29 septembre 2013

La chanson de Romain.

PETIT POEME DE SAISON...


Ô... J'aimerais tant qu’on se souvienne

De cette chanson qui était ancienne,
Qui parlait, je crois, de mauvais temps,
De feuilles mortes faisant des tas chiants

Trempés par la flotte en rideau qui coule
Dans les jardins désormais détrempés.
Et les manches des rateaux, des ampoules
Aux mains de qui va devoir les ramasser.

Pouvaient donc pas rester collées sur l'arbre,
Au lieu de nous obliger à, ainsi ratisser ?
Pouvaient donc pas rester de marbre,
Au lieu, de, si bêtement, dégringoler ?

Les mortes feuilles font juste leurs malines
A se mettre en bans serrés  sur les pelouses
Comme le beurre s’étend sur les tartines,
Ou le soupçon s'insinue dans les jalouses.

Mais le pire du pire, ce sont ces souffleuses,
Qui font, aux quatre coins, un barouf d'enfer,
En poussant au cul les pauvres tombeuses,
Qui finissent de planer comme ça dans l’air.

Heureusement, les feuilles jetées à terre
Inspirent de magnifiques et grandes chansons
Dont on sifflote longtemps, gentiment l’air
En ratissant le devant nos paillassons,

Alors, en nos souvenirs brumeux, reviennent
Celles de Gainsbourg, puis de Prévert et Kosma
Je dis ici qu’il serait bon qu'on se souvienne
De la très belle, que Romain Didier écriva...




22 septembre 2013

Parfois, je me demande...


Certains soirs de mauvaise mine je me demande ce que, dans une vie antérieure, j’ai bien pu faire pour avoir mérité d’être aussi con.
Oh je me rassure assez vite, je ne me le demande pas très longtemps non plus, puisque je suis… con.
C’est, finalement assez confortable comme état aussi ! Nous les cons nous souffrons très peu ou alors ça ne dure pas. Et puis, dans tout ce qui se passe, peu nous atteint. Nous ressentons des choses, nous ne sommes quand même pas insensibles, mais nous les oublions vite vite pour nous en  réjouir ou peiner d’autres, puisque nous sommes cons.
Nos tristesses, nos chagrins ne durent pas trop, nous passons à la suite, un nuage chasse l’autre, après la pluie, le va-t-en…
Mieux vaut être heureux que malheureux, n'est-ce-pas?
Bien sûr, nous oublions d’apprendre puisque nous sommes cons.
En revanche, nos ressentiments, nos aigreurs s’incrustent et nous endurcissent le cœur, nous finissons souvent par ne plus pouvoir aimer personne, pas même nous quels cons !
En toute situation, nous allons au plus facile, au plus droit de la ligne au moins contraignant, la vérité nous est docile puisqu’elle s’offre à nous en un instant. Elle est toujours là : c’est l’évidence, le bon sens, elle coule de source, elle est toujours claire et sans nuances… Pas de flou, pas de vague… En parlant de ça, la seule qu’on apprécie elle serait marine… Parce qu’elle nous dit qu’on pense…Tout bas, mais on pense…
Oui, j’aime l’ordre, aussi : il fait bon ménage avec la simplicité. Il faut que les choses soient bien rangées. C’est comme ça, il y a le supérieur et l’inférieur, le petit et le grand, le beau et le moche, l’homme et la femme etc etc. Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place et tout sera bien calé.
On n’y peut rien C’est la vie qui veut ça.
Le monde pour nous est une frontière : On est d’un côté OU de l’autre et voilà tout. N’allons pas chercher misère à quatorze heures laissons ça à tous les autres cons.
Pour ce qui est des autres, là encore c’est assez simple : On ne les aime pas trop. Enfin on a des préférences. Si je détaille, je me dis quand même que je préfère mon berger bien qu’il soit allemand à mon épicier turc mais si j’ai besoin d’un litre de lait, je vais plutôt aller chez mon épicier qui n’est pas comme tous les autres turcs.
En écrivant ceci, je ne juge pas, je ne condamne personne, je constate un poing c’est tout. Et je suis d’accord avec moi. C’est ce qui compte, au front.
Et c’est vraiment tout, il n’y a rien derrière, pas de digression, pas de lien à faire, ni d’exemple à ne pas suivre puisque je suis…

