28 mars 2012

Emprunt.


Comme je l’aimais cette apaisante campagne.

Là où tu vis, celle où tu restes et m’attends,
Ma compagne, ma vie, ma douce, ma montagne.
J’ai cru pouvoir me priver de toi si longtemps.
Te gardais pourtant sans cesse en moi, en pensées
Ton absence ici faisait un de ces bruits!
Me voyais comme à Jérusalem, un croisé.
Je chassais de tous mes voeux le noir et la nuit,
Espérant que la mélancolie me tombe!
Quand vous révérais-je, mes amours et Harfleur ?
Hélas, je me contenterai d’une tombe,
En espérant, que tu viennes y poser tes fleurs...



Merci Victor... dont j'ai emprunté les rimes pour Les impromptus littéraires.

25 mars 2012

Fin de semaine. 14.

Cette semaine, je me suis très souvent demandé ce qui pouvait bien empêcher, ce qu'on appelle  un expert,  de dire: "Ecoutez, je préfère ne rien dire, je ne sais pas." Les entendre débiter du vide au kilomètre était à la fois abyssal et sidérant. J'ai bien peur que la réponse soit dans la rémunération. Ne parleraient-ils que pour justifier la leur? Contre un drame épouvantable une minable vacation? Je ne sais pas mais j'espère me tromper.
Cette semaine, je me suis félicité de n'avoir pas été aimé de Victoria Abril. Je ne pense pas que j'aurais supporté notre éloignement.
Cette semaine, j'aurais bien aimé changer d'air, mais c'était d'heure dont il était question...
Cette semaine, je suis allé voir Les adieux de la reine. Et j'ai beaucoup aimé ce film crépusculaire sur une ambiance de fin de règne (Une projection?). Quel bel aréopage de comédiennes fiévreuses! Diane Kruger, Noémie Lvovsky, Virginie Ledoyen, Léa Seydoux et surtout, surtout ma préférée d'entre toutes Julie-Marie Parmentier que je sens animée d'une énergie dense et profonde.


Cette semaine, C'est pour dire a dépassé les 50.000 pages vues, et j'ai une preuve:


Cette semaine, j'ai entendu, avec plaisir, comme souvent François Morel qui a relayé les mots profondément  justes de Barbara.


Cette semaine, j'ai lu avec beaucoup de plaisir (Merci Marie...) un recueil de nouvelles de Kressman Taylor (l'auteur d'Inconnu à cette adresse): Ainsi mentent les hommes. La fin de la dernière nouvelle Solitude dit:
Alice parcourut lentement des yeux ce salon qu'elle connaissait si bien, si rassurant, si ordinaire. Si plat, si vide. Et, tout à coup, elle vit, comme des choses tangibles, les années fondre sur elle, jour après jour. Elle se rappela d'un coup, vivement, la douleur et la gloire qu'elle avait lues sur le visage de la vieille Mrs Tevis, elle eut envie de hurler son désespoir à son mari, de s'accrocher à lui.
Mais Robert était plongé dans les pages sportives.

Cette semaine est paru le nouveau Swans... Avec dedans le coin français, un  avis  fouillé de Marie Rennard sur notre élection présidentielle...

Cette semaine, j'ai compris pourquoi je n'aimais pas "faire" les vitres. Quel que soit le produit utilisé, quelle que soit l'application qu'on y met, dès que le soleil les frappe, il reste de vilaines traces!
Cette semaine, il y eut dans l'air doux de samedi soir des odeurs de soirées de partage... Un signe avant coureur de son arrivée toute prochaine?


En tous les cas, beau temps ou pas, voilà une semaine terminée, rangée, racontée, partagée....

19 mars 2012

Treize éprouvante semaine (Fin de).

Cette semaine encore, le décompte tragique de toutes ces morts et donc de ces chagrins dispersés un peu partout. Vingt deux en, trois Suisse à Montauban et quatre à Toulouse en passant par ceux d'Alep et d'ailleurs...

Cette semaine j'ai, aussi reçu "Enfances" de Sempé et à sa lecture, on se demande comment un gamin qui a vécu ce qu'il a vécu peut devenir cette merveille de sensibilité, de délicatesse, de finesse. 



Un miracle de résilience...

Cette semaine, je me suis félicité de n'avoir pas été amoureux de Géraldine Pailhas, je ne crois pas que j'aurais bien vécu notre rupture...
Cette semaine j'ai appris que j'étais cité sur la toile dans Wikipedia grâce à Swans... La vache!


