d’un sourire appuyé ou d’un regard en coin. Un beau matin elle vous laissait à genoux au plein milieu de nulle part, une boite de mouchoirs jetables entre les mains et quelques souvenirs merveilleux quand elle était généreuse. La plupart du temps elles embarquaient même les souvenirs.
Et une bonne partie de votre âme en plus. A celle du bar, il n’avait rien laissé. Il l’avait seulement avancé de quelques pas vers le malheur d’un autre. Chacun sa croix.
Quitte à s’en mordre l’avant bras, la survie impose des sacrifices et pour quelques heures, quelques jours voire quelques mois de bonheur, si on peut s’éviter des années de malheur autant, parfois renoncer d’avance. Si tu sens la querelle poindre cède...
Il y en avait des milliers sur terre à préférer le malheur, on y a ses marques, on peut s’en repaître, on sait à qui s’en prendre. Pas lui, pas cette fois, il avait trop à faire.
Mais par quel bout l’attraper ce foutu livre ? Comment s’y prendre Bon Sang ?
Un moment il avait songé à attaquer d’abord la fin. « Alors, avant de quitter cette ville encore vide l’homme fatigué a demandé un troisième café... » Voilà une belle phrase de fin.
Il avait le début et la fin mais l’important c’est ce qui se passe entre... Comme pour la vie, quoi.
En fait ce gentil intermède et les tourments aux quels il avait échappé l’avait revigoré. C’est un homme presque neuf qui a repris route. Il s’est enfoncé de plus belle dans le noir maintenant profond de cette nuit bien avancée.
Il y avait toujours autant de monde sur ce foutu trajet. Au lieu de le décourager, ça lui donnait une preuve, certes ténue, d’être sur une voie qui vaille.
Le Monde s’était concentré dans le faisceau blanc des phares et son avenir ressemblait à ça. Clair dans l’axe flou sur les bords. Une situation courante, en somme. Comme vers le matin il en a eu plus que marre d’avaler du gris, il a viré dès la première échappatoire, il a stoppé devant une grille qui servait aux véhicules d’intervention et ça ne l’a pas démonté. Tout le monde a une pince coupante dans son coffre et peu de cadenas leur résistent. Lui en avait une. Le cadenas n’a pas soufflé mot. La grille ouverte, il s’est retrouvé sur une route étroite bordée de taillis touffus. Le frais du lever l’avait saisi quand il est sorti et c’est avec la musique et le chauffage à fond qu’il a négocié les virages. Il roulait dans la nuit noire comme dans un boyau de baleine. Après deux bonnes heures, il est entré dans une banlieue encore éteinte étouffée par la nuit. En avançant, il ne fut pas certain que dans un endroit pareil le jour se lèverait. Et pourtant quelques signes montraient qu’il commençait à poindre. Un clair caressait déjà les franges des tuiles des toits. La place de la gare sur laquelle il venait d’échouer tremblotait à peine sous les allées venues d’ombres ensommeillées.
Et maintenant ? Il avait croisé une vie, il avait fichu le camp avant de savoir, qu’allait-il en faire ? Qu’allait–il en tirer, de bon? Est-ce que ça allait venir ? Oui ou non ? Il est sorti d’un nuage bleu, il a marché un peu sur la place, autant pour se dégourdir la cervelle que les jambes et les reins. Il y a jeté quelques mégots largement fumables.
Mais en rond, il a tourné en rond.
Il attendait un signe, il attendait qu’une colonne étincelante de lumière divine descende droit du ciel s’éclaircissant et l’illumine d’une infinie clarté, mais rien, il ne s’est rien passé de neuf.
On a parfois le tort de tout attendre, d’ailleurs. On se trompe lourdement, c’est EN nous que naît la lumière. Et rien qu’en nous. Il n’y en a pas d’autre, il vaut mieux le savoir.
Comme le café de la place venait de s’ouvrir, il y est entré. Il s’est assis dans le fond après avoir attrapé le journal. Les nouvelles étaient comme celles d’hier et du jour d’avant, mauvaises.
Il avait fini de le lire après le deuxième café. Il prenait son temps comme les chanteurs d’opéra avent de mourir, un dernier sursaut avant le renoncement, mais il savait que cette fois il était parti pour rien. Partie remise. L’important c’est d’essayer, c’est de se mettre en route, d’être en mouvement. Le jour débarquant de derrière un immeuble a tapé à la baie vitrée. Une douce chaleur l’a envahi.
Il savait qu’il allait dessiner un demi-tour poussiéreux et tourner le dos au soleil fanfaronnant sur la ville s’éveillant. Voilà, il était parti pour écrire un livre et ça se terminait en eau de nouvelle dans la poussière grise et légère d’une place de gare de banlieue déserte.
L’important c’est d’essayer, se disait–il pour se réconcilier avec lui-même.
Il se dirait que s’il essayait de vivre les histoires d’amour au lieu de les fuir peut-être aurait-il une chance de faire plus long...
Il se dirait ça en quittant la ville, tandis que la page, maintenant blanche du ciel, serait scindée en deux par les traces éphémères des avions de ligne...



21 novembre 2012

Gamme boy.


