29 octobre 2015

Dachrioserum sept cc.

Sonate d'Automne en... sol.

Une bassine rouge et perdue.


Les pimpantes épuisettes.

Dans la lumière rase des marais.

Vers celle de la Gautrelle.

Forêt de cairns. (À Roger Dautais.)

14 octobre 2015

L'invention de Cendres (La suite).

Pour Les impromptus de la semaine. La consigne était d'imaginer une suite au texte de la semaine passée.





Lettre reçue au courrier ce matin.

Cher Monsieur, nous avons bien reçu le texte qui suivait l'envoi de votre premier chapitre ayant pour titre L’invention de cendres. 
Nos collaborateurs se sont attelés avec gourmandise à sa lecture dès l’arrivée du manuscrit.
Si l’ensemble reste agréable à lire comme le début le promettait malgré l’abus quasi systématique,  forcené, voire pathologique, de la conjonction  « comme » et de l’adverbe « quand » dans votre premier chapitre, nous sommes au regret de devoir vous écrire que nous ne pourrons publier votre livre en l’état. Il semble, malheureusement, que vous ne teniez pas la distance et que vous vous essouffliez dès le quatrième chapitre, celui qui traite du mariage de Cendres avec la supposée jolie Nicotine (quel prénom…) et malgré son tempérament décrit comme volcanique, l’intrigue semble délavée, ce qui est, somme toute, assez fréquent chez les auteurs non confirmés. Au début ça lave, à la fin ça délave. Les chapitres suivants étant quelque peu fumeux, on ressent à la lecture une tragique baisse d’intérêt pour l’ensemble de vos personnages et, même pour celui de Cendres qui finit par disparaitre en pluie. 
Bref, les lecteurs se sont sentis enfumés. 
De plus, il a été perçu très nettement, de votre part, une navigation essentiellement à vue dans la forêt touffue des récifs de votre récit. Et croyez moi sur parole, une forêt de récifs ce n'est pas si facile que ça à lire.
Il semblerait également que vous écriviez trop vite, aussi dès le premier virage, vous êtes surpris, vous perdez la maitrise, vous ne tenez plus la route et vous vous écrasez contre le premier platane venu.
Aussi, même si nous vous renvoyons votre travail, si nous ne le publierons pas, nous ne pouvons que vous encourager à continuer d’écrire et de proposer les manuscrits à venir, mais à... d’autres maisons d’éditions que la notre. 
Notre temps précieux nous étant extrêmement compté.
Très chaleureusement.
Chaleureusement.
Cordialement.

Civilement.
Poliment.


Les éditions de la peau de l’ours.



07 octobre 2015

L'invention de Cendres.

Pour Les impromptus littéraires de la semaine. Un début de livre à choisir entre quatre titres: L'héritier du delta, les derniers jours des sourds, la chute des jouets et l'invention de cendres. J'ai choisi l'invention de cendres:




Préface de H.T. Volcanologue.

Depuis que le monde était monde, dans ce coin perdu d'une île perdue, tous ceux d’ici se racontaient l’histoire de Cendres et tous les soirs ou presque cette histoire évoluait. De nouveaux personnages apparaissaient, d’autres, au contraire étaient effacés du récit et donc des mémoires.
           Comme, tout bébé il avait échappé de peu à la fureur rouge et dévastatrice de la montagne en colère, comme, peu après qu’il soit sorti du ventre de sa mère, on l’avait extrait en courant du nuage de poussières noires et sales dévalant du volcan en furie qui avait envahi tout le village, comme, il était gris au lieu d’être rose, on l’avait, dès ses toutes premières minutes, surnommé Cendres. Et, Cendres, ainsi que ses ancêtres avant lui, de même que les pères de ses pères, une fois le monstre assagi, une fois les plaies pansées, une fois le vert partout revenu, une fois les mangues aux manguiers, Cendres avait grandi là, d’abord dans les bras accueillants et protecteurs de toutes les femmes en âge de le porter, puis sur les flancs de celui qui avait failli l’engloutir alors qu’il venait à peine de débarquer sur cette terre.
Malgré le cataclysme des débuts, malgré les dévastations de l’origine, la suite de la vie de Cendres, son enfance avait été plus souriante. Quand le monstre se reposait, qu'il se terrait au repos dans ses entrailles, qu'il se faisait silencieux, les flancs escarpés de cette montagne étaient un paradis sur terre. Et ce paradis, c’est à peu près tout ce que la famille de Cendres possédait. Une nature luxuriante et généreuse, un climat doux, traversé d’alizés bienveillants, une terre riche et surtout des besoins raisonnables. Mais Cendres était bien un enfant du cratère, il en avait l’énergie vorace. Il avait su courir bien avant de marcher, il avait su rire bien avant de parler, il avait su danser bien avant de compter. Il fallait le voir dès le début des jours aller et venir et ne jamais se reposer. Il fallait le voir monter et... descendre puis remonter, saluer les uns, serrer les autres, des sourires à ceux d’en bas, rire avec ceux d’en haut, distribuer à chacun des torrents de bienveillance joyeuse. Après les semaines terribles de l’éruption, il avait grandement contribué à faire revenir l'espoir et la vie dans tout le village. Si Cendres était l'enfant du chaos il est aussi celui de la vie.
Où la joie est, Cendres y est disait-on à qui voulait l’entendre.