Cette semaine, reprise d'après vacances, donc  éloignement des aimés... Ajouté à cela, un temps qui est encore loin d'être "prin"...
Cette semaine j'ai vu 38 Témoins le film de Lucas Belvaux et je n'ai pas regretté d'avoir affronté ni la pluie, ni les mals élevés d'Utopia Avignon... Puisqu'il pleuvait, il fallait, absolument qu'ils soient à l'abri, eux, Jean Claude dûssent-ils vous marcher sur les pieds pour s'y mettre... 
Tellement raccords avec le film...

Et voilà, elle est désormais, cette semaine comme les autres, passée, rangée, racontée et partagée... 

16 mars 2012

Au vent d'une dépression.

                Quelques jours avant la date obligée, le type qui se démenait comme un beau diable, celui qu'on apercevait courant dans tous les sens comme un lièvre après la vie, ne savait pas s'il pourrait en être...
Au lieu de concentrer son énergie à les préparer à ce qui les attendaient, il la dilapidait en faisant le pied de grue derrière les portes de bureaux imprenables, en sautant de rendez-vous en rendez-vous, une pelle à la main pour boucher les avaries béantes de son budget. Il ne dormait plus que trois heures par nuit et c'était là sa seule consolation puisqu'il y voyait un bon entrainement aux mois à venir. Malheureusement, cette quête réelle était désormais devenu un cap obligé pour qui voulait se mêler de course au large. Avec la crise qui rôdait autour de tous, rares étaient les entreprises encore prêtes à peindre leurs noms sur des engins qui allaient, l'immense partie du temps, devenir invisibles. Les budgets étaient devenus tels que ça faisait cher l'heure de publicité du départ, rien pendant toute la durée de la course et une vague image à l'arrivée qui pouvait parfois se faire, dans le pire des cas, en pleine nuit. Adieu les images espérées. Et puis, il n'y avait plus guère que le premier qui intéressait les gens. Les médias évoquaient à peine le pauvre bateau arrivant quinze jours après le gros de la troupe dans un port désert. Les hordes de journalistes rentrés en métropole, passés à un autre évènement. Seul, un joli naufrage avec sauvetage impossible pouvait inverser la tendance. La plupart des sponsors traditionnels s'étaient, donc, retirés sur la pointe des docksides et certains  avaient même levé le camp sans honorer la fin de leurs contrats.
Pour couronner le tout, ceux qui restaient n'étaient pas vaillants, ils rechignaient sur l'achat de la moindre manille. Et si les marins les plus cadors vivotaient de leurs exploits, c'était en vendant des livres racontant leurs exploits et ce qu'ils avaient traversé.
Après le départ, sur une route Ouest, Sud-Ouest, ils avaient viré à gauche, droit dans le Sud comme un goéland plonge d'une falaise. Là, dans le virage, l'ensemble de la flotte a connu trois jours d'énorme baston. Une guerre. À tout affaler, à tout descendre, voire même quelques bouteilles pour éloigner la peur, le vacarme et le danger. Plus personne n'avançait. Et puis le jour est revenu. Les vents ont repris force humaine et les marins se sont ressaisis.
Sauf lui. Il avait reçu un message laconique de son épouse. S'il avait largué les amarres, elle l'avait largué, lui:


Maintenant que je te sais vivant, je te souhaite bonne route. Je ne serai pas à l'arrivée, ne m'attends pas, ne m'attends plus. Je suis, moi, fatiguée de t'attendre. Ne m'en veux pas trop.


Et cerise sur le gâteau, il avait fini par apprendre qu'elle était partie avec un capitaine de la marchande. A la tristesse, elle avait ajouté l'humiliation. Ce qu'on appelle une sacrée bourrasque.  Ça faisait un moment que sa vie prenait l'eau, mais ce coup de vent était la goutte qui mettait sur la vase. Il était à genoux. Il a ramené la toile qu'il venait de hisser puis il a tout lâché. Il est descendu dans la cabine, il s'est saisi d'un outil et il a donné une série de coups de marteau dans tous les appareils de communication, il a fait de tous ses écrans d'ordinateurs de jolis petits débris éparpillés sur le sol. Alors, il s'est saoulé violemment avec ce qui lui restait d'alcool dans une bouteille de vieil Armagnac réservé au passage de l'Equateur. Puis il s'est effondré sur sa couchette.
Il a dormi deux jours et deux nuits. Le reste de l'escadre devait déjà cavaler dans le Sud. Il avait perdu la course. Il s'en foutait. Plus rien n'avait d'importance maintenant que la femme avec qui il ne vivait pas le quittait. 
Ne pas rentrer, jamais. Finir ici. Là, au beau milieu. Sur lui. Dedans. Il est retourné s'allonger. Il a fermé les yeux...
Dépêche AFP:
Titouan Queyzac, le skyper du trimaran "Vichy Saint Yorre", recherché depuis maintenant un mois, a été retrouvé mort sur son bateau au coeur de l'Océan Atlantique. Sans qu'aucune piste soit écartée, les enquéteurs penchent pour la thèse de la déshydratation, toutes les réserves d'eau potable du bateau ayant été retrouvées vides...

