31 décembre 2013

Françoise et Simon.

Ils sont tous les deux dans une cuisine moderne, elle a dressé à la hâte une joli  table pour un petit déjeuner, elle vient de congédier l'homme qui occupait son lit voilà dix minutes et elle en a guetté un autre au balcon. Il vient d'arriver en taxi, elle est descendue le chercher avec l'ascenseur et s'est blottie contre lui. Une fois dans l'appartement, elle le lui a fait visiter enjouée. Il n'a pas prononcé une seule parole. 
Ensuite, ils sont allés dans la cuisine.
Je t'ai préparé du café... C'est bien du café que tu prenais?
Simon est assis, le dos appuyé contre le mur, le visage fermé et Françoise en face de lui. Ils ne se sont pas vus depuis six ans, Simon vient d'être libéré de prison.
Françoise: Tu n'enlèves pas ton manteau?
Simon ne dit rien. Il la regarde, tendu.
Françoise reprend: C'était pour ne pas mourir, c'était ma façon à moi de rester vivante...
Après un long silence, en la fixant durement, Simon demande:
Je peux avoir un café, maintenant?
Françoise lui sert une tasse de café noir.

Alors, en portant la tasse à ses lèvres, en esquissant une ébauche de grimace qui se voudrait sans doute une tentative de sourire, Simon, dans un souffle, le regard toujours planté dans celui de Françoise:

Bonne année.



Pour mes voeux,

J'hésite entre cette image là:



ou


ou


ou



Il faut voir et bien envisager tous les aspects... Chacune a ses arguments...

22 décembre 2013

Comptes de Noël.

A la demande de Véronique...

Quelque part dans le comté de Winifred, en plein coeur du Montana au matin du 23 de Décembre, on s’apprêtait, ici, à faire comme sur  la terre toute  entière : Fêter Noël.
Quand il a appris la nouvelle dans le seul bar de la ville, John Smith a craché par terre en maugréant.
Pour tous ou la plupart c'était une grande nouvelle. Pas pour lui.
Il n’avait aucune expérience en la matière mais il a senti de grands dangers s’amener avec elle. Il a perçu comme s’il était un radar super puissant toutes les merdes possible à venir. Comme s’il avait reçu un message d’on ne sait où en même temps que la nouvelle et qu’à partir de cette instant il avait toutes les raisons de se méfier de ce qui pourrait leur arriver. Il savait qu’à partir de cet instant sa vie et celle de ses proches risquait de basculer dans quelque chose que plus personne ne pourrait maîtriser. Il savait que tout ce qui faisait leurs joies, leurs plaisirs et même leur bonheur fragile mais réel risquait d’être malmené, perturbé, profondément bouleversé. Il le sentait. Il ne savait pas pourquoi, mais il le sentait.
Il a traversé la rue, il est monté dans son engin rouillé et il est allé là où il allait toujours quand il avait une décision importante à prendre.
Sur le sommet de la colline de l’Ouest. Il a arrêté son engin au bord de la falaise qui dominait la ville et il est sorti. Il en avait encore dans la boite à gants.