Dos à l’amer,
Résolument sucré.
Mi-Vidal, mi-vidé
Facile à berner,
Solitaire dans la foule
Las de chouiner,
Si désireux de vivre…
Docile à qui l’aime
Réputé pour un plat :
Mimolette aux chicons,
Fabuleux en entrée.
Soluble dans l’âge
Larmoyant mais en gouttes
Si heureux de s’avoir,
Dormir en contant.
Résultat des courses :
Mi-Novembre, pas avant,
Fantasmer une génoise, la
Soleiller de cerises. Convoquer
La crème des crèmes et avec eux,
Siroter des barriques de nectars puis
Dorcir plus vieux, sans se mouiller.




18 novembre 2012

L'accident.


Je n’avais rien vu de l’accident. J’en avais seulement perçu, de façon diffuse, certains signes.
A deux trois bagnoles devant la mienne, le crissement des pneus pendant un coup de frein, le tangage de la voiture sous l’effet du blocage des roues, la fumée sur l’asphalte noirci, une odeur de gomme brûlée, le choc, l’effroyable son d’un choc sur une carrosserie et l’arrêt de la bagnole heurtée en travers de la route. Dès que devant moi les feux avaient commencé à rougir, j’avais bondi, les deux pieds sur la pédale du milieu. Trop vite, j’allais comme toujours trop vite. Non pas parce que j’étais pressé mais parce que j’étais en retard. Mes pneus aussi, s’étaient mis à crier dans les aigus. Mon engin avait fini par s’arrêter, les deux roues avant dans l’herbe haute du bas côté. J’étais sorti en quatrième et je m’étais approché. Dans la bagnole tout semblait aller bien. Le type qui conduisait se frottait le front derrière l’airbag qui s’était gonflé au bon moment. Mais il n’y avait de sang nulle part. Dans le bas côté, en revanche, c’était une autre histoire…
Derrière, sur la route, en passant au niveau du lieu de l’accident, des hyènes et les vautours, avec le visage de tout le monde, brandissaient leurs portables à bouts de bras et essayaient de faire des images qu’ils devaient souhaiter les plus macabres possibles. Dans cette époque devenue folle, chacun se croyait photographe, beaucoup se pensaient écrivains et tous rêvaient de la célébrité. Au lieu de descendre et de venir filer un coup de main, ils se contentaient les charognes de prendre des images ! Pour les vendre ? Pour s’en repaître ? Pour s’en souvenir ? Pour dire : J’y étais ? En fait comment s’en étonner ? Il y en avait tant et tant pour regarder des postes de télé…
Je l’ai vue de suite, la victime. Elle était allongée, vaguement tordue sur le vert de l’herbe. Je me suis approché. Je l’ai prise dans les mains, délicatement, je ne voulais pas en rajouter. Elle ne disait rien. Pas un cri. Rien. J’avais cette chose minuscule dans la main, un membre vaguement repliée sous le corps, elle était molle comme une feuille de salade cuite. Je me suis mis à genoux dans l’herbe. Je tenais le monde en souffrance là dans le berceau de mes mains.
Le reste de l’univers n’existait plus. Finie la marée noire, terminé les spéculateurs sur les finances grecques ceux là, entre parenthèses, si on leur coupait les doigts à chaque fois qu’ils pianotent, ça les empêcherait de tripoter les pavés numériques de leurs ordinateurs, évacuée la fonte des banquises, évanouies les révoltes de la faim… Tout était concentré là. Le monde était concentré dans cette fourrure molle, couleur crème de marron. Un écureuil. Il a au moins une patte cassée et plus. Il faut l’emmener d’urgence chez un véto. Il faut le sauver. Il le faut. J’ai tout essayé. J’ai massé son petit buste pour que le cœur reparte, je l’ai enveloppé dans un mouchoir, je suis remonté dans ma bagnole et en klaxonnant comme un dingue, j’ai foncé chez le vétérinaire. Je lui ai collé le paquet dans les mains en lui disant :  Sauvez le ! 
J’ai pensé sans lui dire, je ne voulais pas finir interné:
Et le monde sera sauvé… 
Il s’est enfermé dans sa salle de soins.
Je suis allé m’asseoir dans la salle d’attente. La radio diffusait des nouvelles : Le monde allait toujours autant de traviole. Des millions de litre de pétrole noir et visqueux échappés d’un puits en feu allaient irrémédiablement saloper un éco système hyper fragile, on dénombrait trois morts dans une manif chez les Hellènes, ceux qui avaient survécu à un tremblement de terre sur une île tropicale subissaient maintenant sous leurs pauvres tentes de fortune la saison des pluies, un séisme en Inde venait d’ensevelir quinze mille personnes et en mettre deux cent mille à la rue, une guerre civile en Syrie tuait chaque jour pas paquets, des roquettes déchiquetaient des enfants…
De terribles images en perspective… Comme toujours.
Mais dans les comptes macabres, ne figuraient jamais les petits animaux…

Le type a réapparu quelques minutes plus tard. Il avait la mine défaite. Il s’est approché de moi et ma pris les mains en disant : Désolé, je n’ai rien pu faire, il était trop abimé... 
J’ai juste répondu :  Je sais, j’ai entendu… 


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