A force de courir après des milliers de trains de dépressions, il avait fini par être rattrapé par une seule, profonde comme une fosse Marianne. Elle l'avait laissé, perdu en plein Océan, comme un éclair suspendu entre deux orages. Il avait mis une quinzaine de jours à mourir au fond de son bateau. Ô ironie terrible, il s'était vidé de toute son eau, il était devenu aussi sec qu'un sac de suie, aussi sec que la momie d'Athotis.

En somme, on a retrouvé que sa peau sur les eaux...


13 mars 2012

Deux amies.

Elles s'étaient assises en terrasse comme on s'installe en vitrine, dans un bar d'un boulevard du VI ème. Elles étaient deux, deux entre deux ages, entre deux hommes, entre deux vies, entre deux opérations, entre deux dépressions passagères. L’une parlait à l’autre qui ne l’écoutait plus depuis qu’elles étaient les meilleures amies du monde. C'est à dire depuis belle lurette. Dans certains milieux, les mots n’ont pas la même charge que dans d’autres. L’une parlait, l’autre n’écoutait pas.
___ Mais puisque je te dis que je l’ai vu ! Tu sais, c’est limite désagréable que tu ne me crois pas ! Je l’ai vu comme je te vois, c’était bien lui, je le connais quand même… Je te rappelle que j’ai vécu huit ans avec lui avant que tu ne me l’enlèves… Je sais bien que je l’avais quitté, et alors, ce n'est pas une raison… Et puis, il fallait bien que quelqu’un le ramasse, le pauvre, il faisait si peine, on aurait dit un chaton abandonné… Il portait son écharpe rouge tu sais, la moche, celle qui lui donne un air de ce journaliste là, chef d’un magazine qui, soit dit en passant, depuis qu’il est arrivé, a bien baissé de niveau. Tu sais bien l’ami de l’autre là, la première dame comme disent ceux qui n’ont rien à dire. Tu te souviens, il nous arrivait de commenter ses articles en pouffant dans le salon de Charlène, la pire coiffeuse de l’Ouest de Paris… Qu’est-ce qu’on a ri dans ce salon ! Charlène, qui avait débuté, à ce qu’on disait, vers la Place Pigalle et son salon n’était pas de coiffure… Il n’empêche qu’elle nous doit sa piscine à Ramatuelle, celle-là… Mon Dieu, Ramatuelle, comme c’est surfait, je n’irais pas y passer trois jours, il porte bien son nom ce trou… à rats ! Je me fais rire toute seule, quelle imbécile ! Comme je suis contente de n’y avoir ni maison, ni famille, ni amis… Mais ce n’est pas de ça qu’on parlait... Il portait aussi sa saharienne, sa parka Kouche comme je l’appelle, tu sais bien, celle qui nous faisait tant rire, quand il la mettait… pour aller diner au Flore… En parlant de ça, as-tu vu comme le niveau a baissé en cuisine ? Depuis que le chef, Baptiste, celui qui avait des yeux acceptables a été remercié… Tu savais qu’il était devenu l’amant de Madame P. ça n’a pas plu du tout, cette affaire, alors hop, dehors, viré, remercié… Remarque, c’est bien fait pour lui, doivent rester à leur place, ces gens là… J’ai entendu qu’il avait tendance à taper dans la caisse, aussi, pas que dans la clientèle… Depuis, je ne sais pas où ils ont trouvé le nouveau mais pas dans le rouge… Hé bien oui, le gros rouge, le Miche, ce guide qui, avant, donnait toujours de bonnes adresses mais qui depuis quelques années se repose sur ses lauriers fanés, on ne sait plus où s’asseoir à table, ma pauvre ! Ah ça ils nous ont bien eu avec leur baisse de TVA, c’est la qualité de la cuisine qu’ils ont baissé, oui. Je te jure que c’était lui, je le connais quand même…
Elles se lèvent et laissent vingt euros sur la table.
___ Mais, hé tu as traversé la rue, tu ne m’écoutes pas ? Dis moi de suite que ce n’est pas intéressant ce que je raconte? Hey ? Où vas-tu ? Attends-moi, je ne t’ai pas dit avec qui il était quand je l’ai vu ! Tu ne vas pas me croire ! Attends… Il était avec cette fille si moche, la fausse brune qui a tant d’argent… attends moi, attends… Elle est partie. Celle là, dire que je la croyais mon amie !… Ce n’est pas pour dire du mal mais, elle ne l’a pas volé, je ne suis pas mécontente qu’il la trompe, tiens, finalement… »
___ Églantine, mais comment peux-tu débiter toutes ces horreurs ? J’ai vraiment de la chance d’être ton amie… Dis, ôte moi un doute : Tu ne parles pas de moi de cette façon à quiconque quand nous ne sommes pas ensemble, n’est-ce-pas ? Tu me ferais peine...
___ Ça me vexe que tu puisses penser ça, ça me vexe, vraiment, vois-tu. Moi qui  te prenais pour une vraie amie…