Il s’en est roulé une, bien épaisse. C’était revenu vite bien qu’il ait arrêté de fumer depuis  quelques années déjà. Mais là, l’occasion était trop extraordinaire qu’elle méritait bien ça. Il était  resté à réfléchir une bonne heure quand son portable a sonné. Un de ses trois  fils l’appelait. Il savait, lui aussi. Il était comme possédé.
Justement, j’allais t’appeler. On se retrouve à vingt heures à la maison. Appelle tes deux frères, je veux qu’ils soient là. 
Et il avait coupé court.
Son fils l’avait trouvé un peu étrange mais il avait mis ça sur les épaules de la nouvelle. Tu te rends compte un truc pareil ça doit bien chambouler. En même temps, il savait que son père n'était pas ce qu'on appelait un grand bavard.
John avait lui retrouvé tout son calme. Sa décision était prise. Il savait enfin ce qu’il avait à faire et il allait tout simplement le faire et leur annoncer ce soir avant le repas qu’ils prendraient ensemble. Une fois qu’il avait décidé, tout s’était apaisé, tout était comme rentré dans l’ordre. Il a attendu que le soleil se couche, il a enfoncé un cd de vieilles ballades et il a tourné la clé. Et c’est un homme serein, le bras à la portière qui, le soir venant, a dévalé la colline laissant derrière lui un nuage épais de poussière  soulevée.
Arrivé à la ferme, il disait la maison, il est venu embrasser Rose qui s’était déjà mise au travail pour le repas du soir. Les grands mangeront avec nous lui a-t-il simplement dit. Veux –tu que j’aille dans la réserve ?
Non, j’avais vu large.
Rose, il faut que je te parle.
Rose n’aimait pas trop quand il avait ce ton, John n’était pas ce qu’on appelle un homme léger mais elle faisait avec depuis tant d’années.
Ils se sont assis dans la cuisine, il lui a ouvert à elle aussi une bière et il lui a raconté ce qui était arrivé. Il lui a dit quelle décision il comptait prendre et il lui a demandé comment elle voyait les choses. Après un temps de réflexion, plus court que le sien, Rose en plus de toutes les autres avait également cette qualité, elle avait ajouté :
Comme toi, je les vois comme toi, comme souvent...
Alors tout est bien.
Le soir, les trois fils sont arrivés à peu près au même moment. Tout le monde s’est installé autour de la table et John a parlé :
Comme vous l’avez sans doute appris, aujourd’hui votre mère et moi avons gagné vingt six millions de dollars à la loterie, mais voilà ce que nous allons faire, votre mère et moi. On va rembourser toutes nos dettes et vous allez rembourser toutes les vôtres. Nous sommes heureux ensemble sans cet argent, n'est-ce-pas? Que pourrait-on acheter, qu'y aurait-il de si précieux que nous ne l'ayons déjà? Que nous manque-t-il pour être heureux? Rien. Alors, quand nous aurons payé ce qu'on doit, le reste nous le donnerons à un institut de recherche contre le cancer... 
Ne cherchez pas à nous faire changer d’avis, nous ne le ferons pas.
Les trois se sont regardés et c’est le plus jeune qui a parlé :
Mais pourquoi croyez-vous qu’on voudrait vous faire changer d’avis ?