C’était simple, tout le monde ou presque dans ce coin s’accordait à dire que s’il n’était pas venu au monde il aurait fallu l’inventer et, du reste, c’est bien ce qui avait été fait…


***

Depuis plusieurs semaines déjà, la terre s'était mise à vibrer et, lui, depuis le dessus de nos têtes, jusque sous les empreintes de nos pieds, ne cessait plus guère, de sourdement gronder...


03 octobre 2015

Mon histoire de Fès.

                            Hospitalisé vingt quatre heures, une rigolade, pour une  petite opération, autant esthétique que potentiellement enquiquinante. Mon petit ne pourra plus jouer avec ma boule mais ce n’est pas trop grave, il s'en trouvera d’autres. Pourtant,  celle-là le faisait beaucoup rire. Il faut dire que j’avais eu la bêtise d'envoyer pouêt quand il appuyait dessus en la faisant rentrer dans sa cachette. Et dire que j'allais le priver de ce plaisir là. 
Indigne Opa.
À la clinique des éclopés temporaires où j’avais été admis, (les hôpitaux, c’est comme dans les facs ou les clubs privés, on y est admis, ainsi on s’y sent déjà mieux accepté que si y entrait simplement, ce qui est habile) j’ai remarqué qu’on y parle de pognon bien avant d’évoquer le moindre soin. Dès votre arrivée, la première chose qu'on vous demande c'est comment réglez vous? Dès votre entrée dans le hall, on vous prévient d'avertir votre mutuelle que ça va dépasser, forcément,  qu’on aura à payer plus qu’on ne sera remboursé et que ce serait bien que vous payiez maintenant, voyez. La confiance règne en plus.
Je passe sur l’ambiance pourrie en salle d’opération où, en attendant ma giclée de sommeil lourd, j’entendais les infirmières s’engueuler méchamment. Et bien entendu je me suis fait un film. Elles vont régler leur compte sur mon dos, c’est moi qui vais tout prendre, elles vont me massacrer, je veux partir d’ici, laissez moi sortir. Pas l’idéal pour la sérénité. Ma tension est montée, comme l’ambiance. Pourtant je ne me pensais pas trop stressé. Il faut savoir qu’on peut très bien se mentir joliment. Alors, sur un dernier regard bienveillant, celui-là, de l’anesthésiste j’ai sombré.
Je me suis réveillé dans la salle de. Sur une sorte de nuage cotonneux, dans un brouillard épais, enveloppé de brumes denses. Puis, on m’a remonté dans ma chambre. Là, il y avait cinq ou six personnes qui parlaient plutôt très fort une langue inconnue.
J’ai compris que c’était la famille de mon voisin de lit. Oui, je me souvenais de lui, maintenant. Il s’appelait Ahmed, je lui avait dit: à tout à l’heure quand ils étaient venus me chercher pour m'ouvrir.
Ahmed ? Comment vous le décrire ? Un Jacques Villeret de Fès ? C’est ce qui s’approcherait le plus. Lui, il venait pour une colo. Scopie. On avait un peu parlé avant que je descende. Je lui avais dit que je vivais seul et que personne ne viendrait me visiter. Contrairement à lui, où c’était le défilé.
« Une femme ? Tu devrais aller au Maroc et t’en trouver une. Il n’a pas dit acheter, Ahmed, c’est moi qui l’ai entendu très fort.
C’est pas bon pour un homme de rester seul. Il travaille dans la journée et  le soir quand il rentre il faut qu’il se repose. S’il a une femme à la maison, il peut. Sinon il faut encore qu’il fasse ménage et courses et cuisine. Avec une femme tu partages les tâches. Tu apportes les sous et elle tient la maison.»
J'ai un peu essayé de lui dire que ce n'était pas trop ma façon de voir les choses mais j'étais quand même bien diminué...
Je vous vois venir et je vous arrête de suite. N’allez pas vous figurer que je hurle avec les Moranos. Si vous prenez la peine de, parfois jeter un œil sur "l’amour est dans le pré" qui parle aussi du sentiment de solitude dans les Causses profonds, les contreforts cévenols ou dans les monts d'Arrée, vous n’entendrez rien d’autre. Ne mettons pas ça sur le dos de la nationalité d’Ahmed. Et, quand la famille d’Ahmed est venue le voir pendant que je revenais avec un peu de mal d’entre les endormis, ils auraient été six de l'Aveyron, ils auraient fait autant de bruit.
Ça résonnait comme une musique étrange dans mes brumes empêcheuses.

Je l’ai eu au téléphone ce matin, Ahmed, sa scopie s’est bien passé, il n'a rien, il est rentré chez lui. Ils s'apprêtaient à fêter ça. Et, je suis invité à Fès quand je veux, j’ai son numéro. Il suffit de l’appeler. Il me recevra. Il m’en trouvera une... Une jolie, qui reviendra avec toi ici et qui s'occupera bien de toi et de ta maison, il a dit.
En somme, avec son invitation, j'ai pensé bêtement qu'Ahmed me promettait tout, même une possible histoire de Fès... 


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