11 mars 2012

Douzième. (Fin de semaine).

Cette semaine c'est un pan entier de mon adolescence qui s'est effondré avec trois disparitions en une seule: Gir, Jean Giraud, Moébius sont morts... J'étais abonné à Pilote dans les années... Pilote, je les avais presque tous, une sacrée collection qui n'aura, malheureusement pas, résisté à un déménagement...
Gir, Jean Giraud, Moébius étaient, entre autres, le père du lieutenant Blueberry...


Et le génial créateur de L'Incal lumière...


James Cameron, George Lucas lui doivent beaucoup et nous avec... Le relire, encore.

Je me suis réjoui de n'avoir pas été marié avec Juliette Binoche, ainsi, nous n'avons pas eu à divorcer.
Cette semaine j'ai vu deux films. L'un Possessions qui procure un sentiment de malaise d'autant on en connait les aboutissements puisqu'il est tiré d'un effroyable fait d'hiver. C'est sans doute ce qui handicape un peu ce film dont les acteurs sont très justes. Mais le sujet est si complexe... Comment en arriver à cette extrémité extrêmement extrême... Un film peut-il arriver à le faire comprendre en une heure trente? 


Et l'autre qui est un petit bijou d'humanité fichu de broc et de bric mais qui donne une élan vital vitaminé et dont je n'ai rien envie de dire d'autre qu'allez-y! Seul, à deux, en bande, en famille, et si vous restez froid à sa vision, c'est que vous n'êtes pas dans une salle de cinéma mais dans un congélateur...


Cette semaine, toujours sans appareil photo, je me sens comme silencieux, je n'ai pas pu faire d'image de la jolie chaine humaine entre Avignon et Lyon qui ne croit pas le Ministre de la Défense quand il dit que "l'énergie nucléaire n'a tué personne depuis qu'elle est utilisée pacifiquement"... Gérard Longuet, c'est son nom, à celui-là... Vite, en retrouver un, il va y avoir le Printemps à prendre... Le buisson de buis bruissonne déjà d'abeilles...
En fin de semaine, je ne suis pas monté le dimanche à Villepinte, curieusement... Mais j'ai réglé sa facture au Granpa qui m'était rentré dedans avec la sienne... 
En liquide. Comme à la fin d'Hasta la vista...

Voilà une semaine terminée, rangée, racontée... partagée...

08 mars 2012

Un sac de toiles...