             C'est ainsi que dans la salle à manger d'une ferme de Winifred au plein milieu du Montana une famille unie a partagé, ce soir là, un des plus joyeux repas qu’ils aient jamais pris ensemble et ils n’ont plus jamais, en dehors de ce soir là, reparlé entre eux, de cette histoire de billet gagnant mais tous les quatre  disaient souvent: Quand on a tout, on n'a pas besoin d'autre chose... 


19 décembre 2013

Tout s'évanouit.

Pour les impromptus de la semaine. Le texte devait être en relation à une chanson ou une musique.

Il avait tout abandonné et il n'était venu là que pour elle. 
Il l'avait rejointe dans une petite ville des montagnes du sud. C'était l'été. Normalement, il n'aurait jamais du être là, et pourtant il avait fini par y débarquer. Alors, eux  deux réunis, pendant quelques jours, ils avaient tenté crânement l'impossible: Ne penser qu’à eux et donc oublier le reste du monde. Ils se pensaient rocs, ils se rêvaient granit, ils se voulaient solides mais  en vrai, ils n’étaient que plumes.
Au plein midi du troisième jour, ils avaient été rattrapés par tout ce qu’ils avaient essayé de fuir. Le monde leur était revenu bien en face, droit dans ses bottes, palpable, puissant, violent. Alors, perdu pour perdu, il avait filé, à l'anglaise, honteusement. Il  s'était installé au volant de la voiture, juste, tu parles, pour rouler un peu. Elle s'était arrêtée auprès de la rivière Ubaye, tout près d'un pont de bois qui la franchissait et qu’il connaissait bien pour y être déjà venu autrefois. Il était sorti, il avait marché sur le pont, jeté un oeil dans le fond, sur les bouillons du torrent serré comme une gorge par des mots qui ne pouvaient plus venir. Le chemin montait de traviole vers un lac, plus haut. Huit cent mètres de dénivelé... 
Il avait laissé le serpent de terre derrière lui, puis tiré droit parmi les ronces et les framboisiers sauvages se griffant les coudes et les genoux aux épines des ronces, suant et soufflant comme un animal blessé il s'est mis à hurler: avec le temps arf arf blessé et fou, arf arf arf, écrasant les fraisiers des bois et le mauve des digitales, avec le temps va tout s'en va, arf, s'agrippant aux racines des sapins, arf arf, rageant contre les pierres qui freinaient la montée, arf, rugissant au passage des fossés, arf arf, se fracassant les épaules et le crâne aux branches les plus basses, les mots des pauvres gens arf, se raclant les coudes aux souches mortes des mélèzes morts, arf arf, se zébrant les joues aux branches sèches, arf… Comme pour  s'encourager, il avait commencé doucement et pour finir il hurlait à tue-tête et en vrac "... tout seul, peut-être, mais peinard... floué par les  années perdues... Alors, alors vraiment…" Le souffle lui manquait, ses poumons le brûlaient, son crâne explosait, ses muscles durcissaient. Il se tordait les chevilles et les genoux mais avançait, avançait. Les sauterelles, les abeilles et les autres qu’il dérangeait le regardaient passer, affolés. Il avait grimpé là-haut d'une traite comme un diable malfaisant à qui on aurait foutu le feu aux fesses...
Une heure après, c'est épuisé, meurtri, trempé de sueur, les vêtements déchirés, la tête en sang,  mais vidé de sa toute rage qu’il a débouché, hagard, sur le pré du haut, celui qui bordait le petit lac large comme deux paumes de mains. Il s’est  laissé tomber sur le vert pâle de l'herbe douce. Il  n'était plus qu'une plaie effondrée, allongée sur de la mousse tendre. Il a laissé son regard s'alanguir sur la vallée qui se préparait à accueillir le noir pointant de l'Est. C'est la fraîcheur du soir qui l'a sorti de là. Il est revenu à lui et malheureusement, il est aussi revenu au monde... La nuit gagnait déjà et, dans le fond, la retenue du barrage de Serre-Ponçon ouvrait ses mains comme pour s'apprêter à recevoir ses premières étoiles filantes. Il est redescendu par le chemin forestier. En bas, vidé, il est remonté dans sa bagnole et il a rejoint la ville. Juste après, avoir  nettoyé ses plaies ouvertes à  la fontaine, il a pris la rue principale. Elle y était  aussi, plantée dans le plein milieu, rayonnante de l'y revoir. Au visage, un sourire de Sainte Thérèse large comme l'avenue. Quand il s’est approché d'elle, en lui prenant le cou de ses deux mains tremblantes, elle lui a glissé à l'oreille, d'un ton impérieux, avant de l'embrasser: "Ne me refais plus jamais ça!"
Il n’a pu prononcer aucun mot mais qu’il s’est senti heureux… Et si profondément triste… Et si  vivant. Il a mêlé quelques larmes au doux de ses mains.
Il savait, lui, à cet instant, qu'elle n'avait encore rien vu…

... Avec le temps on n'aime plus...



La version de Youn Sun Nah....

11 décembre 2013

La "folle".

Pour les impromptus littéraires de la semaine. Il fallait que la phrase: "Crois-tu qu'il soit possible d'avoir le mal de mer dans une tasse de thé ?" soit le titre du texte...