Vous êtes gentils de me dire : Mais non, mais non tu te fais du mal, tu ne l’es pas vraiment… Tu es juste un peu en colère, tu te sens un peu perdu, demain te fiche la trouille, en vrai tu es un gentil… Oui, d'accord, peut-être, mais moi je le sais que je le suis pas trop gentil... Au fond, faut quand même pas trop  m'emmerder, si on me cherche on me trouve, puisque personne ne le fait, je le fais moi-même... Je me connais bien plus que vous autres! Je me supporte! 
Et, figurez vous que je n’en démordrais pas.  Qu’est ce que vous croyez je ne suis pas non plus du genre à changer d’avis… Et puis, je le vois bien, on est de plus en plus nombreux à penser ça. Il doit bien y avoir une raison, non?
Qu'on le veuille ou non, c'est comme ça et pas autrement….
Pourquoi changer quoi ?


18 septembre 2013

Tombé, l'amoureux


Un homme amoureux ça se reconnaît. De loin. 
C’est bienveillant, ça se tient un peu plus droit, ça marche plus vite, c’est distrait et ça sourit bêtement.
C’est donc un homme amoureux qui a enfourché sa moto ce matin là.
Ils s’étaient rencontrés presque un mois auparavant dans une salle de restaurant. Lui devait y manger avec des amis qui lui ont fait faux bond, elle, elle a attendu quelqu’un qui n’est pas venu. Le destin, quand il s’en mêle sait comment s’y prendre. Ils étaient à une table l'un de l'autre. Ils se sont souris puis ils ont mangé ensemble et ils ont très peu parlé. Ils se sont séduits et en une semaine c’était plié, ils entraient dans le monde merveilleux, au moins au début, des gredins amoureux. La ville où ils vivaient était devenue souriante, tous les restaurants étaient accueillants et ils s'y régalaient en se regardant dans le blanc des yeux avec une telle intensité qu'ils manquaient parfois de croquer dans l'assiette. Bien sûr tous les films qu’ils voyaient étaient superbes même s'ils n'en regardaient pas longtemps: un peu après le générique ils étaient déjà dans le cou l'un de l'autre. La seule vue de deux pigeons roucoulant dans un parc leur provoquait des soupirs d’aise, des regards énamourés et des désirs d'embrassades…  
C'est dire à quel point ils étaient contaminés.
Tout ou presque de ce qu’elle faisait, disait, pensait, portait était magnifique, sublime, si drôle, séduisant, charmant, comme ça te va bien cette jolie robe et l’inverse presque pareil. Elle, elle qui avait un peu tiré le frein à main au départ, elle sortait d’une rupture qui l’avait profondément blessée, elle n'était pas prête à revivre certaines situations mais finalement, elle s’était laissée emporter par l'orage et ses éclairs tonitruants. Elle le trouvait amusant, sensible, fort, protecteur, beau, prévenant, à l’écoute... Il la faisait tellement rire avec ses vêtements qu'il jetait négligemment n'importe où et puis ce désordre qu'il savait créer en un tour de mains... Ce gars m'offre une fleur par jour tu te rends compte? Bref, il était vite devenu l'homme parfaitement IDEAL. 
Et elle était très heureuse d’avoir su poser son cœur dessus !
Dans deux jours, ça ferait un mois qu’ils habitaient ensemble. Un joli petit nuage au quatrième sans ascenseur. En dehors de leurs boulots, ils n’en descendaient que très rarement. Ils allaient faire prendre l’air à leur bonheur tout neuf et puis ils rentraient. Ils avaient déjà repeint la chambre et allaient s’attaquer à la cuisine. Ils étaient encore mieux ensemble qu’aux premiers jours. Un mois… Il fallait fêter ça. Une course à faire avait-il dit. Elle avait été étonnée qu’il sorte sans lui proposer de l’emmener… Eux qui ne se quittaient que très rarement. J’en ai pour une heure avait-il dit… Puis il était sorti.
Il a garé son engin devant la bijouterie qu’ils avaient repérée ensemble dans le quartier voisin. Il en est descendu, il a traversé le trottoir en volant à dix centimètres au-dessus du bitume. Puis, il a poussé la porte. C'est en pleine poitrine qu'il a reçu la première volée de plombs. La deuxième lui est arrivée dedans quand il était à terre.
Tout à son affaire, il n’avait pas pris le temps d’enlever son casque. Un homme amoureux c’est souvent distrait. Il est mort pendant son transfert à l’hôpital. Le bijoutier n’avait pas voulu ça mais vous comprenez, de nos jours, j’ai eu peur, ce type, dans la boutique, avec son casque…