Une affaire, une de celles dont personne n'a entendu parler, une de celles qui n'est pas parvenue jusqu'à nous, aurait pu commencer un matin de Juin de l'année deux mille sept, en Méditerranée, du côté de Saint Thomas Bay, au large de l'île de Malte...
Comme tous les autres jours, depuis qu'ils étaient en âge de marcher sur le pont d'une barcasse sans tomber à la flotte, les deux hommes, leurs barbes rasées au sécateur, leurs mains comme des chemins de terre, leurs pantalons délavés par le sel, le soleil et la tâche avaient quitté le petit port de pêche abrité des vents dominants par une vague digue de pierre. La surface de l'eau était épaisse et d'huile et seul, le toup toup toup du vieux moteur diesel troublait le silence de l'encore nuit. Vers l'Est une pâle lueur s'amenait aux fenêtres des maisons modestes adossées à la colline.  Les deux, encore ensommeillés ne se disaient rien, chacun un mégot collé au coin des lèvres, ils ne parlaient pas parce qu'ils n'avaient rien à se dire. Ils faisaient juste ce qu'ils avaient à faire et ça leur suffisait. L'avant veille au soir, ils étaient venu déposer les filets en travers de la deuxième crique juste après le cap, devant eux et ce matin là, ils venaient les relever. Voilà, c'était  leur vie. Ils sont arrivés sur zone quand le soleil a déboulé du sommet de la colline comme une avalanche inondant la garrigue dans un raz de marée d'or fin. Des centaines de mouettes et de goélands en ont décollé en gueulant. Ils  ont formé un nuage d'oiseaux bruyant. Les deux gars se sont regardés et ont souri. C'était beau, ils ont aimé voir ça ensemble  mais ça ne leur a pas fait sortir UN mot.
C'était un matin comme ça qu'elle aurait pu commencer, cette affaire ignorée de tous quand ces deux pêcheurs ont remonté dans leurs filets un énorme sac de toile estampillé DNC...

D'abord, ils ont pesté contre cette prise qui allait faire des putains de trous dans leurs filets fragiles et donc leur donner davantage de boulot, comme s'ils avaient besoin de ça. Déjà qu'avec toutes leurs conneries de pollution il n'y a plus de poissons à prendre mais que des emmerdements, alors des sacs de toile... Ensuite, ils ont été intrigués, mais ils ne s'en sont pas occupé de suite, ils avaient le reste du filet à remonter. Ils ont déposé le sac le long du pont en le laissant enchevêtré dans les mailles...
Une fois au port, ils ont rangé le tout en un joli terril sur le quai pour le faire sécher puis ils se sont assis les pieds dans le vide, une bière à la main et ils ont renversé le sac sur le pont de leur barcasse... Devant eux, répandus à leurs pieds nus: une paire de lunette de soleil à verres changeants Dolce Gabana dont une branche était cassée, deux ceintures Gucci en narval rose, devenues verdâtres, un bracelet Prada en poil de linotte bleue d'Alaska, une pochette Chanel en skaï du Tibet, en sale état, une partition plastifiée de Didier Barbeliv, deux robes de soirée roulées en boule étiquetées Versace, moches, une paire de chaussures à hauts talons, dont un cassé, Louboutin en peau de castor d'Adirondick, deux tee-shirts NYPD, Chri chri Audigier, d'une vulgarité crasse, un porte cigare Vuitton pour Partagas n°3 en peau de buffle de Tanzanie, tout froissé, une carte magnétique d'entrée à vie au Fouquet's, un boui boui des Champs, et deux cartes american express gold au nom de Nicolas Sar... Le reste était devenu illisible après le séjour parmi les girelles.
Ils ont trouvé aussi au fond du sac une liasse de lettres signées Cécil... La plupart des mots avait disparu, à cause du séjour dans l'eau, l'encre s'était diluée, mais sur celles du coeur du paquet, les mots n'étaient pas effacés. Il en restait trois ou quatre qu'on pouvait aisément lire. Comme les deux types n'avaient pas fréquenté longtemps l'école et qu'à Malte on ne parle pas français, ils les ont balancées à la poubelle avec tout ce qui avait été déglingué par la flotte et le sel. Ils n'étaient pas du genre à se poser mille questions. Ils étaient de ceux qui ne s'en posent aucune. Trop préoccupés de survivre. Rien sur ce que pouvait bien vouloir dire ce sac plein de ces objets de luxe. Rien sur les raisons, sans aucun doute de tristes raisons, qui avaient bien pu pousser à se séparer de tous ce fatras si personnel, si intime pour les lettres, rien sur les personnes à qui avaient appartenu ces objets. Mais ce sac revenu du fond des eaux en disait long sur la fin d'une histoire d'amour...

Ils n'ont gardé que lui qui leur semblait  un peu solide.
C'est sans doute pour toutes ces raisons qu'on a jamais entendu parler de cette histoire, ni à Malte, ni ailleurs. Les deux gars ont continué d'aller à la pêche tous les matins pour simplement gagner leur vie. Ou plutôt pour ne pas la perdre à rester à rien foutre assis sur le bord d'un quai. Même si désormais, il n'y avait presque plus rien à prendre en Méditerranée à part peut-être et de plus en plus souvent des gens prêts à mourir noyés pour garder l'espoir de vivre moins mal ailleurs que chez eux...