Lorsque le vent, ce voyou mal dégrossi, ne risquait pas de l’envoyer dinguer contre les murs des maisons, elle sortait toujours de chez elle après la sieste de l’après-midi. C’était, du jour, sa deuxième sortie dans le monde. La première l’amenait vers le buraliste, le beau Bastien qu'elle appelait Thierry, qui lui vendait ses deux journaux qu’elle revenait lire dans le fauteuil posé près de la fenêtre, une couverture de laine épaisse sur les genoux. Un chat par dessus. Elle les lisait comme un livre, de gauche à droite, de haut en bas,  du début à la fin. Entièrement, quelle que soit l'actualité, quels que soient les teneurs des articles. Bien entendu, elle pestait quand les analyses ne lui convenaient pas ou bien quand elle estimait qu'un sujet avait été mal traité. Ca lui prenait trois bonnes heures tous les matins. Chaque matin. Après un repas frugal, fait de trucs qu’elle allait glaner ou qu’on lui donnait, à la fin des marchés du jeudi et du samedi sur le boulevard, elle se reposait d'une sieste, dont elle disait à chaque fois qu’elle s’en réveillait vaguement dans le vague: C’est fou, plus on vieillit, plus on dort l’après-midi. Comme une sorte d’entrainement au rien faire définitif  qui nous guette?
L’après-midi, elle s’habillait chaudement si on était en hiver, un peu moins, quoique, si on était dans une saison plus clémente. Et, elle trottait faire son tour. Comme elle avait évincé tous les miroirs de chez elle depuis une bonne vingtaine d’année. Je ne veux plus voir ça avait-elle expliqué à son entourage en s'y montrant du doigt… Enfin, du temps où elle avait encore un entourage… Elle était fagotée un peu en vrac, boutonnant souvent le lundi de son manteau avec son mardi après-midi, les cheveux poivre et blancs ramenés en un semblant de chignon comme un pâté de sable manqué sur le dessus du crâne… Elle faisait tenir le tout tant bien que mal, avec des épingles à linge en bois et traînait toujours avec elle pendu au bout d'un bras, un sac plastique jaune et géant d'une marque de meubles suédois... On pourra m'y mettre dedans le jour où je ne pourrai plus avancer, s'amusait-elle... Et je marche de plus en plus longtemps, fiérote… Seulement, je parcours la même distance, tempérait-elle.
Elle vivait seule depuis si longtemps qu’elle avait presque oublié qu’un jour elle avait partagé sa vie avec un homme. Ou même deux. Elle s’en doutait bien à cause des images de ce type là, en photo dans son cadre sur la cheminée ou de celui-ci, le même sur le bahut ? Elle avait un doute sur celui-là, à moustaches si fier dans son cadre sur la console de l’entrée. Elle ne se souvenait pas avoir eu d'enfants et comme aucun ne donnait jamais signe... Elle avait débranché le téléphone, de toutes façons, il ne sonnait jamais.
Sur le chemin du retour, après avoir donné des miettes aux pigeons,  elle s’arrêtait dans le même bar et s’asseyait à la même table ou une autre si la sienne était prise et buvait d’abord un thé puis un petit blanc dans un verre ballon. En entrant, elle se présentait à l’assemblée qui la regardait de travers comme s’ils avaient peur d’elle comme si elle pouvait être l’image d’eux mêmes, un peu plus tard, celle de ce qu’ils allaient devenir…
Pour les désarmer, elle disait en entrant : Je m’appelle Léonce… Léonce de France ajoutait-elle avec un sourire malicieux.
Et puis, assise, elle parlait. Seule. Enfin elle se parlait à elle-même de telle façon qu’on pouvait penser qu’elles étaient deux. Comme si elle engageait une conversation. Mais elle ne haussait jamais le ton. Elle se posait des questions et tentait d’y répondre.
Les plus gentils du quartier l’appelaient La Folle, les autres, en nombre, le nombre est souvent imbécile, la vieille folle. Si l’on s’approchait de leur table, on pouvait entendre des bribes des questions qu’elle se posait comme :
Penses-tu qu’un jour les mammifères pourront croire en Dieu ? Et les insectes ?
Dirais-tu que le vent est une personne ?
Crois-tu qu'il soit possible d'avoir le mal de mer dans une tasse de thé ?
Alors, dans le bar, les pauvres poivrots défaits et les autres abrutis de fatigue s’esclaffaient et se foutaient de sa gueule hirsute de vieille femme égarée.
Leurs jugements faisandés auraient-ils changés s'ils l'avaient connue?
Leurs moqueries auraient-elles été davantage bienveillantes s'ils l'avaient appris? 
Leurs assassins caquets auraient-ils été rabattus, s’ils avaient su qu’elle avait été, jeune, agrégée de lettres modernes?




05 décembre 2013

A dormir debout?

Pour les Impromptus littéraires de la semaine. 
La règle imposait d'insérer dans le texte : La musique adoucit les meurtres.