Depuis qu'on avait, dans ce pays, autorisé les commerçants à avoir un fusil sous leurs caisses, ils ne s'en privaient pas et, encouragés par les hurlements de beaucoup, ils dégommaient à peu près tout ce qui ne leur revenait pas. 
Ainsi, notre jeune étourdi était le troisième qui tombait, criblé, dans une mer de sang, sacrifié au champ d'amour…


Ecrire fatigue.


Pour les Impromptus littéraires de la semaine. Le thème était la fatigue.

Fatigue (Une pensée pour Jean-Claude Izzo).

___ Dis qu’est-ce-que tu dirais de :
« J’aime bien être fatigué ça me repose… *»
C’est pas mal mais, Jean Claude, mais tu peux faire mieux, je le sens. Ne me demande pas pourquoi, je le sens, je le sais. Comme si j’avais accès à des choses que tu ignores. Tu peux faire plus court, plus ramassé, plus criant, plus puissant, plus…
Oh oh te fatigue pas, j’ai compris, tais-toi un peu, je cherche…
Les deux types, enveloppés dans le chant des cigales, étaient attablés sous une tonnelle à l’ombre dense devant le paysage à bader de la calanque de Port-Miou, à portée de tir de Marseille.
Devant eux, sur la petite table bancale étaient posés un plat de terre cuite recouvert d’un torchon blanc qui protégeait des mouches cinq ou six brousses fraiches du Rove et une ou deux  bouteilles de rosé en attente. Dans leurs mains, des verres encore pleins de cinquante et un épais. De la minuscule cuisine du cabanon leur arrivaient les odeurs des poissons, maintenant grillés, qu’ils étaient allés pêcher à l’aube avec le pointu bleu.
Au-dessus de l’ombre, le soleil frappait à pleins rayons, mais la vigne vierge les protégeait. En bas, dans le creux de la calanque quelques baigneurs chahutaient en criant. Bien qu’on soit en Juin, il y avait encore pas mal de monde allongé sur le sable. Ce n’était rien à côté d’Aout mais quand même.
Jean-Claude venait de terminer d’écrire un recueil de nouvelles sur lequel il avait passé ses nuits entières, sur lequel il avait sué sang et eau. Un recueil qui lui avait donné du mal comme un champ en pente à labourer. Une de ses dernières phrases en était : Plus on va au bout des choses et plus la différence entre le bonheur et le malheur s’estompe. Il en était épuisé. Son éditeur attendait le titre définitif pour en démarrer l’impression.
Mine de rien ces deux là, sous la tonnelle, leurs verres à la main, travaillaient. Ils bossaient mais ils savaient bien vivre et se nourrir de gourmandise dans un magnifique cadre faisait partie de leur travail. En plus, ils étaient ici chez eux depuis belle lurette puisqu’ils avaient couru dans les pierres et qu’ils s’étaient baignés dans le turquoise depuis qu’ils étaient en âge de courir ou de nager. Il leur arrivait d’entendre les cris qu’ils avaient poussés en cavalant dans la garrigue de cette calanque, ils connaissaient tous les rochers d’où sauter ou plonger dans le bleu profond.
Après une gorgée de rosé frais comme une source, Jean-Claude s’est pris la tête à deux mains et lentement a dit :
Ça y est, j’ai trouvé...
___Hé bé vé, je te le disais que tu allais pondre un plus bel œuf ! 
Alors, j’écoute :
___ Ce sera : Vivre fatigue.

L’autre est resté sans voix puis il a pris son portable et a appelé l’imprimerie…


* François Beaune...

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