___ Dis moi, coco, mais personne n'en a jamais entendu parler de ce sac de toile. C'est dommage parce que ce serait la preuve qu'ils se sont bien engueulés sur leur gros bateau de nabab les deux zozos...
___ Tu sais que tu me fais rire, toi! La preuve tu l'as bien là: puisqu'on en a jamais entendu parler c'est bien qu'ils se sont vraiment bagarrés... 
Tu voudrais quoi de plus comme preuve? Les fringues? Les lettres? Le sac?

07 mars 2012

Sensass!

On va, ici, dépasser aujourd'hui, je pense, le cap des quarante huit mille pages vues...
48.000... La vache!



L'occasion tirée par les cheveux de vous remercier chaleureusement, visiteurs du matin, du midi et du soir, de prendre un peu de votre temps pour venir faire un tour ici...
Une pensée émue pour toutes  nos amies de passage du salon de l'agriculture qui ont dû, maintenant retrouver leurs prés, leurs champs, leurs étables et leur tranquillité!

05 mars 2012

Escroc?



Ce pourrait presque être un dessin de l'immense Sempé dont j'ai eu, la semaine passée, le bonheur d'admirer la très belle et généreuse exposition rétrospective à l'Hôtel de ville de... Paris...
En ville, j'ai aussi mangé avec L. et beaucoup de plaisir au café Blanc (10 Rue Croix des Petits Champs  75001 Paris) que je recommande chaleureusement...


Sempé pour le New Yorker...



03 mars 2012

Quatre saisons.

Tomber amoureux c'est comme un mal de tête: Ca vient et puis ça part.
Arno Chanteur belge.