___ Gran-père, gran-père raconte nous comment pendant la révolution tu as défendu le Palais du Président à toi seul !
___ Laissez votre grand-père tranquille les enfants…
___ Mais ils ne m’embêtent pas, venez près de moi, je vais vous raconter :
A cette époque là, dans le pays les gens étaient très en colère après le président ou le roi, je ne sais plus et toute sa clique de ministres parce qu’ils ne savaient plus quoi faire à part inventer des taxes et des impôts. J’étais à cette époque chef des gardes du palais de la république royale et nous avions été prévenus qu’une manifestation gigantesque se préparait pour le lendemain. Les gens voulaient marcher sur le palais et renverser le gouvernement. Alors, dans la nuit votre grand-père avait fait installer tout autour du Palais des haut-parleurs et quand les manifestants se sont approchés, j’ai fait envoyer à pleine puissance, de la musique sirupeuse, bien collante qui a fini par calmer tout le monde et les a poussés à rentrer chez eux, se mettre des boules dans les oreilles et ne plus sortir. C’est ainsi qu’on a pu dire le lendemain que la musique a adouci l’émeute.
Et voilà, il faut aller dormir maintenant mes chéris… 
Bonne nuit les enfants!
Bonne nuit Opa.
***
 ___ Gran-père, gran-père raconte nous comment tu as éloigné les loups dans le grand Nord alors qu’ils allaient dévorer grand mère !
___Laissez votre grand-père tranquille les enfants…
___Mais ils ne m’embêtent pas, venez près de moi, je vais vous raconter :
A cette époque, nous avions décidé votre grand-mère et moi de traverser tout le Canada en hiver et en traineaux. Nous avions pris un bateau pour aller jusqu’à Québec et de là nous partirions pour Vancouver en tirant droit au milieu des lacs. Un soir que nous étions au plein milieu de nulle part, j’avais allumé un feu avec du bois sec, je venais de finir de construire un igloo quand nous avons entendu les premiers hurlements… Une horde de loups, une meute d’une dizaine de bêtes nous tournait autour et se rapprochait dangereusement. Les chiens, eux aboyaient mais ils ne faisaient pas peur aux loups qui en avaient vu d’autres. J’ai mis les chiens et votre grand-mère à l’abri dans l’igloo et je suis resté dehors près du feu. Alors, j’ai eu l’idée de sortir ma flute de dessous les peaux d’ours. Je me suis mis  à en jouer. Au bout d’un bon quart d’heure, les loups se sont allongés en rond dans la neige et m’ont écouté pendant que je jouais. C’est cette nuit  là que j’ai été certain que la musique adoucit les meutes…
Et voilà, il faut aller dormir maintenant mes chéris… 
Bonne nuit, mes beaux.
Bonne nuit à toi, Opa.
 ***
___ Gran-père gran-père raconte nous comment le méchant monsieur il t’a pas planté un couteau jusqu’au fond du ventre !
___ Laissez votre grand père se reposer les enfants…
___ Mais ils ne m’embêtent pas, venez près de moi, je vais vous raconter : En ce temps là, votre grand-père était garde du corps du plus grand rocker que toute la planète ait jamais connue. Vince Jackson, ça vous dit quelque chose les enfants ? Votre père doit avoir encore un ou deux disques de lui à la cave. Un soir comme il marchait dans la rue, il a été abordé par un type très énervé avec un grand couteau à la main qui voulait en découdre. Alors Vince, déjà presque mort de peur s’est mis à chanter pour amadouer le dingo. Il a fini par se calmer et c’est très doucement qu’il m’a enfoncé son couteau dans le gras du ventre en s’excusant presque. On a ainsi vérifié que la musique adoucit bien les meurtres.
Et voilà, il faut aller dormir maintenant mes doux… 
Bonne nuit, les chéris!
Dors bien, Opa.
 ***
___ Gran-père, gran-père raconte nous comment, un jour, tu as fait fondre des gros fromages en jouant de la trompette…
___ Ce jour où j’étais dans un hangar avec des meules de Gouda géantes ?
___ Ah non cette fois c’en est trop, ça suffit de leur raconter tes bêtises il est tard, allez vous coucher les enfants et toi aussi Grand-pa…
___ Oui, c’est ça les enfants, bisous,  bravo, la musique adoucit les meules... Bien joué, mes amours...
___ Allez, les prochaines fois Gran-père vous racontera comment sa musique a adouci du beurre, des mules et même ses soeurs, vous verrez c'est très drôle... T'en loupes pas une, hein Gran-père?



01 décembre 2013

Terrible.

Je ne crois pas avoir, un jour, lu, entendu de phrases plus terribles que ces deux là. 

Elle sont un récit de ce qui est arrivé en vrai, un fait divers, donc, dans une ville du bord de mer choisie à cause de son nom, est-il précisé... Elles sont deux, les phrases, et elles glacent jusqu’au plus profond de la moelle des os. Après les avoir lues, on se construit inévitablement la scène, on s'invente les images, on imagine les deux personnes, on voit  l’immensité de la plage, l’horizon brumeux, le vide, l’absence d’autres humains, le vent, le froid, le gris, la solitude absolue. Les gestes. Et on est gelé de part en part, transpercé par une lame tranchante d’émotion suffoquante. On la voit après s’être abaissée vers le sol, regarder furtivement ou longuement ce qu’elle vient de déposer sur le sable, se relever, faire demi-tour et puis s’en aller. S'en aller. On la regarde parcourir en sens inverse tout le gris de la plage, toute son immensité sans jamais se retourner. Ou alors peut-être une fois? On la voit se rendre à la gare et reprendre un billet, puis le train pour rentrer chez elle… Seule.
Et puis, à moins qu'on ait la science infuse, qu'on sache tout sur tout et qu'on ait un avis tranché vif, on s'interroge.  Comment cela a-t-il été possible?
C’est la mère qui parle :
« J’ai déposé ma fille sur la plage alors que la marée montait... 
Et je suis partie. »


Comme disait l’autre : 
Si tu ne veux pas entendre d’horreurs, n’écoute ni le monde, ni… toi-même.

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