C'est vers la fin d'un hiver qui avait été si rude que certains arbres s'étaient fendus en deux, ouverts en long, d'une crevasse, comme des fruits très mûrs, qu'il a débarqué dans le pays.
Il y avait encore, un peu partout sur les trottoirs, des tas de neige sale qui n'en finissaient pas de fondre. Ce n'était pas avec le froid qu'il faisait encore la nuit qu'ils allaient en être vite débarrassés. A chaque fois qu'Antonio en enjambait un, lui venaient des images de champs entiers recouverts d'une épaisseur de blanc et le bruit de pas crissant dans le silence. Mais à ces tas là, personne ne semblait s'y intéresser, comme si, finalement, on avait décidé d'attendre qu'ils disparaissent d'eux mêmes. Le camionneur qui l'avait amené jusque dans le bourg l'avait laissé dans le haut en lui disant d'aller rôder au Bar de la Gare, il savait qu'on y cherchait quelqu'un pour en remplacer un autre qui, un laid matin, avait levé le camp sans prévenir:
___Tu verras, ils ne sont pas chiens lui avait-il dit. C'est un couple, Pedro et Rose, les Pédrose on les nomme quand on parle d'eux, qui tient l'affaire. Je crois qu'ils ont même des chambres meublées à louer sous le toit. Ils les gardent pour les saisonniers. 
Il y est allé. Ils lui ont demandé s'il connaissait le métier, il a répondu : oui. Ça leur a suffi. Il n'a même pas voulu connaître le montant de son salaire. Comme s'il s'en moquait. En vrai, il s'en foutait. Complètement. Il s'est seulement renseigné sur la bibliothèque.
Ils ont juste ajouté : Il suffit que tu sois disponible et que tu n'envoies pas chier les clients. Il a commencé deux jours après. Pour s'installer dans la chambre, ce fut à la portée de tout voyageur. Il lui a suffi de lâcher son sac. On était le premier du mois et ça faisait un compte rond. Derrière le comptoir, il était efficace, rapide, prévenant mais ne parlait pas beaucoup, ainsi il disait moins de conneries qu'il n'en entendait. Mais il écoutait comme personne.
Avant d'attaquer au bar, il a écoulé sa première journée à la Bibliothèque municipale. Et c'est là que tout le temps où il est resté dans les parages il a passé le plus clair de son temps libre. Au début, on a cru que c'était pour Carmen-Lou, la bibliothécaire une jeune femme qui n'en finissait pas d'être mariée, d'une élégance imparable. Elle se serait mis des sacs poubelles sur le dos, on lui aurait demandé où les acheter. Elle en savait des kilomètres sur la littérature nord américaine, elle lui avait tout fait lire. Des grands maîtres aux singeurs (pour faire la différence, lui disait-elle).
Brune aux yeux d'un bleu de lac de montagne, aux cheveux noirs très courts qui faisaient encore rejaillir le bleu. Qu'elle soit sourde n'enlevait rien à son immense attraction. Bien au contraire, elle avait de fines mains joyeuses, dansantes, expressives, séduisantes et sans doute joueuses s'était-il dit très vite. Mais il ne se passa rien d'autre entre eux que des livres et leurs avis sur les livres. Pas des discours, des impressions. Oui, non, celui là m'a plu. Je l'ai relu dans la foulée, je n'ai pas aimé, rien de bien développé, il n'est pas allé assez au fond, il m'est tombé des yeux etc.
Mais non, il ne s'est rien passé d'amoureux entre eux parce que les deux s'y sont mis. Si elle n'a pas eu envie d'avoir à supporter d'être éconduite, elle vivait déjà tellement dans l'insatisfaction et lui n'avait même plus la force de séduire.
Bien sur, ils ont partagé quelques repas au cours desquels ils sont allés jusqu'à flirter gentiment mais ça leur a suffi, ils ne sont jamais allés plus loin. Il y en a toujours eu un qui a dit :
___ Il faut que je rentre, maintenant. À quoi l'autre a répondu:
___ Je te raccompagne.
Il savait quoi faire de ses journées, le bar, il savait quoi faire de ses nuits, les livres, il se regardait de temps en temps dans la glace abimée de la chambre et se disait qu'il avait tout pour n'être pas malheureux, pourtant. Certains jours de repos, et de beau temps, il partait un ou deux bouquins à la main et montait vers la collégiale d'où le regard embrassait une belle partie de la région. Une fois là-haut, il s'adossait à un chêne et lisait en entrecoupant sa lecture de regards vers le paysage en dessous de lui. Il s'amusait du vol tranquille d'un rapace au dessus des champs, des cris d'une fouine dans le lointain, des appels d'un geai dans le profond d'une haie. Puis, il assistait concentré, au coucher du soleil comme s'il s'était agi d'une personne. Quand il était bordé, lui redescendait se coucher aussi.
Tout ce qu'il espérait du côté de ses fringues c'est que son jean tienne. Qu'il soit habillé comme la chienne à Jacques le préoccupait le moins du monde... Il lavait, faisait sécher et remettait. En salle, il était tellement efficace qu'ils n'ont pas eu besoin d'embaucher d'extras et il a assuré tout l'été, seul. Il s'est aussi bien entendu avec les touristes hollandais qui venaient, en masse, nager nus dans la rivière, qu'avec les parisiens qui avaient une ancienne bergerie dans le coin. En fait, ce sont les gens qui s'entendaient bien avec lui. Comme il était souriant mais pas très curieux, ils se racontaient volontiers à lui. Et ils adoraient ça, les gens, se raconter... Il n'était pas rare de le voir après le service, endormi dans un fauteuil sur la terrasse. Quand le jour se pointait, il s'étirait, allait se passer de l'eau fraîche sur le visage et repartait pour une longue journée, comme si de rien n'était.
Et puis, les vacanciers sont partis, l'endroit a récupéré son calme d'avant la foule, les soirées sont devenues plus frisquettes, la nuit est venue plus vite, on est rentré plus tôt, on a changé de boissons, les feuilles ont commencé à jaunir, puis tomber. Déjà Novembre. Il n'a plus dormi sur la terrasse. Il s'est alors dit qu'il allait être temps de partir. Il s'est donné jusqu'aux premiers vrais froids. Il avait compris qu'ici, il ne se passerait rien d'autre que ce qui était arrivé. Tout en se félicitant de ce qui était arrivé. Une pause. Une simple pause. Mais il n'avait pas le sentiment d'avoir perdu son temps.
Il avait rencontré une fille qui s'appelait Carmen-Lou, il en connaissait maintenant un rayon sur la littérature nord américaine et il y avait appris une langue nouvelle. Celle des signes.
Si ça n'en était pas un...
Il s'est mis à réfléchir sur son prochain cap. Il se verrait bien faire de l'Ouest, s'approcher de l'Océan, des ses immenses dunes de sable fin, de ses colères d'hiver soudaines et fugitives, de ses fins de jour renversantes, de ses ciels de traîne à y nager... Il avait en tête que là-bas, les saisons y étaient plus douces à vivre. Il venait de passer environ une année dans les parages et ça suffisait. Tout en lui avait, désormais, besoin de douceur.
Quelques jours après son départ, en faisant le ménage dans la chambre, Rose qui n'y était pas entrée depuis qu'il s'y était installé, a trouvé dans le tiroir de la petite table de nuit un sac en plastique des mousquetaires duquel elle a sorti un paquet de lettres froissées et jaunies ainsi qu'un bracelet en or avec un prénom de femme gravé dessus...
Le tout était entouré d'une page écrite. Rose l'a dépliée et a lu:
« J'ai passé presque une année entière par ici. Je n'ai ni aimé, ni été aimé. Je n'ai pas non plus désiré, ni été désiré ou à peine. Je n'ai que très peu parlé de moi, je ne me suis pas emmerdé plus que ça avec vous autres. Mais je ne me suis soigneusement attaché à personne. Ni à l'endroit. Au moins, je n'ai pas souffert plus que d'habitude. Je peux laisser tout ça ici, il me semble que c'est fait, que je suis sur le chemin... C'est à la fin de l'hiver que je vais lever le camp de ce pays... Pour aller voir ailleurs si, par hasard, je ne m'y trouverais pas... »
Comme celui-là, d'hiver, avait été un peu plus doux que d'ordinaire, il n'y avait, dans les ruelles et même dans celles qui étaient le plus à l'ombre, aucun tas de neige sale, de celle qu'on enjambait avec dégoût, de celle qu'on voudrait oublier, comme une très ancienne blessure, aucune trace, nulle flaque,  de celle qui mettait un temps fou à fondre...

01 mars 2012

Gros blème...

Heure O  C’est fait nous venons d’amarsérir (Oui, à partir de maintenant c'est l'expression à employer... Dites? Vous y êtes allé, vous? Non? Bon alors...) Tout s’est bien passé. Nos craintes envolées, évacuées avec le calme revenu. Seule une vague odeur de chacal mort plane dans l'habitacle... C'est que trois mois de voyage sans douche, ça laisse des traces... Dehors, si l'on peut dire, la surface du sol semble plus molle que prévue. Nous attendons un bon moment que les poussières rougeâtres soulevées par l'amarssissage retombent. Dans l'ensemble, Bounty Two s’est bien comporté. Et pourtant, pour avoir tremblé, ça a tremblé. Bien plus qu’en simulateur. On leur dira aux culs posés.
H+1 C’est l’heure, nous allons tenter une première sortie extra Bounty Two.

H+2 Nous avons descendu l’échelle et nous sommes maintenant sur le sol martien. "Un petit pas pour Candy Sweet un grand pas pour etc." Elle l'a tellement répété dans le vestiaire... Nous regardons à l'entour de l'océan de rouges... Mais, nous sommes intrigués par ce que nous apercevons, au loin. Une forme étrange qui se dessine et que nous n'avons pas répertoriée sur nos tablettes.  Shirley Rose, la Capitaine qui est restée à bord de Bounty Two nous envoie jeter un oeil vers cette chose aperçue. L'occasion de mettre en route les jeep martiennes:
___ Soyez prudents! Recommande-t-elle. Une vraie petite couveuse  mère poule cette Shirley Rose...

H+3 Nous déployons les véhicules. Nous checkons la liste. Tout semble OK. Nous montons à bord. Et nous nous mettons en route. Si nous pouvions, nous nous pincerions. Nos combinaisons spatiales en kevlon sulfurisé hyper épaisses nous en empêchent.
___ Hey les gars, je capote, c’est bien nous qui avançons sur Mars en engins à roues!
Nous approchons de la forme entrevue...

H+4 J'entends dans mes écouteurs la voix déformée de Candy Sweet hurler:
 ___ Tu ne vas jamais le croire! Ce qu'on voyait, c'était, c'est... un arbre! Un arbre, un vrai. Avec des branches et des feuilles. Viens vite, approche! C'est même un cerisier avec des cerises naissantes dessus!

H+5 La surprise avalée avec le sang froid qui doit être le notre, je demande à Candy Sweet:" Tu en penses quoi?"
Après un temps de réflexion, elle lâche:
___ J'en pense, j'en pense qu'ils se sont plantés dans leurs calculs et que ce n’est pas sur Mars qu’ils nous ont posé ces peigne culs de blouses blanches, mais sur AVRIL... Se sont juste  gourrés d'un mois les intellos, voilà ce que j'en pense!
Candy Sweet avait toujours eu son franc-parler.

Huston, Huston chéri, on a, ici, un gros gros blème...  Préparez la génoise, on rentre...


Merci à Michel pour le nom du vaisseau...

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